DĂ©fenses narcissiques
Les défenses narcissiques sont les processus permettant de préserver les aspects idéalisés du soi, et de renier ses limites[1]. Ils ont tendance à être rigides et absolus[2], et ils sont souvent motivés par des sentiments de honte et de culpabilité, conscients ou inconscients[3].
Origines
Les défenses narcissiques font partie des mécanismes de défense qui émergent dès les premières années de l'enfance, incluant le déni, la distorsion cognitive, et la projection[4]. Le clivage du moi est un autre mécanisme de défense qu'on retrouve fréquemment chez les personnes souffrant d'un trouble de la personnalité narcissique ; voir les gens et les situations en termes manichéens et de façon tranchée : noir et blanc, tout mauvais ou tout bon, etc.[5]
Une défense narcissique avec sur-évaluation de soi peut survenir à n'importe quel stade du développement[6].
Séquences de défense
Le narcissique poursuit généralement une séquence de défenses, jusqu'à ce qu'il trouve une étape qui fonctionne, pour décharger les sensations douloureuses[7] - [8] :
- Le refoulement inconscient
- Le déni conscient
- La distorsion cognitive (incluant l'exagération et la minimisation) et le mensonge
- La projection psychologique (blâmer quelqu'un d'autre)
- Demander l'aide d'un ou de plusieurs de ses amis codépendants qui soutiendront sa vision déformée .
Vision freudienne
Freud n'a pas concentré spécialement son travail sur les défenses narcissiques[9], mais il a noté dans Pour introduire le narcissisme que "la manière dont sont représentés les grands criminels et humoristes dans la littérature force notre intérêt vis-à -vis de la consistance narcissique avec laquelle ils parviennent à tenir à l'écart de leur ego tout ce qui pourrait le diminuer"[10]. Freud a vu la régression narcissique comme une réponse défensive à la perte d'objet en la niant par le biais d'une identification à elle[11].
Freud a aussi considéré le narcissisme social comme un mécanisme de défense qui émerge lorsque des identifications communes produisent des paniques irrationnelles vis-à -vis de menaces perçues du 'Throne and Altar' ou 'Free Markets'[12] ou chez les Anglais, à toute remise en cause de la paternité des œuvres de William Shakespeare[13].
Fenichel
Otto Fenichel a considéré que "l'identification, réalisée au moyen d'introjection, est la forme la plus primitive de relation aux objets" ; il s'agit d'un mécanisme primitif utilisé uniquement "si l'ego est gravement endommagé par une régression narcissique face à la réalité."[14]
Fenichel a également souligné que "les excentriques qui ont plus ou moins réussi à retrouver la stabilité du narcissisme primaire et qui se sentent plus sécurent, abandonnent les stades archaïques de mécontentement et se tournent vers la réalité"[15].
Lacan
Jacques Lacan, en poursuivant le point de vue freudien concernant l'ego en tant que résultat d'identifications[16], en est venu à considérer que l'ego lui-même est une défense narcissique, entraînée par ce qu'il appelle « la passion narcissique » dans le devenir du sujet"[17].
Vision kleinienne
Mélanie Klein a souligné que l'identification projective dans le narcissisme ainsi que la défense maniaque, servaient notamment à empêcher la prise de conscience de dommages causés à des objets au sens large. Pour les kleiniens, il y a, au cœur des défenses maniaques du narcissisme, ce que Hanna Segal a appelé "une triade de sentiments : le contrôle, le triomphe et le mépris”[18].
Rosenfeld
Herbert Rosenfeld a perçu le rôle de l'omnipotence, combiné à l'identification projective, comme étant un moyen de défense narcissique contre la conscience de la séparation entre le moi et l'objet[19].
Théorie des relations d'objet
Dans le sillage de Klein, la théorie des relations d'objet, incluant en particulier les écoles américaines d'Otto Kernberg et de Heinz Kohut, a exploré les défenses narcissiques à travers l'analyse des mécanismes tels que le déni, l'identification projective, et l'idéalisation extrême[20].
Neville Symington a déclaré qu'"une personne dominée par des courants narcissiques survit en étant capable de détecter la tonalité émotionnelle de l'autre, en portant les manteaux des autres'"[21] ; alors que pour Spotnitz, l'élément clé de la défense narcissique est le fait que le narcissique retourne les sentiments sur le soi[22].
