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Du thésauriseur et du singe

Du thésauriseur et du singe est la troisième fable du livre XII de Jean de La Fontaine situé dans le troisième et dernier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1693 mais daté de 1694.

Du thésauriseur et du singe
Image illustrative de l’article Du thésauriseur et du singe
Gravure de Pieter Franciscus Martenisie d'après Jean-Baptiste Oudry, édition Desaint & Saillant, 1755-1759

Auteur Jean de La Fontaine
Pays Drapeau de la France France
Genre Fable
Éditeur Claude Barbin
Lieu de parution Paris
Date de parution 1693
Chronologie

Texte de la fable

Dessin de Benjamin Rabier

Un Homme accumulait. On sait que cette erreur
Va souvent jusqu’à la fureur.
Celui-ci ne songeait que Ducats et Pistoles.
Quand ces biens sont oisifs, je tiens qu’ils sont frivoles.
Pour sûreté de son Trésor
Notre Avare habitait un lieu dont Amphitrite
Défendait aux voleurs de toutes parts l’abord[N 1].
Là d’une volupté, selon moi fort petite,
Et selon lui fort grande, il entassait toujours.
Il passait les nuits et les jours
À compter, calculer, supputer sans relâche ;
Calculant, supputant, comptant comme à la tâche,
Car il trouvait toujours du mécompte à son fait :
Un gros Singe plus sage, à mon sens, que son maître,
Jetait quelque doublon toujours par la fenĂŞtre,
Et rendait le compte imparfait.
La chambre bien cadenassée
Permettait de laisser l’argent sur le comptoir[N 2].
Un beau jour Dom Bertrand[N 3] se mit dans la pensée
D’en faire un sacrifice au liquide manoir[N 4].
Quant Ă  moi, lors que je compare
Les plaisirs de ce Singe Ă  ceux de cet Avare,
Je ne sais bonnement auxquels donner le prix :
Dom Bertrand gagnerait près de certains esprits ;
Les raisons en seraient trop longues à déduire.
Un jour donc l’animal, qui ne songeait qu’à nuire,
DĂ©tachait du monceau tantĂ´t quelque doublon,
Un jacobus, un ducaton,
Et puis quelque noble Ă  la rose[N 5] ;
Éprouvait son adresse et sa force à jeter
Ces morceaux de métal qui se font souhaiter
Par les humains sur toute chose.
S’il n’avait entendu son Compteur à la fin
Mettre la clef dans la serrure,
Les Ducats auraient tous pris le mĂŞme chemin,
Et couru la mĂŞme aventure.
Il les aurait fait tous voler, jusqu’au dernier,
Dans le gouffre enrichi par maint et maint naufrage.
Dieu veuille préserver maint et maint Financier
Qui n’en fait pas meilleur usage.

— Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, Du thĂ©sauriseur et du singe, texte Ă©tabli par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la PlĂ©iade Â», 1991, p. 457

Notes

  1. Le lieu en question est donc une île, Amphitrite étant dans la mythologie grecque une Néréide épouse de Poséidon, le dieu de la mer.
  2. Le mot comptoir est utilisé dans son sens premier de table petite ou grande sur laquelle le marchand compte son argent, et où il l’enferme.
  3. Dom Bertrand est aussi le nom du singe dans les fables Le Singe et le Chat et Le Singe et le LĂ©opard.
  4. Le manoir liquide est l’océan où selon la croyance antique le soleil se couche.
  5. Monnaie d'or qui avait autrefois cours en Angleterre et qui était décorée en son milieu de petites couronnes de fleurs de lis. Édouard III fit battre cette monnaie en 1344.

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