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Cocteau - Al Brown, le poète et le boxeur

Cocteau – Al Brown, le poète et le boxeur est un documentaire réalisé par François Lévy-Kuentz, sorti en 2019[1].

Cocteau - Al Brown, le poète et le boxeur

Réalisation François Lévy-Kuentz
Scénario Stéphan Lévy-Kuentz
Acteurs principaux

Gaspard Ulliel (commentaire)

Pays de production Drapeau de la France France
Genre Film Documentaire
DurĂ©e 64 minutes
Sortie 2019

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Synopsis

Rien ne pouvait présager la rencontre inopinée entre un poète blanc et un boxeur noir qui défraya la chronique mondaine dans les années 1930, à Paris. Et pourtant c’est bien ce que retrace le documentaire Cocteau-Al Brown, le poète et le boxeur, réalisé par François Lévy-Kuentz, cosigné avec son frère Stéphan et raconté par Gaspard Ulliel, sur le récit de ce duo oublié que forma le cinéaste, prince des Lettres, Jean Cocteau avec le roi du ring, champion du monde des poids coqs, Panama Al Brown. Images d'archives et témoignages reviennent sur cette relation intime entre boxe et poésie durant l’époque des années folles.

Le poète Jean Cocteau en 1937.
Le boxeur Panama Al Brown en 1926.

Né au Panama en 1902, Al Brown, enfant de la balle et de la rue, orphelin de son père à treize-ans, partit clandestinement à vingt ans, abandonnant sa mère et ses cinq frères et sœurs, à la conquête de l’Amérique. Mais les débuts à New-York furent ceux d’un crève-la-faim. Plongeur dans les bouges de Harlem, il lui fallut déployer tout son arsenal pugilistique pour passer des arrière-salles miteuses aux salles de boxe pour étaler sa renommée naissante qui sera fulgurante.

C'est le 18 juin 1929 que Panama Al Brown, jeune prodige de la boxe, entra dans la légende en remportant le titre de Champion du Monde des poids coqs à Long Island (New York), en dominant l’Espagnol Gregorio Vidal en quinze rounds.

Ses caractéristiques physiques étaient hors norme pour un poids coq et la facilité avec laquelle il mettait KO ses adversaires par son allonge magique et ses crochets du droit foudroyants, tout en dansant, le poussa inexorablement dans la carrière. La boxe était alors en grande partie aux mains de mafias sans scrupules et, dès son arrivée à Paris en 1926, Brown se retrouva confronté à un rythme de combats inouïs qui s’enchaînèrent partout dans le monde.

Réfugié en France pour échapper à la ségrégation raciale des États-Unis, Brown était tombé amoureux de la ville lumière et de ses plaisirs enivrants, ceux du jazz, de l’alcool, de l’opium et des garçons. De cabarets en salles de boxe, le jeune Panaméen plongea peu à peu dans la vie nocturne parisienne. Il n’aimait pas s’entraîner préférant passer ses nuits dans les boîtes de night-clubs à Montmartre et au Cirque Medrano du boulevard de Rochechouart se produisant en smoking blanc ici comme saxophoniste, là comme danseur et chanteur, ailleurs encore comme chef d’orchestre. Il participa à la Revue nègre de Joséphine Baker[2].

Ce poids coq à la taille de guêpe s’habillait à quatre épingles, changeait de costumes plusieurs fois par jour, buvait le champagne à flots, arrivant parfois moitié ivre à un combat et menait une vie dépensière et désordonnée pour oublier, avec l’opium, le monde de la boxe qui lui donnait la nausée.

C’est ainsi qu’en 1935, il tomba dans un piège et perdit son titre, Ă  Valence, au profit de l’Espagnol Baltasar Sangchili dans des conditions douteuses. Le PanamĂ©en aurait Ă©tĂ©, Ă  son insu, droguĂ© par son soigneur (son ange noir) avant le match qui provoqua sa dĂ©faite, et lui permit de rejoindre l'Ă©quipe du vainqueur. Champion dĂ©chu, Brown en Ă©tait rĂ©duit Ă  faire des claquettes dans les cabarets parisiens. En 1937, lorsque Cocteau poussa la porte du « Caprice Viennois »[3] un cabaret de Montmartre, il fut sĂ©duit par la beautĂ© de Panama et vit en lui son « double en noir »[4]. Poète influent, il le prit sous son aile et dĂ©cida de lui tendre la main. C’est ainsi que se forma l’une des associations les plus insolites qui soient entre un Ă©crivain souffreteux et un champion de boxe dĂ©classĂ©. La carrière du sportif Ă©tait en perte de vitesse, il se droguait et buvait, Cocteau s'employa Ă  lui rendre sa flamme et le goĂ»t de la vie, pour le sauver et le faire remonter sur le ring, avec des cures de dĂ©sintoxication Ă  la clinique Sainte-Anne[5]. On sait peu de choses sur leur relation intime[6]. Bien sĂ»r, Cocteau Ă©tait fascinĂ© par le talent de cette « perle noire », par sa grâce sur le ring, mais il resta Ă  distance et agit comme un coach[7]: « Je m’y connaissais mal en boxe mais je m’y connaissais en gĂ©nie. Al Brown Ă©tait pour moi le Nijinski de la boxe ». Son dĂ©sir Ă©tait de le ramener Ă  la boxe et Al se laissa convaincre par son mentor. Le pacte Ă©tait scellĂ©.

