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Cycle circadien et le microbiote intestinal des mammifères

Le microbiote intestinal mammalien partage une relation symbiotique avec l’hôte pour laquelle ce dernier procure des nutriments aux microorganismes intestinaux via l’alimentation et en retour, le microbiote peut fournir des sous-produits du métabolisme qui sont bénéfiques pour l’hôte [1]. D’un autre côté, le microbiote permet la régulation de processus physiologiques et il est bien établi qu’un dérèglement de la flore intestinale normale est propice à l’apparition de plusieurs maladies souvent médiées et exacerbées par l’inflammation [2] - [3] - [4] - [5]. Chez la souris, le microbiote intestinal montre des variations du cycle circadien en fonction de l’alimentation ingérée. Une souris normalement nourrie montre des fluctuations cycliques dans la population bactérienne de son microbiote intestinal. En effet, les espèces Firmicutes sont plus abondantes durant la phase active d’alimentation de la souris (i.e. période de noirceur), alors qu’elles atteignent un minimum durant la phase inactive (i.e période de jeûne durant le jour). À l’inverse, les espèces Bacteroidetes et Verrucomicrobia augmentent durant la période de jeûne, et diminuent durant la période d’alimentation. Un changement dans la diversité 𝛼 est donc présent en fonction de la période de la journée[6].

Facteurs influençant la rythmicité circadienne du microbiote intestinal

Influence du genre et du sexe

Les rythmes imposĂ©s par l’horloge sur le microbiote intestinal se font en partie via la rythmicitĂ© d’ingestion alimentaire [6] - [7]. L’horloge impose une rythmicitĂ© endogènes mais elle est Ă©galement sujette Ă  l'entraĂ®nement par des facteurs externes ou des signaux pĂ©riphĂ©riques de l’organisme par rapport noyau suprachiasmatique (NSC). Les signaux perçus par la paroi gastro-intestinale influencent Ă  leur tour la rythmicitĂ© de l’horloge [8]. Si au fil du vieillissement  la rythmicitĂ© reste stable dans le NSC, sa cohĂ©rence rythmique vers les tissus pĂ©riphĂ©riques se dĂ©tĂ©riore avec l’âge [9]. Cette perte de cohĂ©rence rythmique entraĂ®nerait une modification au niveau des oscillations circadiennes du microbiote intestinal pouvant altĂ©rer les fonctions d’autres organes tel que le foie et ses procĂ©dĂ©s de dĂ©toxification, contribuant au vieillissement cellulaire [10] - [11].

Le microbiote varie au niveau du phylum, de la génétique et des espèces et selon le sexe, et influence également l’horloge circadienne [12]. Chez les souris, les hormones sexuelles, telle la testostérone, contribuent également à faire varier les oscillations la flore intestinale en fonction de leur expression [13]. Chez les humains, le microbiote varie de par sa composition chez les mâles et les femelles. Il a été identifié que les Bacteroidetes présentent une abondance plus élevée chez les hommes que chez les femmes[14]. Le cycle circadien spécifique au sexe pourrait donc influencer de façon variable le microbiote chez les mâles et les femelles. Inversement, le microbiote influencerait l’horloge de façon différente selon le genre [15].

Influence de la génétique

La composition du microbiote et son oscillation circadienne sont modulées par l’horloge de l’hôte, plus particulièrement au niveau de la boucle de rétroaction dépendante du gène activateur bmal1 [12]. La délétion de bmal1 provoque une altération de l’abondance des bactéries entériques de manière distincte entre les sexes des individus et abolit toute rythmicité du microbiote intestinal indépendamment du sexe [12]. Le sexe des individus a donc un impact sur la délétion de bmal1 et sur la composition bactérienne entérique [12], laissant envisager une interaction possible entre le sexe et le génotype. De plus, bmal1 exerce un effet anti-inflammatoire chez la souris [16], ce qui suggère que sa délétion serait propice à un changement de configuration de la flore intestinale vers un phénotype pouvant être pro inflammatoire.

Il a été démontré que des mutations du gène clock engendrent des dysfonctionnements sur la barrière intestinale [1]et que cet effet est exacerbé par la consommation d’alcool [17]. En effet, la communauté microbienne des souris clock-mutantes possède une diversité taxonomique moindre que celle du type sauvage et la mutation de ce gène est associée à une dysbiose intestinale indépendante de la diète [1] .

Des études récentes ont permis de démontrer que l’ablation des gènes per1/2 entraîne aussi la dysbiose, ceux-ci étant des composantes clés de l’horloge moléculaire de l’hôte [6] - [7]. Cependant, des restrictions appliquées au niveau de la diète lors des phases jour/nuit permettent de rétablir la composition microbienne des souris per1/2 déficientes [7].

