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Cindy Sherman

Cindy Sherman, née le à Glen Ridge, est une artiste et photographe américaine contemporaine. Ses créations s'inscrivent dans une tendance fictionnelle et elle est généralement considérée comme une des représentantes de la photographie plasticienne, à l'opposé de tout esthétisme documentaire. Elle travaille sans assistant, et avec un seul modèle, elle-même. Elle vit à New York.

Cindy Sherman
Autoportrait de Cindy Sherman au mur du Wexner Center for the Arts. 1er septembre 2016
Naissance
Nom dans la langue maternelle
Cynthia Morris Sherman
Nationalité
Activité
Formation
Buffalo State College
Représentée par
Skarstedt Gallery (d)
Lieu de travail
Mouvements
Art féministe, abject art (d)
Conjoint
Michel Auder (de Ă  )
Distinction

Biographie

Née en 1954 à Glen Ridge, Cindy Sherman a grandi à Huntington, sur l'île de Long Island, la plus jeune d'une fratrie de cinq enfants. Le plus jeune avant elle était de neuf ans son aîné, et Sherman se sentait seule[1]. Ses parents ont déménagé peu après sa naissance. Adolescente, elle est obsédée par l'apparence[1]. Durant ses études artistiques à l'Université d'État de New York à Buffalo, elle s'intéresse d'abord à la peinture puis se tourne vers la photographie[2] - [3] - [4]. Elle est diplômée en 1976 et s'installe à Manhattan en 1977 où elle commence à réaliser, en particulier, la série de photographies, Untitled Film Stills, qu'elle termine en 1980[2] - [3].

En 1979 a lieu sa première exposition personnelle à Hallwalls (en), espace d'exposition indépendant qu'elle a créé avec deux autres artistes qui sont ses condisciples universitaires[5] : Robert Longo et Charles Clough (en). Ses créations photographiques et expositions se succèdent ensuite sur plusieurs décennies, rythmées par des séries[3] - [6] - [7]. Plusieurs rétrospectives ont été présentées sur son œuvre au fil des ans, par exemple au MoMA en 2012[8], à Bordeaux en 1999[6] - [9], ou à Paris en 2020/2021[10], mais aussi à Chicago, à Los Angeles, etc.[8].

En 2011, la marque de cosmétique M·A·C lui propose d'utiliser ses images pour ses publicités[11].

Elle joue le rôle de la Prima Donna dans le film Prima Donna: A Symphonic Visual Concert, qui accompagne un spectacle créé par Rufus Wainwright à partir de son opéra Prima Donna[12].

L’image de Cindy Sherman est diffusée à l'international grâce au soutien de la famille Vuitton dont elle devient l’égérie et qui utilise plusieurs de ses créations lors de défilés notamment durant le défilé Vuitton Awards de 1968. Couronnée de succès, elle est l'une des artistes les mieux payées de son temps[13]. Pour Roberta Smith (en), « Elle est peut-être la première femme de l'histoire de l'art moderne dont la carrière se conforme dans ses grandes lignes à celles de figures comme Pablo Picasso, Jasper Johns ou Bruce Nauman : une artiste intrinsèquement précoce, innovante, prolifique et influente qui a bénéficié d'une large reconnaissance - et d'un succès commercial - pratiquement depuis sa première apparition, au début des années 1980, et qui ne s'est jamais reposée sur ses lauriers, mais a persisté, décennie après décennie, avec des travaux intéressants et surprenants »[14].

Ĺ’uvre

Photographies

Cindy Sherman considère que ses photographies sont à comprendre comme de l'art conceptuel. Son travail ne cherche pas à satisfaire une esthétique, ni à documenter une réalité. Ses créations s'inscrivent dans une tendance fictionnelle[3] - [15]. Elle est son seul modèle, incarnant des femmes de tout âge et même des hommes, et crée ainsi une sorte de théâtre photographique[7]. Ses autoportraits, où elle se met ainsi en scène dans des costumes et des attitudes variées, sont autant de questionnements sur l'identité et ses modes de représentations. Elle refuse la notion de types sociaux qui seraient ancrés dans la société. D'ailleurs ses photographies refusent toute identité : elles sont Untitled, restant libres à toute interprétation. Les influences de son œuvre sont nombreuses et se réfèrent à des imageries très différentes, de l'image picturale et cinématographique à l'image de publicité, de magazine, de mode ou encore à l'image érotique[16] - [17].

