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HĂȘtre tortillard

Le HĂȘtre tortillard (Fagus sylvatica groupe Tortuosa) est un hĂȘtre caractĂ©risĂ©[1] - [2] par un tronc tortueux et des branches et rameaux tordus et retombants qui lui donnent un port particulier comme un parasol. La croissance d'un hĂȘtre tortillard est trĂšs lente.

HĂȘtres tortillards Ă  Bad Nenndorf en Basse-Saxe

« HĂȘtre » est un terme d'origine germanique (du francique *haister[3]. De nombreux noms locaux du hĂȘtre sont quant Ă  eux issus du mot latin fagus. Ainsi, on l'appelle, selon les rĂ©gions : fau, fayard, fayaud, etc. (pluriels : des faux, des fayards, des fayauds, etc.).

En général un fau ne dépasse pas quatre à cinq mÚtres de haut. En été, il étale ses feuilles en un parasol trÚs dense, pouvant aller jusqu'à former une sorte d'igloo de feuilles. En hiver, son architecture tourmentée se dévoile : troncs et branches tordus, coudés, torsadés, branches terminales retombant jusqu'au sol.

Ces arbres donnent ainsi leur nom au site touristique des faux de Verzy, situĂ© en France sur la partie nord-est de la montagne de Reims, au sud de Reims dans la Marne, oĂč l'on trouve la plus grande concentration mondiale de hĂȘtres tortillards, estimĂ©e Ă  environ un millier d'individus.

Des cultivars

On a cru qu'il s'agissait d'une forme ou d'une variĂ©tĂ© naturelle de Fagus sylvatica (le hĂȘtre commun) de faible hauteur. Leur nom scientifique fut alors :

  • Fagus sylvatica f. tortuosa (PĂ©pin) Hegi

ou

  • Fagus sylvatica var. tortuosa Dippel.

À l'heure actuelle, ce groupe est considĂ©rĂ© comme un cultivar (Fagus sylvatica 'Tortuosa') ou plutĂŽt un groupe de cultivars (Fagus sylvatica groupe Tortuosa). On peut en voir aussi dans de nombreux jardins botaniques, dans certains parcs publics et chez certains horticulteurs qui les proposent Ă  la vente.

Diverses hypothÚses ont été avancées pour expliquer son origine : accommodat, dérive génétique (consanguinité), induction virale (ou bactérienne), responsabilité du régime alimentaire sur les modifications géniques (notion de génotrophe), ou plus probablement mutation spontanée[4].

C'est un groupe rare que l'on trouve en nombre dans les bois de Verzy, prĂšs de Reims. Les faux de Verzy sont une attraction touristique de la montagne de Reims, connus depuis le VIe siĂšcle, mais il des hĂȘtres tortillards existent aussi :

  • en Moselle, dans la forĂȘt de RĂ©milly oĂč l'un d'entre eux est appelĂ© Joli Fou (qui a d'ailleurs donnĂ© son nom Ă  l'Ă©cole Ă©lĂ©mentaire du village), ainsi qu'un seul exemplaire Ă  L'HĂŽpital ;
  • dans les Vosges, divers exemplaires protĂ©gĂ©s par l'ONF depuis 1994 dans la forĂȘt de Sionne et de FrebĂ©court ;
  • en AriĂšge, au-dessus de Le Castelet (Ă  cĂŽtĂ© de Perles-et-Castelet), une trĂšs importante colonie a Ă©tĂ© repĂ©rĂ©e par un botaniste amateur (identification Ă  confirmer, donc) ;

Ils sont trop peu nombreux pour assurer leur pĂ©rennitĂ© comme dans une hĂȘtraie. Ce n’est pas le cas des faux de Verzy, en particulier depuis qu'un sentier amĂ©nagĂ© permet de les admirer, protĂ©gĂ©s par des barriĂšres en rondins, sans que le piĂ©tinement leur soit nuisible. Une rĂ©serve clĂŽturĂ©e permet de prĂ©server une partie du peuplement. Fin 2007, une population relativement importante (une vingtaine d'individus) a Ă©tĂ© dĂ©couverte en Auvergne, dans la chaĂźne des Puys[5]. Plus rĂ©cemment encore, un groupe d'une vingtaine d'individus a Ă©tĂ© authentifiĂ© en LozĂšre. Toutefois avec plus de 1 000 individus, la forĂȘt domaniale de Verzy est la principale rĂ©serve mondiale de faux.

On estime en gĂ©nĂ©ral que la longĂ©vitĂ© du tortillard est identique Ă  celle du hĂȘtre commun, soit de l'ordre de 300 ans.

