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Crise politique de 2020 au PĂ©rou

La crise politique de 2020 au Pérou a lieu en novembre 2020 au Pérou à la suite de la destitution de Martín Vizcarra par le Congrès de la République.

Contexte

Présidence de Pedro Pablo Kuczynski

Pedro Pablo Kuczynski, vainqueur de justesse de la présidentielle de 2016, est contraint à la démission en .

Lors des élections présidentielle et législatives de 2016, le libéral Pedro Pablo Kuczynski (PPK) l'emporte au second tour avec seulement 50,12 % des voix, tandis que le parti Force populaire de son opposante Keiko Fujimori obtient la majorité absolue au Congrès de la République, le parlement du Pérou.

Le président Kuczynski est rapidement confronté à des affaires de corruption qui provoquent la démission de plusieurs de ses conseillers[1]. Il est lui-même mis en cause, de même que Keiko Fujimori, dans l'affaire dite Odebrecht du nom de l'entreprise brésilienne accusée de corruption dans plusieurs pays du continent sud-américain[2]. Le , alors qu'une large majorité de la population souhaite son départ forcé du pouvoir, le Congrès ne vote pas sa destitution, à la surprise générale[3]. Le président Kuczynski gracie ensuite l'ancien président Alberto Fujimori, ce qu'il s'était engagé à ne pas faire durant la campagne présidentielle ; président autoritaire de 1990 à 2000 ayant dû fuir le pays, Fujimori était emprisonné pour des tueries perpétrées sous prétexte d'opérations de contre-guérilla. Kuczynski est alors soupçonné d'avoir monnayé cette grâce en échange d’un vote contre sa destitution auprès de députés de l'opposition fujimoriste[4].

Si la grâce est finalement cassée par la justice le , la perte de confiance envers le président est sévère. Les ministres de la Culture et de la Défense démissionnent, tandis que plusieurs députés quittent le parti au pouvoir. Enfin, l'opposition rend publiques des vidéos attestant de l’achat des voix de plusieurs députés lors du vote[5] - [6]. Une seconde procédure de destitution est entre-temps lancée, pour un vote prévu le . Assuré de perdre, Kuczynski démissionne la veille[7].

Présidence de Martín Vizcarra

Martín Vizcarra, président de à .

En tant que premier vice-président, Martín Vizcarra succède à Pedro Pablo Kuczynski. Il se lance dans un vaste programme de réforme des institutions, avec notamment le référendum de décembre 2018, qui réforme la magistrature, le financement des partis et interdit la réélection immédiate des parlementaires, ainsi que dans un programme de lutte contre la corruption. En raison de ses réformes, ses relations avec le Congrès se dégradent rapidement. Face à la crise, il décide de dissoudre le parlement.

Les élections législatives de sont marquées par un fort recul des fujimoristes, qui perdent la majorité absolue au profit de plusieurs partis principalement centristes, composant un parlement sans majorité mais avec lesquels Vizcarra est jugé plus à même de composer pour poursuivre ses réformes[8] - [9].

Chronologie

Manuel Merino, président de la République du au .

Accusant MartĂ­n Vizcarra de manipulation de tĂ©moins dans une enquĂŞte pour des soupçons de corruption, le nouveau Congrès ouvre une procĂ©dure de destitution Ă  son encontre en , mais celle-ci n’aboutit pas[10]. La justice annonce le mois suivant l’ouverture d'une enquĂŞte pour corruption, qui ne commencera ses travaux qu'après le dĂ©part du pouvoir de Martin Vizcarra, celui-ci Ă©tant couvert par l'immunitĂ© prĂ©sidentielle[11]. Une nouvelle procĂ©dure de destitution est enclenchĂ©e en novembre Ă  la suite de tĂ©moignages de plusieurs hommes d’affaires, qui affirment avoir versĂ© en 2014 des pots-de-vin Ă  MartĂ­n Vizcarra, alors gouverneur de la rĂ©gion de Moquegua, en Ă©change de contrats pour des travaux publics. Vizcarra est finalement destituĂ© le avec 105 voix pour, 19 contre et 4 abstentions[12].

