Gian Francesco II Brignole Sale
Gian Francesco (II) Brignole[1], (francisĂ© en Jean-François II Brignole), marquis Brignole-Sale de Groppoli - nĂ© le , Ă GĂȘnes et mort le dans cette mĂȘme ville - est une personnalitĂ© politique du siĂšcle des LumiĂšres. Ambassadeur, gĂ©nĂ©ral, financier et mĂ©cĂšne, il fut doge de GĂȘnes du au [2].
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Margrave |
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Naissance | |
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DĂ©cĂšs | |
Nom de naissance | |
Nationalité |
GĂ©noise |
Formation |
CollĂšge Tolomei, Sienne |
Activité | |
Famille | |
PĂšre | |
Conjoint |
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Biographie
Famille
Jean-François[3] Ă©tait le fils aĂźnĂ© du marquis Anton II Giulio Brignole Sale, ambassadeur de GĂȘnes Ă Versailles et d'Isabella Brignole, sa cousine.
Il appartenait à l'illustre famille Brignole qui avait déjà compté un doge en 1635, son homonyme, Gian Francesco I Brignole Sale. Il possédait en outre trois frÚres :
- Jean-Jacques, qui mourut vers sa quarantiÚme année,
- Giuseppe, qui fut le beau-pÚre des princes de Monaco et de Condé,
- Rodolphe-Emile, qui fut doge de 1762 Ă 1764.
Jean-François épousa Battina Raggi en 1731. Son épouse appartenait à une famille qui, comme les Brignole, était originaire de Rapallo. Ils eurent deux fils qui moururent tous deux jeunes et sans postérité.
Jeunesse
Jean-François[4] perdit son pĂšre alors qu'il n'avait que quinze ans, en 1710. Il hĂ©rita alors d'une imposante fortune, laissĂ©e par ses ancĂȘtres[5].
En 1728, il fut gĂ©nĂ©ral des galĂšres gĂ©noises, l'un des postes les plus prestigieux de la rĂ©publique et rĂ©servĂ© aux oligarques de premier plan. La mĂȘme annĂ©e, lorsqu'il fut nommĂ© directeur des monuments publics, il fit rĂ©tablir le grand aqueduc, qui sur plus de vingt kilomĂštres, portait de l'eau dans toutes les maisons de GĂȘnes. Dans le mĂȘme temps, il fut successivement censeur annuel des activitĂ©s provinciales, protecteur du trĂ©sor de Saint-Georges et il fut chargĂ© en 1736 de la construction d'un nouveau port franc, tĂąche ingrate et pharaonique qui avait dĂ©jĂ Ă©chue un siĂšcle plus tĂŽt Ă son aĂŻeul doge Gian Francesco I Brignole Sale.
L'ambassadeur
En 1729, éclata la guerre de Corse ou guerre de quarante ans, qui occupa l'essentiel de son activité diplomatique ultérieure. Ainsi, en 1730, Jean-François fut élu "Membre de la junte extraordinaire pour la répression du soulÚvement corse". Puis il remplit avec succÚs une autre mission d'apaisement des populations dans le marquisat de Finale.
En , il fut envoyé à Londres pour protester contre l'arrivée de Théodore de Neuhoff sur un bateau anglais.
Ă son retour, il fut nommĂ© ambassadeur de la SĂ©rĂ©nissime RĂ©publique de GĂȘnes Ă Paris de septembre 1737 au printemps 1739, tout comme son pĂšre avant lui. Il Ă©tait chargĂ© d'une dĂ©licate et cruciale mission dont le succĂšs dĂ©termina l'histoire de la Corse. Suivant ses instructions, il nĂ©gocia le retournement des alliances en substituant l'aide du roi de France Ă celle de l'empereur. Il signa ainsi pour la rĂ©publique de GĂȘnes et avec le roi Louis XV et Fleury, la convention de Versailles (1737)[6]. Ainsi, la France intervenait directement dans l'Ăźle qu'elle n'aura de cesse de tenter d'apaiser avant d'en faire dĂ©finitivement la conquĂȘte en 1769.
Francophile convaincu, il menait grand train dans son hĂŽtel particulier de la rue de ClĂ©ry, il acquit un surtout et de la vaisselle dâargent auprĂšs de lâorfĂšvre Claude II Ballin, il commanda une horloge Ă Leroy, des portraits - de son Ă©pouse et de lui-mĂȘme - Ă Hyacinthe Rigaud et il initia son cuisinier aux recettes françaises.
