Accueil🇫🇷Chercher

Figure humaine

Figure humaine de Francis Poulenc est une cantate pour double chœur mixte composée en 1943 sur des textes de Paul Éluard, créée à Londres en anglais par la BBC en 1945, en français en 1946 à Bruxelles et en France le à Paris. L'œuvre est éditée par Salabert. Consacrée comme le sommet de l'œuvre du compositeur et un véritable chef-d'œuvre par les critiques musicaux, la cantate est un hymne à la Liberté, victorieuse sur la tyrannie[1].

Figure humaine
FP 120
Image illustrative de l’article Figure humaine
La Liberté guidant le peuple par Eugène Delacroix (1830) (Musée du Louvre, Paris) - Liberté est le dernier chant qui clôt la cantate, hymne à la Liberté, victorieuse sur la tyrannie.

Genre Cantate
Musique Francis Poulenc
Texte Poésie et Vérité de Paul Éluard
Langue originale Français
Durée approximative 18 minutes
Dates de composition 1943
Création
Londres, Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
Création
française

Paris

Genèse

Rencontre avec Paul Éluard

La rencontre de Francis Poulenc avec Paul Éluard date de 1916 ou 1917[JM 1] pendant la Première Guerre mondiale, à la librairie parisienne de son amie Adrienne Monnier. Après sa rencontre avec l'écrivain vers 1919, le compositeur Georges Auric suggère à Poulenc de mettre en musique des textes d'Éluard[JM 2]. Paul Éluard est le seul surréaliste qui tolère la musique[J 1] et le musicologue Peter Jost recense les œuvres de Georges Auric et Francis Poulenc composées sur ses textes : 6 pour Auric et 34 pour Poulenc augmentées de trois œuvres chorales dont Figure humaine[JM 3].

Les poèmes de la cantate comptent parmi les plus cĂ©lèbres d'Éluard. Ils expriment la « souffrance du peuple de France Â» rĂ©duit au silence et l'espoir du « triomphe final de la libertĂ© sur la tyrannie Â»[H 1].

Composition de la cantate

Le village de Beaulieu-sur-Dordogne oĂą est Ă©crite la cantate

La Seconde Guerre mondiale est une pĂ©riode charnière dans la vie du compositeur. Dans les Entretiens avec Claude Rostand, il prĂ©cise « Quelques privilĂ©giĂ©s, dont j'Ă©tais, avions le rĂ©confort de recevoir au courrier du matin, de merveilleux poèmes dactylographiĂ©s, en bas desquels, sous des noms d'emprunt, nous devinions la signature de Paul Éluard. C'est ainsi que j'ai reçu la plupart des poèmes de PoĂ©sie et VĂ©ritĂ© 42[H 2] ». Poulenc loue un petit deux pièces Ă  Beaulieu-sur-Dordogne et se met Ă  la composition d'un concerto pour violon Ă  la demande de Ginette Neveu mais abandonne rapidement ce travail[H 2].

Une hypothèse avancée par Renaud Machart fait état de la genèse de cette cantate. Il suggère qu'une pièce sur le poème Liberté d'Éluard lui aurait été commandée en par le directeur de Les Discophiles Français, Henri Screpel, en parallèle d'une autre commande d'une œuvre pour chœur par Louis de Vocht et la chorale Sainte-Cécile d'Anvers[M 1].

La composition de la cantate s'achève Ă  la fin de l'Ă©tĂ© 1943. La correspondance de Poulenc avec son amie intime Geneviève Sienkiewicz Ă©voque le processus d'Ă©criture de Figure humaine. RetirĂ© Ă  Beaulieu, il Ă©crit Ă  son amie en : « Je travaille Ă  une cantate a cappella sur des poèmes d'Éluard. (…) J'ai dĂ©jĂ  fait les 3/4 de ce cycle et n'en suis pas mĂ©content Â»[JM 4]. Il Ă©voque l'appartement triste oĂą il rĂ©side Ă  Beaulieu avec une vue sur le clocher et prĂ©cise « C'est en le contemplant, solide et si français, que j'ai conçu la musique de LibertĂ© Â»[JM 5], qui clĂ´t la cantate. L'Ă©diteur Paul Rouart accepte de publier l'Ĺ“uvre malgrĂ© l'Occupation et l'expĂ©die Ă  Londres, ce qui permet sa crĂ©ation par la BBC dès 1945. La formation requise complique son exĂ©cution, mais dans ses Entretiens avec Claude Rostand, Poulenc dĂ©clare souhaiter que cet « acte de la foi puisse s'exprimer sans le secours instrumental, par le seul truchement de la voix humaine Â»[H 3].

