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Guerre entre la dynastie Zhou et l'État de Chu

La guerre entre la dynastie Zhou et l'État de Chu est un conflit militaire entre la dynastie Zhou, alors dirigĂ©e par le roi Zhao, et l'État de Chu, qui dure de 961 Ă  [4]. Le roi Zhao dirige personnellement au moins deux grandes campagnes contre le Chu et d'autres États et tribus de la rĂ©gion du centre du bassin du Yangzi Jiang, conquĂ©rant initialement les terres situĂ©es au nord du fleuve et de la vallĂ©e de la riviĂšre Han. Finalement, les Zhou subissent une dĂ©faite Ă©crasante, la moitiĂ© de leurs forces armĂ©es ainsi que le roi Zhao sont tuĂ©s, et perdent par la suite le contrĂŽle de la quasi-totalitĂ© du territoire conquis[21]. Cette guerre met fin Ă  l’ùre d'expansion de la dynastie des Zhou occidentaux, qui sont forcĂ©s d'adopter une posture dĂ©fensive contre des agresseurs Ă©trangers[21]. Dans le mĂȘme temps, le Chu consolide son indĂ©pendance de facto et continue de gagner en puissance, au point de devenir l’un des États les plus puissants de Chine[22].

Guerre entre la dynastie Zhou et l'État de Chu
Informations générales
Date vers 961–[1]
(4 ans)
Lieu Hubei[2]
Issue Victoire décisive du Chu[3][4]
Changements territoriaux La dynastie Zhou conquiert la rĂ©gion situĂ©e au nord du fleuve Yangzi Jiang et Ă  l'est de la riviĂšre Han. Les États et peuples situĂ© au Sud du Yangzi et Ă  l'ouest de la Han restent politiquement et culturellement indĂ©pendants[5].
Belligérants
Dynastie Zhou[3]
  • État de Xin[6]
  • État de Cai[6]
  • État de E[7]
  • État de Zeng[7]
  • État de Deng[2][8]
  • État de Fang[2]
  • État de Guo[9]
État de Chu[3][10]
  • 26 État de la vallĂ©e de la riviĂšre Han[11]
  • État de Hufang[12]
  • État de Xian[8]
Commandants
Zhou Zhaowang†[1]
Ministre Xin Yumi[13][14]
Bo Maofu[2]
Duc de Cai†[6]
Baron de Guo[15]
Baron de Nan[16]
Scribe YĂŒ[8]
Hongshu[15][17]
"L'Aßné de Chu"[17][note 1]
Forces en présence
les "Six Armées de l'Ouest" des Zhou[3], soit :

Les armées de Xin et Cai

  • approx 4000 soldats [20]
inconnues
Pertes
ExtrĂȘmement lourdes, probablement plus de 12 000 morts[3]inconnues

Contexte

La région du centre du bassin du Yangzi Jiang

Deux sites archéologiques importants de 1500 à , Panlongcheng et Wucheng sont au sud de la carte.

La guerre a eu lieu dans la rĂ©gion correspondant au centre du bassin du Yangzi Jiang, qui est une zone de marais, marĂ©cages et montagnes, mais surtout une zone trĂšs fertile[23] et extrĂȘmement riche en minerais comme l'or[24], le cuivre et l'Ă©tain[21]. En raison de sa richesse naturelle, la rĂ©gion a non seulement engendrĂ© plusieurs cultures nĂ©olithiques trĂšs dĂ©veloppĂ©es[23], mais a Ă©galement attirĂ© l’attention des peuples vivant dans la Plaine centrale. Par la suite, de nombreuses cultures du nord ont tentĂ© de s’étendre dans la rĂ©gion du centre du bassin du Yangzi Jiang dans le but d’exploiter ses matiĂšres premiĂšres.[21]. Les intrus du Nord les plus importants et les plus prospĂšres appartenaient Ă  la culture d'Erligang, communĂ©ment associĂ©e Ă  la dynastie Shang. Les Shang semblent avoir pris le contrĂŽle de vastes Ă©tendues de la rĂ©gion vers [21], mĂȘme s'ils ne contrĂŽlent jamais tout l'est du Hubei[25]. Depuis Panlongcheng, le site qui est leur centre politique local, les habitants du Nord dominent politiquement et culturellement la population locale[23], tout en exploitant les gisements du centre du bassin du Yangzi Jiang afin d'alimenter la production d'objets en bronze des villes Shang situĂ©es dans la plaine centrale[21]. Les mines les plus importantes sont TonglĂŒshan et Tongling Ă  Huangshi, toutes deux situĂ©es directement au sud du Yangzi[26]. Selon certaines sources historiographiques tardives, les Shang ont Ă©galement crĂ©Ă© plusieurs petits États dans la rĂ©gion, dont E et Zeng. [27]

