Communauté allemande en France
La communauté allemande en France désigne les Français d'ascendance allemande et les personnes nées en Allemagne qui vivent en France.
Les principales destinations des migrants allemands vers la France, à part Paris, sont les environs de la frontière franco-allemande, le sud de la France et la Corse. Cependant, il est possible de retrouver des Allemands dans les zones portuaires à certaines époques afin d'émigrer vers les Amériques.
Les premières émigrations d'Allemands sont datées des années 1683 mais sont alors peu dirigées vers la France[2]. Ceux qui se dirigent vers l'Hexagone profitent de l'édit de Tolérance. Il faut attendre la période située entre la fin de la guerre Franco-Prussienne et le déclenchement de la Première guerre mondiale pour voir l'émigration se développer, car elle devient plus abordable.
Définir l'Allemand
Par le terme communauté allemande, la notion recouverte est celle des étrangers originaires d’Allemagne qui résident en France.
L’Allemagne n’existant pas avant le traité de Francfort, signé le , le terme est fait par commodité. Il existe bien des usages du mot allemand avant cette date, y compris par des instances officielles de l’État, mais il recouvre des réalités très diverses. Il fut souvent utilisé pour désigner l’ensemble des sujets résidant en France germanophone, couvrant sous cette appellation aussi bien Suisse, les Allemands qu’une partie des Italiens[3]. Il reste compliqué de trouver une appellation unique, autre que celle d'Allemands. Il est possible d’envisager, avant le traité de Francfort, d’appeler ces sujets par le nom de leur État d’origine. Ce qui provoquera l’apparition d’une multitude de termes.
Et cela ne résoudrait en rien les problèmes, comme a pu le rapporter Jean-Claude Gaussent lors de l’étude des « Hanovriens » présents à Sète à la fin du XIXe siècle. Il explique que le « terme est d’abord appliqué aux immigrés originaires de Hanovre. […] Il qualifie ensuite tous les étrangers venus d’Allemagne du Nord[4] »
Un dernier point sur la définition de la communauté allemande réside dans le traité de Francfort, et plus précisément dans son article 2 : « Les sujets français, originaires des territoires cédés, domiciliés actuellement sur ce territoire, qui entendront conserver la nationalité française, jouiront jusqu’au , et moyennant une déclaration préalable faite à l’autorité compétente, de la faculté de transporter leur domicile en France et de s’y fixer, sans que ce droit puisse être altéré par les lois sur le service militaire, auquel cas la qualité de citoyen français leur sera maintenue ». La communauté allemande résidant en France s’est donc agrandi à l’ensemble des Alsaciens-Lorrains n’ayant pas été déclaré optant pour la nationalité française avant le [5].
XIXe siècle
Au début du XIXe siècle, la République française a principalement deux communautés germanophones sur son territoire : les Alsaciens[note 1] et les Lorrains germanophones[note 2]. On estime leur nombre à 776 041 Alsaciens et 260 457 Lorrains en 1806, soit 1 036 498 personnes en tout[6].
Dans son mémoire adressé au ministre de l'Intérieur en 1804, le préfet de la Meurthe utilise le terme de « race allemande » pour désigner les autochtones qui vivent dans le Nord-Est du département[7]. Dans d'autres ouvrages français du XIXe siècle, les Alsaciens et les Lorrains germanophones sont parfois désignés sous le terme d'« Allemands », non pas dans le sens de « nationalité », mais en référence aux dialectes qu'ils parlent[8] - [9]. Le terme « allemand » n'avait pas encore le sens qu'il a pris après 1870 via l'Unité allemande.
Les Alsaciens et Lorrains ne sont pas les seules populations germanophones présentes en France. À partir du XIXe siècle apr. J.-C., les sujets des territoires composant la future Allemagne émigrent vers la France. La principale raison est la crise agricole touchant le pays au début des années 1820. On estime à cette époque que 30 000 Allemands sont présents en France.
