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Gabriel Bonnot de Mably

L'abbé Gabriel Bonnot de Mably, né à Grenoble le et mort à Paris le , est un philosophe français.

Gabriel Bonnot de Mably
L’abbé de Mably
(musée de la Révolution française).
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  76 ans)
Paris
SĂ©pulture
Activités

Biographie

Issu d'une famille de noblesse parlementaire, l'abbé de Mably est le frère de Condillac, lui aussi philosophe. Mably dénonce le « despotisme légal » et critique également le système politique anglais, qui selon lui, subordonne le pouvoir législatif au pouvoir exécutif.

Il fut chanoine de l'Ă©glise abbatiale de l'ĂŽle Barbe.

Doctrine

Précurseur du socialisme utopique et de la Révolution, il se livre à une critique morale de la société d'Ancien Régime, exposant que l'inégalité des conditions et la propriété privée sont la cause des maux de la société. Il voit dans la propriété commune et l'égalité, moins un moyen d'atteindre le bonheur qu'un moyen d'atteindre la vertu (Observations sur l'histoire de France, 1765 ; De la législation ou Principes des lois, 1776). Il admire les sociétés antiques, modèle de frugalité et de vertu, telle Sparte et choisit le vertueux et ascète Phocion comme modèle de sa société vertueuse (Entretiens de Phocion sur le rapport de la morale et de la politique, 1763).

  • En 1768, dans son ouvrage « Doutes proposĂ©s aux philosophes et aux Ă©conomistes sur l'ordre naturel et essentiel des sociĂ©tĂ©s politiques », il dĂ©clare ne pouvoir accepter que les institutions existantes et en particulier la propriĂ©tĂ© foncière soient conformes au vĹ“u de la nature[1]. Il vise en particulier - mais pas seulement - les idĂ©es physiocratiques :
« Je crains que votre ordre naturel ne soit contre nature […] Dès que je vois la propriété foncière établie, je vois des fortunes inégales. Et, de ces fortunes disproportionnées, ne doit-il pas résulter des intérêts différents et opposés, tous les vices de la richesse, tous les vices de la pauvreté, l'abrutissement des esprits, la corruption des mœurs civiles et tous ces préjugés et ces passions qui étoufferont éventuellement l'évidence sur laquelle cependant nos philosophes mettent leurs dernières espérances ? »
  • Les Ă©conomistes assimilent Ă  tort l'ordre social Ă  un ordre « physique » :
« La Société est composée d'êtres physiques, mais ces êtres physiques ont des qualités morales […] J'ai beau étudier l'Homme, je ne vois partout que le mélange du physique et du moral… […] Les institutions sociales n'ont pas été établies parce que l'homme est un animal qu'il faut nourrir, mais parce qu'il est intelligent et sensible. La culture est faite pour embellir et aider la Société et la société n'est point faite pour fleurir l'agriculture ».
  • Le souci de la justice et de la paix doit passer avant celui de l'augmentation des richesses :
« Quand la propriété foncière serait beaucoup plus favorable à la reproduction des richesses qu'elle ne l'est en effet, il faudrait encore préférer la communauté des biens. Qu'importe cette plus grande abondance, si elle invite les hommes à être injustes et à s'armer de la force et de la fraude pour s'enrichir ? Peut-on douter sérieusement que dans une société où l'avarice, la vanité et l'ambition seraient inconnues, le dernier des citoyens ne fût plus heureux que ne le sont aujourd'hui nos propriétaires les plus riches ? »

Pourtant sur un plan pratique, l'abbé de Mably reconnaît que les « préjugés » des hommes sont trop enracinés pour qu'on puisse rétablir « l'égalité naturelle » et la communauté des biens. Il convient cependant de rétablir un peu plus l'égalité par des « lois agraires » limitant l'étendue des propriétés foncières.

L'historien de la pensée économique, Henri Denis[2], souligne combien les thèses des partisans de la justice sociale, inchangées depuis Platon (?) se heurtent toujours au même dilemme : « La société doit être transformée mais l'usage de la contrainte en vue de réaliser cet objectif va contre le but idéal de paix et d'amitié que l'on poursuit. »

« Quelques années plus tard, la révolution sera dans une très large mesure la révolte des couches populaires de la société contre la misère et l'injustice sociale. »

Il fut un habitué des salons littéraires et des fêtes des Grandes Nuits de Sceaux de la duchesse du Maine au château de Sceaux autour de sa cour et des chevaliers de l'Ordre de la Mouche à Miel.

Ĺ’uvre

  • Parallèle des Romains et des François par rapport au gouvernement, (1740)
  • Lettres Ă  Madame la Marquise de P... sur l’OpĂ©ra, (1741)
  • Le Droit public de l’Europe fondĂ© sur les traitĂ©s conclus jusqu’en l’annĂ©e 1740 (1746)
  • Observations sur les Grecs (1749)
  • Observations sur les Romains (1751)
  • Des principes des nĂ©gociations pour servir au Droit public fondĂ© sur les traitĂ©s (1757)
  • Entretiens de Phocion, sur l’introduction de la morale avec la politique, traduits du grec de Nicoclès, avec des remarques (1763)
  • RĂ©ponse de M. l'AbbĂ© de Mably Ă  M. l'AbbĂ© Rome (1764)
  • Observations sur l’histoire de France, livres I - IV (1765)
  • Observations sur l’histoire de la Grèce, ou Des causes de la ProspĂ©ritĂ© et des malheurs des Grecs (1766)
  • Doutes proposĂ©s aux philosophes Ă©conomistes sur l’Ordre naturel et essentiel des sociĂ©tĂ©s politiques (1768)
  • Du commerce des grains (1775)
  • De l’étude de l’histoire Ă  Monseigneur le prince de Parme Tome XVI du cours d’études pour l’instruction du Prince de Parme, aujourd’hui S.A.R. l’Infant D. Ferdinand, duc de Parme, Plaisance, Gasuelle etc. par M. l’AbbĂ© de Condillac (1775)
  • De la lĂ©gislation, ou Principes des lois (1776)
  • Du gouvernement et des lois de la Pologne (Londres, s. n., 1781)
  • De la manière d’écrire l’histoire (1783)
  • Principes de morale (1784)
  • Observations sur le gouvernement et les lois des États-Unis d’AmĂ©rique (1784)

