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Emory Douglas

Emory Douglas (Grand Rapids, 1943) est un artiste graphique américain, qui s'exprime principalement au moyen du graphisme, de la peinture, du collage et du dessin.

Emory Douglas
Emory Douglas en 2017.
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Il a été membre du Black Panther Party de 1967 à sa dissolution dans les années 1980[1]. En tant qu'artiste révolutionnaire et ministre de la culture du Black Panther Party, Douglas a créé une iconographie représentant l'oppression des Noirs américains[2].

Biographie

Jeunesse et formation

Emory Douglas naît à Grand Rapids (Michigan) le . À l'âge de huit ans, il déménage à San Francisco, en Californie[2]. Cinq and plus tard, il est condamné à 15 mois à la Youth Training School d'Ontario, en Californie, où il travaille dans l'atelier d'impression de l'établissement correctionnel pour mineurs et a appris les bases de l'impression commerciale[2].

En 1960, Douglas étudie le graphisme au City College de San Francisco[2]. Il y rejoint l'association des étudiants noirs du collège et travaille en étroite collaboration avec Amiri Baraka, une voix du Black Arts Movement (« mouvement des arts noirs »), pour concevoir des décors de théâtre[2].

Black Panther Party

Emory Douglas demande à rejoindre le Black Panther Party (BPP, « Parti de la panthère noire ») en 1967 après avoir rencontré les cofondateurs Huey P. Newton et Bobby Seale à la Black House (« Maison noire »), un centre politique et culturel de San Francisco créé par l'auteur Eldridge Cleaver, le dramaturge Ed Bullins (en) et Willie Dale[2] - [3]:

« J'ai été attiré par le Black Panther Party en raison de son attachement à l'autodéfense. Le mouvement des droits civiques dirigé par le Dr King m'a rebuté à l'époque, car la protestation non violente n'avait aucun attrait pour moi. Et bien que les rébellions de Watts, Detroit et Newark n'aient pas été bien organisées, elles ont fait appel à ma nature. Je pouvais m'identifier à eux[alpha 1]. »

— Emory Douglas

Couverture du journal du Black Panther Party.

Lors d'une discussion sur le journal The Black Panther[5], anciennement connu sous le nom de Black Panther Community News Service (« Service d'information à la communauté Black Panther »), Douglas propose aux cofondateurs du BPP d'améliorer l'apparence du journal[2].

Douglas devient l'artiste révolutionnaire et le ministre de la culture du BPP en 1967[2]. Il redessine The Black Panther et la fait passer à la rotative, qui permet une impression et des graphiques en couleur[2]. C'est là que Douglas développe des images emblématiques qui ont fait la marque du BPP : la représentation de policiers sous forme de porcs ensanglantés ou pendus, en guise de protestation contre la brutalité policière à l'égard des Afro-Américains, et une imagerie conforme au programme en dix points du parti[1] - [6]. Douglas a illustré les services sociaux et les logements décents du BPP[1]. En outre, Douglas a aligné le BPP sur les « luttes de libération du tiers monde » et les mouvements anticapitalistes dans l'édition du [5], qui montre un cochon empalé vêtu d'un drapeau américain avec des fusils pointés sur lui, disant des choses comme « Sortez du ghetto » et « Sortez d'Afrique »[alpha 2].

En 1970, le BPP change de position et met l'accent sur les programmes de survie plutôt que sur la violence[1]. Les images de Douglas changent également, montrant des Afro-Américains recevant de la nourriture et des vêtements gratuits. Ils font la promotion de programmes de petits déjeuners gratuits, de cliniques de santé gratuites, d'aide juridique gratuite, entre autres choses. Ces programmes sont alors considérés comme faisant partie de leur tactique révolutionnaire. En réponse, le FBI réprime davantage la cause, jusqu'à ce qu'il y mette inévitablement fin en 1982[7]. Cependant, leur idéologie a perduré jusqu'à nos jours[2].

Emory Douglas à Typo San Francisco 2014 présentant ses dessins pour le journal Black Panther.