AprĂšs une centaine d'annĂ©es, l'hĂ©gĂ©monie Shang semble faiblir : le nombre de sites contrĂŽlĂ©s par Erligang dans la rĂ©gion commence Ă  diminuer fortement Ă  la fin du XVe siĂšcle av. J.-C.[23], et Panlongcheng est complĂštement abandonnĂ© quelque temps aprĂšs l'an [28]. Les derniers centres dĂ©pendants d'Erligang, tels que Tonggushan, prĂšs de Yueyang, semblent passer sous le contrĂŽle des populations locales et probablement devenir indĂ©pendants de la dynastie Shang[23]. Bien que la domination des Shang sur l'est du Hubei s'effondre au XIVe siĂšcle av. J.-C., les inscriptions prĂ©sentes sur des Os oraculaires signalent la prĂ©sence de quelques enclaves fidĂšles aux Shang dans le Hubei, telles que E, Zeng et ChĂŒ, ainsi que de nombreuses campagnes militaires lancĂ©es contre les peuples du Sud. Ces campagnes n’ont probablement eu que peu de succĂšs et peu d’effets, de sorte que la dynastie Shang n’a plus jamais rĂ©ussi Ă  reprendre le contrĂŽle du sud[29]. NĂ©anmoins, la prĂ©sence continue de la dynastie Shang dans le sud, mĂȘme affaiblie, va devenir par la suite cruciale pour l'expansion vers le sud de la dynastie Zhou.

La fin de l'hĂ©gĂ©monie Shang laisse probablement un vide politique dans la rĂ©gion du Yangzi Jiang. Les dĂ©couvertes archĂ©ologiques ne montrent aucune unitĂ© culturelle dans la rĂ©gion aprĂšs la pĂ©riode d'Erligang, ce qui rend peu probable l'existence d'un pouvoir plus grand et centralisĂ© succĂ©dant Ă  celui des Shang[23]. À la place de l'influence septentrionale, la puissante culture Wucheng commence Ă  s'Ă©tendre depuis le Jiangxi vers la rĂ©gion du centre du bassin du Yangzi Jiang, bien que le peuple Wucheng n'ait probablement jamais dominĂ© politiquement la rĂ©gion, contrairement Ă  la dynastie Shang[30] [31]. NĂ©anmoins, la fin de l'autoritĂ© centrale n'entraĂźne pas de rupture culturelle ou technologique dans la rĂ©gion. Au lieu de cela, la fin du rĂšgne des Shang permet l’émergence de plusieurs centres de pouvoir locaux, petits mais trĂšs dĂ©veloppĂ©s, ce qui conduit probablement Ă  «un Ă©panouissement de la civilisation Ă  ce stade»[30]. En grande partie libĂ©rĂ©s de la domination Ă©trangĂšre, ces centres politiques deviennent Ă©conomiquement, technologiquement et politiquement trĂšs avancĂ©s[32] [33], pendant que leur puissance militaire augmente significativement[29]. C'est ainsi que, face aux derniers rois de la dynastie Shang, les peuples du Yangzi font preuve d’une grande rĂ©silience et de capacitĂ©s martiales remarquables[29].

Trois de ces États du Yangtzi seraient impliquĂ©s dans la guerre qui a lieu de 961 Ă  957 avant notre Ăšre : le Chu ou "Jing-Chu"[34] [23], le Hufang, [21] et le Xian[27]. Toutefois, on ne peut pas dĂ©duire de documents archĂ©ologiques ou d’archives d'Ă©poque les lieux oĂč se trouvaient ces entitĂ©s politiques ou la forme qu’elles prenaient. Par consĂ©quent, toutes les informations concernant ces rĂ©gimes qui sont exposĂ©es dans la suite de cet article font l’objet d’un dĂ©bat et reposent sur des interprĂ©tations[21] [35] [36].

