AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Choix intertemporel

Un choix intertemporel est un choix qui implique des Ă©vĂšnements situĂ©s Ă  des moments diffĂ©rents. L'Ă©tude des choix intertemporels consiste Ă  dĂ©terminer dans quelle mesure les individus accordent une prĂ©fĂ©rence au futur proche par rapport Ă  un futur plus lointain, et Ă  dĂ©crire les mĂ©canismes psychologiques et cĂ©rĂ©braux Ă  l'Ɠuvre.

On peut montrer que pour qu'un individu effectue des choix stables au cours du temps, il faudrait que ses prĂ©fĂ©rences soient une fonction exponentielle dĂ©croissante du temps, et cette analyse a Ă©tĂ© largement reprise en Ă©conomie. Cependant les Ă©tudes empiriques constatent que les choix humains suivent d'autres lois et notamment que les choix comportant une rĂ©compense immĂ©diate ne sont pas Ă©valuĂ©s de la mĂȘme façon que les choix n'impliquant que des Ă©vĂ©nements futurs[1]. Il semble que cela s'explique par l'activation de circuits cĂ©rĂ©braux distincts pour les rĂ©compenses immĂ©diates[2].

Le modĂšle de Fisher

Le modĂšle de Fisher peut ĂȘtre illustrĂ© en prenant deux pĂ©riodes : la pĂ©riode actuelle ou pĂ©riode 1 (ce mois ou cette annĂ©e) et la pĂ©riode future ou pĂ©riode 2 (le mois prochain ou l’annĂ©e prochaine). L’individu planifie sa consommation compte tenu de ses besoins et de ses revenus attendus. Sa contrainte budgĂ©taire est :

oĂč est la consommation prĂ©sente et la consommation future; le revenu prĂ©sent et le revenu futur. La somme Ă©pargnĂ©e (si cette diffĂ©rence est positive) ou empruntĂ©e (si cette diffĂ©rence est nĂ©gative) est placĂ©e ou empruntĂ©e au taux d’intĂ©rĂȘt . Le consommateur maximise ses prĂ©fĂ©rences reprĂ©sentĂ©es par la fonction d’utilitĂ© intertemporelle . En prenant le Lagrangien :

oĂč est une variable auxiliaire (le multiplicateur), on obtient les conditions de premier ordre suivantes :

Illustration de la contrainte budgétaire avec la consommation présente en abscisse et la consommation future en ordonnée.
Choix intertemporel du consommateur, compte tenu de sa contrainte budgétaire et de ses préférences
Si le consommateur Ă©pargne, une hausse du taux d’intĂ©rĂȘt aura un effet ambigu sur la consommation prĂ©sente.
Si le consommateur a empruntĂ©, une hausse du taux d’intĂ©rĂȘt conduit Ă  une baisse de la consommation prĂ©sente.

En rĂ©solvant ce systĂšme d’équations on obtient les fonctions de consommation:

Des conditions de premier ordre on tire la relation suivante:

Le terme Ă  gauche est appelĂ© le taux de prĂ©fĂ©rence pour le temps. À l’équilibre, il doit ĂȘtre Ă©gal au taux d’intĂ©rĂȘt[3].

Graphiquement, la solution est obtenue lorsque la courbe d’indiffĂ©rence la plus Ă©levĂ©e est tangente Ă  la droite reprĂ©sentant la contrainte budgĂ©taire (point A).

Variation du taux d’intĂ©rĂȘt

Si le taux d’intĂ©rĂȘt augmente, la droite budgĂ©taire subit une rotation en sens horaire avec comme pivot le point oĂč la consommation de chaque pĂ©riode correspond au revenu de la pĂ©riode.

Cette variation a un effet de revenu (le consommateur qui a Ă©pargnĂ© en pĂ©riode 1 aura un revenu plus Ă©levĂ© en pĂ©riode 2) et un effet de substitution (il devient plus intĂ©ressant d’épargner car l’épargne rapporte davantage)[4]. Si l’individu voulait emprunter, l’effet total est une baisse de la consommation en pĂ©riode 1. Par contre, en cas d’épargne le rĂ©sultat final est ambigu.

En utilisant la thĂ©orie de la prĂ©fĂ©rence rĂ©vĂ©lĂ©e on peut dire qu’un consommateur qui Ă©pargne reste toujours un prĂȘteur en cas de hausse du taux d’intĂ©rĂȘt. Si le taux baisse, c’est l’individu emprunteur qui reste toujours un dĂ©biteur en pĂ©riode 1[5].