Ces migrants économiques donnent lieu à différents récits attestant de la pauvreté du mouvement : « Leurs voitures étaient chargées de vieilles armoires, de bois de lit, de chaises, de commodes. De grandes toiles, étendues sur des arceaux, couvraient le tout, de petits enfants assis sur des bottes de paille, et de pauvres vieilles toutes décrépites […]. Derrière arrivaient les hommes […] les reins courbés, la tête nue, appuyés sur des bâtons »[10]. Ce genre de présentation d'émigrants pauvres est attesté dans la plupart des villes portuaires servant d'ouverture vers les États-Unis[11].
L'émigration allemande connaîtra un frein après le déclenchement de la guerre franco-prussienne, principalement en raison d'un retour de la germanophobie plus ou moins marqué, voyant les sujets prussiens ou germanophones de manière générale comme des espions potentiels, et donnant lieu à des décrets d'expulsion[12].
Après cette guerre, les Allemands eurent du mal à revenir en France, remplacés peu à peu par les Alsaciens, de nouveau considérés comme des sujets allemands après les conditions du traité de Francfort, signant l'annexion de ces territoires à l'Empire allemand, et la possibilité d'opter pour la nationalité française ou allemande. Pour ceux souhaitant rester français, il était possible de réaliser une demande d'optant. Cette demande était réalisable dans un temps limité, prévue par la convention additionnelle du du traité de Francfort, qui s'appliquait jusqu'au pour les sujets alsaciens et mosellans résidant hors d'Europe.
Par la suite, une partie de la population française cultiva une haine à l'égard des germanophones, qui ne facilita pas leur retour.
XXe et XXIe siècles
La fin de la Première guerre mondiale signe également le retour des départements Alsaciens-Lorrains à la France, les laissant davantage marqué par cette cinquantaine d'années sous la tutelle allemande, et ayant hérité de certains avantages.
Le XXe siècle est marqué par la Première et la Seconde guerre mondiale. Cette deuxième favorise l'émigration d'une frange de la population allemande, les juifs à la partir de l'année 1933, par crainte des réactions du régime Nazi, nouvellement établi. Le régime encourage fortement le départ de ces populations et ce jusqu'au mois d'[14]. Sur 523 000 juifs allemands, environ 282 000 émigrèrent vers les pays frontaliers, dont la France. Cette dernière en semble avoir accueillie une moyenne de 30 000 juifs allemands[15]. Et il convient d'ajouter également 7 000 allemands qui transitèrent par la France dans le seul but de traverser l'Atlantique[16]. L'intérêt de ces migrations sont différentes. Dans le second cas, il était possible pour eux, en obtenant les autorisations d'exercer leur profession. Tandis que pour ceux ayant décidé de rester en France, y compris durant la période de la Deuxième guerre mondiale, il est possible de les retrouver dans les maquis ou les Forces Françaises Libres.
Les années 1950, constitue un tour dans les relations Franco-Allemandes, avec la mise en place de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, ayant entre autres comme but de rapprocher les deux pays. Cela contribue à normaliser les passages de frontière pour les deux peuples[17].
La migration de la population d'Allemagne vers la France a augmenté à partir des années 1990 ; en 2012, on estime à 130 000 le nombre de citoyens allemands vivant en France[18]. Il est possible de trouver des données plus récentes sur les immigrés allemands présents en France, notamment durant l'année 2017. Le chiffre semble avoir baissé au cours des cinq années, avec un passage à 86 591 Allemands[19], dont une majorité d'actifs.
Les territoires attirant principalement les Allemands sont restés les mêmes qu'au XIXe siècle, soit Paris et les zones frontalières en tête. Paris attire avec une forte concentration d'entreprises germaniques et un grand choix d'étude pour les jeunes, permettant à l'Île-de-France d'estimer son nombre de citoyens allemands à 17 000[20].
