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Emma Livry

Emma Livry ( - ) est une ballerine française, morte aprÚs que sa tenue de scÚne eut pris feu sur la scÚne de l'Opéra de Paris.

Emma Livry
Portrait dÂŽEmma Livry, lithographie. Paris, BNF
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
SĂ©pulture
Nom de naissance
Jeanne Emma Emarot
Nationalité
Activité
Autres informations
A travaillé pour
Tombe d'Emma Livry (cimetiĂšre de Montmartre, division 31).

Elle est la derniÚre représentante de la « ballerine romantique ».

Biographie

Emma Livry, de son nom patronymique Jeanne-Emma Emarot, nĂ©e Ă  Paris le [1], est la fille de CĂ©lestine Emarot, qui a elle-mĂȘme dansĂ© briĂšvement Ă  l'OpĂ©ra de Paris[2]. Cette derniĂšre est enceinte d'Emma Ă  la suite d'une relation avec le baron Charles de Chassiron[3]. Victime d'un accident sur la scĂšne de l'OpĂ©ra de Paris, elle meurt chez sa mĂšre Ă  Neuilly-sur-Seine le [4].

CarriĂšre

Emma Livry est l'élÚve de la premiÚre grande danseuse romantique Marie Taglioni. Ses qualités de danseuse sont trÚs vite remarquées et la font engager à l'Opéra de Paris en 1858. Elle y restera jusqu'à sa mort en 1862. Son physique peu gracieux est commenté par ses contemporains. Alexis Dureau la décrit comme trop maigre avec une bouche un peu trop grande[5]. L'opposition entre le physique rond de la mÚre et la maigreur de sa fille, jointe à un calembour sur le nom de son pÚre, donnent lieu aux vers suivants dans un court quatrain qui parait dans les journaux à l'occasion des débuts de la jeune ballerine :

Se peut-il qu'un rat si maigre
Soit la fille d'un chat si rond ?

Emma Livry est certainement la derniĂšre « ballerine romantique » de l'Ă©poque qui a vu naĂźtre ce qualificatif et qui a vu rayonner des grands noms du ballet romantique, tels que Marie Taglioni, Fanny Cerrito, Fanny Elssler ou Carlotta Grisi. Sa majestueuse interprĂ©tation de La Sylphide fait d'elle la danseuse la plus apprĂ©ciĂ©e du public parisien de l'Ă©poque Ă  l'OpĂ©ra de Paris. Dans son ouvrage Deux siĂšcles Ă  l'OpĂ©ra (1669-1868), NĂ©rĂ©e Desarbres dit d'elle qu'elle « Ă©tait la vraie reprĂ©sentante de l'Ă©cole française de danse[6] ». Émile Abraham Ă©crit dans Les acteurs et les actrices de Paris que « Mlle Emma Livry ne compte pas de rivales. Elle a des façons de s'enlever qui feraient croire volontiers qu'un invisible fil l'attire vers les cintres, et quand elle daigne redescendre sur le plancher de la scĂšne, elle y retombe Ă  la maniĂšre d'une plume. »[7]

Marie Taglioni, impressionnée par le talent de son élÚve, écrit la chorégraphie de son unique ballet, Le Papillon, qu'elle crée pour Emma Livry en 1860.

La tragédie

Emma Livry dans Le Papillon, gravure de Jacotin (1860). Paris, BNF
Emma Livry dans La Sylphide (1858). Paris, BNF

Le , lors d'une rĂ©pĂ©tition de l'opĂ©ra La Muette de Portici, Emma Livry s'approche trop prĂšs de la rampe Ă  gaz qui Ă©claire la scĂšne. Son tutu de gaze s'enflamme et le feu l'enveloppe trĂšs vite. TransformĂ©e en torche vivante, affolĂ©e, elle traverse trois fois la scĂšne avant qu’un pompier n’ait le temps de se prĂ©cipiter sur elle. S'apercevant qu’elle allait ĂȘtre nue, Emma Livry aggrave ses brĂ»lures en ramassant avec ses mains les morceaux de l’étoffe enflammĂ©e pour s’en couvrir. Ce qui restait de son costume tenait au creux de sa main. Croyant bien faire, sa professeur, l’ancienne danseuse Marie Taglioni, l’enduit de graisse Ă  dĂ©maquiller. Le remĂšde se rĂ©vĂšle pire que le mal. Le , sur les conseils de son mĂ©decin qui lui enjoint de quitter la pollution parisienne, elle se fait transporter au chĂąteau de Villiers, Ă  Neuilly-sur-Seine, louĂ© par sa mĂšre. Malheureusement, ses blessures se rouvrent durant le transport et s’infectent. Elle meurt d'une septicĂ©mie le 26 juillet, 8 mois aprĂšs le drame, emportant avec elle une Ă©poque qui aura marquĂ© l'histoire du ballet romantique. Elle est ĂągĂ©e de 21 ans. Lorsqu’on pense Ă  ce terrible accident, on ne peut s’empĂȘcher de se rappeler la mort de la danseuse Clara Webster survenue dans des conditions similaires.

