AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Groupe parfait

En théorie des groupes (mathématiques), un groupe est dit parfait s'il est égal à son dérivé.

Exemples et contre-exemples

Dans ce qui suit, le dérivé d'un groupe G sera noté D(G).

  • Si un groupe G est parfait, l'image de G par un homomorphisme est un groupe parfait. En particulier, tout groupe quotient d'un groupe parfait est parfait.
    En effet, si f est un homomorphisme d'un groupe G (quelconque) dans un autre groupe, on a toujours D(f(G)) = f(D(G)).
  • Si un groupe parfait G est sous-groupe d'un groupe H, il est contenu dans le dĂ©rivĂ© de H.
    En effet, si un groupe G (quelconque) est sous-groupe de H, D(G) est contenu dans D(H). Si, de plus, G est parfait, ceci revient Ă  dire que G est contenu dans D(H).
  • Tout groupe simple non commutatif est parfait.
    En effet, le groupe dĂ©rivĂ© d'un groupe G est un sous-groupe normal de G, donc si G est simple, son dĂ©rivĂ© D(G) doit ĂȘtre rĂ©duit Ă  1 ou Ă©gal Ă  G. Puisque G est supposĂ© non commutatif, D(G) n'est pas rĂ©duit Ă  1, donc D(G) = G.
  • De plus, dans un groupe fini simple non commutatif, tout Ă©lĂ©ment est un commutateur. La dĂ©monstration de ce thĂ©orĂšme, conjecturĂ© par Øystein Ore en 1951, a Ă©tĂ© achevĂ©e en 2010[1].
  • L'essentiel de cet article de 1951 d'Øystein Ore Ă©tait consacrĂ© Ă  dĂ©montrer que dans le groupe symĂ©trique infini Sℕ aussi, tout Ă©lĂ©ment est un commutateur[2].
  • Un groupe rĂ©soluble non rĂ©duit Ă  l'Ă©lĂ©ment neutre n'est pas parfait.
    En effet, si G est un groupe parfait, la suite dérivée de G, c'est-à-dire la suite G, D(G), D(D(G)), ... plafonne à G, donc si, de plus, G n'est pas réduit à l'élément neutre, cette suite ne prend pas la valeur 1, donc G n'est pas résoluble.
  • Aucun groupe G tel que 1 < |G| < 60 n'est parfait.
    En effet, un tel groupe est rĂ©soluble[3], d'oĂč la conclusion par le point prĂ©cĂ©dent.
  • Soient K un corps commutatif et n un nombre naturel. Sauf dans le cas oĂč n est Ă©gal Ă  2 et |K| Ă  2 ou Ă  3, le groupe spĂ©cial linĂ©aire SL(n, K) est parfait[4].
  • Un groupe parfait non rĂ©duit Ă  l'Ă©lĂ©ment neutre n'est pas forcĂ©ment simple.
    En effet, on sait[5] que si K est un corps commutatif et n un nombre naturel, le centre SZ(n, K) de SL(n, K) est formĂ© par les matrices scalaires de dĂ©terminant 1. Si n > 1, ce centre n'est pas SL(n, K) tout entier : considĂ©rer par exemple une matrice triangulaire distincte de la matrice identitĂ© mais dont tous les coefficients diagonaux sont Ă©gaux Ă  1 ; une telle matrice appartient Ă  SL(n, K) mais non Ă  SZ(n, K). Si, de plus, il existe un Ă©lĂ©ment a de K distinct de 1 tel que an = 1 (ce qui est le cas si n divise |K| – 1), alors la matrice scalaire de coefficients diagonaux Ă©gaux Ă  a appartient au centre SZ(n, K) et est distincte de la matrice identitĂ©, donc le centre SZ(n, K) de SL(n, K) n'est pas rĂ©duit Ă  l'Ă©lĂ©ment neutre. Ainsi, dans le cas considĂ©rĂ©, SZ(n, K) est un sous-groupe normal de SL(n, K) qui n'est ni rĂ©duit Ă  l'Ă©lĂ©ment neutre ni Ă©gal Ă  SL(n, K) tout entier, donc SL(n, K) n'est pas simple. Pourtant, d'aprĂšs le point prĂ©cĂ©dent, SL(n, K) peut ĂȘtre parfait dans le cas considĂ©rĂ©. Par exemple, SL(2, 5) = SL(2, F5) (oĂč F5 dĂ©signe « le » corps Ă  5 Ă©lĂ©ments) est parfait et non simple.
  • Soient K un corps commutatif et n un nombre naturel non nul. Le groupe linĂ©aire GL(n, K) n'est parfait que dans le cas oĂč |K| = 2 et n ≠ 2.
    En effet, D(GL(n, K)) ⊂ SL(n, K) (par exemple parce que l'application M ↩ det(M) de G dans le groupe multiplicatif de K qui applique M sur son dĂ©terminant est un homomorphisme arrivant dans un groupe commutatif, de sorte que son noyau contient D(GL(n, K)). (On a vu, d'ailleurs, que, dans la plupart des cas, SL(n, K) est parfait, ce qui entraĂźne SL(n, K) ⊂ D(GL(n, K)), d'oĂč, dans la plupart des cas, D(GL(n, K)) = SL(n, K).) Si |K| > 2, alors SL(n, K) ⊊ GL(n, K), donc GL(n, K) n'est pas parfait. Si maintenant K est « le » corps Ă  2 Ă©lĂ©ments F2, alors GL(n, K) = SL(n, K) donc, d'aprĂšs le point prĂ©cĂ©dent, GL(n, F2) est parfait si et seulement si n est distinct de 2.
  • Il existe des groupes parfaits finis dont la « largeur de commutateurs » (le plus petit n tel que tout Ă©lĂ©ment du groupe soit produit de n commutateurs) est arbitrairement grande[6], et des groupes parfaits de type fini de « largeur » infinie[7].
  • Toute somme directe de groupes parfaits est un groupe parfait mais on construit facilement, grĂące au point prĂ©cĂ©dent, un produit dĂ©nombrable non parfait de groupes parfaits.
  • Pour un groupe G vĂ©rifiant les deux conditions de chaĂźne (croissante et dĂ©croissante) sur les sous-groupes normaux — en particulier pour un groupe fini[8] — la dĂ©composition de Remak (en) de G (dĂ©composition, unique seulement Ă  automorphisme prĂšs, en produit fini de sous-groupes indĂ©composables) est unique dĂšs que G est parfait[9] - [10].

