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GĂ©nocide kurde

Le génocide kurde, aussi connu sous le nom d'Anfal, a eu lieu de février à septembre 1988. Ordonné par le régime irakien de Saddam Hussein et dirigé par son cousin Ali Hassan al-Majid, il a causé la mort de 50 000 à 180 000 civils kurdes[1] - [2]. L'épisode le plus marquant de ce génocide est le bombardement aux armes chimiques de la ville kurde d'Halabja le .

Résumé

La guerre Iran-Irak est à l’origine de la quatrième insurrection kurde irakienne profitant de l’instabilité dans la région.

En mars 1987, Ali Hassan al-Majid est nommĂ© SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du parti Baas pour la rĂ©gion Nord, incluant le Kurdistan. Sous son autoritĂ©, le contrĂ´le des opĂ©rations contre les combattants kurdes est transfĂ©rĂ© de Bagdad au parti Baas. Ceci est le prĂ©lude Ă  la « solution finale Â» au problème de l’insurrection kurde dĂ©cidĂ©e par Al-Majid dès son arrivĂ©e Ă  son poste. L'opĂ©ration destinĂ©e Ă  Ă©radiquer dĂ©finitivement le « problème kurde Â» est baptisĂ©e Anfal.

Les opĂ©rations se dĂ©composent en une sĂ©rie de huit Anfal. Les sept premiers Anfal ont pour cible la rĂ©gion oĂą agit l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) tandis que l'« Anfal final Â» s'abat sur la rĂ©gion dominĂ©e par le Parti dĂ©mocratique du Kurdistan (PDK).

Ainsi, on a les huit opérations suivantes avec leurs régions cibles[2] :

  • Premier Anfal : Sergalou et Bergalou, du au . C'est lors de ce premier Anfal qu'Halabja est gazĂ© ;
  • Deuxième Anfal : Qara Dagh, du au ;
  • Troisième Anfal : Germian, du au ;
  • Quatrième Anfal : La vallĂ©e du Zab, du au ;
  • Cinquième, sixième et septième Anfal : Les vallĂ©es de Shaqlawa et Rawanduz, du au ;
  • Anfal final : Badinan, du au .

200 000 soldats irakiens sont affectĂ©s Ă  cette campagne de gĂ©nocide qui a recours Ă  des offensives terrestres, des bombardements aĂ©riens, des destructions systĂ©matiques de zones d'habitation civile, des dĂ©portations massives, la mise en place de camps de concentration, des exĂ©cutions sommaires et bien sĂ»r l'utilisation massive d'armes chimiques, ce qui a valu Ă  Ali Hassan Al-Majid le surnom d'Ali le chimique.

Plus tard, lors d’une dĂ©claration tĂ©lĂ©visĂ©e Saddam Hussein expliqua : « Les Barzanis ont Ă©tendu leur trahison Ă  d'autres familles, ils sont impliquĂ©s dans ce crime et sont devenus des guides pour l'armĂ©e perse et ont aidĂ© Ă  occuper la terre d'Irak. […] Ils ont donc Ă©tĂ© sĂ©vèrement punis et sont allĂ©s en enfer[3]. Â»

Bilan

D'après le Tribunal spĂ©cial irakien, 182 000 civils ont Ă©tĂ© tuĂ©s et plus de 2 000 villages dĂ©truits.

D'après Human Rights Watch[2], 90 % des villages de la rĂ©gion cible ont Ă©tĂ© rayĂ©s de la carte et 1 754 Ă©coles et 270 hĂ´pitaux dĂ©truits. Selon son rapport :

« OĂą sont les tombes de tous ceux qui furent tuĂ©s, et combien de corps contiennent-elles ? Moins de 50 000 serait inconcevable, ce pourrait ĂŞtre le double de ce chiffre. » Après le soulèvement du printemps 1991, les leaders kurdes « ont mentionnĂ© 182 000 morts – une extrapolation approximative basĂ©e sur le nombre de villages dĂ©truits. Quand il entendit cela, on rapporte que Ali Hassan al-Majid s'est emportĂ©, disant : “182 000 ? Qu'est-ce c'est que cette exagĂ©ration ? Ce ne peut pas ĂŞtre plus de 100 000 [4].” »