En mai 2011, sa photographie Untitled no 96 est adjugĂ©e pour 3 890 000 $ chez Christie's, Ă©tablissant un nouveau record mondial pour une photographie[18].

Films

SĂ©ries

  • Les premières sĂ©ries, durant les annĂ©es d'Ă©tudiante ou de jeune diplĂ´mĂ©e Si la sĂ©rie « Untitled Film Stills » est celle qui la fait connaĂ®tre, elle a portĂ© Ă  la connaissance du public, plus tardivement, des travaux qui ont prĂ©cĂ©dĂ© cette sĂ©rie, alors qu'elle terminait ses Ă©tudes ou Ă©tait une jeune diplĂ´mĂ©e, tels la sĂ©rie «Bus Riders»[19] oĂą elle interprète des passagers fictifs d'un bus, la sĂ©rie «Murder Mystery» oĂą elle imagine les personnages d'un film policier, ainsi que des courts mĂ©trages de quelques minutes comme «Doll Clothes». Dans ces travaux, elle crĂ©e dĂ©jĂ  des fictions avec un modèle exclusif jouant les diffĂ©rents rĂ´les, elle-mĂŞme, et un goĂ»t pour le dĂ©guisement, la mise en scène (mĂŞme si elle est artisanale) et l'observation des stĂ©rĂ©otypes[19] - [20]
  • « Untitled Film Stills » , annĂ©es 1977-1980 SĂ©rie d’environ 69 photos en noir et blanc qui reprend le genre des « stills » des films de sĂ©rie B des annĂ©es 1950. Chaque stills est l’image d’une femme stĂ©rĂ©otypĂ©e, dans un dĂ©cor rĂ©el. Ces photos prĂ©sentent une inquiĂ©tante familiaritĂ© avec les images des films de sĂ©rie B, mais ne correspondent pourtant Ă  aucun film[14]. Cette sĂ©rie montre aussi l'influence du cinĂ©ma sur la culture populaire[3]. Le visage de Cindy Sherman est une base neutre sur laquelle elle inscrit d’innombrables visages dans des myriades d’incarnations. Ces « stills » alimentent de nombreuses thĂ©ories. Pour l’historien d’art Richard Brillant, ils sont des autoportraits. Pour David Rimanelli, (marxiste de l’École de Francfort), ils ne sont le portrait de personne puisque l’idĂ©e d’un sujet unitaire est en soi une fiction. Pour les fĂ©ministes, les images dĂ©finissent un sexe fĂ©minin privĂ© de son individualitĂ© par les conventions sociales, les stĂ©rĂ©otypes. La femme Cindy Sherman ne peut se dĂ©finir qu’à travers un rĂ©pertoire de rĂ´les indiquant les limites que la sociĂ©tĂ© impose aux femmes.
  • « Rear Screen Projections », 1980 Dans cette sĂ©rie, la première en couleur, Sherman se photographie devant des projections de diapositives[3], qui peuvent faire rĂ©fĂ©rence au monde et aux images de la tĂ©lĂ©vision.
  • « Centerfolds/Horizontals », 1981 Cette sĂ©rie est Ă  l'origine issue d'une commande faite Ă  l'artiste d'un portfolio pour le magazine Artforum. Ce travail n'a finalement pas Ă©tĂ© publiĂ© car les photographies ont Ă©tĂ© controversĂ©es. Pour ce travail, Sherman reproduit le cadre horizontal et serrĂ© sur des personnages fĂ©minins allongĂ©s, esthĂ©tique propre aux magazines et revues de charme[7]
  • « Pink Robes », 1982 Galerie de portraits en demi-teintes sur un fond sombre. L'humeur du modèle (elle-mĂŞme) y apparaĂ®t tantĂ´t indĂ©cise tantĂ´t ombrageuse, et l'indice sexuel tend Ă  l'indiffĂ©renciation[6]
  • « Fashion », 1983/1984/1993/1994 Cette sĂ©rie est issue de quatre commandes : une pour la revue Interview en 1983, une pour le magazine Vogue en 1984, une pour Harper's Bazaar en 1993 et une pour la maison Comme des garçons en 1994. Dans ses photographies, Sherman rĂ©interprète et transforme les codes et les règles de la presse de mode pour crĂ©er des images dĂ©rangeantes qui transgressent les conventions de cette presse spĂ©cialisĂ©e. Elle est ironique, et son humour est grinçant : lumière dure, personnages caricaturaux, sourires figĂ©s, tenues extravagantes et ostentatoires,... Elle dĂ©nonce indirectement les critères de jeunesse, beautĂ©, minceur et la vacuitĂ© de certaines photos de mode. Pour autant, ces femmes qu'elle interprète, semblent fragiles[7]
  • « Fairy Tales », 1985 Des contes de fĂ©es qui deviennent des cauchemars[3]