En Allemagne, le « mystĂšre Â» de ces arbres (SĂŒntelbuche) est aussi Ă©voquĂ© : La cause de l'Ă©trange croissance des tortillards est un secret inexpliquĂ© Ă  ce jour. Pour la croissance, ont Ă©tĂ© rendus responsables la nature du sol, sa composition chimique, la prĂ©sence de substances radioactives dans les eaux, le climat, des mĂ©tĂ©ores radiants, la forme et la position des bourgeons, des cavitĂ©s souterraines avec courants d'air ou des rayonnements telluriques. Il y eut une prĂ©somption que les arbres Ă  « balai de sorciĂšre Â» pourraient engendrer encore des tortillards. En outre, le manque temporaire d'eau chez les jeunes plants a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme pouvant ĂȘtre pris en considĂ©ration pour expliquer l'accroissement des malformations; Mais toutes ces spĂ©culations n'ont pas fait leurs preuves.

Biologie

Les hĂȘtres tortillards, comme les hĂȘtres communs, font partie de la famille des FagacĂ©es. Leurs particularitĂ©s sont, outre la forme :

  • la longĂ©vitĂ©. Pas 800 ans, comme cela a Ă©tĂ© avancĂ©, mais des comptages de cernes de croissance ont donnĂ© 350 ans Ă  Verzy. Certains ont pu vivre 500 ans.
  • la capacitĂ© d'anastomose (soudure des branches, mĂȘme entre arbres diffĂ©rents ou entre fau et chĂȘne).
  • la capacitĂ© de marcottage.
  • la raretĂ© et le manque de fertilitĂ© de la mise Ă  graines (un an sur cinq Ă  sept, taux de germination infĂ©rieur Ă  10 %). De plus, les graines ne donnent que 40 % environ de faux.

La mutation gĂ©nĂ©tique est actuellement l'hypothĂšse la plus probable concernant le phĂ©nomĂšne « tortillard »[6]. Survenue spontanĂ©ment ou peut-ĂȘtre induite par un pathogĂšne il y a plusieurs siĂšcles, la mutation serait stable et hĂ©rĂ©ditaire selon Rol[7].

F. Lange[8] propose l'hypothĂšse d'une mutation rĂ©cessive, se fondant sur l'apparition dans une forĂȘt de hĂȘtres communs voisine d'un ancien peuplement de faux disparus, de semis spontanĂ©s de phĂ©notype tortillard. Il y a alors extĂ©riorisation du caractĂšre rĂ©cessif prĂ©sent chez des hĂ©tĂ©rozygotes de phĂ©notype HĂȘtre commun.

L'hypothĂšse de l'accommodat, transformation due aux contraintes exercĂ©es par le milieu, encore en vogue dans la rĂ©gion, ne peut ĂȘtre retenue : elle n'est pas gĂ©nĂ©tiquement stable ; les tortillards transplantĂ©s de Verzy dans d'autres milieux ou greffĂ©s sur hĂȘtre commun, en conservent l'aspect tourmentĂ©.

Le sol de Verzy, peu favorable Ă  la vĂ©gĂ©tation, aurait-il pu entraĂźner l'induction d'une lignĂ©e de phĂ©notype distinct de celle d'origine et gĂ©nĂ©tiquement diffĂ©rente[9] ? Non, car alors pourquoi tous les hĂȘtres de Verzy ne sont-ils pas tortillards ?

L'hypothĂšse d'un pathogĂšne ayant induit une mutation est compatible avec la prĂ©sence Ă  Verzy de quelques spĂ©cimens tortillards de chĂȘnes Quercus petraea et de chĂątaigniers Castanea sativa. Toutefois, l'analyse microscopique photonique et Ă©lectronique Ă  transmission menĂ©e par Audran[10] en 1985 n'a pas permis d'y dĂ©celer la prĂ©sence active de virus ou de mycoplasmes.

Sur le mĂȘme site, de curieux arbres de phĂ©notype tortillard dont une branche prĂ©sente un retour stable au phĂ©notype commun peuvent ĂȘtre observĂ©s ; de façon surprenante, leur nombre semble s'ĂȘtre accru au cours des derniĂšres annĂ©es. Ces « hĂȘtres chimĂšres » sont aussi nommĂ©s « rĂ©vertants ». Ces observations de rĂ©versions relativement frĂ©quentes suggĂšrent, a contrario de l'hypothĂšse initiale de Rol, que la mutation serait instable et probablement due Ă  un Ă©lĂ©ment gĂ©nĂ©tique mobile (transposon)[11].

