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Esclavage en Libye

L’esclavage en Libye a une longue histoire et un impact durable sur la culture libyenne. Il est Ă©troitement liĂ© au contexte plus large de la traite arabe et de la traite des esclaves de Barbarie au sein de l’esclavage dans l’Empire ottoman.

WathÄ«qah TijārÄ«yah, contrat entre marchands impliquĂ©s dans la vente et le transport d’esclaves entre Tombouctou et l’ancienne ville oasis de GhadamĂšs, dans l’ouest de la Libye.

Européens

Un marché aux esclaves arabe.

On estime qu'entre un million et 1,25 million d’EuropĂ©ens ont Ă©tĂ© capturĂ©s par des pirates et vendus comme esclaves entre le XVIe et le XIXe siĂšcle. Les rapports mentionnent des raids barbaresques et des enlĂšvements de personnes en Italie, Espagne, France, Portugal, Angleterre, Pays-Bas, Irlande, Écosse jusqu’en Islande[1]. Parmi les relations de razzias barbaresques les plus connues, on compte une mention dans le journal de Samuel Pepys, le tristement cĂ©lĂšbre sac de Baltimore, un village cĂŽtier d’Irlande, au cours duquel les pirates sont partis avec toute la population de la localitĂ© ou les enlĂšvements turcs en Islande, expĂ©dition au cours de laquelle quatre cents Islandais furent emmenĂ©s en captivitĂ© Ă  Alger. Ces raids dans la MĂ©diterranĂ©e Ă©taient si frĂ©quents et si dĂ©vastateurs que le littoral entre Venise Ă  Malaga[2] a subi un exode gĂ©nĂ©ralisĂ© et que l’installation dans ces rĂ©gions Ă©tait dĂ©couragĂ©e, Ă  tel point qu’il a Ă©tĂ© dit que c’était en grande partie parce qu’« il n’y avait plus personne Ă  capturer pour longtemps[3] Â».

Noirs africains

Les Touaregs et les autres indigĂšnes de Libye ont facilitĂ©, taxĂ© et, en partie, organisĂ© la traite dans le sud le long des routes commerciales transsahariennes. Dans les annĂ©es 1830, Ă©poque Ă  laquelle le commerce des esclaves a prospĂ©rĂ©, l’ancienne ville oasis de GhadamĂšs, dans l’ouest de la Libye, traitait 2 500 esclaves par an[4]. Bien qu’officiellement abolie Ă  Tripoli en 1853, la traite nĂ©griĂšre a continuĂ©, en pratique, jusqu’aux annĂ©es 1890[5].

En 1875, le consul britannique à Benghazi a écrit que la traite négriÚre avait pris une ampleur énorme et que les esclaves étaient vendus à Alexandrie et à Istanbul le quadruple de leur valeur. Il ajoute que le gouvernement local encourageait ce commerce[5].

Adolf Vischer a Ă©crit dans un article publiĂ© en 1911 que : « â€Š il a Ă©tĂ© dit que le trafic des esclaves a toujours cours sur la route Benghazi-OuaddaĂŻ, mais il est difficile de vĂ©rifier la vĂ©racitĂ© d’une telle affirmation car, de toute façon, le trafic a lieu en secret[6] Â». À Koufra, le voyageur Ă©gyptien Ahmed Hassanein Bey dĂ©couvrit en 1916 qu’il lui en coĂ»terait cinq livres sterling pour acquĂ©rir une fille alors qu’en 1923 le prix atteignait trente Ă  quarante livres sterling[7].

Un autre voyageur, le musulman danois Knud Holmboe, qui traversa le dĂ©sert libyen italien en 1930, apprit que l’esclavage Ă©tait encore pratiquĂ© Ă  Koufra et qu’il pouvait acheter une esclave pour trente livres sterling au marchĂ© du jeudi[7]. Selon le tĂ©moignage de l’explorateur du Sahara, James Richardson, lors de sa visite de GhadamĂšs, la plupart des esclaves Ă©taient de Bornu[8]. L’esclavage ne concernait pourtant pas que les Noirs africains. Les frĂ©quents raids des corsaires sur les navires europĂ©ens par les pirates barbaresques de la cĂŽte des Barbaresques faisaient que l’esclavage des Blancs Ă©tait tout aussi monnaie courante[9].

Au XXIe siĂšcle

Les premiÚres preuves photographiques de traite des migrants en Libye ont été rapportées en 2016 par le photojournaliste Narciso Contreras dans le cadre du Prix Carmignac du photojournalisme [10] - [11] - [12].

En novembre 2017, un reportage de CNN met en lumiùre la traite des migrants et l'esclavage des noirs en Libye vendu entre cinq cents et sept cents dinars libyens (jusqu’à 435 euros)[13].

En janvier 2018, un rapport remis au Conseil de sĂ©curitĂ© de l'ONU dĂ©nonce une augmentation du trafic d'ĂȘtres humains. Le rapport cite plusieurs cas de migrants arrĂȘtĂ©s par des agents libyens avant d'ĂȘtre remis contre paiement Ă  des trafiquants d'ĂȘtres humains[14].

Impact social et les séquelles

Il rĂ©sulte de l’histoire de l’esclavage des Noirs africains que le mot Űčۚۯ / ʕabd / – signifiant esclave â€“ est encore utilisĂ© pĂ©jorativement pour dĂ©signer les personnes noires. En gĂ©nĂ©ral, le mot pour dĂ©signer une personne noire est ŰčŰšÙŠŰŻ / ʕbeːd /, qui est le diminutif du mot / ʕabd / considĂ©rĂ© comme acceptable par beaucoup (en arabe libyen le diminutif ajoute un sens attachant). ÙˆŰ”ÙŠÙ- prononcĂ© wsË€iːf en arabe libyen â€“ signifie serviteur, et il est Ă©galement utilisĂ© dans certains endroits, en particulier par les gĂ©nĂ©rations plus ĂągĂ©es pour se rĂ©fĂ©rer aux ethnies noires. Par ailleurs, le mot ۭ۱ / hurr /, qui signifie « libre Â», est utilisĂ© par de nombreuses personnes ĂągĂ©es pour se rĂ©fĂ©rer aux non-Noirs.

Notes et références

  1. (en) « When Europeans were slaves : Research suggests white slavery was much more common than previously believed Â», Research News, Ohio State University.
  2. (en) BBC History - British Slaves on the Barbary Coast.
  3. (en) British Slaves on the Barbary Coast.
  4. (en) K. S. McLachlan, « Tripoli and Tripolitania : Conflict and Cohesion during the Period of the Barbary Corsairs (1551-1850) Â», Transactions of the Institute of British Geographers, New Series, vol. 3, no 3, Settlement and Conflict in the Mediterranean World. (1978), p. 285-294.
  5. Lisa Anderson, « Nineteenth-Century Reform in Ottoman Libya Â», International Journal of Middle East Studies, vol. 16, no 3, aout 1984, p. 325-348.
  6. Adolf Vischer, « Tripoli Â», The Geographical Journal, vol. 38, no 5, nov. 1911, p. 487-494.
  7. (en) John Wright, The trans-Saharan slave trade, New York, Routledge, , 226 p. (ISBN 978-0-415-38046-1).
  8. John Wright, Libya, Chad and the Central Sahara, Londres, C. Hurst & Co Publishers Ltd, , 168 p. (ISBN 978-1-85065-050-8, lire en ligne)
  9. Robert C. Davis, « Counting European Slaves on the Barbary Coast Â», Past and Present, no 172, aout 2001, p. 87-124.
  10. « "Migrants : les esclaves de Libye" », sur Paris Match, .
  11. « "Libye: l’enfer des migrants victimes du trafic humain, vu par Narciso Contreras" », sur France TV, .
  12. Raoul Mbog et Narciso Contreras, « "La Libye est devenue la plaque tournante d’un gigantesque trafic d’ĂȘtres humains" », TĂ©lĂ©rama, .
  13. « Libye : des migrants vendus aux enchĂšres comme esclaves », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  14. « Libye : le trafic d'ĂȘtres humains en hausse, selon l'ONU », sur www.europe1.fr (consultĂ© le ).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) John Wright, The trans-Saharan slave trade, New York, Routledge, , 226 p. (ISBN 978-0-415-38046-1).
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