Foisonnement (linguistique)
En linguistique, le foisonnement (ou amplification[1], parfois étoffement ou dilution[2]) est l'augmentation de la longueur d'un texte à la suite de sa traduction. Il peut se quantifier par le coefficient de foisonnement (ou taux de foisonnement) d'une traduction, calculé en rapportant la différence entre les nombres de mots à celui du texte initial[3].
Propriétés
Ce n'est qu'à partir de la Renaissance que les traducteurs se soucient de l'économie de mots de leurs productions ; auparavant il est fréquent qu'on intercale explications, gloses ou ajout divers au texte de base[1].
Dans le cas général une traduction conduit à un taux de foisonnement positif (le texte obtenu contient plus de mots que le texte d'origine)[3]. Cette augmentation est le fruit cumulé[1] :
- des caractéristiques objectives des deux langues, certaines étant plus synthétiques que d'autres[1] ;
- du biais du traducteur[3] - [4], due à une méconnaissance des techniques de traduction ou à une faible maîtrise de la langue cible[1] ;
- des méconnaissances supposées du lectorat de l’œuvre traduite, qui peut conduire le traducteur à expliciter une notion familière aux locuteurs de la langue d'origine[2] ;
- voire enfin d'une incitation liée au fait que certaines agences de traduction facturent leurs prestations au nombre de mots de leurs productions[5].
Un foisonnement excessif peut nuire à la lisibilité de la traduction[3] ou perturber la mise en page[6].
Ordres de grandeur
Le français est généralement moins synthétique que les langues germaniques ou scandinaves, mais plus que d'autres langues latines[7] :
- Allemand vers français : +25 % à +40 %[8] (l'allemand, par son mécanisme de constitution de mots, est plus compact que le français : une Mineralwasserflasche est en un seul mot une bouteille d’eau minérale[7]).
- Anglais vers français : +10 % à +30 % selon les auteurs[2], souvent +20 %[7] ;
- Français vers anglais : -10 %[9]
- Néerlandais vers français : +20 %[7] ;
- Espagnol vers français : 0 à +10 %[7] ;
- Français vers espagnol : +10 %[10]
- Italien vers français : -10 %[7] ;
- Japonais vers français : -67 %, en considérant chaque kanji comme un mot[7] ;
- Russe vers français : -20 %[11] ;
- Arabe vers français : +25 % à +40 % [6] - [9].
Les valeurs peuvent différer d'un domaine à un autre[6] : en littérature scientifique il a été ainsi calculé pour des traductions de l'anglais vers le français des taux de foisonnement de +7 % pour les textes de physique, de +13 % pour les articles d'histoire et de +12 % à +17 % en économie[2]. Sur un corpus de textes littéraires, des coefficients de +13 % lors du passage de l'anglais au français et de +5 % dans le sens inverse ont été quantifiés[2].
Les articles grammaticaux en français contribuent pour +6 % au foisonnement de l'anglais vers le français[2].
Comparaisons en nombre de caractères
Dans un corpus de textes juridiques de l'Union européenne établis en plusieurs langues, les dénombrements suivants ont été effectués[12] :
Langue | Nombre de mots | Nombre de caractères, hors espaces | Nombre de caractères, espaces incluses | Nombre moyen de lettres par mot |
Bulgare | 92 | 93 | 93 | 5,659 |
Allemand | 78 | 94 | 92 | 6,752 |
Anglais | 87 | 84 | 84 | 5,364 |
Finnois | 67 | 94 | 90 | 7,899 |
Français (référence du tableau) | 100 | 100 | 100 | 5,581 |
Italien | 96 | 97 | 97 | 5,675 |
NĂ©erlandais | 85 | 94 | 92 | 6,147 |
Polonais | 82 | 95 | 93 | 6,476 |
Slovène | 83 | 88 | 87 | 5,946 |
Espagnol | 104 | 102 | 102 | 5,462 |
Hongrois | 70 | 92 | 89 | 7,317 |
Les écarts en nombre de mots (ratio 1,55 entre le nombre de mots de la langue la moins — espagnol — et la plus synthétique — finnois) s'amoindrissent lors d'un décompte en nombre de caractères (ratio 1,21), compte tenu de la taille moyenne des mots, qui diffère d'une langue à l'autre[12].
Références
- Jean Delisle, Notions d'histoire de la traduction, Presses de l'Université Laval, (ISBN 978-2-7637-5455-0, lire en ligne), p. 31-32
- Guylaine Cochrane, « Le foisonnement, phénomène complexe » [PDF], sur erudit.org, (consulté le )
- Jean-François Jeandillou, L'ordre des mots, Presses Univ. Franche-Comté, (ISBN 978-2-84867-089-8, lire en ligne), p. 92-93
- Connexions; psychosociologie, sciences humanines, Epi., (lire en ligne)
- « Coefficient de foisonnement : ce qu’il faut savoir » (consulté le )
- « Le taux de foisonnement : quels problèmes pose-t-il et comment y remédier ? », sur MasterTSM@Lille, (consulté le )
- Khawla, « Taux de foisonnement en traduction », sur Agence de traduction Lyon Version internationale, (consulté le )
- Lucile Davier, Les enjeux de la traduction dans les agences de presse, Presses Universitaires du Septentrion, (ISBN 978-2-7574-2796-5, lire en ligne), p. 187
- « Langue : quel est le coefficient de foisonnement d'une traduction de l'arabe vers le français ? », sur Eurêkoi, (consulté le ).
- Laurent Laget, « Des mots à foison », sur Laurent Laget, (consulté le )
- « Traducteur professionnel français russe », sur Ubiqus (consulté le )
- (en-GB) « Why does content expand when translated? », sur www.inter-contact.de (consulté le )