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Da pacem Domine (Schütz)

Da pacem Domine (Seigneur, donne nous la paix), SWV 465, est une œuvre pour double chœur mixte de Heinrich Schütz composée en 1627. Elle a été composée à l'occasion de la Diète d'Empire de 1627 visant à rétablir la paix pendant la guerre de Trente Ans. Elle se distingue par une écriture extrêmement innovante pour l'époque, opposant et combinant deux chœurs possédant chacun un texte, une musique et un style complètement différents.

Da pacem Domine
SWV 465
Image illustrative de l’article Da pacem Domine (Schütz)
L'empereur et les Princes-électeurs du lors d'une Diète d'Empire, similaire à celle pour laquelle l'oeuvre a été composée.

Genre Musique baroque
Musique Heinrich Schütz
Langue originale Latin
Durée approximative environ 5 minutes
Dates de composition 1627
Création
Marienkirche (Mühlhausen) (de) Mühlhausen (Thuringe)

Historique et contexte

Marienkirche (de) de Mühlhausen où a eu lieu la cérémonie d'accueil.

En 1627, Schütz est maître de chapelle de Jean-Georges Ier de Saxe, prince-électeur de l'électorat de Saxe. À ce titre, il est chargé de composer et diriger la musique de nombreuses cérémonies officielles. En octobre 1627, Jean-Georges Ier est convoqué à une diète d'Empire (Kurfürstentag), à Mühlhausen en Thuringe. Mülhausen est alors une ville libre d'Empire, et donc un terrain neutre nécessaire pour l'objectif de cette assemblée : trouver des règles de vie pacifiques entre catholiques et les protestants, au milieu de la guerre de Trente Ans, qui menace de basculer dans une "guerre totale"[1].

À cette Diète assiste l'empereur Ferdinand II et six princes électeurs : le prince-archevêque de Mayence, le prince-archevêque de Cologne, le prince-archevêque de Trèves, l'électeur de Saxe (l'employeur de Schütz), le margrave de Brandebourg, et Maximilien Ier de Bavière qui remplace l'électeur Palatin, en disgrâce pendant la guerre de Trente ans[1]. La Diète sera un échec.

Schütz compose pour cette occasion de la musique de table et des ballets, dont on n'a plus aucune trace, ainsi qu'un motet destiné à souhaiter la bienvenue et à adresser un fervent message de paix à l'empereur et aux princes-électeurs lors d'une cérémonie d'accueil, probablement à la Marienkirche (de) de Mühlhausen[1] : le Da Pacem Domine.

Le manuscrit a été conservé à la bibliothèque de Königsberg mais a été détruit ou perdu pendant la seconde guerre mondiale. Il a été publié pour la première fois dans les œuvres complète de Schütz par Philipp Spitta en 1893[2].

Musique et texte

Il s'agit d'un double chœur (deux chœurs séparés), dans le style polychoral vénitien (Cori Spezzati) que Schütz a appris lors de ses voyages à Venise dans les années 1610. Schütz pousse cette technique à un niveau jusque-là inouï : il attribue deux textes, deux mélodies et deux styles complètement différents à chacun des chœurs, d'abord en alternance, puis combinés dans une même musique à neuf voix : selon le musicologue Klaus Fischer-Dieskau, il faudra attendre Don Carlos de Verdi en 1867 pour retrouver une telle dissymétrie entre deux chœurs[3]. Beaucoup de compositeurs et notamment Jean-Sébastien Bach emploieront la technique du Cantus Firmus, opposant également deux mélodies et rythmes, mais dont l'une est à une seule voix et généralement en valeur longues ne posant pas les mêmes problèmes de combinaison[3].