  • Chu est sans doute le plus important et probablement le plus puissant des États de ce groupe. Alors que ses dirigeants tardifs prĂ©tendent ĂȘtre issus de la lĂ©gendaire dynastie Xia du Nord de la Chine, le Chu est probablement une confĂ©dĂ©ration tribale autochtone influencĂ©e par la culture du Nord qui a Ă©mergĂ© aprĂšs la fin de la domination de la rĂ©gion par les Shang[34] [37] [36]. À l'origine, le peuple Chu s'Ă©tait installĂ© le long des rives de la riviĂšre Dan, dans le sud du Henan. À un moment, probablement avant le dĂ©but de la guerre contre le roi Zhao, ce peuple s'est installĂ© dans la rĂ©gion montagneuse situĂ©e Ă  l'ouest de la riviĂšre Han, dans l'est du Hubei[23] [38]. LĂ , ils ont construit un centre fortifiĂ© prĂšs des monts Jing[27]. C'est durant cette pĂ©riode que le Chu devient le pouvoir local dominant, prenant le contrĂŽle de plusieurs tribus vassales et de petits États[34] [37]. En consĂ©quence de leur pouvoir croissant, les premiers dirigeants de Chu ont mĂȘme "reçu une certaine forme de reconnaissance des Shang"[27].
  • Les Hufang, beaucoup plus obscurs, partagent leur nom avec une politique enregistrĂ©e sur des os oraculaires de la dynastie Shang. Ces anciens Hufang sont couramment associĂ©s Ă  la culture Wucheng mentionnĂ©e plus haut[29] [32]. Il existe un grand dĂ©bat quant Ă  savoir si les premiers Hufang sont bien le mĂȘme peuple que les derniers Hufang, soit ceux qui ont combattu contre le roi Zhao de Zhou[27]. Dans ce dĂ©bat, il faut noter que l'effondrement de la culture Wucheng coĂŻncide avec la guerre contre le roi Zhao, et Donald B. Wagner relie directement la fin de Wucheng Ă  l'essor de la dynastie Zhou[39]. IndĂ©pendamment de leur identitĂ© rĂ©elle, les derniers Hufang sont gĂ©nĂ©ralement situĂ©s au bord du fleuve Han [27] ou du Yangzi [21] par des sinologues[note 2]. Li Feng pense que les Hufang sont alors trĂšs puissants et que ce ne sont pas les Chu qui sont les principaux ennemis du roi Zhao[40] [32].
  • Si le Xian impliquĂ© dans la guerre de 961 Ă  957 av. J.-C. peut ĂȘtre associĂ© Ă  l'État de la PĂ©riode des Printemps et Automnes du mĂȘme nom, il est donc situĂ© dans l'actuel district de Huangzhou. On n'en sait guĂšre plus sur cet État[27] [41].

Relation entre la dynastie Zhou et le sud jusqu'en

L'activitĂ© de la dynastie Shang dans la rĂ©gion du centre du bassin du Yangzi Jiang prend fin brutalement avec la destruction de la dynastie par le peuple Zhou vers l'an AprĂšs la chute des Shang, ces derniers fondent Ă  leur tour leur propre dynastie et rĂšgnent sur les plaines centrales. Cependant, pour les peuples du Yangzi, les Zhou ne sont pas des inconnus. En effet, selon le Shiji de Sima Qian, avant la conquĂȘte de Shang, le dirigeant de Chu, Yuxiong, s'Ă©tait rendu jusqu'Ă  la cour des Zhou Ă  Feng dans le Shaanxi pour se soumettre au roi Wen de Zhou. En se basant sur ce rĂ©cits, l'historien Ralph D. Sawyer suppose que peut-ĂȘtre que Yu Xiong avait compris que la dynastie Shang s'effondrait ou voulait simplement s'assurer des bonnes relations avec tous ses puissants voisins. Quoi qu'il en soit, il a reconnu les Zhou comme Ă©tant puissants et prometteurs et a Ă©tabli une relation amicale avec eux. En consĂ©quence, lorsque les Zhou ont renversĂ© la dynastie Shang, le Chu les a soutenus en leur fournissant des arcs et des flĂšches[27] [22].