Lemme de GrĂŒn

Otto GrĂŒn a Ă©noncĂ© et dĂ©montrĂ©[11] que si G est un groupe parfait, si Z(G) dĂ©signe le centre de G, alors le centre du groupe G/Z(G) est rĂ©duit Ă  l'Ă©lĂ©ment neutre.


PremiÚre démonstration[12]

Soit G un groupe (que nous ne supposons pas encore parfait).

Pour tous Ă©lĂ©ments x, y de G, dĂ©finissons le commutateur [x, y] de x et y comme Ă©tant l'Ă©lĂ©ment x−1y−1xy de G.

D'aprÚs le théorÚme de correspondance, il existe un et un seul sous-groupe Z2(G) de G contenant Z(G) tel que le centre de G/Z(G) soit égal à Z2(G)/Z(G). (Le sous-groupe Z2(G) est celui qui vient aprÚs Z(G) dans la suite centrale (en) ascendante de G.) On vérifie facilement qu'un élément c de G appartient à Z2(G) si et seulement si, pour tout élément g de G, [g, c] appartient à Z(G).

Étant donnĂ© un Ă©lĂ©ment c de Z2(G), nous pouvons donc considĂ©rer l'application de G dans Z(G).

D'autre part, d'aprÚs une relation classique entre commutateurs, on a, pour tous éléments x, y, z de G,

(oĂč ty dĂ©signe le conjuguĂ© y−1ty de t).

Faisons D'aprĂšs ce qui a Ă©tĂ© notĂ© plus haut, [x, c] appartient Ă  Z(G), donc , d'oĂč

Ceci montre que l'application de G dans Z(G) est un homomorphisme de G dans Z(G). Comme le groupe d'arrivée est commutatif, D(G) est contenu dans le noyau de , autrement dit, tout élément de D(G) commute avec c.