L'Ă©tude comparative des ADN de hĂȘtres communs, tortillards, pourpres et pourpre tortillard (un spĂ©cimen Ă  SĂŒntel) des sites de Verzy et SĂŒntel par Anita Gallois[12] du laboratoire de biologie et physiologie vĂ©gĂ©tale de l'UniversitĂ© de Reims en 1998 a permis de montrer que les diffĂ©rences morphologiques Ă©taient bien dues Ă  un facteur gĂ©nĂ©tique, confortant l'hypothĂšse d'une mutation. Le sĂ©quençage complet et la comparaison des gĂ©nomes des hĂȘtres commun et tortillard devrait permettre de trancher dĂ©finitivement la question[13].

Galerie

HĂȘtres tortillards Fagus sylvatica 'Tortuosa'

  • À Gremsheim (Allemagne)
    À Gremsheim (Allemagne)
  • À Gremsheim (Allemagne)
    À Gremsheim (Allemagne)
  • À Bayeux (France)
    À Bayeux (France)
  • À Bad MĂŒnder am Deiste (Allemagne)
    À Bad MĂŒnder am Deiste (Allemagne)
  • Dans un parc public Ă  Lauenau (Allemagne)
    Dans un parc public Ă  Lauenau (Allemagne)
  • À Verzy (France)
    À Verzy (France)