AprĂšs sa charge Ă Versailles, il fut inquisiteur d'Ătat Ă GĂȘnes, puis il fut dĂ©signĂ© en 1740, ambassadeur de la RĂ©publique Ă Vienne.
Guerre de Succession d'Autriche
Ă son retour de Vienne, il fut Ă©lu sĂ©nateur - la dizaine de sĂ©nateurs ou gouverneurs formaient, avec le doge et les procurateurs, la Seigneurie de GĂȘnes et figuraient parmi les tout premiers personnages de l'Ătat- et commissaire gĂ©nĂ©ral de l'armĂ©e gĂ©noise. GĂ©nĂ©ral-en-chef de cette petite armĂ©e autrefois trĂšs redoutable, il tĂącha de rĂ©organiser l'armĂ©e en prĂ©vision d'un conflit avec le royaume de Sardaigne[7].
En septembre 1743, par le traitĂ© de Worms, Marie-ThĂ©rĂšse d'Autriche et l'Angleterre, afin de dĂ©cider Charles-Emmanuel III de Sardaigne Ă intervenir en leur faveur dans la guerre de Succession d'Autriche, lui offrirent le marquisat de Finale, alors possession de la rĂ©publique de GĂȘnes ! Devant ce complot international et rompant avec sa traditionnelle politique de neutralitĂ©, les Magnifiques rĂ©pliquĂšrent avec beaucoup d'audace et d'inconscience par le traitĂ© d'Aranjuez qui Ă©tablissait une alliance dĂ©fensive et offensive entre Français, Espagnols, Napolitains et GĂ©nois. Toutefois, si l'armĂ©e gĂ©noise comptait pour pas grand-chose, pouvoir disposer du premier port d'Italie offrait un avantage important aux Bourbons. GrĂące Ă cela, PiĂ©montais et Autrichiens pouvaient ĂȘtre pris en tenaille[5].
Par conséquent, en 1745, les troupes génoises (de qualité assez médiocre et inférieures aux 10 000 hommes prévus par le traité), commandées par Jean-François Brignole-Sale en personne, suivirent l'armée franco-espagnole de Don Philippe d'Espagne sans s'illustrer particuliÚrement. Pour autant, leur général, lui, se couvrit de gloire. En effet, Jean-François Brignole-Sale avait, dans l'armée alliée, le rang de lieutenant général, directement sous les ordres de l'infant Don Philippe, ce qui faisait de lui le second commandant de l'armée. DÚs la premiÚre campagne, Jean-François Brignole-Sale fut de tous les combats, déployant une immense activité. Il s'empara des places fortes de Serravalle, Tortoue, Valence, Alexandrie, Casale en Piémont, de Parme et Plaisance occupées par les Autrichiens[4].
Ces exploits lui firent mĂ©riter d'ĂȘtre Ă©lu doge de GĂȘnes le 4 mars 1746, alors que la campagne Ă©tait loin d'ĂȘtre terminĂ©e et que l'arrivĂ©e d'un nouveau corps autrichien allait Ă©branler les alliĂ©s en Italie du Nord. Gian Francesco devint ainsi Gian Francesco II Brignole-Sale, "doge de GĂȘnes et roi de Corse par la grĂące de Dieu".
Doge de GĂȘnes
La mort de Philippe V d'Espagne entraina soudainement le dĂ©sengagement espagnol. Les alliĂ©s furent Ă©crasĂ©s Ă Plaisance le . Ă la suite des revers français et espagnols, les Autrichiens du gĂ©nĂ©ral Antoniotto de Botta-Adorno, de lointaine ascendance gĂ©noise, se prĂ©sentĂšrent en septembre devant GĂȘnes sans dĂ©fense, alors que tout le pays Ă©tait aux mains des Austro-sardes et que Français et Espagnols avaient prĂ©cipitamment rembarquĂ©. Le gouvernement fut obligĂ© de capituler et de livrer la ville Ă l'ennemi.
Lorsque solennellement, le doge Brignole-Sale s'agenouilla devant le général autrichien, en demandant pitié pour sa ville, Botta-Adornolui répondit ceci : "Aux Génois, je ne laisserai que les yeux pour pleurer".
