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Fort George (Tubuai)

Fort George est un site historique privé situé sur l'île de Tubuai (Tupuai, Tupua'i), chef-lieu administratif des Australes (Tuhaa Pae), sur la commune de Taahuaia (anciennement Natieva), en Polynésie française[1]. Le Fort George est connu dans l'histoire de la marine britannique pour avoir été construit sous le commandement de Fletcher Christian, lieutenant à bord de la HMS Bounty et à l'origine de la mutinerie contre le capitaine William Bligh. Le fort George de Tubuai a été le premier refuge des mutins de la Bounty du 10 juillet au , avant leur retour à Tahiti le 21 septembre 1789 puis l'installation d'une partie des mutins, dont Fletcher Christian à Pitcairn[2] - [3].

Description

Le fort George de 1789 construit par les mutins de la Bounty sous le commandement de Fletcher Christian est décrit dans le Journal de James Morrison, second maître à bord de la Bounty[4]. Il consigne a posteriori des événements de la mutinerie les détails de la dimension du fort George. C'est un fort carré qui mesure en dehors du fossé de ceinture 100 mètres de côté[5]. Un fossé large de 6 mètres et d'une profondeur de 7 mètres est creusé pour protéger l'enceinte[5]. Un talus est élevé à partir de l'excavation de la terre des fossés et surélevé d'une palissade faite de pieux de bois[5]. Ce talus mesurait 6 mètres de large à sa base et 4 mètres de large à son sommet. Un pont-levis fait face à la plage où la Bounty a jeté l'ancre[5]. Les canons de la Bounty sont déposés à terre. À chaque angle du fort, les mutins fixent au sommet de la palissade de bois deux canons à pivot au milieu de chaque mur et un canon à chaque angle avec deux en réserve en cas d'attaque.

Restauration

Panneau commémoratif du fort George de Tubuai

Le Fort George abandonné par les mutins de la Bounty appartient à la même famille depuis 1789. Il est un site historique privé dont la propriétaire est Anna Tetauru (Caire)[1]. Pour mettre en valeur le site historique et le restaurer, une association familiale a but non lucratif a été fondée en 2018[6]. L'association familiale Bounty Fort George Tubuai[7] a donc pour mission de restaurer le Fort George afin de promouvoir le patrimoine culturel de Tubuai[6]. Le Fort George n'ayant jamais été protégé, les talus d'enceinte et le fossé de ceinture ont disparu au profit de l'aménagement de la route de ceinture de l'île de Tubuai[8].

En 2013, les propriétaires débutent des travaux importants de défrichement qui ont permis de remettre à jour le terrain pour qu'il soit paysagé[8].

En 2015, un panneau commémoratif est installé pour rappeler l'importance du site[9]. Il remplace le premier panneau offert par la National Geographic Society qui a été détérioré. Il comprend la mention en français "Construit par les révoltés de la Bounty sous le commandement de Fletcher Christian le 10 juillet 1789" et en tahitien "Patu hia e te mau orure hau o te pahi ra Bounty i raro ae i te faaterera’a a Fletcher Christian"[1].
En 2018, des travaux de reconstruction des pans de mur Sud et Ouest du fort débutent[8]. Les murs du Fort George sont reconstruits sur le modèle original et à partir de pieux de bois local : le bois de fer ou (Casuarina equisetifolia) [8]. Ils rappellent ainsi la fonction défensive du Fort George[10].

