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Euthycarcinoidea

Les Euthycarcinoidea sont une classe fossile d'arthropodes, dont les fossiles datent du dernier Cambrien au Trias moyen. Bien que l'on dispose de quelques fossiles trÚs bien conservés, leur classification exacte reste énigmatique : il a été suggéré de les rattacher à l'embranchement des myriapodes (mille-pattes), aux crustacés ou à un groupe frÚre des Hexapodes. Si les plus anciens représentants connus proviennent de sédiments marins et ont probablement vécu dans la mer, tous les fossiles ultérieurs proviennent de dépÎts limniques ou terrestres. Les empreintes fossilisées (traces ou ichnofossiles) de la fin du Cambrien et de l'Ordovicien, qui sont attribuées au groupe, sont en partie considérées comme les plus anciennes preuves non ambiguës de vie sur terre.

Euthycarcinoidea
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Dessin de Euthycarcinus kessleri.

Classe

† Euthycarcinoidea
Gall (d) & Grauvogel (d), 1964

Description

Reconstitution de Mosineia, laissant une trace de son passage.

Il s'agit d'arthropodes de taille moyenne, aplatis. La plus petite espĂšce dĂ©crite est Heterocrania rhyniensis, au corps long d'environ 15 mm[1]. Schramixerxes gerem de Montceau-les-Mines atteint 60 mm de long. L'espĂšce dĂ©crite la plus grande est Mosineia macnaughtoni, qui mesure environ 10 cm[2].

Le corps des Euthycarcinoidea est divisĂ© en trois sections corporelles contrastĂ©es (tagmata) : tĂȘte, prĂ©-abdomen (parfois thorax ou tronc), et postabdomen. La tĂȘte, en y regardant de plus prĂšs, se compose de deux sections. L'antĂ©rieur, le procĂ©phale, porte deux antennes longues et simples aux membres et deux appendices sphĂ©roĂŻdaux hĂ©misphĂ©riques, que presque tous les chercheurs considĂšrent comme des yeux (bien que des facettes n'aient jamais Ă©tĂ© observĂ©es). Le postĂ©rieur, appelĂ© gnathocĂ©phale, porte les membres de la bouche. Elles consistent gĂ©nĂ©ralement en une, rarement deux, paires de structures ressemblant Ă  des plaques, que l'on interprĂšte communĂ©ment comme Ă©tant des mandibules, chez certaines espĂšces une plaque disposĂ©e au milieu de la tĂȘte (non appariĂ©e), que certains chercheurs pensent ĂȘtre homologue au labrum des insectes. Chez certains fossiles, c'est la seule structure reconnaissable, les mandibules sont alors complĂštement absentes ; chez d'autres fossiles, les piĂšces buccales ne sont pas reconnaissables en raison de la prĂ©servation. La section mĂ©diane, le prĂ©abdomen, est couverte de sclĂ©rites sur les faces supĂ©rieure et infĂ©rieure. Les tergites supĂ©rieurs sont considĂ©rablement plus larges que les sternites infĂ©rieurs et recouvrent presque complĂštement les pattes du dessus. Sur le cĂŽtĂ© de chaque sternite se trouvait une paire de pattes, qui Ă©taient probablement ancrĂ©es au corps par un apodeme. Le nombre de sternites, et donc de pattes, et celui des tergites ne concordent pas Ă  cet Ă©gard ; il y a deux paires de pattes par tergite, ou parfois trois dans les segments postĂ©rieurs, et frĂ©quemment il y a onze paires de pattes. Les pattes sont uniautĂ©es (uniram), elles sont divisĂ©es en de nombreux (jusqu'Ă  14) segments annulaires simples, uniformes entre eux, devenant un peu plus petits sur l'extrĂ©mitĂ©, et se terminant par une Ă©pine. Certaines espĂšces portent chacune de fines et longues soies (par exemple Kottyxerxes gloriosus[3]) ou un court appendice ressemblant Ă  une Ă©pine[1]. Le segment postĂ©rieur du corps, le postabdomen, est plus Ă©troit que le prĂ©abdomen et se compose gĂ©nĂ©ralement de cinq, parfois quatre ou six segments sans pattes ou autres appendices et d'une longue Ă©pine terminale de longueur variable souvent appelĂ©e telson. Chez les genres Sottyxerxes et Pieckoxerxes (trouvĂ©s dans les dĂ©pĂŽts carbonifĂšres de Montceau-les Mines, en France, et Mazon Creek aux États-Unis), le prĂ©abdomen est allongĂ©, relativement Ă©troit, et porte quatorze tergites et vingt-huit paires de pattes. Ces animaux ressemblaient donc aux mille-pattes rĂ©cents. Chez d'autres genres, le prĂ©abdomen est beaucoup plus large que le postabdomen ; parfois, comme chez les Euthycarcinus et Heterocrania, il est latĂ©ralement saillant comme une dent. La plupart du temps cinq tergites sont reconnaissables, pour certains genres (Mosineia) jusqu'Ă  sept. Le nombre de paires de pattes est Ă©galement variable.