  • « Disasters », 1986-1989 ReprĂ©sentation baroque, et presque violente, de roches et de matières organiques, ou de femmes dans un fond de matières organiques[7]
  • « History Portraits/Old Masters », 1988-1990 Avec les History Portraits, Cindy Sherman dĂ©voile l’aspect artificiel de certaines Ĺ“uvres de l’histoire de l’art en surenchĂ©rissant leur aspect artificiel et en les rĂ©inventant. Les tableaux qu’elle rĂ©alise sont remplis d’élĂ©ments comiques mais, au-delĂ , ils dĂ©voilent quelque chose d’effrayant.
    Pour Arthur Danto, les History Portraits sont des happenings qui mettent en question le rapport que nous avons avec l’art. Ils mettent en jeu la distance qui sépare le souvenir de la vérité. Le rapport entre les images de Cindy Sherman et leur original est comparable au souvenir incomplet d’un tableau face au tableau lui-même. Ils témoignent des processus déformant de la mémoire. Nous sommes dans l’espace entre ce que nous percevons et les images souvenir. Le fait qu’elle a travaillé à partir de reproductions corrobore la thèse de Baudrillard selon laquelle nous vivrions dans un monde de simulacre. Pour se « déguiser », elle utilise des prothèses : faux nez, moustaches, sourcils et beaucoup de « faux nichons » pour reprendre ses termes. Par ces accessoires extravagants, elle va plus loin qu’un simple travestissement, en rendant visible ce qui la métamorphose. Elle nous montre que les sujets des tableaux historiques étaient affublés de corps et de visages aussi conventionnels que leurs toilettes [3] - [7]
  • « Civil War », 1991 ReprĂ©sentations de corps disloquĂ©s et quelquefois putrĂ©fiĂ©s[7]
  • « Sex Pictures », 1992 Elle met en scène des mannequins en plastique. DĂ©membrĂ©e, la femme-tronc est rĂ©duite Ă  un orifice. Sherman remet en cause les clichĂ©s des reprĂ©sentations sexuelles de la femme. Ces images constituent une charge contre la pornographie. La complaisance misogyne sous-jacente y est dĂ©sarticulĂ©e comme une poupĂ©e dĂ©glinguĂ©e. La fascination pour le sexe en sort retournĂ©e : la violence pornographique devient dĂ©risoire[6]
  • « Horror and Surrealist Pictures », 1994-1996 ReprĂ©sentation d'assemblages de corps et de monstres, et quelquefois de figures de clowns inquiĂ©tantes[3]
  • « Masks », 1994-1996 Portraits de masques ou de tĂŞtes avec de la rĂ©sine. Un travail sur la notion de masque[3] - [7]
  • « Hollywood/Hampton Types », 2000-2002 SĂ©rie, lĂ  encore d'un humour particulièrement grinçant, imaginant des comĂ©diens oubliĂ©s d'Hollywood, Ă  la recherche d'un emploi[3] - [7]
  • « Clowns », 2003-2004 Le masque de clown est le plus Ă©nigmatique des masques, Ă  la fois drĂ´le, pathĂ©tique et tragique. Ă€ regarder cette sĂ©rie, le rire s'Ă©trangle. Cette sĂ©rie rĂ©sulte aussi des attentats du 11 septembre 2001, des positionnements face au tragique et des questions engendrĂ©es par ces Ă©vĂ©nements[21]
  • « Society Portraits » 2008 Ces portraits dĂ©peignent l’emprise du « jeunisme » sur les femmes. L’artiste, comme d'habitude seule modèle, semble vieillie, marquĂ©e par l'âge de manière assez outrancière. Autoportraits en creux ? Le vieillissement surjouĂ© est ironique, mais laisse aussi poindre une empathie pour les femmes victimes, d'une certaine façon, de la notion de beautĂ© fĂ©minine qui prĂ©domine dans les sociĂ©tĂ©s occidentales contemporaines[7]
  • « Flappers » (garçonnes) 2015-2018 Portraits Ă©voquant d'anciennes starlettes ou garçonnes du dĂ©but ou du milieu du XXe siècle. Peut rappeler la sĂ©rie qui la fait connaĂ®tre, « Untitled Film Stills », en Ă©voquant aussi l'univers cinĂ©matographique, mais en couleur, en grand format et avec peut-ĂŞtre plus d'empathie pour les personnages qu'elle interprète[16] - [22] - [17]
RĂ©trospective Ă  la Fondation Louis Vuitton, Ă  Paris en 2020