Historique

Une expédition est commandée par Sir Joseph Banks, un botaniste respecté qui a participé aux voyages de James Cook. Il est convaincu des économies non négligeables que peuvent permettre l'acclimatation de l'arbre à pain dans les Antilles. Propriétaire de plantations de canne à sucre dans les Antilles, il sera suffisamment influent auprès de George III pour que l'Amirauté britannique organise un voyage jusqu'à Tahiti d'où l'on compte bien rapporter les plants d'arbre à pain. Joseph Banks est aussi le président de la Royal Society, il fait racheter le charbonnier le Bethia et le fait rebaptiser la Bounty. Il le réarme et le réaménage en conséquence pour que les cales de la frégate puissent transporter les plants. C'est aussi lui qui désignera William Bligh comme capitaine de la Bounty. Bligh a lui aussi participé au voyage de James Cook en tant que maître d'équipage, à son retour, il est nommé lieutenant puis capitaine de la Bounty. La Bounty sort du chantier de Deptford le 3 septembre 1787, mais les nombreux aménagements nécessaires pour accueillir le millier de plants d'arbre à pain vont considérablement retarder le départ de la Bounty qui ne quitte Spithead que le 23 décembre 1787. Le voyage de la Bounty pour rejoindre Tahiti sera plus long et complexe que prévu. La Bounty essuie de nombreuses tempêtes alors qu'elle essaye de passer le cap Horn au début du mois d'avril 1788. Le 22 avril 1788, le franchissement du cap Horn se révèle impossible. Bligh décide de rebrousser chemin et d'atteindre le Pacifique en passant par l'océan Indien. Ce n'est que le 26 octobre 1788 que la Bounty atteint son but et mouille dans la baie de Matavai. À l'arrivée de la Bounty, de nombreux Tahitiens et Tahitiennes les accueillent, habitués à voir arriver les frégates dans la baie. On prévient en hâte le chef du district, Otoo[11]. Le capitaine Bligh réussit à obtenir du jeune chef Otoo, les arbres à pain qui ont motivé le voyage de la Bounty. Le 31 mars 1789, le journal de bord de la Bounty comptabilise 1 015 plants et la Bounty appareille le pour rejoindre l'Angleterre. Cependant les nombreuses brimades, les vexations et les châtiments corporels qui ont eu lieu pendant le voyage vont sans doute être à l'origine de la mutinerie qui éclate dans la nuit du , au large de Tofua. Fletcher Christian prend le commandement et donne l'ordre d'abandonner dans une chaloupe le capitaine William Bligh et 18 autres marins.

La Baie Sanglante (Bloody Bay), le premier voyage

Le lendemain de la mutinerie, Fletcher Christian devenu seul maître à bord de la Bounty ordonne de faire route vers Tubuai. L'île avait été repérée en premier par James Cook, le 8 août 1777. Le positionnement de l'île avait été noté dans le Troisième voyage du capitaine Cook qui précisera l'existence d'une passe[12]. Les mutins arrivent à Tubuai à la fin du mois de mai 1789 mais la rencontre ne se passe pas comme prévu. Le 29 mai 1789, alors que de nombreuses altercations ont déjà eu lieu entre les mutins et les habitants de Tubuai, Christian et ses hommes accueillent à bord de la Bounty 18 femmes et 5 hommes qui leur sont envoyés par une flotte de pirogues. Les mutins leur offrent des cadeaux en gage de paix mais une violente altercation éclate et les insulaires invités à bord sont renvoyés à leurs pirogues. Dans la bagarre, les piroguiers qui encerclent la Bounty se font plus menaçants. Ils brandissent leurs lances et Fletcher Christian abat d'un coup de pistolet un Tubuai qui tente d'emporter avec lui une des bouées de la Bounty. Ce n'est qu'au coup de canon de la Bounty que le calme revient. Les insulaires prennent la fuite, effrayés par la détonation du canon de la Bounty dans la baie de la Bounty que les mutins renomment alors Bloody Bay (Baie Sanglante). En effet, le premier contact avec les Européens a été sanglant. On compte pas moins de 12 morts : 11 hommes et 1 femme[13]. Ce n'est pourtant pas ce qui empêche Christian de s'installer à Tubuai. Persuadé que cette île est idéale pour une installation durable, l'équipage retourne à Tahiti le 31 mai 1789 pour approvisionner le bateau.