En 2007, la journaliste du San Francisco Chronicle, Jessica Werner Zack, a écrit qu'« il a créé l'image militante-chic des Panthères des décennies avant que le concept ne devienne courant. Il s'est servi de la popularité du journal (le tirage approchait les 400 000 exemplaires à son apogée en 1970) pour inciter les personnes privées de leurs droits à l'action, en dépeignant les pauvres avec une véritable empathie, non pas comme des victimes, mais comme des personnes indignées, sans reproche et prêtes à se battre[alpha 3]. »

En plus du papier, Douglas conçoit des cartes postales, des tracts d'événements et des affiches qui doivent servir de tactiques de recrutement ainsi que de méthode de diffusion de l'idéologie du BPP et donner l'impression que la cause bénéficie d'un soutien massif[9]. Douglas se souvient : « Après un certain temps, il m'est apparu que vous devez dessiner d'une manière que même un enfant peut comprendre pour atteindre votre public le plus large sans perdre la substance ou la perspicacité de ce qui est représenté[alpha 4]. »

Activismes postérieurs

Emory Douglas s'inspire beaucoup des luttes du tiers monde et utilise l'art comme principale méthode de propagande et de sensibilisation. Ses graphismes servent à promouvoir les idéologies du parti, qui s'inspirent de la rhétorique de figures révolutionnaires telles que Malcolm X et Che Guevara. Ses images, souvent très graphiques, visent à promouvoir et à renforcer la résistance des Noirs dans l'espoir de déclencher une révolution pour mettre fin aux mauvais traitements institutionnels infligés aux Afro-Américains.

Après la disparition du journal The Black Panther, Douglas travaille au journal San Francisco Sun Reporter, orienté vers la communauté noire, pendant plus de 30 ans[11]. Il continue à créer des œuvres militantes, et ses œuvres sont restées pertinentes, selon Greg Morozumi, directeur artistique de l'EastSide Arts Alliance à Oakland, en Californie : « Plutôt que de renforcer l'impasse culturelle de la nostalgie « post-moderne », l'inspiration de son art soulève la possibilité de rébellion et de création d'une nouvelle culture révolutionnaire[alpha 5]. »

Dernières années et reconnaissance

En 2006, l'artiste et conservateur Sam Durant (en) a publié une monographie complète sur l'œuvre de Douglas, Black Panther : The Revolutionary Art of Emory Douglas, avec des collaborateurs tels que Danny Glover, Kathleen Cleaver, St. Clair Bourne (en), Colette Gaiter (professeure à l'université du Delaware), Greg Morozumi et Sonia Sanchez[13]. Après la publication de la monographie, Douglas a eu des expositions rétrospectives au musée d'Art contemporain de Los Angeles (2007-2008) et au New Museum of Contemporary Art de New York. Depuis la réintroduction de ses premières œuvres auprès de nouveaux publics, il continue à créer de nouvelles œuvres, à exposer et à interagir avec le public dans des cadres formels et informels dans le monde entier. Parmi ses expositions et visites internationales, citons Urbis, Manchester (2008)[14] ; la triennale d'Auckland[15] ; une collaboration avec Richard Bell à Brisbane (2011) ; au Chiapas ; et à Lisbonne (2011)[16].

Colette Gaiter écrit :

« Douglas était l'agitateur graphique le plus prolifique et le plus persistant des mouvements américains du Black Power. Douglas a profondément compris le pouvoir des images dans la communication des idées [...] Les technologies d'impression peu coûteuses — y compris les photostats et les caractères d'imprimerie, les textures et les motifs — ont rendu possible la publication d'un journal hebdomadaire tabloïd en deux couleurs, fortement illustré. Les valeurs de production graphique associées à la publicité séduisante et au gaspillage dans une société décadente sont devenues des armes de la révolution. Sur le plan technique, Douglas collait et recollait des dessins et des photographies, réalisant des figures graphiques avec peu de budget et encore moins de temps. Son style d'illustration distinctif se caractérise par d'épais contours noirs (plus faciles à piéger) et des combinaisons ingénieuses de teintes et de textures. Sur le plan conceptuel, les images de Douglas avaient deux objectifs : premièrement, illustrer les conditions qui rendaient la révolution nécessaire et, deuxièmement, construire une mythologie visuelle du pouvoir pour les personnes qui se sentaient impuissantes et victimes. La plupart des médias populaires représentent les classes moyennes et supérieures comme étant « normales ». Douglas était le Norman Rockwell du ghetto, se concentrant sur les pauvres et les opprimés. S'écartant du style WPA/social-réaliste de représentation des pauvres, qui peut être perçu comme voyeuriste et condescendant, les dessins énergiques de Douglas témoignent de respect et d'affection. Il a préservé la dignité des pauvres tout en illustrant graphiquement des situations difficiles[alpha 6]. »