Nous avons donc prouvé que, pour tout groupe G, tout élément de Z2(G) commute avec tout élément de D(G). Si maintenant G est parfait, notre résultat revient à dire que tout élément de Z2(G) commute avec tout élément de G, c'est-à-dire que Z2(G) est réduit au centre de G. D'aprÚs notre définition de Z2(G), ceci signifie que le centre de G/Z(G) est réduit à l'élément neutre.

Seconde démonstration[13]

Soit G un groupe quelconque.

Nous avons vu que si c est un Ă©lĂ©ment de Z2(G), alors, pour tout Ă©lĂ©ment g de G, [g, c] appartient Ă  Z(G). Il en rĂ©sulte que [G, Z2(G)] est contenu dans le centre de G, d'oĂč

et

D'aprĂšs le lemme des trois sous-groupes, ceci entraĂźne

c'est-à-dire que tout élément de Z2(G) commute avec tout élément de D(G). On conclut comme dans la premiÚre démonstration.

Remarque. Le fait que tout élément de Z2(G) commute avec tout élément de D(G) est un cas particulier de la relation suivante[14] entre la suite centrale descendante de G et sa suite centrale ascendante (voir l'article Groupe nilpotent) :

si G est un groupe et i, j des entiers naturels non nuls tels que j ≄ i, alors

(Faire i = j = 2 et noter que C2(G) = D(G).)

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Perfect group » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) Gunter Malle, « The proof of Ore's conjecture [after Ellers-Gordeev and Liebeck-O'Brien-Shalev-Tiep] », SĂ©minaire Bourbaki, no 1069,‎ (lire en ligne).
  2. (en) Manfred Droste et Igor Rivin, « On extension of coverings », Bull. London Math. Soc., vol. 42, no 6,‎ , p. 1044-1054 (arXiv 0901.3594).
  3. (en) Joseph J. Rotman (en), An Introduction to the Theory of Groups [dĂ©tail des Ă©ditions], 4e Ă©d., exerc. 5.21, p. 107.
  4. Voir par exemple Rotman, dĂ©monstration du thĂ©orĂšme 9.46, p. 280, ou encore Marc Hindry, UniversitĂ© Paris 7, Cours d’algĂšbre au magistĂšre de Cachan, en ligne, p. 65-66.
  5. Rotman, théorÚme 8.9, p. 222.
  6. (en) Nikolay Nikolov, « On the commutator width of perfect groups », Bull. London Math. Soc., vol. 36, no 1,‎ , p. 30-36 (DOI 10.1112/S0024609303002601).
  7. (en) Alexey Muranov, « Finitely generated infinite simple groups of infinite commutator width », IJAC, vol. 17, no 3,‎ , p. 607-659 (arXiv math/0608688).
  8. (en) John S. Lomont, Applications of Finite Groups, Academic Press, (lire en ligne), p. 28.
  9. (en) Derek J. S. Robinson (de), A Course in the Theory of Groups, coll. « GTM » (no 80), , 2e Ă©d. (lire en ligne), p. 85.
  10. (en) Steven Roman (en), Fundamentals of Group Theory, Springer, (lire en ligne), p. 288.
  11. (de) Otto GrĂŒn, « BeitrĂ€ge zur Gruppentheorie. I », J. reine angew. Math., vol. 174,‎ , p. 1-14 (lire en ligne), thĂ©orĂšme 4, p. 3
  12. On trouve cette démonstration dans (en) J. S. Rose, A Course on Group Theory, rééd. Dover, (1re éd. 1978), p. 61 et dans J. Delcourt, Théorie des groupes, Paris, Dunod, 2001, p. 141 et p. 146.
  13. On trouve cette démonstration dans Rotman, exerc. 5.49, p. 118.
  14. Voir Robinson 1996, p. 126 sur Google Livres, Ă©noncĂ© 5.1.11, (iii), oĂč il faut emplacer j – 1 par j – i. L'Ă©noncĂ© est donnĂ© sous sa forme correcte dans (en) John C. Lennox et Derek J. S. Robinson, The Theory of Infinite Soluble Groups, Clarendon Press, (ISBN 978-0-19-850728-4, lire en ligne), Ă©noncĂ© 1.2.4 (iii), p. 6.

Article connexe

Multiplicateur de Schur

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.