Création

La cantate Figure humaine est créée en anglais par la BBC le [note 1], puis à Bruxelles (Belgique) en français le par les Chœurs de la radiodiffusion flamande sous la direction de Paul Collaer[M 1]. La création française a lieu au concert de la Pléiade à Paris le [H 3].

Réception et postérité

Selon le biographe Henri Hell, c'est dans le domaine choral que Francis Poulenc Ă©crit ses Ĺ“uvres les plus accomplies[note 2], tendant davantage aux Ĺ“uvres a cappella qu'aux pièces accompagnĂ©es[H 4] et qualifie Figure humaine d'une des Ĺ“uvres les plus marquantes de la musique chorale contemporaine[H 5], « merveilleusement polyphonique, d'une texture sonore riche et complexe »[H 1]. Toutefois, la composition du double chĹ“ur rend difficile son exĂ©cution, et l'Ĺ“uvre n'est reprise que le Ă  la salle Gaveau Ă  Paris pour les 60 ans du compositeur[H 3]. La cantate est considĂ©rĂ©e par certains comme le chef-d'Ĺ“uvre absolu du compositeur[M 2]. Dans une lettre du adressĂ©e Ă  son amie la Princesse de Polignac, Poulenc confie « Je crois que c'est ce que j'ai fait de mieux. C'est en tout cas une Ĺ“uvre capitale pour moi si elle ne l'est pas pour la musique française Â»[M 3].

Structure et analyse

La cantate est écrite pour double chœur mixte et douze parties réelles[M 1] et se découpe en huit chants :

  1. De tous les printemps du monde
  2. En chantant, les servantes s'Ă©lancent
  3. Aussi bas que le silence
  4. Toi ma patiente
  5. Riant du ciel et des planètes
  6. Le jour m'Ă©tonne et la nuit me fait peur
  7. La menace sous le ciel rouge
  8. Liberté

De tous les printemps du monde

Ce premier chant est d'une durée d'exécution de 2 minutes 40. Il développe un final qui possède des réminiscences de Sécheresses[M 4].

En chantant, les servantes s'Ă©lancent

Ce second chant est d'une durĂ©e d'exĂ©cution de 2 minutes environ. D'une Ă©criture quasi instrumentale, notamment dans la rĂ©pĂ©tition des notes chantĂ©es « la, la, la Â», il est Ă©crit Ă  la manière d'un Scherzo et prĂ©sente un rythme plus prononcĂ© que les autres chants, plus mĂ©lodiques et harmoniques[M 3].

Aussi bas que le silence

Ce troisième chant est d'une durée d'exécution de 1 minute 40 secondes.

Toi ma patiente

Ce quatrième chant est d'une durée d'exécution de 2 minutes. Si la cantate conjugue les émotions, regret, douleur, violence, tristesse, c'est la tendresse qui se dégage de Toi ma patiente[H 1] pour le premier chœur solo. Il existe une ressemblance harmonique de ce chant avec Une barque sur l'océan des Miroirs de Maurice Ravel[M 3].

Riant du ciel et des planètes

Ce cinquième chant est d'une durée d'exécution d'une minute.

Le jour m'Ă©tonne et la nuit me fait peur

Ce sixième chant est d'une durĂ©e d'exĂ©cution de 2 minutes. La tendresse qui Ă©mane du quatrième chant Toi ma patiente se rĂ©vèle de nouveau dans cet Ă©pisode. Le deuxième chĹ“ur solo entonne une « mĂ©lodie d'une douceur triste et dĂ©chirante Â»[H 6], accompagnĂ©e d'un murmure par les autres voix du chĹ“ur. ConsidĂ©rĂ© par Renaud Machart comme le plus Ă©mouvant passage de la cantate, ce chant est une mĂ©lodie s'Ă©panchant « sur une harmonie d'une splendide simplicitĂ© Â»[M 3].

