Collier des BrĂsingar
Dans la mythologie nordique, le collier des BrĂsingar (BrĂsingamen ou BrĂsinghamen en vieux norrois) est le collier de la dĂ©esse Freyja.
Ătymologie
Men signifie « collier » ; les BrĂsingar nâont pas Ă©tĂ© identifiĂ©s[1]. Dans plusieurs occurrences, on trouve le terme men BrĂsinga : l'antĂ©position du dĂ©terminĂ© men montre que la forme BrĂsinga dĂ©signe des personnes[2]. Selon Jean Haudry, les BrĂsingar seraient initialement des « feux divins »[3].
LĂ©gendes
Le collier des BrĂsingar est Ă©voquĂ© dans plusieurs lĂ©gendes germaniques, sous des formes quelque peu christianisĂ©es[4]. Il y est dit que Freyja le reçut en don du roi Alberich[5]. Il Ă©tait constituĂ© principalement dâambre. Quand au printemps elle le portait, ni homme ni dieu ne pouvait rĂ©sister Ă ses charmes. Il va sans dire que les autres dĂ©esses sâen inquiĂ©taient beaucoup. Ce collier avait aussi la propriĂ©tĂ© de soutenir nâimporte quelle armĂ©e que la dĂ©esse dĂ©cidait de favoriser sur un champ de bataille.
Tradition anglo-saxonne
La mention la plus ancienne du collier remonte au poĂšme Ă©pique anglo-saxon Beowulf sous le nom de Brosinga mene (litt. Grimm de la racine). Dans ce rĂ©cit, le bijou est volĂ© Ă Eormenric (roi goth du IVe siĂšcle) par l'un de ses anciens compagnons, HÄma (germ. *haiman-, franç. Aymon, v. isl. Heimir) qui le rapporte Ă la « citadelle brillante » couverte de boucliers dorĂ©s (probablement la Valhöll). Par la suite, HÄma semble sâen dĂ©faire ou le perdre. Le collier rĂ©apparaĂźt avec la reine du Danemark, qui lâoffre Ă Beowulf pour avoir tuĂ© Grendel. Le hĂ©ros le remet ensuite Ă sa reine, Hygd, Ă son retour Ă Götaland. LâĂ©poux de celle-ci, le roi goth Hygelac, le perd au cours dâune expĂ©dition en Frise, oĂč Beowulf le rĂ©cupĂšre de nouveau.
Chant de Thrym
Dans le chant de Thrym, Freyja est invitée par les dieux à épouser un géant. Mais elle refuse avec colÚre et le grand « collier des Brisingar » se rompt. Tous les dieux se réunissent alors pour trouver un moyen de récupérer le marteau de Thor. Heimdall suggÚre de déguiser Thor en Freyja et de mettre à son cou le collier.
Autres poĂšmes eddiques
Il existe plusieurs allusions au mythe du vol par Loki du collier des BrĂsingar. Dans le poĂšme scaldique HaustlÇ«ng 9, et dans SkĂĄldskaparmĂĄl 16, un kenning pour dĂ©signer Loki est « voleur du collier des BrĂsingar ». Le poĂšme scaldique HĂșsdrĂĄpa, prĂ©servĂ© en partie dans le SkĂĄldskaparmĂĄl, mentionne que Loki a volĂ© l'objet prĂ©cieux Ă Freyja. Celle-ci demande Ă Heimdall de le retrouver et ils dĂ©couvrent que Loki en est le voleur. S'ensuit un combat entre les deux dieux mĂ©tamorphosĂ©s en phoques, oĂč Heimdall triomphe et rend le collier des BrĂsingar Ă Freyja[6].
Ăpisode de Sörli
Il apparaĂźt aussi dans une version tardive, Ă©vhĂ©mĂ©riste, le Sörla ĂŸĂĄttr (dit de Sörli), Ă©crit au XIVe siĂšcle par deux prĂȘtres chrĂ©tiens[7]. Dans cette histoire qui emprunte des parties de Heimskringla et aussi de la poĂ©sie Lokasenna de Gefjun (dormant avec un garçon pour un collier), Freyja apparaĂźt comme une simple reine d'Asie. Quant au collier, il est ici lâoeuvre de quatre nains, Alfrigg, Berling, Dvalin et Grer.
Pour obtenir le bijou, Freyja accepte de passer une nuit avec chacun des quatre forgerons. Ă la demande dâOdin, Loki prend la forme dâune mouche et dĂ©robe le collier. Il nâaccepte de le restituer Ă Freyja quâĂ la condition que celle-ci provoque entre deux rois une guerre perpĂ©tuelle[1].