De plus, juste avant l'entrée des Autrichiens, la quasi-totalité des nobles s'étaient enfuis dans leurs villas de province pour échapper aux violences et au spectacle de la guerre, abandonnant le bas peuple, qui n'avait pas voulu la guerre. Ceci fut vécu comme une trahison par le peuple, la seconde aprÚs la décision d'entrer en guerre. Le doge, lui, demeura dans sa ville. Certes, la constitution l'y contraignait.
Mais au bout de trois mois, l'insurrection populaire, dĂ©clenchĂ©e par un enfant, Ballila et menĂ©e aux cris de "vive Marie", chassa les Autrichiens de la ville et Jean-François Brignole-Sale rĂ©ussit Ă profiter de l'enthousiasme populaire et leva une armĂ©e de quelque 22 000 hommes. Se mettant Ă leur tĂȘte, il se joignit aux forces du duc de Richelieu - alors l'amant de Pellina Lomellini, Ă©pouse de Ridolfo Emilio Brignole Sale - et participa Ă l'expulsion des Autrichiens du territoire gĂ©nois.
Mais l'insurrection avait mis en lumiĂšre des forces contestataires et plĂ©bĂ©iennes, profondĂ©ment anti-patriciennes. On lui imposa une assemblĂ©e populaire qui remplaça les diffĂ©rents conseils patriciens. Le doge parut l'accepter de bonne grĂące tandis qu'en exil, certains nobles dĂ©nonçaient ce qu'il traitaient de rĂ©volution et de jacquerie ! Par consĂ©quent, fait absolument unique dans l'histoire de la rĂ©publique oligarchique, durant la majeure partie de son mandat, de dĂ©cembre 1746 au printemps 1748, GĂȘnes connut un gouvernement dĂ©mocratique[5]! Toutefois, les chefs populaires ne tardĂšrent pas Ă s'entretuer et il devint limpide que seuls les Magnifiques pouvaient gouverner. Les lois exceptionnelles furent aussitĂŽt abrogĂ©es dĂšs le nouveau doge Ă©lu et les institutions originelles de la RĂ©publique reprirent leur fonctionnement normal. Ainsi, sans que l'on sache trĂšs bien quel fut le rĂŽle rĂ©el du doge dans cette affaire, toujours est-il qu'en 1748, la rĂ©publique Ă©tait sauvĂ©e.
La paix d'Aix-la-chapelle consacra le retour au statu quo ante bellum en ce qui concerne le marquisat de Finale. En deux ans de dogat, le doge Brignole-Sale, protégea le legs d'Andrea Doria de rien moins qu'une guerre européenne, une invasion militaire, un blocus maritime et une révolution populaire. Il mérita alors amplement les éloges qu'il reçut.
Dans De bello italico, ouvrage en latin relatant la campagne en Italie en 1745 et 1746 on trouve ce passage :
« [De bello italico]...Ipse Dux Brignolus in tantù rerum perturbatione, incredibili animi robore, consiliique prostantiù neque nimis populari concitationi indulgebat, neque fatis repugnabat. Venientes enim ad se cujuscumque generis homines, impotentissimumque Austriacorum dominatum..."[8]. »
Le grand seigneur
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En sortir de charge, Brignole fut nommé procurateur perpétuel (1748) et surintendant des places fortes (1749). Quand il ne participait pas au gouvernement de la république, il administrait directement ses terres de Groppoli, bravant le grand-duc de Toscane qui l'avait officiellement dépossédé.
Grand personnage de lâĂtat, il prĂ©sida, en 1757, au mariage de sa niĂšce Marie-Catherine Brignole-Sale avec le prince HonorĂ© III de Monaco, marquant certainement l'apogĂ©e de la famille Brignole-Sale.
Il mourut le , regrettĂ© de tous pour son action et pour sa munificence envers les Ă©tablissements publics et notamment la maison appelĂ©e le refuge des filles de Brignole, hospice fondĂ© par ses ancĂȘtres.
Iconographie
- Jacopo Boni l'a représenté en 1746 en grande tenue de doge dans un tableau qui se veut reproduire le célÚbre tableau de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud.
- Son portrait a Ă©tĂ© peint par Hyacinthe Rigaud en 1739[9] et est conservĂ© au Palazzo Rosso de GĂȘnes[10]. Anciennement attribuĂ© Ă Gaspard Rigaud, ce tableau (avec son pendant fĂ©minin) est considĂ©rĂ© par Michel et Cochin comme lâun des « deux portraits de Rigaud, dans ses derniers temps, secs et de couleur rouge ; mais dessinĂ©s avec justesse, et dâune exĂ©cution trĂšs finie »[11].
