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Ectogenèse

L’ectogenèse (du grec ecto, « hors Â», et genèse) est la procrĂ©ation d’un ĂŞtre humain qui permet le dĂ©veloppement (grossesse) de l'embryon (embryogenèse humaine) et du fĹ“tus dans un utĂ©rus artificiel, assurant les diverses fonctions (nutrition, excrĂ©tion, etc.) de l’utĂ©rus humain.

Ce terme a été inventé par le généticien britannique J. B. S. Haldane en 1923. Il a été repris par Aldous Huxley dans son livre Le Meilleur des mondes publié en 1932.

Recherches

La technique de l'ectogénèse n'existe pas encore, bien que des reproductions d'organes (ex. : rein artificiel) et des essais aient été réalisés par certaines équipes sur des animaux mais, selon certains auteurs (dont Henri Atlan[1]), la méthode sera au point dans la seconde moitié du XXIe siècle.

In vitro, les chercheurs parviennent Ă  reproduire les cinq premiers jours de la gestation (après une fĂ©condation in vitro), ainsi que les derniers jours (semaines 24 Ă  35 dans des « super-couveuses Â»)[2].

Au Japon, en 1997, le professeur Yoshinori Kuwabara de l’université Juntendō de Tokyo a pu développer trois semaines des fœtus de chèvre en milieu artificiel : liquide amniotique de synthèse dans un placenta artificiel. Aux États-Unis, Helen Hung Ching Liu, du laboratoire d’endocrinologie reproductive de l’université Cornell, réalise la même expérience en 2002 sur des embryons humains non viables pour faire baisser le taux d'échec des FIV (coculture de l'embryon et des cellules de l'endomètre dans une cavité biodégradable en forme d’utérus humain), puis, à la suite du scandale soulevé, sur des souris[3].

Selon Jessica H. Schultz, juriste en Illinois, les généticiens ne parviennent pas à stabiliser le fœtus, lors de sa croissance. Le liquide amniotique créé par l'utérus naturel est difficile à reproduire artificiellement, étant donné sa complexité. D'ailleurs, sa composition influence le développement du fœtus. Des facteurs tels que les niveaux de température, de nutriments, d'oxygène et d'hormones doivent être contrôlés adéquatement, afin d'assurer un développement optimal du fœtus. Somme toute, la technologie existe. Cependant, des ajustements sont nécessaires pour qu'elle soit mise en œuvre. D'autre part, apparaissent des problématiques juridiques relatives au statut du fœtus et de l'embryon, lors d'un tel développement[4].

En 2016, des biologistes de l'Université de Cambridge annoncent être parvenus à cultiver des embryons humains jusqu'à un stade jamais atteint de treize jours[5].

Questions Ă©thiques

L’ectogénèse pose différents défis aux sociétés humaines :
  • la condition fĂ©minine : fin de la grossesse mais aussi fin du lien privilĂ©giĂ© entre la mère et l'enfant ; Ă©galitĂ© de vie complète entre la femme et l'homme ;
  • les rapports entre l'adulte et l'enfant : Ă©ducation, Ă©panouissement de l'enfant objet d'une machine, nature des liens affectifs de la famille ;
  • l'Ă©volution des mĹ“urs lorsque la sexualitĂ© et la reproduction seront complètement sĂ©parĂ©s : notion de maternitĂ© et de paternitĂ©, dĂ©veloppement de l’homoparentalitĂ©, notion de couple et de famille ;
  • la question du bonheur : la maternitĂ© de substitution ouvre-t-elle la voie vers le bonheur, la femme dĂ©barrassĂ©e de la charge de la grossesse
  • dĂ©mographie et populations : le dĂ©sir d'enfant peut-il s'Ă©mousser et conduire Ă  une diminution importante de la population mondiale ?
  • anthropologie : l'ectogenèse peut remettre en question le caractère indispensable Ă  la vie de la naissance telle qu'on la connaĂ®t aujourd'hui, et donc par extension la dĂ©finition courante mais discutĂ©e de la naissance comme dĂ©but de la vie.
  • Ă©conomie : cette possibilitĂ© de procrĂ©ation sera prĂ©sentĂ©e sans aucun doute comme un nouveau service attractif pour les populations aisĂ©es, service proposĂ© par des professionnels de santĂ© souhaitant au maximum profiter d'un nouveau marchĂ©. Ne s'agit-il pas lĂ  d'une nouvelle forme de marchandisation du corps humain?
[réf. nécessaire]

