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Gélase de Césarée

Gélase de Césarée est un évêque et écrivain religieux palestinien de la seconde moitié du IVe siècle. Neveu par sa mère de Cyrille de Jérusalem, il succéda à Acace comme évêque de Césarée en 367, fut déposé et remplacé par l'arien Euzoïus quelques années plus tard, puis rétabli en 379 après l'avènement de l'empereur Théodose. Il prit part au concile de Constantinople de 381[1]. Il serait mort peut-être avant l'été 395[2], en tout cas avant 400[3]. Saint Jérôme, son contemporain, rapporte une rumeur selon laquelle il écrivait des textes d'un style très travaillé, mais ne les publiait pas[4]. Des textes doctrinaux de lui sont cités par Théodoret de Cyr (dans les Dialogues), par Léonce de Byzance et dans la Doctrina Patrum (qui lui attribue une Exposition du Symbole de Nicée).

Gélase de Césarée
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Le problème de l'Histoire ecclésiastique de Gélase de Césarée

Dans la Bibliothèque de Photius, trois codices (88, 89, 102) se réfèrent à « Gélase, évêque de Césarée », mais le patriarche avoue lui-même sa grande perplexité : il dit dans le codex 88 qu'il a trouvé trois « Gélase de Césarée » d'époques différentes. En fait, les textes dont il traite dans ce codex (un récit du premier concile de Nicée et une Vie de l'empereur Constantin : textes connus par ailleurs, qui constituent une compilation organisée en trois livres appelée Syntagma) sont d'un auteur de la fin du Ve siècle, natif de la ville de Cyzique, qu'on appelle « Gélase de Cyzique » d'après cette présentation confuse de Photius (mais rien ne dit en fait qu'il s'appelait Gélase). Le très bref codex 102 parle d'un Traité contre les anoméens, qui serait d'un « Gélase de Césarée » bien supérieur par le style aux deux autres.

Le début du codex 89, dans la continuité du 88, est formulé de la manière suivante : « L'autre livre a le titre suivant : Prologue de (Gélase)[5] évêque de Césarée de Palestine à ce qui vient après l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Pamphile, et il commence ainsi : "Les autres qui ont entrepris d'écrire, et su livrer à la mémoire des hommes, le récit des événements, etc.". Puis il dit qu'il est par sa mère le neveu de Cyrille de Jérusalem et que c'est ce dernier qui l'a incité à faire cet ouvrage [...] ». On comprend donc que Gélase de Césarée avait écrit une suite à l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée (son prédécesseur sur son siège), à la demande de son oncle Cyrille de Jérusalem. La formulation de Photius (qui parle d'un prologue, sans donner en réalité un titre) indiquerait que l'ouvrage se présentait comme une simple suite, sans titre propre, avec seulement un paragraphe signalant le changement d'auteur[6].

Dans la suite du codex 89, on lit la phrase suivante : « J'ai trouvé dans d'autres écrits que Cyrille lui-même et ce Gélase n'avaient pas composé une histoire particulière, mais traduit en grec celle de Rufin le Romain ». En dehors de Photius, Gélase est cité comme source dans des compilations d'histoire ecclésiastique présentes dans différents manuscrits byzantins, à partir desquels on peut reconstituer un Épitomé unique[7] ; après les extraits venant d'Eusèbe, et avant ceux de Théodore le Lecteur, on a dans ces compilations des fragments introduits par la phrase suivante : « Cyrille, évêque de Jérusalem, était l'oncle maternel de Gélase de Césarée, et c'est lui, en mourant, qui obligea par écrit Gélase à entreprendre de raconter les événements postérieurs à Eusèbe et ceux qu'Eusèbe n'avait pas écrits ». Dans le Syntagma de l'auteur de Cyzique évoqué par le codex 88 de Photius, plusieurs fragments, les mêmes que dans l'Épitomé, sont attribués explicitement à « Rufin ou Gélase » comme s'il s'agissait de la même source[8]. Certains de ces fragments se retrouvent aussi dans la Chronique de Théophane le Confesseur, dont un explicitement référé à « Gélase, évêque de Césarée »[9]. En tout, jusqu'à 41 fragments de cette continuation d'Eusèbe par Gélase ont été répertoriés[10].

Quant au rapport de l'ouvrage de Gélase avec l'Histoire ecclésiastique de Rufin d'Aquilée, celui-ci n'a commencé sa traduction de celle d'Eusèbe qu'après 401, soit certainement après la mort de Gélase[11]. L'idée, exprimée par Photius et apparemment déjà présente à l'esprit de l'auteur du Syntagma, que la continuation de Gélase était une traduction de celle de Rufin, paraît donc exclue. L'hypothèse inverse, sous sa forme extrême, est que les deux livres de Rufin qui forment sa continuation d'Eusèbe seraient « pour l'essentiel » une traduction ou adaptation en latin de celle de Gélase[12]. Mais plusieurs témoins de l'Antiquité tardive, y compris grecs[13], présentent Rufin comme un historien original, servant de source. Plusieurs spécialistes récents ont remis radicalement en cause l'existence même de cette continuation d'Eusèbe par Gélase de Césarée, dont l'idée serait une construction fondée sur des témoignages tardifs et confus[14].

