Camp Boiro
Le camp Boiro ou camp Mamadou-Boiro (1960 – 1984)[1] est un camp de gendarmerie créé au temps de la colonisation française[2] devenu camp d'internement militaire, de torture et de mise à mort de Guinée sous le régime de Sékou Touré. Il se trouve à la limite du centre-ville de Conakry, dans la banlieue de Camayenne[2].
Origine du nom
Le camp porte le nom du l'inspecteur de police Mamadou Boiro, assassiné en 1969 sous Sékou Touré lors de l'extradition de commando prisonnier de Kankan pour Conakry en avion[3].
Un centre de détention et de torture
L'« Auschwitz des Guinéens »[4] abritait les prisonniers politiques du régime, mais aussi de simples citoyens, qui se retrouvaient en « diète noire » (privation de nourriture et de boisson) dans ce camp qui paraissait être un simple camp de la garde présidentielle.
Parmi eux figurent l'ancien secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine, Diallo Telli, qui y meurt le pendant le « complot peul » de 1976[2], Koumandian Keita, le secrétaire général du syndicat des enseignants, ou Fodéba Keïta.
En 1970, les forces portugaises mènent l'opération Mer Verte : elles débarquent à Conakry pour tenter de libérer du Camp Boiro des ressortissants portugais faits prisonniers par le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC)[2].
Abdoulaye Bari, le mari de Nadine Bari arrêté le 29 août 1972 en Côte d'Ivoire par la police politique de Sékou Traoré, envoyé à la prison de Kankan et torturé. Il meurt des suites de ses blessures pendant son transfert au camp Boiro à Tokounou entre Kankan et Kissidougou[5]. Son corps est enterré au bord de la route[5]. Il fait partie de milliers de victimes enlevées, torturées et assassinées dont les familles n'auront pas de nouvelles[6] - [7] - [8]
Amnesty International estime que 50 000 personnes sont mortes dans ce camp[9], décimant l'élite guinéenne.
Le camp d'internement fut définitivement fermé après la mort de Sékou Touré en 1984.
MĂ©moire
Après la mort de Sékou Touré, les cadres du régime du nouveau président Lansana Conté, souvent héritiers du précédent, font disparaître les marques visibles des atrocités commises dans le camp[2].
La « cellule technique » (cabine de torture) est rénovée, et les militaires et leurs familles logés dans le camp empiétèrent peu à peu sur l’espace préservé pour l'histoire, laissé ouvert à tout vent[2].
Plus récemment, les dernières traces ont disparu dans le cadre de la réforme de l’armée menée par le général Sékouba Konaté en 2010[2].
Notes et références
- Référence date sur Lonelyplanet
- Céline Pauthier, « L'héritage controversé de Sékou Touré, « héros » de l'indépendance », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 118, no 2,‎ (lire en ligne)
- Alain Foka, « la rupture avec Paris » [MP3], sur www.archivesdafrique.com
- Tierno Monénembo, « Livre - Camp Boiro : l'Auschwitz des Guinéens », sur Le Point Afrique, (consulté le )
- « Guinée : Nadine Bari, la femme au destin tragique », sur Guinéenews©, (consulté le )
- Romancières Africaines d'expression Française, Editions L'Harmattan, (ISBN 978-2-296-28833-1 et 2-296-28833-2, OCLC 1273982033, lire en ligne), p. 35
- (en) Bram Posthumus, Guinea: Masks, Music and Minerals, Oxford University Press, (ISBN 978-1-78738-116-2, lire en ligne)
- Aït-Aarab Mohamed, Mongo Beti: Un écrivain engagé, KARTHALA Editions, (ISBN 978-2-8111-2129-7, lire en ligne)
- RFI : Les victimes du camp Boiro empêchées de manifester
Voir aussi
TĂ©moignages
- Alsény René Gomez, Camp Boiro : parler ou périr, Éditions Harmattan, , 268 p..
- Camp Boiro de Bah Ardo Ousmane
- Prison d'Afrique de Jean-Paul Alata
- Un prêtre dans les geôles de Sékou Touré de l'archevêque Raymond-Marie Tchidimbo
Liens externes
- Extraits de Amadou Diallo, « La mort de Diallo Telli », éd. Karthala, Paris, 1983
- Témoignages vidéo ina.fr
- Émission Magazine Archives d’Afrique sur RFI, diffusée en : Rencontre avec les victimes du camp Boiro