NĂ©anmoins, la soumission du Chu aux premiers Zhou est "Ă  peine symbolique", car la distance entre les deux royaumes est trop grande, tout comme l'indĂ©pendance du peuple Chu. Le fait que cette soumission officielle ne reprĂ©sente guĂšre plus qu'une modeste alliance ou un pacte de non-agression n'est toutefois pas un problĂšme pour les premiers dirigeants Zhou. Pour eux, il est dĂ©jĂ  avantageux qu’il n’y ait pas de menaces venant du Sud alors qu’ils consolident leur nouveau royaume[27]. Cette relation mutuellement bĂ©nĂ©fique, pacifique et coopĂ©rative entre Chu et Zhou se poursuit sous le roi Cheng de Zhou, qui Ă©lĂšve le souverain de Chu, Xiong Yi, au rang de vicomte. Pendant le rĂšgne du roi Kang, Xiong Yi devient mĂȘme l'un des cinq ministres les plus importants de la cour des Zhou[42] [22].

Outre ces liens politiques symboliques avec les Chu, la dynastie Zhou s’implante Ă©galement de maniĂšre plus directe dans la rĂ©gion du Yangzi. En tant que successeur officiel des Shang, la dynastie Zhou devient le nouveau suzerain des derniers vassaux encore fidĂšles Ă  l'ancienne dynastie dans le sud, principalement E et Zeng[27]. La nouvelle dynastie hĂ©rite Ă©galement des anciennes routes commerciales menant aux grandes mines du sud, qui sont rapidement devenues Ă©conomiquement importantes pour les Zhou. Tout comme les Shang avant eux, la nouvelle dynastie commence Ă  s'appuyer fortement sur les minerais importĂ©s des mines du sud pour assurer sa propre production croissante d'objets en bronze Ă  grande Ă©chelle[21]. NĂ©anmoins, l’influence culturelle Zhou dans la rĂ©gion du centre du bassin du Yangzi Jiang reste faible au dĂ©but. TrĂšs peu de bronzes Zhou datant de la pĂ©riode de transition Shang-Zhou ont Ă©tĂ© dĂ©couverts dans l'est du Hubei, indiquant une faible prĂ©sence des Zhou dans la rĂ©gion[23]. Ces rĂ©sultats correspondent aux inscriptions en bronze datant de cette pĂ©riode, qui montrent que la dynastie est initialement centrĂ©e sur l'expansion vers l'est et le nord, tout en laissant les rĂ©gions du sud essentiellement isolĂ©es[43] [44].

Prélude au conflit

Dans la tradition de ses prĂ©dĂ©cesseurs, le roi Zhou Zhaowang souhaite agrandir le royaume de Zhou par des conquĂȘtes.

La situation commence Ă  changer radicalement pendant le rĂšgne du roi Zhou Zhaowang (r. 977-957 av. J.-C.). AprĂšs que ses prĂ©dĂ©cesseurs aient principalement sĂ©curisĂ© les frontiĂšres est, nord et ouest de l'empire Zhou, le roi Zhao tourne son attention vers le sud et se lance dans une importante entreprise militaire et coloniale dirigĂ©e vers le centre du bassin du Yangzi Jiang[43] [21]. Au dĂ©but, les Zhou renforcent considĂ©rablement leur prĂ©sence dans la rĂ©gion de Suizhou[21]. Ce faisant, les États vassaux locaux de Zeng et E sont considĂ©rablement Ă©tendus et deviennent des bases essentielles pour l'expansion vers le sud. Surtout Zeng se transforme en un marquisat riche et puissant ( hĂłuäŸŻ) pendant cette pĂ©riode[45] [46].

La cause exacte de l'expansion agressive du roi Zhao dans le sud est inconnue, mais les sinologues ont envisagĂ© plusieurs possibilitĂ©s. D'un cĂŽtĂ©, l'expansion aurait pu avoir des causes Ă©conomiques, car le besoin de minerais ne cessait de croĂźtre dans l'empire Zhou. En consĂ©quence, le roi Zhao aurait peut-ĂȘtre voulu sĂ©curiser et exploiter pleinement les mines du Yangzi en les conquĂ©rant[21] [24] [27]. Comme les États du Sud Ă©taient relativement riches, l'expansion des Zhou aurait peut-ĂȘtre aussi Ă©tĂ© motivĂ©e par l'espoir de s'enrichir par le pillage[27]. En outre, l'idĂ©ologie aurait pu contribuer au dĂ©clenchement de la guerre : peut-ĂȘtre le roi Zhao souhaitait-il recouvrer les territoires du sud autrefois dominĂ©s par la dynastie dĂ©chue des Shang, car la dynastie Zhou se voyait comme leur successeur lĂ©gitime et avait donc le droit de diriger l'ensemble de son ancien territoire .