Il semble alors bien établi que les activateurs (bmal1, clock) et les inhibiteurs (per1/2) de l’horloge mammalienne sont fondamentaux à l’oscillation de la composition du microbiote fécal [12]. Inversement, le retrait du microbiote intestinal induit des altérations significatives dans l’expression des gènes circadiens tels que RORα, Rev-Erbα, bmal1 et per1/2, pouvant mener à une surproduction iléale de corticostérone et à l’établissement un phénotype prédiabétique [18].

Influence de l'alimentation

La consommation d’une diète riche en gras dĂ©balance le cycle circadien des souris en modifiant la pĂ©riode d’activitĂ© et l’expression des gènes du cycle [19]. Il a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© que le microbiote serait la cause de cette variation. Celui-ci aurait un impact distal sur le cycle circadien du foie, notamment [20]. En effet, une alimentation riche en gras cause l’obĂ©sitĂ© et un bouleversement de l’expression des gènes cycliques chez les souris ainsi que l’abolition des patrons d’oscillation normaux du microbiote. Les Firmicutes deviennent dominants Ă  tout moment de la journĂ©e [6].  Cette reprogrammation microbienne est mĂ©diĂ©e par PPARÎł [20], un rĂ©cepteur hormonal nuclĂ©aire [21] impliquĂ© dans la formation de tissus adipeux [22]. La prise d’antibiotiques prĂ©vient cette reprogrammation [20] et l’alimentation restreinte, oĂą les individus n’ont accès Ă  la nourriture que la nuit, permet d’éviter les impacts nĂ©gatifs reliĂ©s Ă  une alimentation riche en gras, en exprimant un microbiote cyclique permettant de protĂ©ger l’individu de l’obĂ©sitĂ© [6].

Perspectives thérapeutiques et rythmicité circadienne du microbiote intestinal

Le microbiote intestinal et sa composition ont Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©s comme Ă©tant un facteur clĂ© dans la santĂ© et la susceptibilitĂ© de l’hĂ´te Ă  plusieurs maladies, comme l’asthme, l’arthrite et les maladies inflammatoires du tractus digestif [23] - [24]. Ce changement dans la composition du microbiote peut ĂŞtre attribuĂ© Ă  plusieurs Ă©lĂ©ments, notamment dans un dĂ©rangement du cycle circadien. En effet, des Ă©tudes ont dĂ©montrĂ©, en utilisant un modèle de souris, qu’un trouble du cycle circadien rĂ©duit le nombre d’espèces de microorganismes dans le tractus digestif, suggĂ©rant que le rythme circadien est un modulateur important dans l’équilibre du microbiote [25]. De plus, il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© qu’un dĂ©sĂ©quilibre dans la flore intestinale est associĂ© avec le dĂ©veloppement de cancer, particulièrement des cancers gastriques et colorectaux [26]. D’autres Ă©tudes ont Ă©galement Ă©tĂ© capables de faire un lien entre un changement dans la flore intestinale induite par un dĂ©rangement du cycle circadien et la sensibilitĂ© de l’hĂ´te Ă  la radiothĂ©rapie. En effet, en utilisant un modèle de souris,  il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© qu’un trouble du cycle circadien avait un effet sur la flore intestinale qui affecte le taux de survie des hĂ´tes Ă  la suite d'un traitement de radiothĂ©rapie [25]. Les souris ayant Ă©tĂ© entraĂ®nĂ©es sur 3 cycles circadiens diffĂ©rents ont dĂ©montrĂ© une diffĂ©rence dans la composition de leur flore intestinale avant et après un traitement de radiothĂ©rapie [25]. Ceci pourrait donc guider de futures Ă©tudes pour explorer l’importance du cycle circadien non seulement dans le dĂ©veloppement des maladies, mais dans leur traitement Ă©galement.

Notes et références

  1. Robin M. Voigt, Keith C. Summa, Christopher B. Forsyth et Stefan J. Green, « The CircadianClockMutation Promotes Intestinal Dysbiosis », Alcoholism: Clinical and Experimental Research, vol. 40, no 2,‎ , p. 335–347 (ISSN 0145-6008, DOI 10.1111/acer.12943, lire en ligne, consulté le )
  2. Lindsey G. Albenberg et Gary D. Wu, « Diet and the Intestinal Microbiome: Associations, Functions, and Implications for Health and Disease », Gastroenterology, vol. 146, no 6,‎ , p. 1564–1572 (ISSN 0016-5085, DOI 10.1053/j.gastro.2014.01.058, lire en ligne, consulté le )
  3. Yee Kwan Chan, Mehrbod Estaki et Deanna L. Gibson, « Clinical Consequences of Diet-Induced Dysbiosis », Annals of Nutrition and Metabolism, vol. 63, no s2,‎ , p. 28–40 (ISSN 1421-9697 et 0250-6807, DOI 10.1159/000354902, lire en ligne, consulté le )
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