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Doublon (monnaie)

Le doublon ((es) doblón) est l'appellation donnée à une monnaie d'or espagnole entre la fin du XVe siècle et le milieu du XIXe siècle. Cette monnaie, qui n'était pas une unité de compte, eut un certain impact sur les plans économiques et symboliques.

Origines

Doublon d'or almohades (dinar), frappé au Maroc par le calife Abu Yacub Yusuf au XIIe siècle).

Étymologie

Le mot doublon est d'origine espagnole : doblón qualifie dès 1497 une grosse monnaie d'or[1]. Au début du XVIIe siècle français, on utilise le mot « pistole » pour qualifier ces pièces espagnoles[2].

Historiographie

Entre le XIIe et la fin du XVe siècle, l'or monétaire reste peu courant en Europe. Les systèmes marchands et financiers reposent, quant au négoce, sur l'argent métal (voir par exemple le sterling, le thaler ou le gros tournois). Seuls les Vénitiens et l'Empire ottoman assurent dans leurs échanges des transactions conséquentes en or. De fait, ce sont de petits modules qui circulent : le fiorino de Toscane, le sequin vénitien et le soultani ottoman pèsent quasiment le même poids, à savoir, entre 3,5 et 3,7 g d'or, dont le titrage avoisine les 24 carats (0.997/1000)[3].

De plus grosses pièces en or restent rares dans l'Europe de la fin du Moyen Âge. En revanche, au Maroc, sous le régime des Almohades masmudines on appelait dinar, vers 1184-1185, à la suite de la réforme monétaire initiée par le calife Yacoub Al Mansour, une pièce en or d'un poids équivalent à 4,7 g et qui était d'une grande pureté[4].

Circulant dans toute la Péninsule ibérique, les dinars de l'Al Andalus seront imités puis adoptés par l'Espagne des Rois catholiques comme symbole de souveraineté[5]. Ainsi, entre le XIIe et le XIVe siècle, ces frappes pallient l’absence d’or dans les émissions monétaires d’Europe occidentale[6].

Avant 1350, Alphonse XI, en Castille, frappa les premières monnaies d'or imitant les dinars almohades : appelés localement castellanos ou doblas, et en français « alfonsins », ils pèsent chacun 4,6 g d'or à 23¾ carats[7].

Quand fut achevée la « reconquête » de la Péninsule ibérique par les Rois catholiques, ceux-ci voulurent assainir leur système monétaire devenu confus et disparate, et surtout frapper une nouvelle monnaie d'or pour célébrer l'arrivée de ce métal venu des Amériques : ce fut la réforme de 1497[7].

Le doublon symbole d'une nouvelle ère

DoblĂłn excelente figurant Ferdinand II & Isabelle Ire (SĂ©ville, 1497).

Apparu entre le début des Grandes Découvertes et la naissance de Empire espagnol, le plus célèbre doublon d'or est aussi le premier : il est possible que ce nom provienne du double portrait qu'il comporte, celui des souverains espagnols Ferdinand II et Isabelle I d'Aragon (voir ci-contre), même s'il existait déjà des doblas d'or. Cette nouvelle pièce frappée dans les ateliers de Séville se veut un doblón excelente, cette « excellence » fait référence ici à la fois aux têtes royales et à la qualité de l'alliage d'or. La réforme monétaire mise en place soulignait en ses ordonnances que la taille devait être au double de « l'excellence de Grenade » (excelente de la Granada), faisant ici référence à la qualité des frappes de l'Al Andalus ; les troupes de Boabdil s'étaient rendues en 1492, et les Andalus avaient l'interdiction de battre monnaie. Un excelente d'or équivalait à 11 réaux d'argent et un maravédis, ce qui porte donc le double à 22 réaux et 2 maravédis[7].

En 1523, les Cortes dĂ©cident une nouvelle rĂ©forme monĂ©taire. L'Ă©quivalence du doublon est portĂ©e Ă  32 rĂ©aux pour un poids de 6,77 g d'or Ă  23Âľ carats (989,58 millième). Les frappes Ă©voluèrent en proportion des forts arrivages d'or, ce qui augmenta leur contrevaleur en argent mĂ©tal et en cuivre. On distingua : le doblon de a dos (700 maravĂ©dis en 1537), le doblon de a quarto (1 100 maravĂ©dis en 1642) et le doblon de a ocho (2 800 maravĂ©dis en 1537 et 4 400 en 1642).

Doublon espagnol de 8 escudos figurant Charles IIII, frappé à Mexico en 1798.

Les doublons ont Ă©tĂ© ensuite frappĂ©s dans tout l'Empire colonial espagnol, au Mexique, au PĂ©rou, et Ă  la Nouvelle-Grenade. En Espagne, les doublons ont eu cours jusqu'au milieu du XIXe siècle. Les derniers doublons espagnols comportaient une valeur faciale de 80 rĂ©aux ; ils furent frappĂ©s en 1849. En 1859, Isabelle II d'Espagne remplaça le système monĂ©taire basĂ© sur l'escudo par des rĂ©aux dĂ©cimaux, le doublon de 6,77 g par un nouveau doblĂłn, plus lourd, d'une valeur de 100 rĂ©aux et d'un poids de 8,377 g. Après leur indĂ©pendance, les anciennes colonies espagnoles du Mexique, du PĂ©rou et de l'ex-Nouvelle-Grenade continuèrent Ă  frapper des doublons.

Postérité et représentations

En Europe, le doublon servit de modèle à plusieurs autres pièces d'or, dont le louis d'or (1643), la doppia italienne, le duplone suisse, la pistole de certains États allemands du Nord, et le frédéric d'or prussien.

Dans le roman de Herman Melville, Moby Dick (1851) au chapitre 99 intitulĂ© « Le doublon », le capitaine Ahab fait rĂ©fĂ©rence Ă  une pièce en or d'une valeur de 16 dollars : il s'agit d'un doublon de 8 escudos de oro frappĂ© en Équateur, Ă  Quito, entre 1838 et 1843, et qui pèse 31,1 g, fait d'un or Ă  21 carats.

Notes et références

  1. « Doublon », base lexicographique du CNRTL.
  2. « Pistole », base lexicographique du CNRTL.
  3. (en) Ĺževket Pamuk, A Monetary History of the Ottoman Empire, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, pp. 60-62.
  4. Lemnouar Merouche, Recherches sur l'Algérie à l'époque ottomane I. : Monnaies, prix et revenus, 1520-1830, Editions Bouchène, (ISBN 978-2-35676-054-8, lire en ligne).
  5. (ca) « masmudina | enciclopèdia.cat », sur www.enciclopedia.cat (consulté le ).
  6. François Clément, « Les monnaies arabes et à légende arabe trouvées dans le Grand Ouest », in: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, 115-2 | 2008, p. 159-187 — consulté le 5 juin 2020.
  7. (en) William Arthur Shaw, The History of Currency, 1252 to 1896, Londres, Wilson and Milnes, 1895, pp. 323-329 — lire en ligne.

Voir aussi

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