David van Goorle
David van Goorle[1], ou, en latin, David Gorlaeus[2], (, à Utrecht – , à Cornjum)[3], est un philosophe des Provinces-Unies (aujourd'hui dans les Pays-Bas)[4]. On se souvient de lui parce qu'il a été, au XVIIe siècle, un antiaristotélicien et un partisan de l'atomisme[5].
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Principaux intérêts |
contestation de l'aristotélisme |
Idées remarquables |
il y a non seulement des atomes, mais des composés d'atomes |
Ĺ’uvres principales |
Exercitationes philosophicae Idea physicae |
A influencé |
Biographie
Van Goorle est le fils d'un réfugié protestant d'Anvers. À la naissance de David, son père est trésorier du comte de Moers. Sa mère, fille de l'amiral Doeke van Martena, est de la noblesse frisonne.
En 1606 il s'inscrit en arts à l'université de Franeker[3] ; il y est l'élève de Henri de Veen (Henricus de Veno (v. 1574–1613)), un antiaristotélicien[6]. À partir d' il étudie la théologie à l'université de Leyde.
David van Goorle meurt à 21 ans. Sa pierre tombale, dans l'église de Cornjum, dit de lui qu'il était savant et très intelligent.
Idées et place dans l'histoire
Gorlaeus, ou, comme l'appelaient ses contemporains francophones, Gorlée, a écrit, à peu près à la même époque, deux ouvrages, publiés après sa mort, l'un (son œuvre principale) en 1620 (huit ans après), l'autre en 1651 (39 ans après). Ils lui donnent une place :
- parmi les antiaristotéliciens (et van Goorle est l'un des plus radicaux) :
« Dans les Exercitationes philosophicae (1620) de David Gorlaeus, publiées après sa mort, les universaux n'avaient pas d'existence ; seules les choses individuelles, définies par leurs propriétés intrinsèques, étaient réelles : c'est-à -dire qu'essence et existence, essence et propriétés, quantité et corps, étaient la même chose. On ne pouvait distinguer les attributs d'un corps, comme le nombre, la quantité et les propriétés physico-chimiques, que par une opération de l'esprit. La seule réalité était la réalité des détails physiques, les atomes. »
— Meinel 1988, p. 72[7]
- parmi les philosophes atomistes, c'est-à -dire parmi ceux qui croient que la divisibilité de la matière a un terme, l'« a-tome[8] » (le « non-divisible ») :
- les atomistes de l'Antiquité étant Démocrite et Épicure (plus Lucrèce, défenseur de ce dernier),
- les atomistes modernes étant Gorlaeus, et, par exemple, Pierre Gassendi et Daniel Sennert[9]. Tous les corps, dit Gorlaeus, sont composés d'atomes[10].
Même si on le connaît très peu aujourd'hui, Gorlaeus fut au moins jusque vers 1650[11] le diable en personne, un modèle de l'irréductible antiaristotélicien. En 1624, le père Mersenne peint un tableau épouvantable de ce philosophe protestant qui croit qu'une créature peut tirer quelque chose de rien, qu'un accident peut passer d'une substance à l'autre et même qu'il existe des atomes, le tout avoisinant le déisme, sinon l'athéisme. Mersenne le mentionne du même souffle que Giordano Bruno (et son disciple anglais Nicholas Hill (en)), Tommaso Campanella et Jean Bodin[12] - [13]. Trente-huit ans après Mersenne, Arnold Verhel, professeur à l'université de Franeker, se plaint encore des gorléens[14].
Autrement dit, la mise en question de la distinction aristotélicienne entre substance et accident pouvait amener des gens à souhaiter voir quelqu'un sur le bûcher. Mersenne changera d'avis. De plus, le jeune Gorlaeus n'est pas le seul à donner des coups de boutoir dans l'aristotélisme ; il rejoint au contraire le groupe que Descartes, en 1630, appellera les « novateurs » : « Gorlee, Charpentier, Basso, Hill, Campanella, Brun, Vanin[15] ».
On pense qu'Exercitationes philosophicae (1620) a influencé Descartes et Hendrik De Roy (Henricus Regius)[3].
Ĺ’uvres
- (la) Exercitationes philosophicae[16] (Exercices philosophiques), Leyde, 1620
- (la) Idea physicae, Utrecht, 1651[17] — Petit tirage[18]
Bibliographie
- (nl) F. M. Jaeger, « Goorle (David van), Junior », dans P. C. Molhuysen et P. J. Blok, Nieuw Nederlandsch Biografisch Woordenboek, Leyde, 1911, colonne 210
- (en) Christoph LĹ«thy, David Gorlaeus (1591-1612). An enigmatic figure in the history of philosophy and science, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2012
- (en) Christoph Meinel, « Early seventeenth-century atomism — Theory, epistemology, and the insufficiency of experiment », dans Isis, , vol. 79, no 296, p. 68–103
Annexes
Notes
- Personne (sauf Jaeger) ne dit David van Goorle le Jeune, mais il a existé un David van Goorle l'Ancien, frère d'Abraham van Goorle ; Jaeger consacre un article à chacun des trois personnages.
- Suivant la coutume, il ajoutait à son nom un adjectif indiquant la ville où il était né, ce qui donnait « David Gorlaeus Ultrajectinus », c'est-à -dire « David van Goorle d'Utrecht » ; c'est toutefois dans le village frison de Cornjum qu'il a été élevé par ses grands-parents maternels.
- Lüthy, p. 245–290.
- Il avait aussi un diplôme de théologie.
- The necessity today of the philosophy of nature. Ivor Leclerc fait de van Goorle l'un des premiers atomistes modernes.
- Fernand Hallyn, « La Philosophia naturalis de Regius et l'écriture athée », p. 38, dans Antony McKenna, Pierre-François Moreau, Institut Claude Longeon (dir.), Les libertins et la science (vol. 9 de Libertinage et philosophie au XVIIe siècle), 2005 (ISBN 9782862723525).
- Les distinctions mentionnées par Meinel sont toutes au fondement de l'aristotélisme. Gorlaeus dit lui-même que dans les Exercitationes « de très nombreux dogmes fondamentaux des péripatéticiens sont renversés » (fin du titre : « plurima ac praecipua peripateticorum dogmata evertuntur »).
- ἄ-τομος.
- Kurd Lasswitz, Atomistik und Kriticismus, 1878, p. 7.
- « Omnia ergo corpora, ex hujusmodi atomis composita sunt » : Idea, p. 24.
- LĹ«thy 2012, p. 11.
- Marin Mersenne. L'impiété des déistes, athées et libertins de ce temps…, 1624, p. 238–239. Nicholas Hill est un disciple anglais de Giordano Bruno.
- Mersenne de nouveau, dans La vérité des sciences, 1625, p. 109 : « Basso, Gorlæe, Bodin, Charpentier, Hill, Olive ».
- LĹ«thy 2012, p. 15.
- René Descartes, Lettres de Mr Descartes, 17 octobre 1630. « Brun » (Giordano Bruno), fut brûlé vif. Vanini eut la langue coupée et fut étranglé ; son corps fut jeté sur un bûcher.
- Titre plus complet : Exercitationes philosophicæ quibus vniversa fere discutitur philosophia theoretica et plurima ac præcipua peripateticorum dogmata evertuntur.
- L'Ă©diteur a mis aussi dans ce livre une lettre, d'un auteur inconnu, sur le mouvement de la terre.
- LĹ«thy 2012, p. 19. On peut en conclure que cet ouvrage, contrairement au premier, n'a pas eu beaucoup d'influence.
- Gorlaeus Lab.
- Critique de ce choix : Lūthy 2012, p. 21–22.