Une partie de la ceinture d'Emma et un lambeau de tissu sont conservés dans les vitrines du musée de l'Opéra.

Les artistes de l’époque doivent asperger leurs costumes d’un produit non inflammable pour prĂ©venir de tels accidents. Cependant les danseuses prĂ©fĂšrent ne pas y recourir car le produit colore et raidit les tissus blancs et vaporeux du tutu, confĂ©rant Ă  ce dernier une couleur jaunĂątre peu esthĂ©tique. Emma elle-mĂȘme affirme par la suite : « Oui, ils sont, comme vous le dites, moins dangereux
 Mais si je reviens Ă  la scĂšne je refuserai encore d'en porter. Ils sont trop laids[8]... » L'administration de l'OpĂ©ra ferme les yeux et se contente de faire signer une dĂ©charge aux ballerines.

Chronique de l'enterrement

Le , Théophile Gautier rapporte l'enterrement d'Emma Livry dans Le Moniteur :

« Emma Livry avait vingt et un ans Ă  peine. DĂšs ses dĂ©buts dans le pas d’Herculanum, elle s’était rĂ©vĂ©lĂ©e danseuse de premier ordre, et l’attention publique ne l’avait plus quittĂ©e. Elle appartenait Ă  cette chaste Ă©cole de Taglioni, qui fait de la danse un art presque immatĂ©riel Ă  force de grĂące pudique, de rĂ©serve dĂ©cente et de virginale diaphanĂ©itĂ©. A l’entrevoir Ă  travers les transparences de ses voiles dont son pied ne faisait que soulever le bord, on eĂ»t dit une ombre heureuse, une apparition Ă©lysĂ©enne jouant dans un rayon bleuĂątre ; elle en avait la lĂ©gĂšretĂ© impondĂ©rable et son vol silencieux traversait l’espace sans qu’on entendĂźt le frisson de l’air. Dans le ballet, le seul qu’elle ait crĂ©Ă©, hĂ©las ! elle faisait le rĂŽle d’un papillon, et ce n’était pas lĂ  une banale galanterie chorĂ©graphique. Elle pouvait imiter ce vol fantasque et charmant qui se pose sur les fleurs et ne les courbe pas. Elle ressemblait trop au papillon : ainsi que lui, elle a brĂ»lĂ© ses ailes Ă  la flamme, et comme s’ils voulaient escorter le convoi d’une sƓur, deux papillons blancs n’ont cessĂ© de voltiger au-dessus du blanc cercueil pendant le trajet de l’église au cimetiĂšre. Ce dĂ©tail oĂč la GrĂšce eĂ»t vu un poĂ©tique symbole, a Ă©tĂ© remarquĂ© par des milliers de personnes, car une foule immense accompagnait le char funĂšbre. Sur la simple tombe de la jeune danseuse, quelle Ă©pitaphe Ă©crire, sinon celle trouvĂ©e par un poĂšte de l’Anthologie pour une Emma Livry de l’antiquitĂ© : « Ô terre, sois-moi lĂ©gĂšre ; j’ai si peu pesĂ© sur toi ! ».

