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Droit pénal de la presse en France

Le droit pénal de la presse a pour fondement la Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. Ce texte définit les libertés et responsabilités de la presse française, imposant un cadre légal à toute publication, ainsi qu'à l'affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique. Aujourd’hui, La loi de 1881 est marquée par l’unification des procédures civiles et pénales et le champ d’application de ce texte s’est étendu au procès civil. De plus, la loi de 1881 est soumise au contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a censuré certaines de ses dispositions. La loi du énumère les infractions de presse (I) et prévoit un régime (II) et des règles de poursuite (III) spécifiques.

Réquisitoire lors du procès Zola en 1898.

Infractions de presse

Diffamation

La diffamation est précisément définie par la jurisprudence de la Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, le texte de cette loi décrivant avec rigueur les différents cas qui peuvent se présenter.

La diffamation envers les personnes vivantes : la diffamation est prévue par l’article 29 aliéna 1 de la loi de 1881, est diffamatoire « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». Outre la publication, qui est le préalable de toute infraction de presse, quatre éléments caractérisent la diffamation:

  • l’allĂ©gation ou l’imputation. L’allĂ©gation correspond « Ă  toute diffusion ou toute reproduction de faits ou de circonstances dont on fait remonter l’origine Ă  une tierce personne dĂ©nommĂ©e ou non » ; l’imputation correspond « Ă  une affirmation de faits que l’on dit avoir constatĂ©s soi-mĂŞme ». Cette distinction est dĂ©pourvue de toute portĂ©e pratique ;
  • un fait prĂ©cis et dĂ©terminĂ©. Cette exigence permet de distinguer injure et diffamation. Le propos diffamatoire doit porter sur un fait prĂ©cis et dĂ©terminĂ© ;
  • l’atteinte Ă  l’honneur ou Ă  la considĂ©ration. L’honneur se rĂ©fère gĂ©nĂ©ralement au sentiment que l’on a de soi tandis que la considĂ©ration repose sur l’idĂ©e que les autres se font de soi, la rĂ©putation sociale, professionnelle. La distinction entre l’honneur et la considĂ©ration n’est pas nĂ©cessairement opportune, dans la mesure oĂą ce que l’on cherche Ă  protĂ©ger c’est la dignitĂ© de la personne ;
  • la personne ou le corps doivent ĂŞtre identifiables. Une personne, physique ou morale, ou un « corps constituĂ© » peut faire l’objet de propos diffamatoires. Cette personne ou ce corps doit ĂŞtre identifiĂ© ou identifiable. Il suffit que l’identification de la personne soit rendue possible, c’est Ă  la victime d’apporter la preuve qu’elle est identifiable

La diffamation envers les personnes décédées est prévue à l’article 34 de la loi de 1881. La diffamation envers une personne décédée n’est sanctionnée que dans les cas où « les auteurs de ces diffamations auraient eu l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants ».

Injure

L’injure des personnes vivantes : l’article 29 de la loi de 1881 définit l’injure comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne referme l’imputation d’aucun fait ». La portée de l’injure est générale. Il s’agit :

  • d’un propos dĂ©valorisant tenu sciemment. Le propos doit comporter un caractère offensant qui s’apprĂ©cie de manière objective ;
  • d'un propos sans imputation d’un fait prĂ©cis. Ce critère distingue l’injure de la diffamation. L’application pratique de ce critère est parfois dĂ©licate ;
  • d'un propos Ă  l’encontre d’une victime dĂ©terminĂ©e ou dĂ©terminable. On protège la personne et le groupe de personnes (cf. diffamation).

L’injure envers les personnes décédées est prévue à l’article 34 de la loi de 1881. Elle n’est sanctionnée que dans les cas où « les auteurs de ces diffamations auraient eu l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants ».

Les diffamations et injures à raison de l’ethnie, de la nation, de la race ou de la religion : cette infraction a été introduite dans la loi du par la loi du . Elles comportent cinq éléments qui les distinguent des délits de droit commun :

  • la prescription d’un an
  • la dĂ©finition spĂ©cifique des articles 32 alinĂ©a 2 et 33 alinĂ©a 3 de la loi du ;
  • la poursuite peut ĂŞtre exercĂ©e d’office par le ministère public ;
  • le prĂ©venu ne peut pour se dĂ©fendre rapporter la vĂ©ritĂ© des propos ;
  • les peines encourues sont, pour la diffamation, un an d’emprisonnement et/ou 45 000 euros d’amende et pour l’injure, une amende de 22 500 euros. Une aggravation des peines est encourue en cas de rĂ©cidive.