Tous ces rĂ©sultats ne sont plus valables s’il y a plus de deux pĂ©riodes. En effet, on ne doit pas nĂ©cessairement rembourser la pĂ©riode suivante ce qu’on a empruntĂ©.

La rĂšgle de Keynes-Ramsey

On fait souvent l’hypothĂšse que la fonction d’utilitĂ© intertemporelle est de forme additive dans les pĂ©riodes. On a alors :

oĂč est le ``taux subjectif d’escompte’’ du temps et l’utilitĂ© instantanĂ©e. L’idĂ©e que les individus ``escomptent’’ les utilitĂ©s futures comme avec les valeurs financiĂšres remonte Ă  Böhm-Bawerk. Selon cet auteur[6] la sous-estimation des biens futurs est due Ă  un manque d’imagination et Ă  une faiblesse de volontĂ© des individus.

En remplaçant par la valeur tirĂ©e de la contrainte budgĂ©taire, on obtient la condition de premier ordre suivante pour la maximisation de la fonction d’utilitĂ© intertemporelle:

En prenant cette Ă©quation intertemporelle de Euler on obtient la rĂšgle de Keynes-Ramsey[7]:

Le taux marginal de substitution intertemporel doit ĂȘtre Ă©gal au prix relatif des consommations.

Généralisation en temps continu

Lorsqu’on prend de nombreuses pĂ©riodes, on prĂ©fĂšre travailler en temps continu. La fonction d’utilitĂ© intertemporelle est alors :

L’évolution de la consommation dĂ©pend de l’équation diffĂ©rentielle:

oĂč sont les actifs financiers, le revenu non financier, la consommation et le point au-dessus de la variable dĂ©signe la dĂ©rivĂ©e par rapport au temps. Comme les valeurs financiĂšres futures ne peuvent pas avoir une valeur actuelle nĂ©gative, il faut imposer la restriction:

(pas de chaĂźne de Ponzi)

En utilisant la mĂ©thode de Pontryagin on a la valeur courante de l’hamiltonien:

oĂč est la costate (une variable auxiliaire). AprĂšs avoir remplacĂ© cette variable dans les conditions de premier ordre[8] - [9] on trouve la rĂšgle de Keynes-Ramsey:

oĂč:

Le taux de croissance optimal de la consommation dĂ©pend de l’élasticitĂ© de substitution intertemporelle et de l’excĂšs du taux d’intĂ©rĂȘt par rapport au taux subjectif d’escompte du temps.

Escompte hyperbolique

Des expĂ©riences effectuĂ©es avec des Ă©tudiants montrent que la sous-estimation des biens futurs ne suit pas une loi exponentielle. Par exemple, Thaler[10] a observĂ© qu’en moyenne les individus demandaient, plutĂŽt que d’avoir 15 $ immĂ©diatement, 20 $ un mois aprĂšs, 50 $ une annĂ©e aprĂšs et 100 $ 10 ans aprĂšs. Ces valeurs impliquent un taux de 400% pour un mois, 233.33% pour une annĂ©e et 20.089% pour dix ans. Une diminution du taux avec l’éloignement du temps peut ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e avec une loi hyperbolique:

Lorsque tend vers 0 on retrouve l’escompte exponentiel: .

Un escompte hyperbolique conduit Ă  une incohĂ©rence temporelle[11]. MĂȘme si rien ne change, le consommateur ne va pas suivre le plan de consommation qu’il avait envisagĂ© prĂ©cĂ©demment.

ModĂšle du cycle de vie de Modigliani

Le point de dĂ©part de la thĂ©orie du cycle de vie est le modĂšle de Fisher avec un horizon temporel Ă©gal Ă  toute la vie du consommateur. Supposons que le revenu annuel soit constant et Ă©gal Ă  jusqu’à l’ñge de la retraite et nul aprĂšs. Si le consommateur vit ans, la consommation uniforme sera de (on suppose que le taux d’intĂ©rĂȘt soit nul). Le consommateur Ă©pargne chaque annĂ©e , jusqu’à l’ñge de la retraite, et ensuite il utilisera l’épargne accumulĂ©e pour consommer pendant les annĂ©es de retraite.

Dans le cas plus gĂ©nĂ©ral[12], soit la valeur prĂ©sente des revenus attendus par l’individu d’ñge T en l’annĂ©e t:

oĂč est le capital accumulĂ©, les revenus attendus et r te taux d’intĂ©rĂȘt.

