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Gournable

Une gournable[1] (en anglais treenail, également trenail, trennel ou trunnel, en français le verbe gournabler pour enfoncer des gournables dans un bordage existe également), est une longue cheville en bois, broche ou goujon utilisée pour l'assemblage de piÚces de bois en construction navale.

Gournable, Grindnagle
Percements des réservation de gournable sur le Sigurd BjÞrkedal
Gournables en chĂȘne qui seront utilisĂ©s pour cheviller une structure en bois. Celui qui se trouve Ă  l’avant a Ă©tĂ© utilisĂ© et retirĂ©, montrant la façon dont les forces ont dĂ©formĂ© le bois de façon permanente.

Description

Les gournables sont de longue chevilles en bois (broche ou goujon) de chĂȘne bien sec de forme ronde qui servent Ă  attacher les bordages sur les membres et Ă  diminuer le nombre des chevilles et des clous en fer[2] - [3]. Elles sont appelĂ©es en anglais treenail, Ă©galement trenail, trennel ou trunnel. En français le verbe gournabler pour enfoncer des gournables dans un bordage existe Ă©galement et les gournabliers sont les ouvriers qui travaillent Ă  faire des gournables. En France, la forme primitive des gournables « est celle d’un prisme Ă  section rectangulaire ; on les travaille ensuite Ă  huit pans, en se servant de la plane de tonnelier, en suivant la direction des fibres du bois et sans se prĂ©occuper de courbures et mĂȘme de sinuositĂ©s quelquefois trĂšs-prononcĂ©es, qui se redressent une fois qu’elles sont en place. Les gournables sont lĂ©gĂšrement effilĂ©es d’une extrĂ©mitĂ© Ă  l’autre, dans le but de faciliter leur introduction dans le trou percĂ© Ă  travers la muraille, ainsi que pour conserver plus de force Ă  l’extrĂ©mitĂ© sur laquelle on frappe Ă  coups de masse pour les enfoncer[4]. ». Les tĂȘtes des gournables sont garnies d'un leur Ă©pite[2].

Aux États-Unis (treenail), elle trouve aussi des usages particuliers dans la construction Ă  pans de bois et dans les ponts couverts en bois[5].  Elle est poussĂ©e dans le trou forĂ© Ă  travers deux (ou plus) piĂšces de bois structurelles (assemblages Ă  tenon et mortaise).

Histoire et usage général

L’utilisation du bois comme tenon remonte Ă  7 000 ans, car les archĂ©ologues ont trouvĂ© des traces de chevilles en bois lors des fouilles des premiers sites germaniques[6]. Les gournables sont notoirement Ă©conomiques et facilement disponibles, ce qui en fait un matĂ©riau de construction prĂ©coce. Le fĂ©vier d'AmĂ©rique Ă©tait aux États-Unis un bois de prĂ©dilection pour la fabrication des gournables de la construction navale en raison de sa rĂ©sistance mĂ©canique et de sa rĂ©sistance Ă  la pourriture, tandis que le chĂȘne rouge est typique des charpentes d'immeubles. Traditionnellement, les gournables et les chevilles Ă©taient fabriquĂ©es en fendant des rondins de bois avec un dĂ©partoir et en les finissant Ă  la plane sur un banc d'Ăąne. En France on a utilisĂ© le bois de chĂȘne, plus tardivement de l’acacia[4]

Les gournables sont coupées en un seul morceau de bois et fonctionnent bien en raison de leur fil. Le fil de la gournable se déploie perpendiculairement au fil de la mortaise réceptrice, ce qui ajoute à la résistance structurelle de l'ensemble.