Ce 4 mars 1938, le Tout-Paris est présent au Palais des Sports : on croise Jean Gabin, Maurice Chevalier, Picasso et Marcel Cerdan. Au premier rang, Jean Cocteau, assis à côté du jeune Jean Marais, est anxieux. Tout le monde a les yeux braqués sur le poète. Va-t-il réussir son pari impossible ? Permettre à Al Brown de récupérer son sceptre planétaire. La « merveille noire », comme le surnomme la presse française, gagne le combat en quinze rounds aux dépens de Baltazar Sangchili et retrouve son titre de champion du monde, à l’âge de trente-cinq ans.

Cocteau avait gagné son pari, la boucle était bouclée. Il implora son protégé de partir par la grande porte dans une lettre ouverte parue dans l’édition de Paris-Soir du 5 avril 1938 : « Offre ce coup de théâtre extraordinaire : un poète voulut qu’un boxeur redevînt champion du monde. Redevenu champion du monde, l’entreprise cesse. (...) Jamais personne n’accepte de sortir à la bonne minute. Sois un sage, n’imite personne, sors de scène. C’est mon dernier conseil. »

En 1939, à la déclaration de la seconde guerre mondiale, les routes de Cocteau et de son protégé se séparèrent. L’arrivée dans sa vie de Jean Marais allait occulter rapidement « l’aventure Panama » qui n’était plus sa préoccupation première.

De retour à New York, Al Brown prit finalement sa retraite après une dernière victoire en 1942. Consommateur de cocaïne et tuberculeux, il mourut, à 48 ans, dans la misère et l’anonymat, le 11 avril 1951, sur un lit d’hôpital à Staten Island, près de Harlem.

« Maintenant, Al Brown est une sombre fumée dans quelques mémoires », écrivit Jean Cocteau. Sinistre épitaphe.

Fiche technique

  • Titre original : Cocteau – Al Brown, le poète et le boxeur
  • RĂ©alisation : François LĂ©vy-Kuentz
  • ScĂ©nario : François et StĂ©phan LĂ©vy-Kuentz
  • Texte dit par Gaspard Ulliel
  • Figurants : IsmaĂ«l Camara et Ahmed Ferradji
  • Montage : Christine Marier
  • Image : Olivier Raffet
  • Mixage : Gilles Benardeau
  • Animation : Olivier PattĂ©
  • Infographie : Christophe Gauthier
  • GĂ©nĂ©rique et graphisme : Anne Caminade
  • Conseiller technique : Claude Arnaud[8]
  • Illustration musicale : Serge Kochyne
  • Moyens techniques : Femme Fatale Studio – Saya Post production
  • Documentaliste : Catherine Jivora
  • Étalonnage : Guillermo Fernandez
  • Assistants montage : ClĂ©mence Prost, Lola Turbot, Gabriel Viallet
  • ChargĂ© de production : Julia Bousquet
  • Assistant de production : Paul Stefanuto
  • ChargĂ© de Post production : Nicolas Lemoine
  • Administration de production : HĂ©loĂŻse Jouveau du Breuil, Éric Mabillon, Christine Touchard
  • SociĂ©tĂ©s de production et diffusion : Les Films de l'Instant, Anne Percie du Sert, Pierre Garnier, France 3
  • Participation : France TĂ©lĂ©visions - CNC - Procirep - Angoa-Agicoa
  • Pays d’origine : Drapeau de la France France
  • Langue originale : français
  • Format : Super 8 mm & HD - noir et blanc - couleur
  • Genre : documentaire
  • DurĂ©e : 64 minutes
  • Date de sortie : Drapeau de la France France 2019

Notes et références

  1. Dans le cadre de l’émission de télévision Passage des arts, le documentaire a été rediffusé le 19 03 2021 sur France 5
  2. Carole Weisweiller et Patrick Renaudot, Jean Marais, le bien-aimé, Éditions de La Maule, 2013, page 27
  3. « J’ai rencontré Al Brown à Montmartre. Il dansait au Caprice Viennois, et conduisait l’orchestre. » (Jean Cocteau, Voilà, n° 339, 17 septembre 1937)
  4. les deux sont nés un 5 juillet en 1902 pour Al Brown en 1889 pour Cocteau
  5. Jean Marais, Histoires de ma vie, Éditions Albin Michel, 1975, page 104 - (ISBN 2226001530)
  6. Eduardo Arroyo, Panama Al Brown, 1902-1951, Grasset, 1998. Dans sa biographie consacrée au boxeur, Arroyo confirme que cette relation fit jaser : « Le couple Brown-Cocteau entrait plus ou moins consciemment dans l’œil du cyclone de l’opinion publique. Cela sans doute avantageait Cocteau dans la construction de son personnage mais nuisait à Brown qui avait droit aux critiques et aux quolibets d’un goût douteux. On l’insultait en le traitant de poète. Il y avait dans ce mot des arrière-pensées. Les relations entre les deux hommes choquaient la morale du public. Pouvait-on réellement devenir champion du monde à trente-cinq ans, opiomane, musicien, homosexuel et noir de surcroît ? »
  7. Sur le ring avec Al Brown [archive] (franceinter.fr)
  8. Claude Arnaud Jean Cocteau, Paris, éditions Gallimard, coll. « Biographies », 2003, (ISBN 978-2-07-075233-1)

Liens externes

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