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Grèves de 2022 au Royaume-Uni

Les grèves de 2022 au Royaume-Uni constituent le plus important mouvement social dans le pays depuis les années 1980. Au mois de décembre, plus d’un million et demi de travailleurs sont en grève.

Contexte

Les revendications portent en particulier sur l'augmentation des salaires, lesquels stagnent depuis la politique d’austĂ©ritĂ© engagĂ©e en 2010 par David Cameron tandis que l'inflation dĂ©passent les 11 % sur un an en octobre. L'augmentation des prix est encore plus marquĂ©e dans les secteurs essentiels comme l’alimentaire, avec une hausse de 16 %, et surtout l'Ă©nergie, oĂą les prix ont doublĂ©. Selon des chiffres de la Trades Union Congress, les salariĂ©s ont perdu en moyenne et en valeur rĂ©elle 20 000 livres sterling entre 2008 et 2021. Selon le syndicat enseignant NASUWT, 72 % de ses membres ont rĂ©duit leurs dĂ©penses alimentaires en raison de la hausse du coĂ»t de la vie. Selon l’institut YouGov, 33 % des fonctionnaires veulent quitter leur profession, dĂ©couragĂ©s par les salaires en baisse[1].

Les syndicats du secteur de la santé dénoncent également une « privatisation rampante » de la National Health Service et une « industrialisation » de l’hôpital[2].

Le projet du gouvernement de Rishi Sunak de réduire les droits de certaines professions, notamment ceux des pompiers et des ambulanciers, a par ailleurs accru les tensions avec les syndicats[3].

Syndicalisme et droit de grève

Le droit de grève est toutefois fortement limitĂ© au Royaume-Uni. La lĂ©gislation antisyndicale, mise en place par Margaret Thatcher et John Major, maintenue par les travaillistes Tony Blair et Gordon Brown, puis renforcĂ©e Ă  partir de 2010 par les conservateurs, interdit les grèves « de solidaritĂ© » (en soutien Ă  d’autres salariĂ©s), les revendications de portĂ©es gĂ©nĂ©rales (comme la dĂ©fense des retraites) et le blocage des lieux de travail[4]. En outre, le Trade Union Act de 2016 a imposĂ© de nouvelles contraintes : pour dĂ©clencher une grève, les syndicats doivent obligatoirement consulter leurs adhĂ©rents par voie postale, pendant plusieurs semaines, et la consultation n’est lĂ©gale qu’avec un minimum de 50 % de rĂ©ponses[1].

Contrevenir à cette législation expose les salariés au licenciement et à des poursuites judiciaires[4]. Le professeur Heather Connolly, spécialiste des relations au travail, souligne qu'il « est très difficile de se mettre en grève au Royaume-Uni, il faut obligatoirement être membre d'un syndicat. Il n'existe pas de droit individuel à faire grève. La plupart des gens ne réalisent pas l'implication que cela demande[3]. »

Le taux de syndicalisation des travailleurs britanniques s'élève à un peu plus de 23 % en 2021 mais varie fortement selon les secteurs[4].

DĂ©roulement

Le mouvement de grève est lancé en juillet 2022 par les travailleurs du rail et les postiers[3]. Plus d'un million et demi de travailleurs ont fait grève en décembre 2022[3].

RĂ©actions

Politiques

Le premier ministre Rishi Sunak choisit d'adopter une ligne dure face aux grĂ©vistes, refusant de nĂ©gocier et de recevoir les responsable syndicaux. Selon lui la hausse des salaires accĂ©lĂ©rerait l'inflation. Il dĂ©clare ĂŞtre prĂŞt Ă  mobiliser l’armĂ©e pour remplacer les grĂ©vistes dans certains secteurs et dĂ©cide d’accĂ©lĂ©rer l’adoption d’un projet de loi imposant un service minimum dans les transports et les services publics. Le syndicat cheminot Rail, Maritime and Transport Workers a accusĂ© le gouvernement d’avoir sabotĂ© un accord en cours de nĂ©gociation avec le Rail Delivery Group[1] - [5]. Certaines catĂ©gories professionnelles ont cependant obtenu gain de cause, comme les avocats qui ont obtenu une augmentation 15 %, et les chauffeurs de bus dans le Kent[3].

Le chef du Parti conservateur, Nadhim Zahawi, a déclaré que la grève des infirmières faisait le jeu de Vladimir Poutine, le président russe[1]. L'ex-premier ministre Boris Johnson s’en est pris régulièrement aux syndicats et a proposé d’autoriser l’utilisation de personnel intérimaire pour remplacer les grévistes[6]. Les médias conservateurs ont également réagi très défavorablement face aux grèves[1]. The Times, quotidien proche du gouvernement conservateur, cite un ministre, qui estime que « les syndicats ne peuvent tenir financièrement sur le long terme. Leurs dirigeants tiennent un discours ferme, mais la grève est un acte d’automutilation à l’encontre de leurs propres travailleurs, qui perdent des salaires et des doubles journées de paie à Noël. Pour leur bien, les dirigeants syndicaux doivent cesser de faire de la politique et mettre fin à ces grèves coûteuses. »

Le Parti travailliste a connu un virage à droite depuis l'élection de Keir Starmer à la tête du parti en 2020. Celui-ci interdit aux membres de son cabinet fantôme de se rendre sur les piquets de grève des cheminots et s'emploie à présenter le Labour comme un parti soucieux des intérêts des chefs d'entreprise. Les relations du parti avec les syndicats se sont ainsi distendues sous sa direction[4]. Le 27 juillet, Sam Tarry, le ministre fantôme des transports, est limogé par Starmer après être apparu aux côtés des cheminots grévistes[6].

Opinion publique

Selon un sondage YouGov pour le Times publiĂ© dĂ©but dĂ©cembre, 46 % des personnes interrogĂ©es jugent le gouvernement responsable des grèves, et 17 % font porter la responsabilitĂ© aux syndicats[1].

La grève des infirmières bĂ©nĂ©ficie du soutien de 60 % de la population britannique selon une enquĂŞte de The Observer. Un autre sondage rĂ©alisĂ© par Omnisis indique que 84 % des Britanniques souhaitent que le gouvernement augmente les salaires des infirmières[2].

Notes et références

  1. « Au Royaume-Uni, une fin d’année marquée par un mouvement social inédit », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne).
  2. « Les Britanniques soutiennent la grève des infirmières », sur L'Humanité, (consulté le ).
  3. Delphine Kargayan, « Grèves en série, inflation, coût de la vie : le Royaume-Uni se fissure », sur Le Parisien, (consulté le ).
  4. Marc Lenormand, « L'été indien du mécontentement britannique », sur Le Monde diplomatique,
  5. « Royaume-Uni : le gouvernement accusé de vouloir « saboter » les droits sociaux », sur Radio-Canada.ca
  6. « Au Royaume-Uni, des grévistes dépourvus de tout soutien politique », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
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