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Chamanisme coréen

Le chamanisme corĂ©en, appelĂ© localement le Shinisme ou Sinisme (en corĂ©en : 신ꔐ, hanja : ç„žæ•Ž; Shingyo ou Shinkyo, qu'on peut traduire en « religion des esprits/dieux ») ou Shindo (en corĂ©en : 신도, hanja : 焞道, « la voie des esprits »), est une forme de croyance animiste trĂšs ancienne de la pĂ©ninsule corĂ©enne. Il consiste en un culte s'adressant Ă  des esprits (신 shin), aux ancĂȘtres (ìĄ°ìƒ josang) ainsi qu'Ă  des esprits de la nature. Pour parler de sa dimension proprement chamanique (en corĂ©en : ëŹŽì†, hanja : ć·«äż— ; musog or musok), le terme Muisme est privilĂ©giĂ© (en corĂ©en : ëŹŽê”, hanja : ć·«æ•Ž ; Mugyo or Mukyo, « religion des mu (chamanes) »).

Cérémonie de kut en octobre 2007.

Le chamanisme demeure une pratique trĂšs vivante en CorĂ©e. Bien que proche des chamanismes sibĂ©rien et mandchou, il a de nombreuses spĂ©cificitĂ©s nationales, qui lui ont valu un regain d'intĂ©rĂȘt dans le dernier quart du XXe siĂšcle. Parmi ces particularitĂ©s, les chamans sont pour la plupart des femmes, les mudangs. Leurs homologues masculins sont beaucoup moins nombreux. En tant que chamane, la mudang pratique des rituels en vue d'apporter des soins, d'attirer la fortune, de communiquer avec les esprits des forces de la nature et des morts, y compris les personnes cĂ©lĂšbres.

Le chamanisme en Corée a été persécuté durant la période moderne à l'occasion des vagues de répression du mouvement Misin tapa (« mouvement pour renverser la superstition »). Sa renaissance date des années 1980. Il est aujourd'hui perçu comme la religion naturelle des Coréens.

Histoire

Cairn et totems chamaniques coréens.

Le chamanisme est considéré comme le plus ancien systÚme de croyance de Corée. Certains auteurs défendent l'idée qu'il serait venu de Sibérie à la Préhistoire[1]. Les plus anciennes chroniques coréennes, le Samguk yusa et le Samguk sagi évoquent les mudangs.

L'arrivée du bouddhisme au début de notre Úre, puis du confucianisme, réduisit l'influence du chamanisme dans le royaume de Goryeo.

AprĂšs la chute de l'Empire mongol chamaniste et en particulier de la dynastie Yuan (1234/1279–1368) sino-mongole, davantage bouddhiste, et la dynastie Yuan du Nord (1368—1388), mongole, qui contrĂŽlait la rĂ©gion, commence la pĂ©riode Joseon (1392–1897). Le nĂ©oconfucianisme est mis en avant et le chamanisme est condamnĂ©, assimilĂ© par les Ă©lites confucĂ©ennes Ă  des superstitions et pratiques magiques. Sous l'occupation japonaise, le chamanisme est rĂ©primĂ© autant que sous la dynastie Yi[2] et il se relevĂ© aprĂšs la guerre, malgrĂ© la modernisation du pays et les dictatures du Nord comme du Sud[2]. Le chamanisme est largement pratiquĂ© en CorĂ©e du Sud aujourd'hui[2].

AprĂšs ce dĂ©clin au XXe siĂšcle, le chamanisme cesse d'ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un ensemble de superstitions et de rituels magiques et connaĂźt un renouveau auprĂšs des jeunes gĂ©nĂ©rations de CorĂ©e du Sud nĂ©es aprĂšs 1970, qui y trouvent des rĂ©fĂ©rences culturelles propres, tant en CorĂ©e du Nord qu'en CorĂ©e du Sud.

On estime à 16 % la proportion de la population de Corée du Nord pratiquant le chamanisme ou une autre forme de religion ethnique, bien plus que le Cheondoïsme (13,5 %) ou que le bouddhisme (4,5 %)[3].

Terminologie

Le mot gĂ©nĂ©rique signifiant « chamane » en corĂ©en est mu (Hangul: 돎, Hanja: ć·«). Dans la terminologie contemporaine on utilise le terme mudang (돎ë‹č, ć·«ć ‚) pour les femmes et baksu pour les hommes. Les chamans hommes sont dĂ©signĂ©s par une grande variĂ©tĂ© de noms, y compris sana mudang (littĂ©ralement « mĂąle mudang ») dans la rĂ©gion de SĂ©oul, ou baksu mudang, Ă©galement raccourci baksu (« mĂ©decin », « guĂ©risseur »), dans la rĂ©gion de Pyongyang[4].

Rites

totem et papiers blancs.

Des traces du chamanisme corĂ©en montrent qu'il existait Ă  la prĂ©histoire[4]. Il aurait Ă©tĂ© progressivement modifiĂ© par le contact avec le bouddhisme et le confucianisme, d'arrivĂ©e plus tardive. Plusieurs rituels ont ainsi disparu d'autres ont Ă©tĂ© conservĂ©s, comme le kosa ou le kut. À cĂŽtĂ© des pratiques spĂ©cifiquement chamaniques, on note dans la forme historique l'importance du culte des esprits des montagnes. Lee note que « les montagnes sont trĂšs importantes en CorĂ©e »[1]. Roberte Hamayon considĂšre que le chamanisme est fortement associĂ© au fĂ©minin (les montagnes sont des esprits fĂ©minins, les chamanes mĂȘmes homme peuvent ĂȘtre mentionnĂ©s au fĂ©minin), alors que le bouddhisme et le confucianisme sont associĂ©s au masculin[5].