Alors que le régime politique est réputé particulièrement trouble et corrompu au Pérou, cette destitution est vue comme « typique des révolutions de palais qui se jouent dans des huis clos internes de groupes politiques totalement déconnectés d’une base populaire ou sociale »[13].

Manifestations contre la destitution de Vizcarra (Lima, ).

Le , la fonction de président de la République revient à Manuel Merino, président du Congrès qui promet un gouvernement de transition consensuel et appelle à l'union nationale[14]. Cette situation provoque des manifestations de grande ampleur — les plus grandes au Pérou depuis deux décennies —, notamment parce que Vizcarra était devenu très populaire pour sa lutte affichée contre la corruption[15] - [16]. Merino n'est par ailleurs pas reconnu par la majorité des gouvernements voisins, la décision du parlement de destituer Vizcarra sur la base d'accusations couvertes par l’immunité présidentielle étant jugée inconstitutionnelle[17]. Trois personnes sont tuées lors d'un rassemblement brutalement réprimée par la police le [18] et une centaine d'autres blessés. Des manifestants portés disparus un temps ont indiqué avoir été séquestrés par la police, et des cas de sévices sexuels sur des femmes en garde à vue sont rapportés[19]. Manuel Merino démissionne le [20] - [21].

Après la démission de Manuel Merino, Francisco Sagasti est élu président du Congrès et devient chef de l’État le [22].

Notes et références

  1. « Comisión de Fiscalización visitará a PPK por caso del ex asesor Carlos Moreno », gestion.pe,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. « Pérou: menacé de destitution, le président Kuczynski se défend au Parlement », sur news.yahoo.com.
  3. Marie Delcas, « Pérou : le président Kuczynski évite la destitution », Le Monde,‎ 22 décembre 2017. (lire en ligne).
  4. « Au Pérou, 230 auteurs signent un manifeste contre la grâce de l’ex-président Fujimori », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. « Un juge péruvien annule la grâce accordée à l'ex-président Fujimori et ordonne son arrestation », sur France 24 (consulté le )
  6. « Pérou : proche de la destitution, le président Pedro Pablo Kuczynski démissionne », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. « Pérou: la démission de Kuczynski acceptée », sur lefigaro.fr (consulté le )
  8. « Législatives au Pérou: claque pour le fujimorisme, vers un Parlement éclaté », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  9. « Au Pérou, Martin Vizcarra a désormais les mains libres pour mener sa politique », sur lesechos.fr (consulté le ).
  10. « Pérou: le président Martin Vizcarra échappe à une procédure de destitution », sur rfi.fr, (consulté le ).
  11. « Pérou : la justice annonce une enquête pour corruption contre le président Martin Vizcarra », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne).
  12. « Au Pérou, le Parlement approuve la destitution du président Martin Vizcarra », sur france24.com, (consulté le ).
  13. « Destitutions, démissions, manifestations… Que se passe-t-il au Pérou depuis plusieurs jours ? », sur RTBF (consulté le )
  14. (es) « Manuel Merino anuncia gabinete de “consenso y unidad nacional” », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  15. « Pérou : le président destitué par le Parlement à la suite d’accusations de corruption », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  16. (en) [{@type:Person, « 'All of Peru is fired up': protesters fill streets after ousting of president », sur theguardian.com, (consulté le ).
  17. (es) Redacción El Comercio Perú, « Mario Vargas Llosa: “Clarísimamente el flamante Congreso ha violado la Constitución” », sur elcomercio.pe, (consulté le ).
  18. « Trois morts lors de manifestations appelant à la démission du nouveau président », sur lorientlejour.com, .
  19. Le Point magazine, « Pérou: le sujet brûlant des violences policières fait valser les ministres de l'Intérieur », sur Le Point, (consulté le )
  20. (pt) « Presidente interino do Peru, Manuel Merino renuncia após série de protestos », sur cnnbrasil.com.br (consulté le ).
  21. (es) « Manuel Merino renuncia como presidente de Perú tras menos de una semana en el poder », BBC News Mundo,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  22. « Au Pérou, Francisco Sagasti devient officiellement le 3e président par intérim », sur france24.com, (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

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