Biologie

La structure du corps et les circonstances de la dĂ©couverte indiquent que les Euthycarcinoidea Ă©taient des organismes des fonds aquatiques (benthiques) qui vivaient dans les zones de rivage peu profondes. Les espĂšces aux pattes finement hĂ©rissĂ©es peuvent Ă©galement avoir vĂ©cu en surface. D'aprĂšs les fossiles de flore et de faune qui les accompagnent, les eaux colonisĂ©es Ă©taient des habitats d'eau douce ou d'eau saumĂątre dans presque tous les cas. Cependant, dans le cas de l'espĂšce Apankura machu du Cambrien d'Argentine[4] et de l'espĂšce trouvĂ©e au QuĂ©bec[2], prĂ©cisĂ©ment les plus anciens reprĂ©sentants connus du groupe, on peut sans doute supposer un habitat marin. Le groupe est donc originaire de la mer et semble s'ĂȘtre retirĂ© par la suite dans des habitats limnĂ©tiques. Chez Heterocrania rhyniensis provenant du Windyfeld Chert en Écosse (tout prĂšs du cĂ©lĂšbre gisement de fossiles de Rhynie), on a trouvĂ© un contenu intestinal fossilisĂ©. Il s'agit d'une matiĂšre fibreuse d'origine indubitablement vĂ©gĂ©tale. Cependant, en raison des Ă©pines prĂ©sentes sur les pattes, il y a Ă©galement des spĂ©culations sur un possible rĂ©gime prĂ©dateur. Pour d'autres espĂšces, un rĂ©gime alimentaire de type filtreur a Ă©tĂ© envisagĂ© en raison des poils fins des pattes[1].

Traces fossiles

Fossile de Mosineia macnaughtoni.

Dans les sols fossiles préservés des vasiÚres intertidales marines, par exemple au Canada et en Australie, on connaßt des traces fossiles constituées d'empreintes latérales de nombreuses paires de pattes et d'une marque centrale de traßnée. Ces derniers ont reçu de nombreux noms de parataxes en fonction de leur expression (Cruziana, Didymaulichus, Diplichnites, Protichnites). Dans de nombreux cas, on peut les rattacher avec une grande probabilité aux Euthycarcinoidea[5] - [6] - [7]. Bien qu'il ne soit pas possible de distinguer avec certitude les traces fossiles dans les eaux trÚs peu profondes de celles qui se trouvent sur la terre ferme, l'interprétation la plus courante est que les animaux ont quitté l'eau, soit pour brouter les vasiÚres d'algues, soit pour migrer d'un bassin de marée peu profond à un autre. Il est donc possible que les Euthycarcinoidea aient été les premiers animaux à quitter les eaux des océans pour faire au moins de courtes excursions sur terre. Cependant, au moins chez deux espÚces, Synaustrus brookvalensis et Kottyxerxes gerem, des structures simples ressemblant à des trachées ont été décrites, ce qui pourrait indiquer une respiration aérienne.

Dans le grĂšs rouge d'Allemagne, des traces d'arthropodes reposant Ă  la surface des sĂ©diments ont Ă©tĂ© dĂ©crites sous le nom Tripartichnus triassicus. Bien que, par nature, il ne soit pas possible d'identifier sans Ă©quivoque le producteur de traces, les preuves circonstancielles indiquent ici aussi un reprĂ©sentant du groupe, peut-ĂȘtre Euthycarcinus kessleri[8].

Phylogénie

Lorsque l'entomologiste autrichien Anton Handlirsch a décrit le premier représentant du groupe, Euthycarcinus kessleri, provenant du grÚs rouge prÚs de Sarrebruck, il a supposé qu'il appartenait à un ordre éteint de crustacés ayant des relations avec les copépodes[9]. Les biologistes français Jean-Claude Gall et Louis Grauvogel ont re-décrit cette espÚce, désormais comme un représentant de son propre ordre de crustacés, pour lequel ils ont introduit le nom scientifique Euthycarcinoidea. Des auteurs ultérieurs ont suggéré des relations avec les Merostomata (limules et scorpions de mer), qui appartiennent aux arachnides, tandis que d'autres les considéraient à nouveau comme des crustacés[10], ou comme un parent primitif et un groupe frÚre possible des Hexapoda, entre autres[3].

L'analyse phylogĂ©nĂ©tique basĂ©e sur les caractĂšres morphologiques[4] a rĂ©vĂ©lĂ© une position basale au sein des Mandibulata, avec les crustacĂ©s, les mille-pattes et les hexapodes rĂ©unis comme un groupe frĂšre. Cependant, leur position rĂ©elle reste Ă  ce jour peu claire et dĂ©pend essentiellement de l'interprĂ©tation de la tĂȘte avec ses appendices. Ils doivent donc ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des Arthropodes incertae sedis, appartenant probablement aux Mandibulata.