Les totems sont appelés jangseung : ils protÚgent les villages contre les catastrophes naturelles et les esprits malfaisants.

Le kosa

Le kosa est un rite d'offrande faite aux esprits avant le démarrage d'une entreprise : construction d'un bùtiment, tournage d'un film, examen. Les offrandes et les priÚres sont censées attirer la bienveillance des esprits.

Le kut ou gut

Une mudang exĂ©cutant un kut. Peinture de Shin Yunbok titrĂ©e Munyeo sinmu (ëŹŽë…€ì‹ ëŹŽ, ć·«ć„łç„žèˆž), fin de la dynastie Joseon (1805).

Le kut est une danse chamanique, déclinée sous différents aspects, que la mudang ou le paksu effectue en transes. Elle permet d'entrer en contact avec les esprits, de prédire l'avenir ou de connaßtre le passé.

Transmission des attributions de chaman

Il n'existe pas de formation pour devenir mudang. Le supposĂ© don peut se transmettre par hĂ©rĂ©ditĂ© spirituelle ou la personne peut se sentir appelĂ©e par les esprits. Ainsi, Alexandre Guillemoz rapporte-t-il le cas d'une jeune dame exerçant des emplois prĂ©caires qui « reçoit un certain nombre de signes » qu'elle interprĂšte comme un appel Ă  devenir mudang : pertes de consciences, paroles Ă©voquant sa renommĂ©e ou messages des esprits, voix l’appelant Ă  la montagne, visions. Il n'y a pas d'initiation proprement dite, mais une sĂ©rie de seuils franchis les uns aprĂšs les autres. En dernier ressort, c'est la communautĂ© qui, en sollicitant de plus en plus la mudang, la reconnaĂźt en tant que telle[6].

Le chamanisme dans la Corée moderne

Il y a environ cinquante mille mudangs en Corée du Sud. Elles sont trÚs présentes dans la société coréenne actuelle : outre les fréquents appels à leur office pour le kosa, elles tiennent des cafés de voyance, fréquentés avant toute étape importante de la vie : examen, entretien d'embauche, mariage.

Les cafés de voyance sont trÚs nombreux dans le quartier de Seongbuk-gu à Séoul, et tendent à remplacer auprÚs des jeunes les maisons de voyance, reconnaissables au mat de bambou portant deux drapeaux, un blanc et un rouge.

Il n'est pas un bùtiment qui ne soit construit, une nouvelle usine qui ne soit inaugurée en Corée sans un rituel chamanique traditionnel (kosa) destiné à s'accorder la bienveillance des esprits du lieu.

Annexes

Notes et références

  1. (en) Chi-ran Lee, « The Emergence of National Religions in Korea », Haedong Younghan Academy,‎ (lire en ligne [PDF]).
  2. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Paris, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 978-2-07-014249-1), p. 203, note de bas de page no 2.
  3. « Religious Intelligence - Country Profile: Korea, North (Democratic Peoples Republic of Korea) », sur www.religiousintelligence.co.uk, (version du 13 octobre 2007 sur Internet Archive).
  4. Lee, Jung Young., Korean shamanistic rituals, The Hague/Paris/New York, Mouton, , 249 p. (ISBN 90-279-3378-2 et 978-90-279-3378-2, OCLC 7848195, présentation en ligne).
  5. Roberte Hamayon, Le chamanisme : fondements et pratiques d'une forme religieuse d'hier et d'aujourd'hui, Paris, Eyrolles, 2015, cop. 2015, 180 p. (ISBN 978-2-212-56219-4 et 2-212-56219-5, OCLC 910655945, présentation en ligne).
  6. Alexandre Guillemoz, « ConfĂ©rence de M. Alexandre Guillemoz - RĂ©cits autobiographiques d'un chamane corĂ©en », Annuaires de l'École pratique des hautes Ă©tudes, vol. 100, no 96,‎ , p. 90–92 (lire en ligne, consultĂ© le ).

Bibliographie

  • Cahiers d'ExtrĂȘme-Asie - NumĂ©ro spĂ©cial Chamanisme corĂ©en : Special Issue on Korean Shamanism, sous la direction de Alexandre Guillemoz, vol. 6, (lire en ligne)
  • Chisan Yi, « Sur les peintures chamaniques », Cahiers d'ExtrĂȘme-Asie, vol. 6, no NumĂ©ro spĂ©cial Chamanisme corĂ©en - Special Issue on Korean Shamanism, sous la direction de Alexandre Guillemoz,‎ , p. 111-114 (DOI 10.3406/asie.1991.977, lire en ligne)

Articles connexes

  • Les mudangs et le chamanisme corĂ©en sont prĂ©sents dans toute une sĂ©rie de films de fantĂŽmes (goedam en corĂ©en), dont les plus cĂ©lĂšbres sont :
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