La menace sous le ciel rouge

Ce septième chant est d'une durĂ©e d'exĂ©cution de 3 minutes. « EmportĂ© et rude Â»[H 6], cet Ă©pisode dĂ©but par une fugue entamĂ©e par le pupitre des altos du premier chĹ“ur, puis repris l'ensemble par les deux chĹ“urs jusqu'Ă  aboutir aux mots « La pourriture avait du cĹ“ur Â». Le mouvement cède le pas pour revenir au tempo initial oĂą les deux chĹ“urs chantent ensemble, d'abord pianissimo, puis crescendo jusqu'au final d'une « ampleur magnifique Â»[H 6]. Un long silence introduit la huitième et dernière partie de la cantate, LibertĂ©.

Liberté

La signature de Paul Éluard, auteur de Liberté, poème tiré de Poésie et Vérité

Ce huitième et dernier chant est d'une durĂ©e d'exĂ©cution de 4 minutes 30 environ. VĂ©ritable hymne Ă  la libertĂ©, ou selon Henri Hell des « litanies de la LibertĂ© Â»[H 6], ce chant est basĂ© sur le poème d'Éluard qui comporte 21 strophes de quatre vers construites sur le modèle du premier :

Sur mes cahiers d'Ă©colier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'Ă©cris ton nom

— Paul Éluard, Poésie et Vérité

Ce n'est qu'après la dernière strophe que le mot LibertĂ© Ă©clate, comme pour mieux le souligner. Les Ă©motions transparaissent dans chacune des strophes, douceur, tendresse, tristesse, force et violence, en passant de « l'un Ă  l'autre avec une souplesse invisible Â»[H 7].

Annexes

Discographie sélective

  • Uppsala Akademiska Kammarkör, Dan-Olof Stenlund (dir), premier enregistrement de l'Ĺ“uvre[H 8] ;
  • The Sixteen, Virgin Classics.
  • Tenebrae, Nigel Short, Signum Classics (2010).

Bibliographie

  • Renaud Machart, Poulenc, Paris, Seuil, , 252 p. (ISBN 2-02-013695-3)
  • Francis Poulenc, Journal de mes mĂ©lodies, Paris, CicĂ©ro Éditeurs, Salabert, , 159 p. (ISBN 2-908369-10-9)
  • Henri Hell, Francis Poulenc, Paris, Fayard, , 388 p. (ISBN 2-213-00670-9)
  • Josiane Mas (dir), Centenaire Georges Auric : Francis Poulenc, Montpellier, Centre d'Ă©tudes du XXe siècle - UniversitĂ© de Montpellier III, , 338 p. (ISBN 2-84269-445-7)

Sources

  • Henri Hell, Francis Poulenc, op. cit. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  1. p. 183
  2. p. 182
  3. p. 186
  4. p. 115
  5. p. 181
  6. p. 184
  7. p. 185
  8. p. 13
  1. p. 139
  2. p. 138
  3. p. 140
  4. p. 110
  • Josiane Mas (dir), Centenaire Georges Auric : Francis Poulenc, op. cit. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  1. p. 122
  2. p. 123
  3. p. 121
  4. Lettre datée d’août 1943, Beaulieu, p. 252
  5. Lettre datée d’août 1945, p. 254
  • Francis Poulenc, Journal de mes mĂ©lodies, op. cit. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  1. p. 95

Notes

  1. La date du est avancée par Myriam Chimenes dans l'édition d'une partie de la correspondance inédite de Poulenc avec Geneviève Sienkiewicz
  2. Sept Chansons pour chœur a cappella, la Messe en sol majeur, Chanson à boire, Quatre Motets pour un temps de pénitence, Stabat Mater, Gloria, Sept Répons des ténèbres

Références

  1. Barbedette, Leïla (sous la supervision de Marie-Hélène Benoit-Otis), « 1943. "Figure humaine" : renaître de l'Occupation », dans Nouvelle histoire de la musique en France (1870-1950), sous la direction de l'équipe « Musique en France aux XIXe et XXe siècles : discours et idéologies »,‎ (lire en ligne)

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.