Les gournables (treenails) sont gĂ©nĂ©ralement de 1,25 pouce (3,175 cm) Ă  1,5 pouce (3,81 cm) de diamĂštre et sont taillĂ©es Ă  la main avec des facettes rugueuses. La mortaise est percĂ©e 1/16 pouce (1,5875 mm) plus petites que la gournable pour crĂ©er un ajustement serrĂ© et tirer parti des frottements dans la mortaise. Dans les cas oĂč la gournable est de 24 pouces (60,96 cm) ou plus, la gournable doit avoir une forme 1/8 pouce (3,175 mm) plus petite que l'autre moitiĂ©. Dans le mĂȘme cas, la mortaise est percĂ©e en deux parties, avec une mĂšche plus petite pour la partie la plus petite du gournable et une mĂšche typique pour la piĂšce standard. Les autres gournables sont effilĂ©s, la grande extrĂ©mitĂ© Ă©tant plus longue de 1/8 pouce (3,175 mm) par rapport Ă  la mortaise. Une fois que les gournables ont Ă©tĂ© martelĂ©es dans la mortaise, elles peuvent ĂȘtre coupĂ©es, fendues et coincĂ©es avec un petit morceau de chĂȘne qui augmente la force de friction (Ă©pite)[7]. Au lieu de ce coin, la gournable peut recevoir au centre un bouchon ou un poinçon (plug ou punch) qui Ă©tend toute la circonfĂ©rence. Bien que cette mĂ©thode prĂ©vienne les fuites en rĂ©duisant les Ă©carts, les bouchons et poinçons risquent davantage de tomber par temps froid. Dans l’idĂ©al, le nez de gournable est laissĂ© de 4–5 cm libre hors du bois avant d'ĂȘtre coupĂ©[8].

Contrairement aux clous mĂ©talliques, les gournables ne peuvent pas ĂȘtre enlevĂ©es (sans effort) et rĂ©utilisĂ©es. Lorsque le bois se contracte ou se dilate, les fibres crĂ©ent un frottement qui l'enclenche parfaitement dans la mortaise. En cas de rupture ou de dĂ©faillance d'une gournable, et que les bois mis en Ɠuvre restent intacts, la gournable restante peut ĂȘtre dĂ©coupĂ©e et remplacĂ©e par une gournable plus grande qui s'adapte parfaitement. De plus, les gournables ont la capacitĂ© de se prĂ©server dans le temps et de conserver leur intĂ©gritĂ© structurelle. Étant donnĂ© que la mortaise et le tenon sont tous deux en bois, la gournable ne force pas la mortaise jusqu'au point de rupture en cas de mouvement, compris les mouvements occasionnĂ©s par les forces sismiques et les tassements de sol.

Utilisations dans les navires

Construction du Naga Pelangi - le montage de la premiĂšre planche nĂ©cessitait l’alignement de plusieurs gournables

La construction navale historique utilisait des gournables pour liaisonner les piĂšces du bateau. Elles avaient l'avantage de ne pas donner lieu Ă  nail-sickness, terme en anglais dĂ©signant la pourriture accĂ©lĂ©rĂ©e et concentrĂ©e autour des attaches mĂ©talliques. L'augmentation de la teneur en eau provoque l'expansion du bois, ce qui permet aux gournables d'avoir davantage prise sur les bordages lorsqu'elles absorbent de l'eau[9]. Cependant, lorsque la gournable Ă©tait d'une espĂšce de bois diffĂ©rente de celle du planchĂ©iage, elle dĂ©gĂ©nĂ©rait gĂ©nĂ©ralement en pourriture. Les gournables et les clous de fer dans la marine anglaise Ă©taient les plus rĂ©pandus jusque dans les annĂ©es 1780, lorsque les clous de cuivre recouvrant les revĂȘtement de cuivre devinrent plus populaires[10]. Jusque dans les annĂ©es 1870, les navires de la marine marchande utilisaient des gournables et des boulons en fer, tandis que les navires de la classe supĂ©rieure utilisaient des boulons et des dumps en cuivre et en laiton. Dans la tradition des annĂ©es 1870, les gournables Ă©taient gĂ©nĂ©ralement utilisĂ©es dans un rapport de quatre gournables pour un boulon, mais dans certaines circonstances le nombre de boulons Ă©tait augmentĂ©. Dans les corvettes ultĂ©rieures, le rapport a Ă©tĂ© changĂ© Ă  deux gournables pour un boulon[11]. Lorsque les coques seront doublĂ©es en cuivre, les gournables prendront le pas sur les clous en fer. En effet le doublage en cuivre crĂ©e un couple Ă©lectrolytique avec le fer, provoque la corrosion Ă©lectrochimique du bardage et sa destruction[12].

