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Carte de Tendre

La carte de Tendre[alpha 1], est la carte d’un pays imaginaire appelĂ© « Tendre Â» inventĂ© au XVIIe siècle par diffĂ©rentes personnalitĂ©s, dont Catherine de Rambouillet, et inspirĂ© du roman ClĂ©lie, histoire romaine de Madeleine de ScudĂ©ry (1654).

Carte de Tendre ou Carte du Pays de Tendre.

Dans cette « reprĂ©sentation topographique et allĂ©gorique Â», on trouve tracĂ©es, sous forme de villages et de chemins, les diffĂ©rentes Ă©tapes de la vie amoureuse selon les PrĂ©cieuses de l’époque. Ce « jeu de l'oie Ă  l'usage d'une coterie fĂ©rue de subtilitĂ©s sentimentales compte quatre villes, trois rivières, deux mers, un lac et trente petits villages[1]. » Le modèle sera repris par l'abbĂ© d'Aubignac dans Histoire du temps, ou Relation du royaume de Coquetterie, dont la rĂ©Ă©dition comprend « l’exposĂ© doctrinal le plus complet sur l’allĂ©gorie Ă  l’époque de la prĂ©ciositĂ©[2]. »

On attribue à François Chauveau[3] la gravure de cette carte figurant, en illustration, dans la première partie de Clélie, Histoire romaine.

Description

Tendre est le nom du pays ainsi que de ses trois villes capitales. Tendre a un fleuve en Inclination, rejoint à son embouchure par deux rivières, Estime et Reconnaissance. Les trois villes de Tendre (Tendre-sur-Inclination, Tendre-sur-Estime et Tendre-sur-Reconnaissance) sont situées sur ces trois cours d’eau différents. Pour aller de Nouvelle-Amitié à Tendre-sur-Estime, il faut passer par le lieu de Grand-Esprit, auquel succèdent les agréables villages de Jolis-vers, Billet-galant et Billet-doux. Dans cette sorte de géographie amoureuse, le fleuve Inclination coule tranquillement, car il est domestiqué, tandis que la mer est dangereuse, car elle représente les passions. La seule Passion positive est celle qui est la source de nobles sentiments que l’homme peut éprouver. Le lac d’Indifférence représente l’ennui.

Inspirations et parodies

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Tristan L’Hermite suivit avec sa Carte du royaume d'Amour. Les satires vinrent bientĂ´t : la mĂŞme annĂ©e, l’abbĂ© d’Aubignac crĂ©a une satire de la « carte de Tendre Â» avec une « carte de Coquetterie Â». En 1664, le père Zacharie se mit de la partie avec sa carte de « la JansĂ©nie et ses voisins immĂ©diats, la DĂ©sespĂ©rie Ă  l’Occident, la Calvinie au Septentrion, et la Libertinie Ă  l’Orient » insĂ©rĂ©e dans sa critique acerbe du jansĂ©nisme, la Relation du pays de JansĂ©nie, oĂą il est traitĂ© des singularitĂ©s qui s’y trouvent, des coutumes, mĹ“urs & religion de ses habitants.

En 1935, Gabriel Pierné[4] composa Voyage au pays du Tendre pour quintette instrumental (flûte, harpe et trio à cordes) dont les différents parties suivent le parcours de la carte.

Molière, lui-même, cite la Carte de Tendre dans sa pièce Les Précieuses ridicules dès la scène IV du premier acte :

« En effet, mon oncle, ma cousine donne dans le vrai de la chose. Le moyen de bien recevoir des gens qui sont tout à fait incongrus en galanterie ? Je m’en vais gager qu’ils n’ont jamais vu la Carte de Tendre, et que billets-doux, petits-soins, billets-galants et jolis-vers, sont des terres inconnues pour eux[5]. »

Erik Orsenna fait allusion à la Carte de Tendre dans La Fabrique des mots, publié aux éditions Stock en 2013. Camille Chevrillon a illustré le pays de Tendre aux pages 66 et 67 de ce même livre.

Dans son ouvrage publié en 2016, Il n'y a pas d'amour parfait, Francis Wolff propose une "nouvelle carte du Tendre" qui s'articule autour de trois tendances formant un triangle à l'intérieur duquel "tout amour singulier, à un moment donné, [trouve] sa place unique[6]" Ces tendances que sont l'amitié, le désir et la passion constituent les trois pôles requis pour désigner les variations possibles de l'amour, qui peut être fait par exemple de désir et d'amitié, mais de presque aucune passion, comme dans la figure du sexfriend[7].

Anecdote

Pellisson, dont Guilleragues a dit qu’il « abusait de la permission qu’ont les hommes d’être laids[8] » et qui avait longtemps fait une cour assidue à Madeleine de Scudéry, ne put guère obtenir d’elle que ceci :

Enfin, Acanthe, il faut se rendre.
Votre esprit a charmé le mien,
Je vous fais citoyen de Tendre
Mais de grâce n’en dites rien.

Dans la culture populaire

On retrouve la carte de Tendre dans le générique de début du film Les Amants de Louis Malle.

On retrouve Ă©galement une rĂ©fĂ©rence Ă  cette carte très brièvement dans Bande Ă  part (1964) de Jean-Luc Godard, autre cinĂ©aste de la Nouvelle Vague. De fait, le commentaire hors champ indique Ă  propos des deux personnages, Odile et Arthur, que tout Ă©tait « comme si le jeune homme et la jeune fille eussent dĂ©jĂ  Ă©tĂ© sĂ©parĂ©s par un ocĂ©an d’indiffĂ©rence Â»

Georges Moustaki a chanté La carte du Tendre en 1970.

On retrouve aussi la « carte du Tendre Â» dans la chanson Les Ricochets de Georges Brassens :

On redessina
Du pont d'IĂ©na
Au pont Alexandre
Jusqu'Ă  Saint-Michel,
Mais Ă  notre Ă©chelle,
La carte du Tendre (bis).

Notes et références

Notes

  1. C’est par erreur qu’on s’est mis ultérieurement à dire « du Tendre » au lieu de « de Tendre ».

Références

  1. Collinet 1976, p. 109.
  2. Pioffet 2012, p. 109.
  3. Voir le site de la BnF : http://expositions.bnf.fr/ciel/grand/sq11-06.htm.
  4. .
  5. Topwize - DEV&COM, « Tout Molière - Les Précieuses ridicules - Acte 1 », sur www.toutmoliere.net (consulté le )
  6. Francis Wolff, Il n'y a pas d'amour parfait, Paris, Fayard, , 70 p. (ISBN 978-2-213-70173-8), p. 38-39
  7. Francis Wolff, Il n'y a pas d'amour parfait, Paris, Fayard, , 70 p. (ISBN 978-2-213-70173-8), p. 45
  8. Madame de Sévigné, lettre du 5 janvier 1674 à sa fille.

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Émile Colombey, La JournĂ©e des madrigaux, suivie de la Gazette de Tendre (avec la carte de Tendre) et du Carnaval des prĂ©tieuses, Paris, Aubry, 1856, rep. Genève, Slatkine ; Paris, Champion, 1971.
  • [Collinet 1976] Jean-Pierre Collinet, « AllĂ©gorie et prĂ©ciositĂ© », Cahiers de l'AIEF,‎ , p. 103-116 (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • [Pioffet 2012] Marie-Christine Pioffet, « Esquisse d’une poĂ©tique de l’allĂ©gorie Ă  l’âge classique : la glose de l’abbĂ© d’Aubignac », Études littĂ©raires, no 43 (2),‎ , p. 109–128 (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article

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