C'est ainsi qu'à la fin des années 1970, les premiers succès de fécondation in vitro conduisent les biologistes de la reproduction à se poser la question de la limite à partir de laquelle il ne serait plus éthiquement admissible de poursuivre leur culture à des fins de recherches. En 1979, l'Ethical Advisory Board, le comité consultatif en matière d'éthique du ministère de la santé des États-Unis, établit la « règle des quatorze jours[6] » (moment où l’embryon acquiert la symétrie bilatérale (en), développe des ébauches neurologiques et « s'individualise », ne pouvant plus, en se dissociant, donner naissance à de « vrais jumeaux ») qui devient la norme internationalement acceptée, c'est-à-dire le seuil temporel au développement d’un embryon utilisé pour la recherche[7]. En 2016, une douzaine de pays (notamment les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Royaume-Uni, l’Australie, l’Espagne, le Danemark ou les Pays-Bas) se sont dotés de dispositifs législatifs ou de directives encadrant ce domaine d’activité et interdisant un développement embryonnaire in vitro au-delà de quatorze jours[8]. En France, la recherche sur les embryons surnuméraires est autorisée depuis la loi du 6 août 2013 mais aucun seuil temporel n'est fixé[9].

Notes et références

  1. Henri Atlan, « Une nouvelle date décisive dans l'histoire du corps humain », interview pour Le Monde 2, n° 61, 16 avril 2005, p. 22.
  2. Joseph Confavreux, « L'utĂ©rus artificiel engendrera-t-il un bouleversement social ? Â», France Culture, 4 fĂ©vrier 2011.
  3. Mathieu Vidard, « L'utĂ©rus artificiel Â», La TĂŞte au carrĂ©, France Inter, 4 avril 2011.
  4. (en) Jessica H. Schultz, « Development of Ectogenesis: How Will Artificial Wombs Affect the Legal Status of a Fetus or Embryo? », Chicago-Kent Law Review, vol. 84, no 3 « Symposium: Data Devolution: Corporate Information Security, Consumers, and the Future of Regulation »,‎ , p. 877-906 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  5. (en) Marta N. Shahbazi, Agnieszka Jedrusik, Sanna Vuoristo, Gaelle Recher, Anna Hupalowska, Virginia Bolton, Norah M. E. Fogarty, Alison Campbell, Liani G. Devito, Dusko Ilic, Yakoub Khalaf, Kathy K. Niakan, Simon Fishel & Magdalena Zernicka-Goetz, « Self-organization of the human embryo in the absence of maternal tissues », Nature Cell Biology, no 18,‎ , p. 700–708 (DOI 10.1038/ncb3347, lire en ligne).
  6. (en) Ethics Advisory Board, HEW Support of Research Involving Human In Vitro Fertilization and Embryo Transfer (Report and conclusions), (lire en ligne), chap. 6 (« Summary and Conclusions »).
  7. (en) Peter R. Brinsden, A Textbook of In Vitro Fertilization and Assisted Reproduction : The Bourn Hall Guide to Clinical and Laboratory Practice, CRC Press, , p. 661.
  8. Jean-Yves Nau, « Les premiers pas de l’utérus artificiel », sur slate.fr,
  9. Le régime de recherche sur l’embryon dans la loi du 6 août 2013, sur espace-ethique.org/

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Leslie Cannold, « Women, ectogenesis and ethical theory », Journal of applied philosophy, 1995, vol. 12, no 1, p. 55-64 (ISSN 0264-3758)
  • Henri Atlan, L'UtĂ©rus artificiel, Paris, Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », 2005.
  • Philippe Descamps, « L’inflation bioĂ©thique dans la perspective de l’ectogenèse », in Raisons politiques no 28, 2007/4, p. 111-125 (ISBN 9782724630800).
  • Philippe Descamps, L’UtĂ©rus, la Technique ou l'Amour : l'enfant de l'ectogenèse, Paris, PUF, 2008 (ISBN 978-2-13-056590-1)

Documentaire

  • Marie Mandy, L'utĂ©rus artificiel, le ventre de personne, The Factory Productions, 2011

Liens externes

  • Fidèle-Pierre NzĂ©-Nguema, « De la parentĂ© biologique Ă  la parentĂ© symbolique : la reproduction humaine aux pĂ©rils de la science ? Â», in Premières JournĂ©es de BioĂ©thique pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Texte en ligne.
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