Les archives historiques de la commune de GĂȘnes conservent un reçu de Rigaud qui attestent du rĂšglement Ă l'artiste de 1200 livres, soit le prix de l'effigie et de l'Ă©pouse du doge[12] :
« Jâay reçu de Monsieur Verzure la somme de douze
cent livres quâil mâa payĂ© pour le compte de S. E.
M. le marquis Brignole avec lequel il sâen entendra.
A Paris, le 16 avril 1738. »
Un autre reçu du sculpteur Charles-Louis Maurizan atteste également de la confection des bordures (cadres) pour un montant de 720 livres :
« Jâay receu de Monsaigneur le
marqui de Brignolet envoiez de Jaine
par les mains de Monsieur Brun[13] la somme
de sept cent vingt livres pour deux
cadre de tableaux que jâay livrĂ©s Ă son
exselance, dont je quite mondisaigneur
de tout chauze. A Paris le 19 janvier mille
sept cent trante neuf. Maurisan »[14] »
Les caisses furent envoyĂ©es via Marseille comme le montre un Ătat des Ă©quipages envoyĂ©s Ă Marseille[15].
Bibliographie
- V. Vitale, « Diplomatici e consoli della Repubblica di Genova », dans Atti della Società Ligure di Storia Patria, 1934, LXIII, p. 150
- Dizionarico biografico degli italiani, Rome, 1972, tome 14, p. 282-283
- Michel, 1991, p. 434
- Laura Tagliaferro, La magnificenza privata, Genova, 1995
- Alvar Gonzalez-Palacios, Il mobile in Liguria, GĂȘnes, 1996, p. 170-171.
- Piero Boccardo, « Gregorio De Ferrari, Giovanni Palmieri, Bartolomeo Steccone and the furnishings of the Palazzo Rosso, Genoa », dans The Burlington Magazine, , n°1119, vol. CXXXVIII1996, p. 364.
- Laura Tagliaferro, « Un altro ritratto e lâautoritratto di Lorenzo De Ferrari e le loro traduzioni a stampa » dans Bulletino dei Musei Civici Genovesi, sept.-dec. 2000, n°66, p. 25-34.
- Piero Boccardo, El Siglo de los Genoveses e una lunga storia di arte e splendori nel palazzo dei Dogi, Milan, 1999, p. 100-101.
- Daniele Sanguinetti, « Il Ritratto di Anton Giulio II Brignole Sale di Hyacinthe Rigaud : un ritrovamento inaspettato », dans Prospettiva, Rivista di Storia dellâarte antica e moderna, n°105, , p. 43-44, repr. p. 44, fig. 32.
- Ariane James-Sarazin, « Genova e il ritratto francese (1690-1740) », dans Genova e la Francia. Opere, artisti, committenti, collectionisti, Milano, Silvana Editoriale, 2003, p. 204-219.
Notes et références
- http://www.heraldique-europeenne.org/Regions/Italie/Doges_Genes_14.htm
- Elogo di Gian Francesco Brignole Sale, 1824
- Site du palazzo rosso, arbre généalogique simplifié des Brignole-Sale
- Dictionnaire des hommes illustres, début du XIXe siÚcle
- Histoire de GĂȘnes, Antoine-Marie Graziani, Fayard, 2009
- ADECEC, chronologie de la guerre de Corse
- The army of the most seren republic of Genoa, site internet
- site en italien sur l'origine des noms de famille en italien, cf. Brignoli et Brignolo
- J. Roman, Le livre de raison du peintre Hyacinthe Rigaud, Paris, 1919, p. 217
- Huile sur toile. H. 101,5 ; L. 80,2. GĂȘnes, Galleria di Palazzo Rosso. Inv. PR 10.
- Charles Michel, Le voyage dâItalie de Charles-Nicolas Cochin (1758), Ă©ditĂ© en fac-similĂ© avec une introduction et des notes, Rome, Ăcole française de Rome, 1991, p. 434.
- Fonds Brignole-Sale, série Conti, XLI, 1738-1739, n°575
- MaĂźtre dâhĂŽtel du doge Ă Paris
- GĂȘnes, archives communales, sĂ©rie Conti, XLI, n°470/2
- « [...] une quaisse de deux toiles de tableaux », n°75, archives de GĂȘnes, XLI, n°660
Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :