Escalier de Cantor
L'escalier de Cantor, ou l'escalier du diable, est le graphe d'une fonction f continue croissante sur [0, 1], telle que f(0) = 0 et f(1) = 1, qui est dérivable presque partout, la dérivée étant presque partout nulle. Il s'agit cependant d'une fonction continue, mais pas absolument continue.
Quelques rappels d'analyse élémentaire
Soit f une fonction continue sur un intervalle I â â, de dĂ©rivĂ©e f '. Si f ' est nulle sur I, alors f est constante. C'est une consĂ©quence immĂ©diate du thĂ©orĂšme des accroissements finis.
L'escalier de Cantor montre que la conclusion est fausse[1] si l'on suppose seulement que f ' s'annule presque partout.
On dispose cependant des résultats suivants :
- si f est continue et si sa dérivée existe et s'annule sur le complémentaire d'un ensemble dénombrable, alors f est constante (d'aprÚs le lemme de Cousin ou l'inégalité des accroissements finis) ;
- si f est lipschitzienne (ou plus généralement : absolument continue) et si sa dérivée existe et s'annule presque partout, alors f est constante (cf. § « Fonction lipschitzienne à dérivée nulle presque partout » de l'article sur le lemme de Cousin) ;
- si la dérivée faible de f est nulle, alors f est constante.
Construction
On suit pas Ă pas la construction de l'ensemble de Cantor K3.
On prend f0(x) = x. La fonction f1 est la fonction continue affine par morceaux qui vaut 0 en 0, 1 en 1, et 12 sur .
On passe de mĂȘme de fn Ă fn+1 en remplaçant fn, sur chaque intervalle [u, v] oĂč elle n'est pas constante, par la fonction continue affine par morceaux qui vaut sur le tiers central de l'intervalle [u, v].
Alors on vĂ©rifie que pour tout , ce qui montre que la sĂ©rie de fonctions converge uniformĂ©ment, et donc que la suite fn converge uniformĂ©ment. La fonction limite f est continue, monotone, et l'on a f(0) = 0 et f(1) = 1 comme annoncĂ©. De plus, f a une dĂ©rivĂ©e nulle sur le complĂ©mentaire de l'ensemble de Cantor K3, puisque ce complĂ©mentaire est une rĂ©union d'intervalles sur lesquels f, par construction, est constante (d'oĂč le nom d'escalier !)
Que nous apprend cet exemple ?
- Il est vrai (cf. « GĂ©nĂ©ralisation du premier thĂ©orĂšme fondamental de l'analyse ») que si f est une fonction mesurable bornĂ©e sur â, la fonction est presque partout dĂ©rivable et de dĂ©rivĂ©e f. Mais il est faux que toute fonction presque partout dĂ©rivable soit Ă©gale Ă l'intĂ©grale de sa dĂ©rivĂ©e, mĂȘme si cette derniĂšre est intĂ©grable. C'est ce que nous enseigne l'escalier de Cantor. Pour avoir des rĂ©sultats satisfaisants sur cette question, il faut introduire la notion de continuitĂ© absolue (cf. « Second thĂ©orĂšme fondamental de l'analyse »).
- L'escalier de Cantor est un exemple de fonction continue dont la dérivée existe presque partout mais ne coïncide pas avec la dérivée au sens des distributions. Ce phénomÚne bien connu dans le cas de fonctions discontinues (les fonctions indicatrices par exemple) est moins intuitif dans le cas continu.
- L'escalier de Cantor est la fonction de rĂ©partition d'une variable alĂ©atoire rĂ©elle de loi diffuse, la loi de Cantor, qui n'est pas Ă densitĂ© et qui est mĂȘme Ă©trangĂšre Ă la mesure de Lebesgue. En cela aussi, c'est un (contre-)exemple intĂ©ressant. On peut exhiber simplement une variable alĂ©atoire rĂ©elle X prise au hasard entre 0 et 1 dont la fonction de rĂ©partition est l'escalier de Cantor : il suffit de tirer au hasard les chiffres successifs (0, 1 ou 2) du dĂ©veloppement en base trois de X de maniĂšre un peu spĂ©ciale, Ă savoir par des tirages indĂ©pendants Ă©quiprobables restreints Ă 0 ou 2, le chiffre 1 Ă©tant exclu.
Notes et références
- Contrairement Ă ce qu'avait cru dĂ©montrer Harnack : voir (en) Thomas Hawkins, Lebesgue's Theory of Integration: Its Origins and Development, AMS, , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 1970) (lire en ligne), « Cantor's Development of the Theory of Sets and its Application to the Theory of Integration », p. 71-79 et p. 60, et Axel Harnack, « ThĂ©orie de la sĂ©rie de Fourier », Bulletin des sciences mathĂ©matiques et astronomiques, vol. 6, no 1,â , p. 242-260 (lire en ligne), thĂ©orĂšme III p. 247.
Voir aussi
Articles connexes
Lien externe
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Bibliographie
- G. Cantor, « De la puissance des ensembles parfaits de points », Acta Math., vol. 4,â , p. 381-392 (DOI 10.1007/BF02418423)
- (de) Ludwig Scheeffer (de), « Allgemeine Untersuchungen ĂŒber Rectification der Curven », Acta Math., vol. 5,â , p. 49-82 (DOI 10.1007/BF02421552)