Douglas reçoit en 2015 l'AIGA Medal, décernée par l'American Institute of Graphic Arts (en)[18] et est fait docteur honoraire en beaux-arts du San Francisco Art Institute en 2019[19].

Douglas est aujourd'hui à la retraite mais travaille en indépendant sur des sujets tels que les crimes entre Noirs et le complexe industriel carcéral. Ses travaux les plus récents mettent en scène des enfants. Il estime qu'il doit continuer à éduquer à travers son travail[20] - [21].

Notes et références

Notes

  1. Citation originale : « I was drawn to it (the Black Panther Party) because of its dedication to self-defense. The Civil Rights Movement headed by Dr. King turned me off at that time, for in those days non-violent protest had no appeal to me. And although the rebellions in Watts, Detroit, and Newark were not well organized they did appeal to my nature. I could identify with them[4]. »
  2. Citations originales : « Get out of the ghetto » et « Get out of Africa ».
  3. Citation originale : « In 2007, the San Francisco Chronicle reporter, Jessica Werner Zack, wrote that "he branded the militant-chic Panther image decades before the concept became commonplace. He used the newspaper's popularity (circulation neared 400,000 at its peak in 1970) to incite the disenfranchised to action, portraying the poor with genuine empathy, not as victims but as outraged, unapologetic and ready for a fight[8]. »
  4. Citation originale : « After a while it flashed on me that you have to draw in a way that even a child can understand to reach your broadest audience without losing the substance or insight of what is represented[10]. »
  5. Citation originale : « Rather than reinforcing the cultural dead end of 'post-modern' nostalgia, the inspiration of his art raises the possibility of rebellion and the creation of new revolutionary culture[12]. »
  6. Citation originale : « Douglas was the most prolific and persistent graphic agitator in the American Black Power movements. Douglas profoundly understood the power of images in communicating ideas [...] Inexpensive printing technologies—including photostats and press-type, textures and patterns—made publishing a two-color heavily illustrated, weekly tabloid newspaper possible. Graphics production values associated with seductive advertising and waste in a decadent society became weapons of the revolution. Technically, Douglas collaged and re-collaged drawings and photographs, performing graphics tricks with little budget and even less time. His distinctive illustration style featured thick black outlines (easier to trap) and resourceful tint and texture combinations. Conceptually, Douglas's images served two purposes: first, illustrating conditions that made revolution seem necessary; and second, constructing a visual mythology of power for people who felt powerless and victimized. Most popular media represents middle to upper-class people as "normal." Douglas was the Norman Rockwell of the ghetto, concentrating on the poor and oppressed. Departing from the WPA/social realist style of portraying poor people, which can be perceived as voyeuristic and patronizing, Douglas's energetic drawings showed respect and affection. He maintained poor people's dignity while graphically illustrating harsh situations[17]. »