Le fort George, le deuxième voyage

Les mutins reviennent le 23 juin 1789 dans la Baie Sanglante avec à leur bord des Tahitiens et des Tahitiennes qui s'étaient cachés à bord ainsi que quantité d'animaux : des cochons, des chèvres, des poules, des chiens et des chats et même une vache[14] - [15]. Tous les biens apportés et la puissance de feu de la Bounty attisent l'intérêt des chefs de Tubuai. Au cours du mois de juillet 1789, Christian se lie d'amitié avec Tamatoa, un jeune chef qui représente le chef Hitirere qui commande To'erauetoru, domaine où se situe la Baie Sanglante[16] - [17]. Lors d'une cérémonie des présents, Fletcher Christian est présenté au chef Hitirere et aux chefs alliés[18]. Ils échangent ensemble le kava qui scelle l'alliance entre Hitirere et les Anglais[19]. Tamatoa accompagne ensuite Christian pour qu'il choisisse un terrain qui convienne à l'installation des Anglais mais c'est sur les terres voisines que Christian préfère s'installer[20]. Il s'agit de la chefferie de Natieva, anciennement le nord de Taahuaia qui est dirigée par le chef Tahuhuatama, le rival du chef Hitirere[21] - [16]. Le fils aîné de Tahuhuatama qui se nomme Ta'aroatehoa se lie d'amitié avec Christian et lui aussi lui propose de s'installer sur leur domaine[22] - [23]. Tahuhuatama leur offre le site d'Uruhau, ce qui provoque la colère de Tamatoa et du clan de Hitirere[24]. Les mutins, sous le commandement de Fletcher Christian décident alors d'ériger un fort défensif et ce n'est que le 10 juillet 1789[5], au moment où la Bounty jette l'ancre sur la plage qui fait face au terrain qui a été offert, que les travaux démarrent. Le 18 juillet 1789, Christian et ses hommes retournent une motte de terre et ils hissent le Union Jack sur un poteau planté sur le terrain qui a été préalablement défriché[5]. Ils renomment la terre d'Uruhau, Fort George, en l'honneur du roi du Royaume-Uni, George III. Les conflits incessants qui opposent les mutins aux habitants de Tubuai motivent d'autant plus la construction du Fort George. Les Anglais se querellent souvent avec le chef des terres voisines : Tinirau qui règne sur Paorani, anciennement le sud de la commune de Taahuaia[25]. Les conflits sont tels que les mutins en arrivent à piller les images sculptées (tikis) et à incendier la maison du chef Tinirau. Le chef Tinirau avait confisqué les vêtements d'Alexander Smith après que celui-ci a passé la nuit avec une des femmes de sa chefferie. En septembre 1789, des conflits sanglants éclatent entre les mutins et les guerriers de Tinirau, à Paorani. 66 guerriers de Tubuai meurent lors de ces affrontement sanglants mais cette dernière bataille poussera les mutins à quitter Tubuai[26]. Le 17 septembre 1789 ils quittent Tubuai pour retourner à Tahiti. Ils emmènent avec eux Ta'aroamaeava, le fils cadet de Tahuhuatama, ainsi que de deux de ses amis qui voulaient échapper à la rébellion du chef Tinirau[27]. Les mutins arrivent à Tahiti le 22 septembre 1789. 16 d'entre eux préfèrent abandonner le groupe de mutins et s'installent à Tahiti. Ils sont retrouvés le 23 mars 1791 par la Pandora qui est dépêchée pour les rapatrier en Angleterre où seuls 6 d'entre eux sont jugés. Le naufrage de la Pandora au sud du détroit de Torrès a raison d'un bon nombre d'entre eux et les conditions de détention au détroit de Timor ne facilitent pas leur retour. Les mutins restants remontent à bord de la Bounty avec Fletcher Christian suivi de John Williams, Isaac Martins, Matthew Quintrell, Alexander Smith (John Adams), William McCoy, John Mills et William Brown[28]. Ils embarquent avec eux 3 Tupuais et des Tahitiens et des Tahitiennes. Ils partent s'installer à Pitcairn[27].

Postérité

Littérature francophone

Littérature étrangère

Bande dessinée

  • Jean-Yves Delitte, La Bounty : la mutinerie des maudits, , 46 p. (ISBN 978-2-7234-9964-4, lire en ligne)

Arts

The Mutineers turning Lt Bligh and part of the Officers and Crew adrift from His Majesty's Ship the Bounty, 29th April 1789
  • L’épopée de la Bounty[29] est une réalisée par le mosaïste italien Volpatti (it) sur une maquette du peintre français Ravello (fr) de 8 × 4 m située à Papeete
  • Herb Kawainui Kāne (en), Building Fort George, Tubuai[30]
  • Thomas Gosse[31], Transplanting of the bread-fruit trees from Otaheite, University of Missouri-Kansas City, 1796
  • Robert Dodd, The Mutineers turning Lt Bligh and part of the Officers and Crew adrift from His Majesty's Ship the Bounty, 29th April 1789, 2 octobre 1790, National Maritime Museum Greewich, Londres, hauteur 46 cm x largeur 61,5 cm