Les alliés occidentaux de l'Irak furent réticents à condamner le massacre de Halabja en dépit de l'immense émotion de l'opinion publique internationale. La France se contenta d'un bref communiqué condamnant « l'usage d'armes chimiques où que ce soit ». Le rapport de l'ONU, réalisé par un colonel de l'armée espagnole, notait seulement que « des armes chimiques ont de nouveau été employées tant en Irak qu'en Iran » et que « le nombre de victimes civiles augmente ». Le secrétaire général de l'ONU affirma que les nationalités « sont difficiles à déterminer, tant pour les armes que pour les utilisateurs de celles-ci ». La sous-Commission des droits de l'homme des Nations unies estima, par onze voix contre huit, qu'il n'y avait pas lieu de condamner le régime de Saddam Hussein pour violation des droits de l'homme. Le président américain George H. W. Bush s'opposa à des sanctions contre l'Irak et lui accorda au contraire un prêt de un milliard de dollars[5].

Procès

Le procès de La Haye

Frans Van Anraat est un homme d'affaires néerlandais. Il a fourni au régime de Saddam Hussein des substances chimiques qui ont permis de produire les armes chimiques utilisées contre les Kurdes. Il vivait à Bagdad quand l'offensive américaine a commencé en 2003. À la chute de Saddam Hussein, Van Anraat est retourné aux Pays-Bas. Le , il est arrêté pour complicité de crime de guerre et génocide. Van Anraat est poursuivi par le tribunal de La Haye en vertu d'un jugement de la Cour suprême des Pays-Bas donnant aux tribunaux néerlandais compétence universelle pour juger les personnes suspectées de crimes de guerre et de génocide dès lors qu'elles résident aux Pays-Bas.

Le , Van Anraat est reconnu coupable de complicitĂ© de crime de guerre et condamnĂ© Ă  15 ans de prison. La Cour ne le condamne pas pour gĂ©nocide, car elle estime que Van Anraat ne pouvait pas connaĂ®tre les « intentions gĂ©nocidaires Â» du rĂ©gime. Elle affirme cependant qu'un gĂ©nocide a bien eu lieu contre les Kurdes lors de l'opĂ©ration Anfal.

Avec ce jugement, le gazage des Kurdes est pour la première fois qualifié officiellement de génocide par un tribunal[6].

Le Tribunal spécial irakien (TSI)

En , le tribunal spécial irakien annonce la tenue prochaine du procès Anfal impliquant Saddam Hussein et six coaccusés. Le procès débute le et Saddam Hussein est présenté en au tribunal. Mais il est exécuté le car il avait déjà été condamné à mort dans le procès de Dujail.

Le procès Anfal continue pour les coaccusés en l'absence de Saddam Hussein. Le , Ali Hassan al-Majid, Sultan Hashem Ahmed et Hussein Rashid Mohammed sont reconnus coupables de génocide et sont tous les trois condamnés à mort par pendaison. Farhan Jubouri et Saber Abdel Aziz al-Douri sont condamnés à la prison à vie. Enfin, le sixième accusé, Taher Tawfiq al-Ani, est acquitté faute de preuves.

Bibliographie

  • Human Rights Watch, GĂ©nocide en Irak : la campagne d'Anfal contre les Kurdes, Paris, Karthala, 2003.
  • Choman Hardi, Gendered experiences of genocide: Anfal survivors in Kurdistan-Iraq, London, Routledge, 2011.
  • Choman Hardi, "Anfal", traduit en français par Victor Martinez, revue Europe n° 1055, pp. 226-233.
  • Choman Hardi, "Que vous dirai-je Ă  propos de l'Anfal ?", traduction V. Martinez, revue ConsĂ©quence n°2, pp. 45-51.

Notes et références

  1. « The Crimes of Saddam Hussein - 1988: The Anfal Campaign », sur PBS Frontline World www.pbs.org (consulté le )
  2. (en) Human Rights Watch : GENOCIDE IN IRAQ - The Anfal Campaign Against the Kurds, A Middle East Watch Report, July 1993 (lire en ligne le dossier complet).
  3. « جحيم البرزانيين » [vidéo], sur YouTube (consulté le ).
  4. Chapitre 13 et conclusion du dossier de Human Rights Watch.
  5. Kendal Nezan, « Quand « notre » ami Saddam gazait ses Kurdes », sur Le Monde diplomatique,
  6. « Europe - Killing of Iraq Kurds 'genocide' », sur bbc.co.uk (consulté le ).

Voir aussi

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