Références

  1. (en) « Biographie d'Emory Douglas », sur illustrationhistory.org (consulté le ).
  2. Lampert 1969.
  3. (en) Rickey Vince, « The Music of Black San Francisco in the 1960s », sur summerof.love (consulté le ).
  4. (en) Elton C. Fax, Black artists of the new generation, New York, Dodd, Mead, (ISBN 0-396-07434-0, OCLC 2984385).
  5. (en) « The Black Panther Newspaper (et ses numéros en ligne) », sur marxists.org (consulté le ).
  6. (en) Melissa Smith, « Legendary Black Panther Artist Emory Douglas on How Digital Media Can Be Harnessed to Make Protest Art Far More Effective Than Ever », sur artnet, (consulté le ).
  7. (en) « Black Panthers », sur history.com (consulté le ).
  8. (en) Jessica Werner Zack, « The Black Panthers advocated armed struggle. Emory Douglas' weapon of choice? The pen », San Francisco Chronicle, (lire en ligne).
  9. (en) Nicolas Lampert, A People's Art History of the United States : 250 Years of Activist Art and Artists Working in Social Justice Movements, New York, The New Press, (ISBN 9781595589316), p. 199–210.
  10. (en) Sean Stewart, On the ground : an illustrated anecdotal history of the sixties underground press in the U.S., Oakland, CA, PM Press, (ISBN 9781604866582, OCLC 785618881).
  11. (en) Curtis J. Austin, Up Against the Wall : Violence in the Making and Unmaking of the Black Panther Party, Fayetteville, Arkansas, University of Arkansas Press, , p. 414.
  12. (en) Greg Morozumu, Black Panther : The Revolutionary Art of Emory Douglas, New York, Rizzoli, , p. 136.
  13. VVAA, 2014.
  14. (en) Robert Clark, « Exhibition preview: Emory Douglas, Manchester », sur The Guardian, (consulté le ).
  15. (en) « Emory Douglas », sur aucklandtriennial.com (consulté le ).
  16. (en) « ‘All power to the people – então et agora’: galeria Zé dos Bois, Lisbon », sur Zoot Magazine, (consulté le ).
  17. (en) Colette Gaiter, « Visualizing a Revolution: Emory Douglas and The Black Panther Newspaper », sur aiga.org, (consulté le ).
  18. (en) « 2015 Medalist: Emory Douglas », sur AIGA (consulté le ).
  19. (en) « Emory Douglas' Art for the Revolution », sur artandobject.com (consulté le ).
  20. (en) Pitchaya Sudbanthad, « Emory Douglas' Design Journey », sur aiga.org (consulté le ).
  21. (en) « Emory Douglas », sur typotalks.com (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • (en) Maurice Berger, For All the World to See: Visual Culture and the Struggle for Civil Rights, New Haven, Yale University Press, , p. 176.
  • (en) Joshua Bloom et Waldo E. Martin, Black Against Empire: The History and Politics of the Black Panther Party, Berkeley, CA, University of California, .
  • (en) Erika Doss, « Revolutionary Art Is a Tool for Liberation », dans Kathleen Cleaver et George N. Katsiaficas, Liberation, Imagination, and the Black Panther Party: A New Look at the Panthers and Their Legacy, New York, Routledge, , p. 183.
  • (en) Sam Durant, Danny Glover, Bobby Seale, Sonia Sanchez, Kathleen Cleaver, Colette Gaiter, Greg Jung Morozumi, Amiri Baraka et St Clair Bourne, Black Panther: The Revolutionary Art of Emory Douglas, New York, NY, Rizzoli, .
  • (en) Philip S. Foner, The Black Panthers Speak, Cambridge, MA, Da Capo, .
  • (en) Colette Gaiter, « The Revolution Will Be Visualized », dans Elissa Auther et Adam Lerner, West of Center: Art and the Counterculture Experiment in America, 1965–1977, Minneapolis, Minn., University of Minnesota, , p. 240–253.
  • (en) Charles E. Jones, The Black Panther Party (reconsidered), Baltimore, Black Classic, .
  • (en) Nicolas Lampert, A people's art history of the United States : 250 years of activist art and artists working in social justice movements, New York, The New Press, (ISBN 978-1-59558-931-6, OCLC 863821651).
  • (en) Jane Rhodes, Framing the Black Panthers: The Spectacular Rise of a Black Power Icon, New York, .
  • (en) Shaun Roberts, « Studio Visit with Emory Douglas », Juxtapoz Magazine, .

Liens externes

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