Diffamation et injures à raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap

Cette infraction a été introduite par la loi du aux articles 32-3 et 33-4 de la loi de 1881 pour les injures et diffamations « à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ».

Autres infractions de presse définies par la loi de 1881

La provocation à la discrimination et à la haine raciale : l’article 24 alinéa 6 de la loi de 1881. Cette infraction est caractérisée par le fait que son auteur a l’intention d’inciter autrui à partager ses sentiments de haine. Les peines applicables sont celles de la diffamation raciale. La privation des droits civiques et l’affichage ou la diffusion de la décision peuvent être prononcés.

Les apologies : la loi de 1881 sanctionne les apologies en précisant les domaines sur lesquels elles peuvent porter, notamment les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes ou délit de collaboration avec l’ennemi, les actes de terrorisme. L’apologie se définit comme un discours ou un écrit destiné à convaincre de la justesse de quelque chose, à assurer la défense de quelqu’un ou de quelque chose.

La contestation des crimes contre l’humanité : il s’agit de la négation d’une vérité historiquement et juridiquement reconnue. L’article 24 bis de la loi de 1881 intégré par la loi Gayssot du prévoit que sont passibles de sanctions « ceux qui contestent l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité […] et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle […], soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale ». Le champ d’application de cette infraction est limité à la Seconde Guerre mondiale.

Les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe : la loi du a ajouté un alinéa 9 a l’article 24 de la loi de 1881, qui sanctionne la discrimination ou la provocation « à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ».

L’offense au prĂ©sident de la rĂ©publique : l’article 26 de la loi de 1881, prĂ©voyait que l’offense au prĂ©sident de la rĂ©publique par l’un des moyens Ă©noncĂ©s Ă  l’article 23 de la loi Ă©tait punie d’une amende de 45 000 euros. Cette infraction Ă©tait très peu utilisĂ©e et a finalement Ă©tĂ© supprimĂ©e par la loi du .

Le délit de fausse nouvelles : l’article 27 de la loi de 1881 prévoit cette infraction. Les éléments constitutifs de l’infraction sont la publication, et la fausseté de la nouvelle et le risque de trouble à la paix publique. De plus il faut une intention coupable, la mauvaise foi n’est pas présumée. Les poursuites ne peuvent être enclenchées que par le ministère public, ce qui est très rarement le cas.

Les interdictions d’images :

  • portant atteinte Ă  la dignitĂ© des victimes de crimes ou de dĂ©lits. Article 35 quater de la loi de 1881 ;
  • portant atteinte Ă  la dignitĂ© des personnes prĂ©sumĂ©es innocentes, menottĂ©es ou entravĂ©es. Article 35 ter de la loi de 1881 ;
  • captĂ©es lors des audiences des juridictions administratives ou judiciaires. Article 38 ter de la loi de 1881.

RĂ©gime des infractions de presse

Élément matériel : publication

« C’est la publication qui constitue l’infraction. » Les paroles ou les écrits doivent avoir été dits ou publiés pour être poursuivis. Les modes de publicité sont énumérés à l’article 23 de la loi de 1881. Cet article est complété par la loi du portant dispositions diverses relatives à la communication audiovisuelle qui ajoute à l’énumération « tout moyen de communication audiovisuelle ».

Élément moral : conscience de publier

Pour les infractions de presse il existe une présomption de culpabilité. Le prévenu doit avoir eu conscience de communiquer au public un propos illicite au sens de la loi du . La jurisprudence déduit du statut professionnel de l’éditeur et du directeur de publication la preuve du fait que ces responsables agissent sciemment.

Exception de vérité

L’article 35 de la loi de 1881 considère que la publication d’un propos diffamatoire perd tout caractère délictueux lorsque la preuve est rapportée que l’auteur de ce propos a dit vrai. C’est l’exceptio veritatis. Les juges apprécient selon leur intime conviction les preuves qui leur sont soumises.