Cela dit, les divergences politiques entre les Zhou et les États du Sud pourraient ĂȘtre la principale raison du dĂ©clenchement des hostilitĂ©s. Sawyer affirme que, Ă  mesure que "l'aspect formidable de la conquĂȘte des Shang" commence Ă  s'estomper, de nombreux États vassaux non-Zhou deviennent rĂ©tifs Ă  obĂ©ir au pouvoir central. Comme la plupart d’entre eux ne se sont soumis que formellement/symboliquement Ă  la dynastie Zhou et n’ont fait que verser des tributs, cela ne leur aurait pas coĂ»tĂ© beaucoup d’efforts pour renoncer Ă  leur allĂ©geance Ă  la lointaine dynastie[47]. D'aprĂšs des historiographies plus rĂ©centes, Charles Higham estime qu'il en a Ă©tĂ© ainsi pour le Chu: il s'est rapidement Ă©tendu aprĂšs la pĂ©riode de transition entre les dynasties Shang et Zhou, augmentant ainsi son pouvoir et son influence et prenant le contrĂŽle de larges pans du bassin de la riviĂšre Han et des vallĂ©es centrales du Yangzi. Avec cette montĂ©e en puissance, le Chu devient provocant envers les dirigeants Zhou[24]. Se sentant menacĂ© ou simplement offensĂ© par l'ascension et le dĂ©fi de Chu, le roi Zhao a peut-ĂȘtre dĂ©cidĂ© d'envahir la rĂ©gion du Yangzi et plus tard, le Chu lui-mĂȘme afin de rĂ©tablir la domination absolue des Zhou. [33]. Cette interprĂ©tation est corroborĂ©e par le fait que des inscriptions en bronze et des historiographies tardives accusent le Chu, ainsi que le Hufang, de rĂ©bellion contre la dynastie Zhou[48]. Sawyer note cependant que mĂȘme si le Chu et d'autres pouvoirs locaux constituaient une menace pour le roi Zhao, ce sont les Zhou qui ont agi en tant qu'agresseurs primaires en lançant plusieurs invasions dans la rĂ©gion du Yangzi[27].

Guerre

Au moment de l'invasion du roi Zhao, des marais tels que ceux de Yangxin Ă©taient courants le long du fleuve Han et du Yangzi .

La guerre commence autour de l'an 961 av. J.-C., la seiziĂšme annĂ©e du rĂšgne du roi Zhao[21], lorsqu'un des États vassaux du Chu attaque le territoire de Zhou[33], ou que celui-ci lance une frappe prĂ©ventive, les sources sont contradictoires Ă  ce sujet. Lorsque les hostilitĂ©s Ă©clatent, Bo Maofu, un haut fonctionnaire du Zhou, reçoit l'ordre de patrouiller le long du fleuve Han afin d'empĂȘcher tout groupe ennemi de d'attaquer les dĂ©fenses des Zhou ou de les contourner complĂštement pour envahir les rĂ©serves occidentales du Zhou, qui sont vulnĂ©rables Ă  ce genre d'attaques[27]. Dans le mĂȘme temps, les vassaux du sud de Zhou, soit les États de Zeng, E, Fang et Deng, sont inspectĂ©s et enrĂŽlĂ©s pour l'effort de guerre. Lorsque les forces royales Zhou arrivent depuis Chengzhou, dans la rĂ©gion du centre du Yangzi, elles Ă©tablissent leur camp Ă  Zeng[21]. À partir de lĂ , les troupes combinĂ©es des armĂ©es royales et des États vassaux conquiĂšrent la rĂ©gion situĂ©e au nord du Yangzi, puis traversent la riviĂšre Han, oĂč le roi Zhao rencontre un rhinocĂ©ros, ce qui est interprĂ©tĂ© comme un signe de chance[27]. L'armĂ©e Zhou procĂšde Ă  la soumission des 26 États vassaux de Chu situĂ©s dans la vallĂ©e de la riviĂšre Han [32] [21] [33], puis attaque et s'empare de la capitale fortifiĂ©e de Chu prĂšs des monts Jing[27]. Ce faisant, les Zhou s'emparent d'un important butin, en particulier des mĂ©taux prĂ©cieux, Ă©tayant l’hypothĂšse selon laquelle une des principales raisons de l’expansion vers le sud du Zhou est la quĂȘte de minerais ou le pillage[22] [27]. À ce stade des opĂ©rations, le roi est incapable de dĂ©cider s'il doit ou non dĂ©truire et/ou occuper le Chu, ce qui permet Ă  cet État de rĂ©ussir Ă  reconstruire son armĂ©e. NĂ©anmoins, les forces Zhou rĂ©ussissent Ă  prendre le contrĂŽle total de la zone situĂ©e Ă  l'est du fleuve Han et au nord du Yangzi et d'y construire la forteresse de Lutaishan, qui leur sert de base politique et militaire[21].