En France, la forme primitive des gournables « est celle d’un prisme Ă  section rectangulaire ; on les travaille ensuite Ă  huit pans, en se servant de la plane de tonnelier, en suivant la direction des fibres du bois et sans se prĂ©occuper de courbures et mĂȘme de sinuositĂ©s quelquefois trĂšs-prononcĂ©es, qui se redressent une fois qu’elles sont en place. Les gournables sont lĂ©gĂšrement effilĂ©es d’une extrĂ©mitĂ© Ă  l’autre, dans le but de faciliter leur introduction dans le trou percĂ© Ă  travers la muraille, ainsi que pour conserver plus de force Ă  l’extrĂ©mitĂ© sur laquelle on frappe Ă  coups de masse pour les enfoncer[4]. »

« Pour s’accorder avec leur forme effilĂ©e, les trous qui reçoivent les gournables devraient ĂȘtre coniques ; mais comme un trou de cette espĂšce serait d’une exĂ©cution trop difficile, ou se contente de percer un trou cylindrique et de l’évaser ensuite vers l‘extĂ©rieur, par l’introduction Ă  des profondeurs variables, de tariĂšres de grosseurs graduĂ©es[4]. »

Les gournables sont enfoncĂ©es Ă  coups modĂ©rĂ©s, avec des masses en bois dur tel que le gaĂŻac ou le chĂȘne vert, en prenant la prĂ©caution de consolider leur tĂȘte par une rousture en bitord, afin d’éviter qu’elles ne fendent sous les chocs qu’elles reçoivent. Jean-Baptiste Hubert (1781-1845), directeur des constructions navales Ă  Rochefort, a innovĂ© dans le tournage des gournables[4].

Le nombre de gournables par navire est important. Une adjudication de 230 000 gournables s'est faite Ă  Toulon en 1852[13].

« Les gournables doivent ĂȘtre de bois de chĂȘne jeune, fort, liant, fendu de droit fil, sans nƓuds ni gĂ©livures, comme sans aubier ». Pour obtenir la plupart de ces qualitĂ©s, on doit avoir soin de n'employer que des bois qui sont jeunes et « bien venants ». On distingue quatre espĂšces de gournables, d'aprĂšs les proportions qu'ils doivent avoir: Les gournables de la premiĂšre espĂšce ont 98 cm (3 pieds, 2 lignes) de longueur sur 68 mm(2 pouces 6 lignes) de largeur et d'Ă©paisseur. Celles de la deuxiĂšme espĂšce ont 82 cm (2 pieds, 6 pouces, 3 lignes) de longueur, sur 61 mm (2 pouces, 3 lignes) de largeur et Ă©paisseur. Celles de la troisiĂšme espĂšce ont 65 cm (2 pieds) de longueur, sur 54 mm (2 pouces) de largeur et Ă©paisseur. Celles de la quatriĂšme espĂšce ont 49 cm. (un pied, 6 pouces, une ligne) de longueur, sur 47 mm (un pouce, 9 lignes) de largeur et Ă©paisseur[14].

Parfois les gournables fournissaient une connexion plus solide que les boulons de fer en raison de leur grand diamÚtre, qui leur donnait une plus grande surface de prise. Elles étaient également plus légÚres et moins coûteuses à acheter qu'un pesant boulon en fer ou en acier[15].

Utilisations dans les structures de bĂątiment

Gournables utilisés dans le pont Brown dans le comté de Rutland, Vermont
Cheville en bois (Holznagel) d'épicéa vieux de 400 ans du Leiter Hube de St. Oswald à Bad Kleinkirchheim. Autriche