DĂ©fenses positives
Kernberg a souligné le côté positif des défenses narcissiques[23], alors que Kohut a souligné la nécessité de la succession des positions narcissiques selon les séquences ordonnées maturationnelles[24].
D'autres, comme Symington, ont maintenu que "ce serait une erreur de diviser le narcissisme en positif et en négatif car il n'existe pas de narcissisme positif sans haine de soi"[25].
L'attitude comme maladie psychiatrique
Arikan pense que stigmatiser une attitude en particularité psychiatrique est une défense narcissique[26].
XXIe siècle
Le vingt-et-unième siècle a vu une distinction entre les narcissiques intellectuels et corporels[27], comme avec la femme qui, par mauvaise foi, investit son sens de la liberté en étant un objet de beauté pour les autres[28].
Littérature parallèle
- Philip Sidney dit avoir vu la poésie comme étant une défense narcissique en elle-même[29].
- Jean-Paul Sartre ; ses protagonistes ont été considérés comme étant souvent narcissiques[30].
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Narcissistic defences » (voir la liste des auteurs).
- Shaw J.A. (1999).
- Gerald Alper, Self Defence in a Narcissistic World (2003) p. 10
- Patrick Casement, Further Learning from the Patient (1990) p. 132
- Barry P.D., Farmer S. (2002).
- Lubit R. (2002).
- Wilber K., Engler J., Brown D. (1986).
- (en) Theodore Millon, Carrie M. Millon, Seth Grossman, Sarah Meagher et Rowena Ramnath, Personality Disorders in Modern Life, Hoboken, N.J., John Wiley and Sons, , 610 p. (ISBN 0-471-23734-5, lire en ligne)
- Thomas D Narcissism: Behind the Mask (2010)
- Elsa Schmid-Kitsikis, "Narcissistic Defenses"
- Sigmund Freud, On Metapsychology (PFL 11), p. 83
- Freud, Metapsychology, p. 258
- Sigmund Freud, On Sexuality (PFL 7) p. 352
- James Shapiro, Contested Will (2010) p. 344
- Otto Fenichel, The Psychoanalytic Theory of Neurosis (London 1946), p. 147-8
- Fenichel, p. 510
- Elisabeth Roudinesco, Jacques Lacan (Oxford 1997), p. 111
- Jacques Lacan, Écrits: A Selection (London 1997), p. 21-22
- Hanna Segal, Introduction to the Work of Melanie Klein (London 1964), p. 70
- Jean-Michel Quinodoz, The Taming of Solitude (2004), p. 168
- Schmid-Kitsikis
- Symington, p. 52 and p. 88
- James G. Fennessy, "The Narcissistic Defense"
- Elsa Ronningstam, Disorders of Narcissism (1997) p. 128
- Heinz Kohut, The Analysis of the Self (Madison 1971) p. 215
- Symington, p. 113 and p. 58
- Arikan, K., « A stigmatizating attitude towards psychiatric illnesses is associated with narcissistic personality traits », Isr J Psychiatry Relat Sci, vol. 42, no 4,‎ , p. 248–50 (PMID 16618057, lire en ligne [PDF])
- Simon Crompton, All about Me (London 2007) p. 28-9
- Jack Reynolds, Understanding Existentialism (2006) p. 143
- Jonathan Goldberg, Voice Terminal Echo (1986) p. 47
- J. A. Kotarba/A. Fontana, The Existential Self in Society (1987) p. 85
Lectures supplémentaires
- Adamson, J./Clark, H. A., Scenes of Shame (1999)
- Federn, Paul, "Narcissism in the structure of the ego", International Journal of Psychoanalysis (1928) 9, 401-419.
- Green, André, Life narcissism, death narcissism (Andrew Weller, Trans.), London and New York: Free Association Books (1983).
- Grunberger, BĂ©la (1971), Narcissism: Psychoanalytic essays (Joyce S. Diamanti, Trans., foreword by Marion M. Oliner). New York: International Universities Press.
- Tausk, Viktor (1933), "On the origin of the "influencing machine" in schizophrenia" In Robert Fliess (Ed.), The psycho-analytic reader. New York: International Universities Press. (Original work published 1919)