En dehors des Alsaciens et Lorrains, les Allemands constituent toujours une communauté importante en France. La France étant le troisième pays européen à accueillir le plus d'immigrants allemands, derrière l'Espagne et l'Italie. La France accueillait, en 2019, 155 800 allemands, contre 197 410 pour l'Espagne[21]
Notes et références
Notes
- Hors Alsaciens du pays welche d'Alsace, qui sont de culture romane.
- l'Alsace et la Lorraine étant des territoires acquis par le Royaume de France sous l'Ancien régime, entre 1648 et 1766.
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Germans in France » (voir la liste des auteurs).
- https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/presentation-de-l-allemagne
- « Allemagne - Emigration et immigration », sur FamilySearch Wiki, (consulté le )
- Bourienne Jean. “Immigrer au Havre depuis l’Allemagne pour le négoce: l’exemple de la famille Pusinelli (vers 1843-vers 1920”. In: Actes des congrès des sociétés historiques et archéologiques de Normandie. n°54, 2020. p.191-198
- Gaussent, Jean-Claude., Les Hanovriens de Sète à la fin du XIXe siècle : négoce et religion., Bulletin de la société de l'histoire du protestantisme français, (OCLC 742912883, lire en ligne)
- « Registres d'option de nationalité des Alsaciens-Lorrains de Saint-Denis (1872). Décrets de naturalisation, réintégration et admission à domicile... », sur Archives municipales de Saint-Denis (consulté le ) : « «L’option est un acte administratif qui permet aux Alsaciens-Lorrains, non-domiciliés dans les territoires annexés au moment de l’annexion, de conserver la nationalité française de naissance ou de prendre la nationalité allemande.» »
- Mélanges sur les langues, dialectes et patois, Paris, 1831 (BNF 30704589)
- M. Marquis, Mémoire statistique du département de la Meurthe : adressé au ministre de l'Intérieur, Paris, Impr. impériale, an XIII, (BNF 30889524)
- « des Alsaciens et des Lorrains allemands » in J. Wirth, La langue française dans les départements de l'Est, Paris, 1867, p. 53
- « Total de la population allemande, en 1806, dans les départemens qui font encore aujourd'hui partie du territoire français », in Mélanges sur les langues, dialectes et patois, Paris, 1831, p. 13
- Erckmann-Chatrian Auteur du texte, L'ami Fritz, par Erckmann-Chatrian, (lire en ligne)
- Olivier Hutet, « Le Havre, porte océane (1850-1939) », Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, vol. 133, no 6, , p. 106–123 (lire en ligne, consulté le )
- Mareike König, « Les immigrés allemands à Paris 1870/71: entre expulsion, naturalisation et lutte sur les barricades », Migrance, no 35, , p. 60 (lire en ligne, consulté le )
- Bertrand Joly, « La France et la Revanche (1871-1914) », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, vol. 46, no 2, , p. 325–347 (DOI 10.3406/rhmc.1999.1965, lire en ligne, consulté le )
- « L'émigration des Juifs allemands, 1933-1939 | Encyclopédie multimédia de la Shoah », sur encyclopedia.ushmm.org (consulté le )
- Heim, Susanne, et Olivier Mannoni. « 9. L’émigration forcée des Juifs hors d’Allemagne et les réactions des États d’accueil des réfugiés », Revue d’Histoire de la Shoah, vol. 209, no. 2, 2018, pp. 203-221.
- C. L. Lang, « L'Allemagne et son émigration », Politique étrangère, vol. 20, no 4, , p. 453–466 (DOI 10.3406/polit.1955.2574, lire en ligne, consulté le )
- « Recensements de 1851 à 1921 − Données historiques de la Statistique générale de France | Insee », sur www.insee.fr (consulté le )
- Présentation de l’Allemagne sur diplomatie.gouv.fr
- « Expatriés allemands par âge France », sur Statista (consulté le )
- « La communauté allemande », sur Choose Paris Region (consulté le )
- « Pourquoi les Allemands continuent d’Immigrer en France ? », sur CARBODEM DEMENAGEMENT, (consulté le )