Ĺ’uvres posthumes

  • Observations sur l’histoire de France, nouvelle Ă©dition prĂ©cĂ©dĂ©e de l’éloge historique de l’auteur par M. l’abbĂ© Brizard (1788) ;
  • De la situation politique en Pologne en 1776 ;
  • Le Banquet des politiques ;
  • De l’étude de la politique ;
  • Des maladies politiques et de leur traitement ;
  • Des droits et des devoirs du citoyen (1789, rĂ©imprimĂ© en 1791, mais Ă©crit en 1758) ;
  • Du commerce des grains ;
  • De la superstition ;
  • Notre gloire et nos rĂŞves ;
  • De la paix d’Allemagne ;
  • De la mort de l’impĂ©ratrice-reine ;
  • L’Oracle d’Apollon ;
  • Des talens ;
  • Du beau ;
  • Du dĂ©veloppement, des progrès et des bornes de la raison ;
  • Le compte rendu ;
  • La Retraite de M. Necker ;
  • Du cours et de la marche des passions dans la sociĂ©tĂ©.

Éditions d'œuvres complètes jusqu'en 1795

  • Ĺ’uvres complètes de l’AbbĂ© Mably, nouvelle Ă©dition prĂ©cĂ©dĂ©e de l’éloge historique de l’auteur par M. l’abbĂ© Brizard, 12 vol., Ă©dition presque complète d'une imprimerie Ă  Londres (1789)
  • Ĺ’uvres complètes de l’abbĂ© Mably, 19 vol., Toulouse (Sens) & NĂ®mes (Gaude) Ă©dition (1791)
  • Ĺ’uvres complètes de l’abbĂ© Mably, nouvelle Ă©dition revue, corrigĂ©e et augmentĂ©e, 19 vols. Toulouse (Sens) & NĂ®mes (Gaude Ă©dition) (1793)
  • Collection complète des Ĺ“uvres de l’abbĂ© Mably, 15 vols., Ă©dition Paris (Desbrières) (1794/1795) plus complète que d'autres Ă©ditions.

Portraits

  • Anonyme, Portrait de Gabriel Bonnot de Mably, XIXe siècle, huile sur toile. Coll. musĂ©e de Grenoble (inv. MG 352).

Notes et références

  1. Histoire de la pensée économique par Henri Denis, PUF Thémis Paris 1966.
  2. Histoire de la pensée Économique, op. cit.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Marc Belissa, Introduction et notes Ă  la rĂ©Ă©dition des Principes des NĂ©gociations pour servir d'Introduction au Droit public de l'Europe, Paris, KimĂ©, 2001.
  • Marc Belissa, Introduction et notes Ă  l'Ă©dition de Du gouvernement et des lois de la Pologne, suivi de De la situation politique de la Pologne en 1776 et Le Banquet des Politiques, Paris, KimĂ©, 2008.
  • Marc Deleplace, L'anarchie de Mably Ă  Proudhon, 1750-1850. Histoire d'une appropriation polĂ©mique, ENS-LSH Éditions, Lyon, 2002.
  • Peter Friedemann, Die Politische Philosophie des Gabriel Bonnot de Mably (1709-1785). Eine Studie zur Geschichte des republikanischen und des sozialen Freiheitsbegriffs. LIT-Verlag Berlin, 2014, 350 p. Collection Politische Theorie und Kultur (Ă©ditĂ©e par Hajo Funke et Lars Rensmann, vol. 4).
  • (en) Rachel Hammersley, The English Republican tradition and eighteenth-century France : Between the ancients and the moderns, Manchester, Manchester University Press, coll. « Press Studies in Early Modern European History », , XI-239 p. (ISBN 978-0-7190-7932-0), « A French commonwealthman : the abbĂ© Mably », p. 86-98.
  • Johnson Kent Wright, A Classical Republican in Eighteenth-Century France : The Political Thought of Mably, Stanford University Press, 1997.
  • Charles Philippe Dijon de Monteton, Der lange Schatten des AbbĂ© Bonnot de Mably. Divergenzen und Analogien seines Denkens in der Politischen Theorie des Grafen Sieyès, in: Thiele, U. (ed.): Volkssouveränität und Freiheitsrechte. Emmanuel Joseph Sieyes' Staatsverständnis, Nomos, Baden-Baden, 2009, S. 43-110.
  • StĂ©phanie Roza, « Comment l’utopie est devenue un programme politique : Morelly, Mably, Babeuf, un dĂ©bat avec Rousseau », Annales historiques de la RĂ©volution française, no 378,‎ , p. 111–118 (ISSN 0003-4436, lire en ligne, consultĂ© le )

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