Édition

Notes et références

  1. Théodoret de Cyr, Histoire ecclésiastique, V, 8.
  2. En septembre 395, selon sa Vie par Marc le Diacre, l'évêque Porphyre de Gaza, accompagné de son collègue Jean de Césarée, serait parti pour Constantinople pour obtenir la fermeture du temple de Marnas à Gaza. Mais cette Vie n'est pas sûrement datée, et son contenu est douteux.
  3. Une lettre de Théophile d'Alexandrie, datée de septembre 400, est adressée à l'évêque Eulogios de Césarée.
  4. Saint Jérôme, De viris illustribus 130 : « Gelasius Cæsareæ Palestinæ post Euzoium episcopus accurati limatique sermonis fertur quædam scribere sed celare ».
  5. Le nom « Gélase » est absent dans les manuscrits à cet endroit, mais Photius écrit un peu plus loin : « ce Gélase », ce qui suppose qu'il l'a déjà nommé ici.
  6. Voir Pierre Nautin, « La continuation de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe par Gélase de Césarée », Revue des études byzantines 50, 1992, p. 163-183. C'est aussi la façon dont se présentent les deux livres ajoutés par Rufin d'Aquilée à sa traduction latine d'Eusèbe.
  7. L'existence d'un Épitomé byzantin d'histoire ecclésiastique contenant ces extraits, dont le noyau remonte au début du VIIe siècle, a été démontrée par Charles De Boor (« Neue Fragmente des Papias, Hegesippus und Pierius in bisher unbekannten Excerpten aus der Kirchengeschichte des Pilippus Sidetes », Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur, Leipzig, 1888, p. 165-184).
  8. « Ῥουφίνος ἤγουν Γελάσιος ταύτα ὧδε λέγει », « Rufin, ou du moins Gélase, dit ainsi ces choses » (I, 8, 1). La même compilation comprend deux autres de ces mêmes extraits référés simplement à « Rufin » (I, 2, 1 et I, 11, 17-18), mais aucun des trois passages ne figure d'ailleurs dans l'Histoire ecclésiastique de Rufin d'Aquilée.
  9. « Gélase, évêque de la même ville de Césarée, dit que [...] » (p. 11, l. 17, éd. De Boor). Le contenu du fragment est d'ailleurs fantaisiste : « Dioclétien et Maximien, ayant voulu reprendre l'empire, furent tués par arrêt unanime du sénat ».
  10. Friedhelm Winkelmann, Untersuchungen zur Kirchengeschichte des Gelasios von Kaisareia, Sitzungsberichte der Deutschen Akademie der Wissenschaften zur Berlin, 1965, III, Berlin, 1966 ; « Charakter und Bedeutung der Kirchengeschichte des Gelasios von Kaisareia », Byzantinische Forschungen I, 1966, p. 346-385.
  11. Dans la préface, adressée à l'évêque Chromace d'Aquilée, Rufin dit explicitement que son destinataire lui a demandé de traduire l'Histoire d'Eusèbe après l'invasion de l'Italie par Alaric Ier, roi des Wisigoths (401). Voir Ernest Honingmann, « Gélase de Césarée et Rufin d'Aquilée », Bulletin de l'Académie royale de Belgique, Classe des lettres et des sciences morales et politiques 40, 1954, p. 122-161.
  12. Hypothèse développée par Anton Glas, Die Kirchengeschichte des Gelasios von Kaisareia : Die Vorlage für die beiden letzten Bücher der Kirchengeschichte Rufins, Byzantinisches Archiv 6, Leipzig-Berlin, 1914.
  13. Par exemple Socrate le Scolastique, Histoire ecclésiastique, I, 1 : « Rufin, qui écrivit l'histoire de l'Église en latin, a erré sur la chronologie [...] Nous avons donc écrit le premier et le deuxième livre de notre histoire en suivant Rufin dans ses opinions, mais nous avons complété notre ouvrage, à partir du troisième livre jusqu'au septième, en empruntant certes à Rufin, mais aussi à d'autres auteurs [...] ».
  14. « Une œuvre qui n'existe pas, (objet d'une) quête stérile » selon Françoise Thélamon, Païens et chrétiens au IVe siècle : l'apport de l'Histoire ecclésiastique de Rufin d'Aquilée, Paris, Études augustiniennes, 1981, p. 20. Également Carmelo Curti, article « Gélase de Césarée », Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, I, 1990, p. 1022-23 ; Paul van Nuffelen, « Gélase de Césarée, un compilateur du Ve siècle », Byzantinische Zeitschrift 95, 2002, p. 621-639. Il y aurait un compilateur grec, appelé ensuite « Gélase » ou « Rufin » (le « Pseudo-Gélase » ou le « Rufin grec ») qui s'intercalerait entre Socrate le Scolastique (qui a publié son ouvrage en 439/440) et le Syntagma de l'Anonyme de Cyzique (475).
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