Les fermes Ă  tenon et mortaise prĂ©coces dont la portĂ©e Ă©tait infĂ©rieure Ă  30 pieds (9,144 m) utilisaient des  gournables (treenails). Lorsqu'utilisĂ©es en treillis, les mortaises de liaison sont percĂ©es de maniĂšre que, lorsque la gournable est insĂ©rĂ©e, il crĂ©e un joint plus serrĂ©. En raison du grand nombre de gournables nĂ©cessaires dans une ferme, les gournables peuvent ĂȘtre tournĂ©es (sur un tour) avec une tĂȘte et une extrĂ©mitĂ© effilĂ©e, souvent maintenue extra-longue pour un ajustement extrĂȘmement serrĂ©. La membrure infĂ©rieure nĂ©cessite souvent deux ou trois chevilles et constitue la partie la plus faible de la ferme. Par consĂ©quent, la gournable ne peut pas empĂȘcher une dĂ©faillance dans des portĂ©es supĂ©rieures Ă  30 pieds. Dans les cas oĂč un retrait important peut se produire, il peut ĂȘtre nĂ©cessaire d’utiliser des sangles en fer ou des renforts en fer[16].

Utilisations dans les chemins de fer

Des fixations similaires en bois ont Ă©tĂ© utilisĂ©es comme solutions de rechange aux pointes en mĂ©tal employĂ©es pour fixer les traverses des rails de chemin de fer, au dĂ©but de l'Époque victorienne. Les gournables (treenails) ont Ă©tĂ© largement utilisĂ©s pour la construction de chemins de fer dans le nord de l'Angleterre[17].

Notes et références

  1. Bellin, L’EncyclopĂ©die, 1re Ă©d., t. Tome 7, (lire sur Wikisource), p. 757
  2. Jean-Baptiste Philibert Willaumez, Dictionnaire de marine, Paris, Bachelier, , 590 p. (lire en ligne)
  3. Bellin, L’EncyclopĂ©die, 1re Ă©d., t. Tome 7, (lire sur Wikisource), p. 757
  4. Antoine Joseph de Fréminville, Traité pratique de construction navale, Paris, Arthus Bertrand, , 661 p. (lire en ligne)
  5. Edwards, Jay Dearborn, and Nicolas Verton. A Creole lexicon architecture, landscape, people. Baton Rouge: Louisiana State University Press, 2004. Print. 237.
  6. (en) Joachim Radkau (trad. de l'allemand), Wood : A History, Cambridge, Polity, , 399 p. (ISBN 978-0-7456-4688-6 et 0-7456-4688-3, lire en ligne)
  7. W.H. Curtis, The Elements of Wood Ship Construction, New York, NY, McGrawHill Book Company,
  8. J.R. Adams, A Maritime Archaeology of Ships : Innovation and Social Change in Late Medieval and Early Modern Europe, Oxbow Books, , 272 p. (ISBN 978-1-84217-297-1 et 1-84217-297-2, lire en ligne)
  9. Kettunen, P. O., Wood Structure and Properties. Uetikon-Zuerich: Trans Tech Publications, 2006. 377. Print.
  10. W. Johnson, « Historical and present-day references concerning impact on wood », International Journal of Impact Engineering, vol. 4, no 3,‎ , p. 161–174 (DOI 10.1016/0734-743X(86)90003-5, lire en ligne)
  11. (en) Samuel James Pope Thearle, Naval Architecture : A Treatise on Laying Off and Building Wood, Iron, and Composite Ships, W. Collins, Sons & Company, (lire en ligne)
  12. Gay Jacques. Le fer dans la marine en bois : l'exemple de la flotte de guerre française (1665-1815). In: Histoire & Mesure, 1988 volume 3 - n°1. Varia. pp. 53-86. Lire en ligne
  13. Annales forestiĂšres, Volume 11. 1852. Lire en ligne
  14. Jacques-Joseph Baudrillart ((10 volumes in-4 1821-1834)), TraitĂ© gĂ©nĂ©ral des eaux et forĂȘts, chasses et pĂȘches, Paris, Nabu Press, , 796 p. (ISBN 978-1-146-94525-7)
  15. Kery, Sean. (2018). “Weights Engineering of Historic Vessels: Sean Kery, SAWE International Symposium, Alexandria, VA, May 2015. Lire en ligne
  16. Lee H. Nelson, « Early Wooden Truss Connections vs. Wood Shrinkage: From Mortise-and-Tenon Joints to Bolted Connections », APT Bulletin, vol. 27, nos 1/2,‎ , p. 11–23 (DOI 10.2307/1504495, JSTOR 1504495)
  17. (en) The Civil engineer & [and] architect's journal, Kent, (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

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