Certes, dans cet intĂ©rĂȘt si vif et si tendre de toute une population, le talent, la jeunesse, la mort fatale de la victime et sa longue souffrance Ă©taient pour beaucoup ; mais il y avait encore une autre raison : on voulait honorer cette vie pure dans une carriĂšre facile aux entraĂźnements, cette vertu modeste devant laquelle se taisait la mĂ©disance, cet amour de l’art et du travail, qui ne demandait de sĂ©ductions qu’à la danse seule; on voulait montrer qu’on respecte l’artiste qui sait se respecter lui-mĂȘme. Si quelque chose peut consoler les regrets d’une mĂšre, c’est ce convoi si grave, si attendri, d’un recueillement si religieux, que suivaient dans une voiture de deuil, parmi les cĂ©lĂ©britĂ©s de l’OpĂ©ra, les deux sƓurs de CharitĂ© qui avaient soignĂ© la mĂ©ritoire et chrĂ©tienne agonie de la pauvre fille. »

Elle est inhumée au cimetiÚre Montmartre (famille Emarot - Duhail), dans la 31e division. Sa tombe, orientée cÎté sud, est adossée au petit muret qui fait la séparation avec la partie haute de la division. On y accÚde rapidement cÎté monument Cavaignac.

Sa mĂšre, Marguerite-AdĂ©laĂŻde Émarot, meurt le Ă  Paris 16e, Ă  l'Ăąge de 68 ans ; nĂ©e Ă  Dijon, elle Ă©tait fille de Jeanne Émarot. Son dĂ©cĂšs avec une biographie est annoncĂ© dans « Le MĂ©nestrel » du .

Au moment de l'accident, Emma Livry vivait avec sa mÚre prÚs de l'Opéra, au 18 rue Laffitte[9] - [10].

Adaptations

  • La compagnie NAM Ballet a crĂ©Ă© un spectacle en 2012 sur la vie d'Emma Livry, le titre du ballet porte le prĂ©nom mĂȘme de la danseuse: "EMMA".
  • La vie d'Emma Livry a servi de personnage central Ă  La Danseuse papillon, un conte fantastique publiĂ© aux Ă©ditions Soleil en , dessin de Luky et texte d'Audrey Alwett. Un important dossier, consĂ©cutif au conte, regroupe les biographies d'Emma Livry, de ThĂ©ophile Gautier (qui chroniqua son enterrement), mais aussi le livret du ballet Le Papillon et plusieurs extraits de journaux d'Ă©poque chroniquant la mort de la cĂ©lĂšbre ballerine.
  • François Marie Adolphe Aulagnier lui consacre des poĂšmes dans son ouvrage Fleurs de pensĂ©e : poĂ©sies intimes, notamment les poĂšmes À la Sylphide, Emma Livry et Le Papillon[11].
  • ThĂ©odore de Banville lui consacra Ă©galement un poĂšme, À mademoiselle Emma Livry[12].
  • Une courte biographie romancĂ©e d'Emma Livry paraĂźt dans l'ouvrage Ces demoiselles de l'OpĂ©ra, Ă©ditĂ© en 1887[2].

Galerie

Notes et références

  1. État Civil reconstituĂ© de la Ville de Paris, cote du fichier : V3E/N 843, p. 52.
  2. Ces demoiselles de l'opéra, Paris, éd. Tresse et Stock, 1887. Notice n° FRBNF33291315 à la BNF
  3. Biographie d'Emma Livry sur le site web « Les chaussons verts »
  4. Acte de décÚs à Neuilly-sur-Seine, n° 222, vue 58/106.
  5. Alexis Dureau, Notes pour servir à l'histoire du théùtre et de la musique en France (périodique), 1860, Paris, p. 85. Notice n° FRBNF32824774 à la BNF
  6. Nérée Désarbres, Deux siÚcles à l'Opéra (1669-1868), chronique anecdotique, artistique, excentrique, pittoresque et galante..., Paris, Dentu, 1868. Notice n° FRBNF30327574 à la BNF
  7. Émile Abraham, Les acteurs et les actrices de Paris, Paris, Michel LĂ©vy FrĂšres, 1861, p. 11 (lire en ligne).
  8. Biographie d'Emma Livry sur le site « Les Chaussons verts »
  9. Henry de PĂšne, Paris amoureux, Paris, E. Dentu, 1864, p. 226 (lire en ligne).
  10. Jules Lecomte, Le Monde illustré, 6e année, n⁰ 293, 22 novembre 1862, p. 323 (lire en ligne).
  11. F.M. Adolphe Aulagnier, Fleurs de pensée : poésies intimes, éd. A. Ghio, 1882, notice FRBNF30039552 à la BNF
  12. ThĂ©odore de Banville, À mademoiselle Emma Livry, consultable dans La Petite Revue, Ă©d. RenĂ© Pincebourde, Paris, 7e trimestre, 13 mai au 12 aoĂ»t 1865, p. 90

Liens externes

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