BrĂsingamen dans les traditions germaniques ĂsatrĂș
Le collier des BrĂsingar est reprĂ©sentĂ© chaque annĂ©e lors des rites de fertilitĂ© paĂŻen pendant le solstice d'Ă©tĂ©. Les peuples autrefois allumaient une multitude de petits feux le long des cĂŽtes et des riviĂšres pour symboliquement offrir Ă Freyja, lĂ -haut dans le ciel, son magnifique collier. Avec la domination chrĂ©tienne sur le monde germanique (vers le VIIe siĂšcle) cette tradition fut presque totalement abandonnĂ©e ou dĂ©naturĂ©e sous la pression du clergĂ© en une fĂȘte chrĂ©tienne. Les gens sous ces influences pendant des siĂšcles, perdirent le sens de cette tradition et commencĂšrent Ă allumer un seul gros feu au lieu de plusieurs. Certains habitants des rĂ©gions plus Ă©loignĂ©es des autoritĂ©s, continuĂšrent la pratique des fĂȘtes paĂŻen (solstice d'hiver (Yule), Ă©quinoxe du printemps, solstice d'Ă©tĂ© et Ă©quinoxe d'automne (Ă„ gĂ„ Julebukk/Halloween)). Aujourd'hui mĂȘme, certaines rives s'illuminent le temps d'une nuit dans certaines rĂ©gions du globe.
Traces historiques
La tombe d'Hagebyhöga ou d'Aska (Ăstergötland, SuĂšde)[8]
Cette tombe date de l'Ăąge du fer. La femme qui y est enterrĂ© ne fut pas seulement enseveli avec un fuseau, mais aussi avec ses chevaux et son char. Elle fut enterrĂ© sous 6 mĂštres de feuilles de roses blanches et des bijoux Ă breloques en or et argent. Un des pendentifs est particulier : il reprĂ©sente une dame avec un grand collier. Ce type de collier fut surtout portĂ© par des dames de haut rang Ă cette Ă©poque. On a tendance Ă l'interprĂ©ter comme un collier BrĂsingamen. Le personnage reprĂ©sentĂ© pourrait symboliser Freya, dĂ©esse des völvas.
Le saga d'Erik le Rouge
Dans la saga d'Erik le Rouge, qui a lieu au Groenland, la Völva apparaĂźt avec un collier de perles de verre autour du cou. Ce collier de perles en verre, dont la couleur n'est malheureusement pas mentionnĂ©e, pourrait ĂȘtre une imitation d'ambre et par consĂ©quent un BrĂsingar. La saga d'Erik le Rouge est considĂ©rĂ©e comme semi-historique.
Notes
- RĂ©gis Boyer, HĂ©ros et Dieux du Nord : Guide iconographique, Flammarion, coll. « Tout lâArt », , 192 p. (ISBN 2-08-012274-6), « Collier des BrĂsingar (BrĂsingamen) », p. 34.
- Andreas Heusler, AltislÀndisches Elementarbuch. Heidelberg: Winter, 1962, 177 § 512,3
- Jean Haudry, Le feu dans la tradition indo-européenne, ArchÚ, Milan, 2016 (ISBN 978-8872523438), p.431
- Régis Boyer, L'Islande Médiévale, Guide belle lettres des civilisations, (ISBN 2-251-41014-7)
- (de)Heinz Klingenberg: Brisingamen. In: Reallexikon der Germanischen Altertumskunde (RGA). 2e Ă©d. Vol. 3, Walter de Gruyter, Berlin/New York 1978, (ISBN 3-11-006512-6), p. 464â465.
- Patrick Guelpa, « III â Le PanthĂ©on nordique : les dieux », dans Dieux & mythes nordiques, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Savoirs Mieux », (ISBN 978-2-7574-1911-3, lire en ligne), p. 51â143
- Cette petite histoire s'appelle aussi La Saga de Högni et Hedinn
- (en)Harrison & Svensson (2007) 58
Voir aussi
- Alan Garner a écrit un roman fantastique pour enfants appelé The Weirdstone of Brisingamen, roman évoquant un pendentif en forme de larme.
- Dans la trilogie historique et fantastique de Manon Larraufie, « A ma terre », lâhĂ©roĂŻne part en quĂȘte du collier de Brisingamen. (ISBN 9782414186129), Ă©ditions Edilivre
- Le Brisingamen pourrait se rapprocher en mythologie comparée du collier d'Harmonie, fille d'Aphrodite, qui fut forgé par Héphaïstos.