Premier chœur

Le premier chœur (Primus Chorus) est à cinq voix, et chante l'antienne traditionnelle Da pacem Domine (Donne-nous la paix, Seigneur). La volonté de Schütz était de donner l'harmonie de ce chœur à cinq violes de gambe et le chant à une ou deux voix chantant sotto voce. L'intention de Schütz semble avoir été de donner une impression de prière fervente et introvertie, nimbée dans l'harmonie des violes[1]. Le style de ce chœur est proche de la prima pratica dans un style sacré ancien.

Le texte est traditionnel et adresse un message de paix :

Da pacem, Domine
in diebus nostris
quia non est alius
qui pugnet pro nobis
nisi tu Deus noster.
Donne la paix, Seigneur,
à nos jours,
car il n'y a personne d'autre que Toi,
qui combatte pour nous,
sinon toi notre Dieu.

Deuxième chœur

Le second chœur (Secundus Chorus) est à quatre voix et dans un style radicalement différent, volontaire et extraverti. Les quatre chanteurs, peut-être doublés par des cors et trompettes[1], clament des "vivat" envers l'empereur et les princes électeurs.

Vivat Moguntinus
Vivat Coloniensis
Vivat Trevirensis
Vivant tria fundamina pacis.
Vivat Ferdinandus, Caesar invictissimus.
Vivat Saxo
Vivat Bavarus
Vivat Brandenburgicus
Vivant tria tutamina pacis.
Vivat Ferdinandus, Caesar invictissimus.
Vive le prince-archevêque de Mayence
Vive le prince-archevêque de Cologne
Vive le prince-archevêque de Trèves
Vivent les trois fondateurs de la paix.
Vive Ferdinand , empereur invincible.
Vive l'électeur de Saxe
Vive Maximilien Ier de Bavière
Vive le margrave de Brandebourg
Vivent les trois gardiens de la paix.
Vive Ferdinand , empereur invincible.

Dédicace de Schütz

On a retrouvé une dédicace de Heinrich Schütz présentant cette œuvre et indiquant ses volontés en matière d'exécution. Cette notice paraphrase le texte du chœur[2] :

« (En Latin)
Donne-nous la paix, Seigneur. Et longue vie à Ferdinand, le plus invincible empereur : l'homme le plus saint de Mayence, Cologne et Trèves : l'homme le plus brave de Bavière, Saxe et Brandebourg : le plus auguste des sept électeurs du Saint Empire Germanique, dieux de notre Allemagne, divinités tutellaires bénies, et messagers de paix !
Heinrich Schütz, maître de chapelle du sérénissime prince électeur de Saxe, souhaite et exprime ses vœux par neuf voix, et que ces hommes puissent, avec la protection de l'aide de Dieu éternel et tout puissant, établir et protéger les autels de la paix et de la liberté dans la Mühlhausen impériale, et garder les portes du Temple de Janus fermement closes[4].
(En Allemand)
Arrangement pour cette pièce : Primus Chorus de cinq voix, exécutée par cinq violes auxquelles un ou deux chanteurs peuvent s'ajouter en chantant discrètement [submissè].
Le Secundus Chorus est pour quatre chanteurs qui articulent le texte avec grâce et élégance, et à pleine voix. Il est également possible que ce choeur soit complètement séparé de l'autre. »

Liens externes

Notes et références

  1. « Heinrich Schütz, Da pacem domine (Peace is what we need, o Lord), SWV 465, The official music for the Mühlhausen Kurfürstentag of 1627 »
  2. Gregory S. Johnston A Heinrich Schütz Reader: Letters and Documents in Translation Oxford University Press, 2013 p. 50, lettre 36
  3. « Fischer-Dieskau, Klaus. The Employment of Dynamics in Interpreting the Music of Heinrich Schuetz and Hugo Distler. The Choral Journal 14, no. 4 (1973): 13-15. Accessed January 15, 2020. »
  4. Note : Schütz fait allusion au Temple de Janus à Rome dont la vocation était d'officialiser paix et guerre au sein de la cité : les portes du temple de Janus avaient la particularité d'être fermées en temps de paix, et ouvertes en temps de guerre.
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