AprĂšs ces premiers succĂšs, les troupes Zhou lancent des attaques contre d’autres puissances du sud afin de sĂ©curiser toute la rĂ©gion. C'est ainsi qu'une armĂ©e dirigĂ©e par le scribe YĂŒ se lance dans une campagne victorieuse contre le Xian, tandis que le duc de Nan mĂšne un assaut contre les Hufang vers , assaut probablement victorieux[16], bien que cela soit contestĂ©[40] [32]. Ces campagnes sont bien prĂ©parĂ©es et planifiĂ©es grĂące Ă  la construction de bases avancĂ©es, au recours Ă  des alliĂ©s locaux, tels que les États de Fang, Deng et Eh, et Ă  des entreprises diplomatiques. Le souverain de Qin, par exemple, est envoyĂ© auprĂšs des habitants de Fan, dans le nord du Henan, afin d'obtenir leur coopĂ©ration lors des campagnes contre le Chu[27].

En 957 av. J.-C., le roi Zhao lance sa deuxiĂšme grande campagne militaire au-delĂ  de la riviĂšre Han. Comme il lĂšve la moitiĂ© des forces royales de Zhou, organisĂ©es en "Six armĂ©es de l'Ouest" [4], Li Feng et Ralph D. Sawyer estiment que cet assaut massif tĂ©moigne du dĂ©sir de Zhao de mettre dĂ©finitivement sous son contrĂŽle la rĂ©gion du Yangzi et de dĂ©truire le Chu[21] [32] [27]. Si l'on en croit les Annales du Bambou, la deuxiĂšme offensive contre le Chu commence sous le mauvais prĂ©sage d'une observation d'une comĂšte, et par consĂ©quent l'armĂ©e massive des Zhou, dirigĂ©e personnellement par le roi Zhao, le duc de Cai, et le ministre Xin Yumi, s'est avĂ©rĂ©e incapables de vaincre le Chu[27]. Yin Hongbing suppose que c'est plus la mĂ©connaissance des Zhou des caractĂ©ristiques gĂ©ographiques et climatiques du sud qui a conduit Ă  leur dĂ©faite dans cette campagne, que le passage d'une comĂšte. RefoulĂ©s, les Zhou veulent se retirer de l'autre cĂŽtĂ© de la riviĂšre Han, mais selon le LĂŒshi chunqiu, le pont qu'ils utilisent s'effondre, projetant Ă  la fois le roi et le duc de Cai dans les vagues. MĂȘme si Xin Yumi, qui a traversĂ© la riviĂšre avec succĂšs, tente de les sauver, ils finissent tous les deux noyĂ©s[27] [32] [21] [4]. En reconnaissance de ses efforts pour sauver le roi Zhao, Xin Yumi est ensuite nommĂ© baron[27]. La raison de la destruction du pont est inconnue, mais elle a pu rĂ©sulter d'une surcharge, d'un sabotage ou d'une attaque surprise du Chu[27]. Toujours est-il que,comme l'explique Ralph D. Sawyer, avec l’effondrement du pont, l’armĂ©e Zhou a non seulement perdu ses commandants les plus importants, mais, plus important encore, son seul chemin de retraite. Cela aurait plongĂ© ces troupes Zhou, coupĂ©es du reste du royaumes, dans le chaos, aprĂšs quoi elles ont Ă©tĂ© submergĂ©es et dĂ©truites par les forces du Chu, probablement dans le cadre "d'un engagement majeur". La mort et la dĂ©faite du roi Zhao ont par consĂ©quent Ă©tĂ© attribuĂ©es au Chu par les gĂ©nĂ©rations suivantes. [49]

Conséquences

AprĂšs sa victoire sur le Zhou et la conquĂȘte de E, le Chu devint l'un des États les plus puissants de la PĂ©riode des Printemps et Automnes et de la PĂ©riode des Royaumes combattants.