La preuve de la vérité diffamatoire est interdite dans trois cas prévus par la loi :

  • lorsque l’imputation concerne la vie privĂ©e des personnes ;
  • lorsque l’imputation se rĂ©fère Ă  des faits remontant Ă  plus de 10 ans ;
  • lorsque l’imputation se rĂ©fère Ă  un fait constituant une infraction amnistiĂ©e ou prescrite, ou qui a donnĂ© lieu Ă  une condamnation effacĂ©e par la rĂ©habilitation ou la rĂ©vision.

Il faut ajouter qu’on ne peut pas apporter la preuve de propos racistes et que le délai de l’offre de preuve est très court. Article 56 et 55 de la loi de 1881.

Exception de bonne foi

Comme nous l’avons vu les imputations diffamatoires sont réputées faites de mauvaise foi, sauf preuve contraire par leur auteur. Selon la jurisprudence, la bonne foi comporte quatre éléments :

  • la lĂ©gitimitĂ© du but poursuivi ;
  • l’absence d’animositĂ© personnelle ;
  • la prudence et l’objectivitĂ© des propos ;
  • le sĂ©rieux de l’enquĂŞte et la vĂ©rification des sources.

Moyen de défense de la personne poursuivie pour injure

L’article 33 de la loi de 1881 a prévu une excuse absolutoire, exclue en matière de diffamation : l’excuse de provocation. Si l’injure est précédée d’une provocation, elle n’est pas punissable à condition qu’il y ait un lien direct et une certaine proportionnalité entre les deux.

Prescription

L’article 65 de la loi de 1881 prévoit que les infractions de presse se prescrivent par trois mois révolus à compter du jour de leur commission ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite.

Responsabilité en cascade

L’article 42 de la loi du énumère les personnes qui peuvent être poursuivies comme auteurs principaux de crimes ou délits commis par voie de presse et fixe l’ordre dans lequel elles pourront être recherchées.

Immunités

L’article 41 de la loi de 1881 institue deux catégories d’immunités, qui garantissent la liberté d’expression :

  • l’immunitĂ© parlementaire. Article 41 alinĂ©a 1 de la loi de 1881. Cette irresponsabilitĂ© figure Ă  l’article 26 de la Constitution. Si le directeur de la publication est un parlementaire, il ne peut ĂŞtre poursuivi en tant qu’auteur principal d’une infraction de presse, c’est pourquoi il doit dĂ©signer un codirecteur de la publication choisi parmi les personnes ne bĂ©nĂ©ficiant pas de l’immunitĂ© parlementaire ;
  • l’immunitĂ© judiciaire, qui concerne les dĂ©bats d’audience et les comptes rendus judiciaires. Article 41 alinĂ©a 3 de la loi de 1881.

Poursuite des infractions de presse

Mise en mouvement de l’action publique

Les demandeurs à l’action ont le choix entre la juridiction civile et pénale. Seules les personnes visées aux articles 30 et 31 (membres de tribunaux, armées, fonctionnaires publics, etc.) ont l’obligation de poursuivre devant le juge pénal. Selon l’article 48 la victime est libre de poursuivre, et son désistement éteint l’action publique.

La mise en mouvement de l’action publique peut se faire par :

  • une procĂ©dure de citation directe devant le tribunal correctionnel ;
  • une plainte avec constitution de partie civile, la plainte est alors instruite par le juge d’instruction ;
  • lorsque la partie lĂ©sĂ©e est un ministre, une administration publique, ou un corps constituĂ©, elle doit dĂ©poser une plainte prĂ©alable auprès du procureur de la RĂ©publique qui dĂ©cidera soit de citer la partie poursuivante devant le tribunal correctionnel, soit de passer par le juge d’instruction.

Qualification des faits incriminés

La citation fixe définitivement l’objet, la nature et l’étendue de la poursuite en cas d’erreur le juge ne peut requalifier l’infraction poursuivie. La sanction de l’erreur est la nullité de la poursuite, c’est une nullité d’ordre public. Cette mesure permet de garantir les droits de défense, le prévenu a le droit de savoir exactement sur quel fondement il est poursuivi, pour pouvoir apporter les preuves nécessaires à sa défense.

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