Notes et références

  1. Bernard ThiĂ©baut, Document d’identification des hĂȘtres tortillards, avec Tela botanica. Des informations complĂ©mentaires sont disponibles via le projet Recherche des hĂȘtres tortillards
  2. Guilet, Jean-Pierre, Comment reconnaĂźtre un hĂȘtre tortillard (PDF, 479.1 Ko)
  3. Henriette Walter, Pierre Avenas, La Majestueuse Histoire du nom des arbres, .
  4. Eric Teissier du Cros, Le HĂȘtre, Ă©ditions QuĂŠ, , p. 42
  5. tela.botanica.org, 26 juin 2008
  6. (en) Jean-Louis Druelle, Jean-Claude Audran et Jacques Bierne, « L'aptitude des hĂȘtres tortillards Ă  la rĂ©version indique qu'ils rĂ©sultent d'une seule mutation Ă  effet morphogĂ©nĂ©tique plĂ©iotrope », Acta Botanica Gallica, vol. 140, no 6,‎ , p. 715–715 (ISSN 1253-8078 et 2166-3408, DOI 10.1080/12538078.1993.10515659, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. Rol R. (1955) Les faux de Verzy. Bull. Soc. Bot. France. 102 : 25-29
  8. Friedrich Lange: Morphologische Untersuchungen an der SĂŒntelbuche. In: Mitteilungen der Deutschen Dendrologischen Gesellschaft. Ulmer, Stuttgart-Hohenheim 1974,67, S.24-44. ISSN 0070-3958
  9. Mercier J. et Capet H. (1987) Les faux de Verzy. L'Ă©cho de la forĂȘt. 1 bis
  10. Audran J.C. (1985) Apport Ă  la connaissance des HĂȘtres et des ChĂȘnes tortillards de la forĂȘt domaniale de Verzy. Étude anatomique, histologique et cytologique de l'appareil vĂ©gĂ©tatif aĂ©rien. Rapport pour le Parc de la Montagne de Reims
  11. Jacques Bierne, « RĂ©versions de Faux de Verzy en hĂȘtres communs d’Europe : de l’observation Ă  la formulation du processus gĂ©nĂ©tique », Rendez-vous techniques de l’ONF, Office national des forĂȘts, no 56,‎ , p. 67-74 (ISSN 1763-6442, lire en ligne AccĂšs libre [PDF])
  12. A. Gallois, J.-C. Audran, M. Burrus, Assessment of genetic relationships and population discrimination among Fagus sylvatica L. by RAPD, Theo Appl Genet, 97, 1998, p. 211- 219
  13. « Montagne de Reims : le mystĂšre des Faux de Verzy », sur Office national des forĂȘts, (consultĂ© le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Georges H. Parent, « Les HĂȘtres tortillards, Fagus sylvatica L. var. tortuosa PĂ©pin, de Lorraine, dans leur contexte europĂ©en », Ferrantia, vol. 48,‎ , p. 8-70 (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Jean-Louis Druelle, Jean-Claude Audran, Jacques Bierne, « L'aptitude des HĂȘtres tortillards Ă  la rĂ©version indique qu'ils rĂ©sultent d'une seule mutation Ă  effet morphogĂ©nĂ©tique plĂ©iotrope », Acta Botanica Gallica, vol. 140, no 6,‎ , p. 715 (DOI 10.1080/12538078.1993.10515659, lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Katia Collinet, L'arbritude, Bookelis (auto-Ă©dition), , 258 p. (ISBN 979-10-227-4092-0) — LĂ©gendes, histoire de la forĂȘt de Verzy et problĂ©matiques scientifiques rencontrĂ©es par les chercheurs sur le pourquoi et le comment des formes remarquables de ces arbres. (Livre trĂšs bien sourcĂ©.)
  • J.M. Besnier, Etienne Klein, HervĂ© Le Guyader et Heinz Wismann. « La Science en Jeu », Actes Sud, 2010.
  • B. Demesure, B. Comps, B. Thiebaut, G. BarriĂšre et J. Letouzey, Les hĂȘtres tortillards en Europe occidentale. Aspects gĂ©nĂ©tiques , Annales des Sciences ForestiĂšres 52, Elsevier, INRA, 1995, (Site Hal lire en ligne, consultĂ© le 13 dĂ©cembre 2022.) p. 103-115.
  • Euphorbe, SociĂ©tĂ© d’études des sciences naturelles de Reims, bulletins trimestriels no 6 1993, p. 11-14; no 12 octobre 1981; no 7 juin 1980 (lire en ligne) — Nombreux auteurs, citations depuis 1848.
  • A. Gallois, Jean-Claude Audran (Directeur de thĂšse), Vers la discrimination des hĂȘtres communs (Fagus sylvatica L.) et des hĂȘtres tortillards (Fagus sylvatica L. var tortuosa PĂ©pin) : Études cytologiques et molĂ©culaires au sein de l'espĂšce Fagus sylvatica, UniversitĂ© de Reims, « Fiche Inist CNRS » (lire en ligne)
  • (en) A. Gallois, M. Burrus et S. Brown, Evaluation of the nuclear DNA content and GC percent in four varieties of Fagus sylvatica, Ann. For. Sci. 56, 1999, p. 615-618.
  • (en) A. Gallois, J.-C. Audran et M. Burrus, Assessment of genetic relationships and population discrimination among Fagus sylvatica L. by RAPD, (TAG) Theoretical and Applied Genetics, Vol. 97, No 1-2, (lire en ligne) p. 211-219.
  • Geneau de La MarliĂšre et J. Henrot, intervention orale au sujet des faux, Bull. de la SociĂ©tĂ© d'Études des Sciences Naturelles de Reims, T.2, 1896.
  • DA. Godron, Les hĂȘtres tortillards des environs de Nancy, MĂ©moires de l'AcadĂ©mie de Stanislas (1869), Nancy, Sordoillet et Fils, 1870.
  • J. Henrot, Contribution Ă  l'Ă©tude des faux de Saint-Basle ou hĂȘtres tortillards de la Montagne de Verzy, Bull. de la SociĂ©tĂ© d'Études des Sciences Naturelles de Reims, .
  • H. Parent, Les HĂȘtres tortillards, Fagus sylvatica L. var. tortuosa PĂ©pin, de Lorraine, dans leur contexte europĂ©en, Luxembourg, Ferrantia, no 48, 2006 « MNHN » (en ligne)
  • E. Teissier du Cros, Le hĂȘtre, Paris, INRA, , 613 p..
  • B. Thiebaut, P. Bujon, S. Haddad, B. Campos et J. Mercier, Morphologie et architecture des hĂȘtres tortillards Ă  Verzy (Fagus sylvatica var.tortuosa), Canadian Journal of Botany. 1993, vol. 71, no 6, « Fiche Inist CNRS » (lire en ligne) p. 848-862.
  • B. Thiebaut, O. Garniaux, B. Comps et C. Muller, Descendances maternelles de hĂȘtre tortillard (Fagus sylvatica L. var. tortuosa PĂ©pin); dĂ©veloppement au cours des quatre premiĂšres annĂ©es: I. fertilitĂ©, vigueur et apparition du phĂ©notype tortillard , Canadian Journal of Botany, 1998.
  • B. Thiebaut, B. Bujon, B Comps, J. Mercier, DĂ©veloppement rĂ©itĂ©ratif des hĂȘtres tortillards (Fagus sylvatica L. var tortuosa Pepin), Comptes rendus de l'AcadĂ©mie des sciences. SĂ©rie 3, Sciences de la vie, 1992, vol. 315, no5 « Fiche INIST CNRS » (lire en ligne), p. 213-219.
  • B. Thiebaut, B. Comps, B. Demesure, J. Mercier, RĂ©flexions de quatre biologistes pour sauvegarder la population des hĂȘtres tortillards Ă  Verzy.

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