La dĂ©faite dĂ©sastreuse du roi Zhao a de graves rĂ©percussions politiques pour la dynastie Zhou. La destruction de prĂšs de la moitiĂ© des forces royales, peut-ĂȘtre plus de 12 000 soldats [21] [50], est un revers militaire accablant, qui arrĂȘte l'expansion du royaume Zhou et force la dynastie Ă  rester dans une posture dĂ©fensive, alors que les Zhou tentent de reconstruire leurs forces. Il n’y eut plus aucune autre tentative d'invasion Ă  grande Ă©chelle des États du sud et les Zhou n’ont donc plus jamais Ă©tĂ© en mesure de s’aventurer plus au sud dans la rĂ©gion centrale du Yangzi. Les campagnes militaires contre les Dongyi du Shandong s'enlisent puis sont complĂštement stoppĂ©es[51]. Cependant, malgrĂ© sa "fin humiliante", le roi Zhao est encore parfois commĂ©morĂ© pour ses campagnes dans le Sud, car il a au moins Ă©tabli sa domination politique sur la rĂ©gion situĂ©e au nord du YangtsĂ© et Ă  l'est du fleuve Han[21]. Les Zhou ont Ă©galement Ă©tĂ© en mesure de reconstruire les Six ArmĂ©es occidentales perdues pendant le rĂšgne du roi Mu, le successeur de Zhao [43] et de dĂ©fendre avec succĂšs le royaume contre les invasions Ă©trangĂšres qui s'ensuivirent[52].

Mais le simple fait que ces invasions se soient produites est cependant un signe du dĂ©clin des Zhou occidentaux. L’impact psychologique de la dĂ©faite des Zhou est bien plus grave que les pertes militaires que ces derniers ont subies. Pour les Zhou, il ne peut y avoir pire prĂ©sage que la mort totalement inattendue du Fils du ciel aux mains des barbares du sud. Le royaume Zhou n'est plus invincible, et dĂ©sormais ses ennemis «n'hĂ©siteraient pas Ă  tester sa force dans la mesure du possible»[51]. L'État Zhou "ne s'est jamais vraiment remis de cette perte"[52], et sous les rois suivants, les rĂ©voltes d’États vassaux, ainsi que les invasions Ă©trangĂšres des terres Zhou deviennent de plus en plus frĂ©quentes[53] [43].

Pendant ce temps, la confĂ©dĂ©ration Chu se soumet de nouveau nominalement aux rois Zhou aprĂšs sa victoire, ses dirigeants s'abstenant d'utiliser des titres royaux. Comme le Chu a fermement Ă©tabli son autonomie et son contrĂŽle sur la rĂ©gion moyenne du Yangzi, il n'est plus nĂ©cessaire de dĂ©fier ouvertement les monarques Zhou. AprĂšs la mort de son pĂšre, le roi Mu mĂšne une campagne punitive contre la confĂ©dĂ©ration afin de la forcer Ă  se soumettre pleinement, mais sans succĂšs. DĂšs lors, le Chu reste un État au pouvoir incontestĂ© et pratiquement indĂ©pendant[22]. Peut-ĂȘtre pour vĂ©rifier l'expansion de la confĂ©dĂ©ration, la dynastie Zhou dĂ©place son État vassal de E dans le bassin de Nanyang, situĂ© au nord de Chu. Jusqu'au rĂšgne du roi Li de Zhou, E est peut-ĂȘtre l'État le plus puissant de la rĂ©gion du centre du bassin du Yangzi et assure la sĂ©curitĂ© de Zhou dans le sud. E se rĂ©volte cependant en et est dĂ©truit par Zhou [54], avant d’ĂȘtre absorbĂ© par le Chu, qui devient ainsi encore plus puissant[55]. AprĂšs une derniĂšre guerre contre les Zhou qui a lieu en , l'État de Chu se sĂ©pare complĂštement du royaume de Zhou[22]. AprĂšs 703 av. J.-C., les dirigeants de Chu se dĂ©clarent enfin rois et Ă©gaux des dirigeants Zhou[56].

Notes

  1. Pour les chercheurs modernes, "L'Aßné de Chu" qui est cité sur les inscriptions en Bronze de l'époque comme étant le commandant des troupes du Chu[17], est en fait Xiong Ai[18].
  2. À la notable exception de Ding Shan, pour qui les Hufang sont en fait liĂ©s Ă  l'État Nanman de Yihu de la PĂ©riode des Printemps et Automnes et les situe dans l'actuelle province de l'Anhui.[12]

Références

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