L'Interim Register of Marine and Nonmarine Genera (IRMNG) classe néanmoins les Euthycarcinoidea dans le sous-embranchement des Myriapoda[11].

Liste des taxons de rang inférieur

Selon l'IRMNG (23 juin 2021)[11] :

  • ordre des Euthycarcinida †
    • genre Heterocrania Hirst & Maulik, 1926 †
    • genre Crania Hirst & Maulik, 1926 † synonyme de Heterocrania Hirst & Maulik, 1926 †
    • genre Apankura Vaccari, Edgecombe & Escudero, 2004 †
    • genre Arthrogyrinus Wilson & Almond, 2001 †
  • ordre des Euthycarcinoidea incertae sedis
    • famille des Euthycarcinidae Handlirsch, 1914 †
    • famille des Euthycarcinoidea incertae sedis †
      • genre Mosineia Collette & Hagadorn, 2010 †
    • famille des Mictomeridae Collette & Hagadorn, 2010 †
    • famille des Sottyxerxidae Schram & Rolfe, 1982 †

Liens externes

Notes et références

Notes

(de) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en allemand intitulĂ© « Euthycarcinoidea » (voir la liste des auteurs).

    Références

    1. (en) Lyall I. Anderson et Nigel H. Trewin, « An Early Devonian arthropod fauna from the Windyfield cherts, Aberdeenshire, Scotland », Palaeontology, vol. 46, no 3,‎ , p. 467–509 (ISSN 1475-4983, DOI 10.1111/1475-4983.00308, lire en ligne, consultĂ© le )
    2. (en) Joseph Collette, « Three-Dimensionally Preserved Arthropods from the Cambrian (Furongian) of Quebec and Wisconsin: Systematics, Phylogeny, Ichnology, and Taphonomy », Masters Theses 1911 - February 2014,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
    3. (en) Frederick R. Schram et W. D. Ian Rolfe, « New Euthycarcinoid Arthropods from the Upper Pennsylvanian of France and Illinois », Journal of Paleontology, vol. 56, no 6,‎ , p. 1434–1450 (ISSN 0022-3360, lire en ligne, consultĂ© le )
    4. (en) N. E. Vaccari, G. D. Edgecombe et C. Escudero, « Cambrian origins and affinities of an enigmatic fossil group of arthropods », Nature, vol. 430, no 6999,‎ , p. 554–557 (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/nature02705, lire en ligne, consultĂ© le )
    5. (en) Gregory J. Retallack, « Cambrian–Ordovician non-marine fossils from South Australia », Alcheringa: An Australasian Journal of Palaeontology, vol. 33, no 4,‎ , p. 355–391 (ISSN 0311-5518, DOI 10.1080/03115510903271066, lire en ligne, consultĂ© le )
    6. (en) J. H. Collette, J. W. Hagadorn et M. A. Lacelle, « DEAD IN THEIR TRACKS--CAMBRIAN ARTHROPODS AND THEIR TRACES FROM INTERTIDAL SANDSTONES OF QUEBEC AND WISCONSIN », PALAIOS, vol. 25, no 8,‎ , p. 475–486 (ISSN 0883-1351, DOI 10.2110/palo.2009.p09-134r, lire en ligne, consultĂ© le )
    7. (en) Joseph H. Collette, Kenneth C. Gass et James W. Hagadorn, « Protichnites eremita unshelled? Experimental model-based neoichnology and new evidence for a euthycarcinoid affinity for this ichnospecies », Journal of Paleontology, vol. 86, no 3,‎ , p. 442–454 (ISSN 0022-3360 et 1937-2337, DOI 10.1666/11-056.1, lire en ligne, consultĂ© le )
    8. (de) Lothar H. Vallon et Martin Röper, « Spuren lesen Vom Abdruck zum Erzeuger », PalĂ€ontologie aktuell – Berichte aus Forschung und Wissenschaft,‎ (lire en ligne [PDF], consultĂ© le )
    9. (de) A. Handlirsch, « Eine interessante Crustaceenform aus der Trias der Vogesen », Verhandlungen der Zoologisch-Botanischen Gesellschaft in Wien, vol. 64,‎ , p. 1-8 (lire en ligne [PDF], consultĂ© le )
    10. (en) Jean-Claude Gall et LĂ©a Grauvogel-Stamm, « The early Middle Triassic ‘GrĂšs Ă  Voltzia’ Formation of eastern France: a model of environmental refugium », Comptes Rendus Palevol, vol. 4, nos 6-7,‎ , p. 637–652 (DOI 10.1016/j.crpv.2005.04.007, lire en ligne, consultĂ© le )
    11. Rees, T. (compiler). The Interim Register of Marine and Nonmarine Genera. Available from https://www.irmng.org at VLIZ, consulté le 23 juin 2021

    Références taxonomiques

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