Si la fonction d’utilitĂ© est homogĂšne par rapport aux consommations, on obtient la fonction de consommation suivante:

oĂč est le revenu attendu moyen et un facteur proportionnel dĂ©pendant de la fonction d’utilitĂ©.

On peut gĂ©nĂ©raliser le modĂšle en introduisant l’épargne pour des buts d’hĂ©ritage, la sĂ©curitĂ© sociale ou une durĂ©e de vie incertaine.

La théorie de Modigliani est utilisée pour étudier les systÚmes de retraite publics et privés et le lien entre épargne et croissance[13].

Le modĂšle de Friedman

Selon Friedman[14], la consommation dĂ©pend du revenu permanent de l’individu, c’est-Ă -dire le revenu moyen Ă  long terme :

oĂč est la consommation (permanente), le revenu permanent et est un coefficient qui dĂ©pend du taux d’intĂ©rĂȘt, du taux de prĂ©fĂ©rence pour le temps et du rapport entre la fortune du consommateur et son revenu.

Soit la consommation de l’individu i au temps t. On a:

oĂč est la consommation transitoire. D’autre part:

Le revenu transitoire n’a pas d’effet sur la consommation globale.

Friedman suppose qu’il n’y a pas de corrĂ©lation entre certaines de ces variables, en particulier entre le revenu transitoire et la consommation transitoire:

oĂč dĂ©signe le coefficient de corrĂ©lation.

Friedman propose d’estimer le revenu permanent par la technique des retards Ă©chelonnĂ©s:

oĂč sont des coefficients.

Les estimations avec des données agrégées montrent que la variation de la consommation par rapport à une variation du revenu est plus importante que celle prévue par la théorie du revenu permanent (variation excessive)[15].

Les estimations avec des données individuelles donnent des résultats assez favorables à la théorie du revenu permanent et à celle de la théorie du cycle de vie [16].

Notes

Références

  1. (en) Frederick et Loewenstein, « Time discounting and time preference: A critical review », Journal of economic literature,‎ .
  2. (en) Samuel M. McClure, David I. Laibson, George Loewenstein, Jonathan D. Cohen, « Separate Neural Systems Value Immediate and Delayed Monetary Rewards », Science, no 5694,‎ (DOI 10.1126/science.1100907).
  3. (en) Fisher Irving, The Theory of Interest, New York, 1907, p. 291.
  4. (en) J.M. Henderson and R.E. Quandt, Microeconomic Theory, London, 1980, p. 331.
  5. Hal R. Varian, Introduction à la microéconomie, Bruxelles, 2000, p. 198
  6. Eugen von Böhm-Bawerk, Kapital und Kapitalzins, Insbruck, 1914
  7. Frank Ramsey, « A Mathematical Theory of Saving », Economic Journal, 1928, p. 543-559
  8. La condition de transversalitĂ© doit aussi ĂȘtre satisfaite:
  9. Richard Thaler, « Some empirical evidence on dynamic inconsistency «, Economic Letters, 1981, p. 201-207
  10. Robert Strotz, « Myopia and Inconsistency in Dynamic Utility Maximisation «, Review of Economic Studies, 1956, p. 165-180
  11. Francesco Franco ModĂšle:Et. al., The Collected Papers of Franco Modigliani, vol. 6, Boston, 2005, p. 49
  12. Angus Deaton, « Franco Modigliani and the life-cycle theory of consumption », .BNL Quarterly Review, 2005, p. 91-107
  13. Milton Friedman, A Theory of the Consumption Function, Princeton, 1957.
  14. John Campbell and Gregory Mankiw, « Permanent Income, Current Income, and Consumption », Journal of Business and Economic Statistics, 1990, p. 265-279
  15. Orazio Attanasio and Martin Browning, « Testing the Life Cycle Model of Consumption: what can we learn from micro and macro data », Investigaciones Economicas, 1994, p. 433-463

voir aussi

Bibliographie

  • (en) Olivier Blanchard et Stanley Fischer, Lectures on Macroeconomics, Boston, 1989
  • (en) Gernot Doppelhofer, « Intertemporal Macroeconomics », N.F.G. Allington et J.S.L. McCombie, Cambridge Essays in Applied Economics, Cambridge, 2003
  • (en) Rudiger Dornbusch et Stanley Fischer, Macro-Economics, London, 1981
  • Hal R. Varian, Introduction Ă  la microĂ©conomie, Bruxelles, 2000
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.