Expositions

Liste non exhaustive

Prix

Notes et références

  1. (en) Simon Hattenstone, « Cindy Sherman: Me, myself and I », The Guardian,‎ (lire en ligne)
  2. « Cindy Sherman », sur Elle
  3. Anne Reverseau, « Sherman, Cindy [Glen Ridge 1954] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, , p. 3971-3972
  4. Claire Guillot, « Cindy Sherman : enfance d'une travestie », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  5. Taio Cruz et al., Cindy Sherman, RĂ©trospective, Thames & Hudson, , p. 1
  6. Hervé Gauville, « Cindy Sherman, chair et âme à Bordeaux, vingt ans d’autophotos de l’artiste. Rétrospective Cindy Sherman jusqu’au 25 avril, au CAPC Musée d’art contemporain, Entrepôt Lainé », Libération,‎ (lire en ligne)
  7. Thierry Grizard, « Cindy Sherman. The Picture Generation », Artefields.net,‎ (lire en ligne)
  8. « Cindy Sherman. American photographer », sur Encyclopædia Britannica
  9. Michel Guerrin, « Cindy Sherman, entre attraction et répulsion », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  10. Judicaël Lavrador, « Cindy Sherman, Liesse d’identités », Libération,‎ (lire en ligne)
  11. « L'artiste Cindy Sherman, égérie pour des cosmétiques », L'Express,‎ 2011consulté le=3 octobre 2012. (lire en ligne)
  12. (en) « Rufus Wainwright presents Prima Donna: A Symphonic Visual Concert », Music News,‎ (lire en ligne)
  13. « Cindy Sherman : « La photographie sait très bien mentir » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Roberta Smith, « Photography’s Angel Provocateur », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  15. Michel Guerrin, « Cindy Sherman, l'autoportrait à vie », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  16. Philippe Dagen, « Cindy Sherman à la Fondation Vuitton : caractères et mythologies de la société américaine », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  17. Valérie Duponchelle, « La folie secrète de Cindy Sherman ou l’Amérique en son miroir », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  18. Voir sur popphoto.com.
  19. Service photo du journal, « Cindy Sherman Bus Repetita », Libération,‎ (lire en ligne)
  20. Lunettes rouges, « Les débuts de Cindy Sherman », Le Monde (blog),‎ (lire en ligne)
  21. « Cindy Sherman, une vision qui se déploie. Entretien avec Arthur Danto », Art Press, no 323,‎ (lire en ligne)
  22. « Cindy Sherman à la Fondation Vuitton : la femme aux mille visages », Les Échos,‎ (lire en ligne, consulté le )
  23. « Cindy Sherman et ses 171 métamorphoses », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  24. (en-US) « Cindy Sherman, Exhibition, National Portrait Gallery, Charing Cross, London: 27 June 2019 - 15 September 2019 », sur Divento (consulté le )
  25. (en) « Cindy Sherman - Exhibition », sur www.npg.org.uk (consulté le )
  26. « Cindy Sherman, lauréate du prix Haftmann 2012 », La Lettre de la photographie, 19 décembre 2011.
  27. RĂ©compense artistique la plus richement dotĂ©e en Europe (150 000 francs suisses, soit 120 000 â‚¬) dĂ©cernĂ©e par la fondation suisse Roswitha Haftmann Ă  un « artiste vivant ayant produit une Ĺ“uvre de première importance. »
  28. (en) Henri Neuendorf, « Cindy Sherman and Annette Messager Awarded 2016 Praemium Imperiale », artnet,‎ (lire en ligne)

Voir aussi

Biblio-filmographie

Articles connexes

Liens externes

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