Œuvres cinématographiques

Références

  1. Association Bounty Fort George Tubuai, « Accueil », sur https://fortgeorge.home.blog/
  2. James Morrison, Journal de James Morrison, second maître à bord de la « Bounty », Paris, Société des Océanistes, p. 45
  3. Marcel Thomas, L'affaire du Bounty, Paris, Le Club du meilleur livre, , 339 p., p. 311
  4. James Morrison, Journal de James Morrison, second maître à bord de la « Bounty », Paris, Société des océanistes, , 200 p. (ISBN 9782854300055, lire en ligne), p. 36-45
  5. James Morrison, Journal de James Morrison, second maître à bord de la « Bounty », Paris, Société des Océanistes, , 200 p. (ISBN 9782854300055, lire en ligne), p. 37
  6. Association Bounty Fort George Tubuai, « Qui sommes-nous ? », sur https://fortgeorge.home.blog/
  7. Association Bounty Fort George Tubuai, « Association Bounty Fort George Tubuai », sur facebook.com
  8. Tahiti Héritage, « Fort George, des révoltés de la Bounty à Tubuai », sur https://www.tahitiheritage.pf/
  9. Jean-Bernard Carillet, Tahiti et la Polynésie française, Paris, Lonely Planet, , 352 p. (lire en ligne), p. 312
  10. James Morrison, Journal de James Morrison, second maître à bord de la « Bounty », Paris, Société des Océanistes, , 200 p. (ISBN 9782854300055, lire en ligne), p. 39
  11. https://www.britishmuseum.org/collection/object/E_Oc2006-Prt-32
  12. (en) James Cook, A Voyage to the Pacific Ocean, Undertaken by the command of His Majesty, for making discoveries in the Northern hemisphere, to determine the position and extent of the West side of North America, its distance from Asia, and the practicability of a northern passage to Europe. Performed under the direction of Captains Cook, Clerke, and Gore, in His Majesty’s ships the Resolution and Discovery, in the years 1776, 1777, 1778, 1779 and 1780, Dublin, 549 p., p. 2è volume
  13. James Morrison, Journal de James Morrison, second maître à bord de la « Bounty », Paris, Société des Océanistes, , 200 p. (ISBN 9782854300055, lire en ligne)
  14. James Morrison, Le Journal de James Morrison, second maître à bord de la Bounty, Paris, Société des Océanistes, , 200 p. (ISBN 9782854300055, lire en ligne), p. 32
  15. James Morrison, Journal de James Morrison, second maître à bord de la « Bounty », Paris, Société des Océanistes, , 200 p. (ISBN 9782854300055, lire en ligne), p. 35
  16. Aymeric Hermann, Les industries lithiques pré-européennes de Polynésie centrale : savoir-faire et dynamiques techno-économiques, EASTCO - Sociétés Traditionnelles et Contemporaines en Océanie (EA 4241), , 421 p. (lire en ligne), p. 127
  17. James Morrison, Journal de James Morrison, second maître à bord de la Bounty, Paris, Société des Océanistes, (lire en ligne), p. 36
  18. James Morrison, Journal de James Morrison, second maître à bord de la « Bounty », Paris, Société des Océanistes, , 200 p. (ISBN 9782854300055, lire en ligne), p. 36
  19. Aymeric Hermann, Les industries lithiques pré-européennes de Polynésie centrale : savoir-faire et dynamiques techno-économiques, EASTCO - Sociétés traditionnelles et contemporaines en Océanie (EA 4241), 421 p. (lire en ligne), p. 129
  20. James Morrison, Journal de James Morrison, second maître à bord de la Bounty, Paris, Publication de la Société des Océanistes, (lire en ligne), p. 36
  21. Aymeric Hermann, Les industries lithiques pré-européennes de Polynésie centrale : savoir-faire et dynamiques techno-économiques, EASTCO - Sociétés Traditionnelles et Contemporaines en Océanie (EA 4241), , 421 p. (lire en ligne), p. 129
  22. (en) Mutiny and Aftermath: James Morrison's Account of the Mutiny on the Bounty and the Island of Tahiti, Hawai'i, University of Hawaii Press, , 352 p. (ISBN 9780824836764, lire en ligne), p. 57
  23. (en) Vanessa Smith and Nicholas Thomas, Mutiny and Aftermath: James Morrison's Account of the Mutiny on the Bounty and the Island of Tahiti, Hawai'i, University of Hawaii Press, , 352 p. (ISBN 9780824836764, lire en ligne), p. 57
  24. Association Bounty Fort George Tubuai, « Histoire - Fort George », sur https://fortgeorge.home.blog/
  25. Aymeric Hermann, Les industries lithiques pré-européennes de Polynésie centrale : savoir-faire et dynamiques techno-économiques, EASTCO - Sociétés Traditionnelles et Contemporaines en Océanie (EA 4241), , 421 p. (EASTCO - Sociétés Traditionnelles et Contemporaines en Océanie (EA 4241)), p. 135
  26. James Morrison, Journal de James Morrison, second maître à bord de la « Bounty », Paris, Société des Océnanistes, , 200 p. (ISBN 9782854300055, lire en ligne), p. 43 - 44
  27. James Morrison, Journal de James Morrison, second maître à bord de la « Bounty », Paris, Société des Océanistes, , 200 p. (ISBN 9782854300055, lire en ligne), p. 45
  28. Marcel Thomas, L'Affaire du Bounty, Paris, Le club du meilleur livre, , 339 p., p. 309 - 328
  29. https://www.tahitiheritage.pf/fresque-bounty-ravello-papeete/
  30. https://www.herbkanehawaii.com/product/building-fort-george-tubuai-2/
  31. https://www.npg.org.uk/collections/search/person/mp122233/thomas-gosse
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