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Bulle d'or (1186)

La Bulle d'or, édictée par l'empereur Frédéric Barberousse le , est un texte juridique accordant à l'archevêque de Tarentaise l'investiture de toutes les possessions temporelles des métropolitains de Tarentaise, confirmant par-delà la donation par la charte de Rodolphe III de 996.

Remise à l'archevêque Aymon II, elle a été promulguée à la fois dans un contexte de lutte d'influence entre l'empereur, le pape, l'Église de Tarentaise et les comtes de Savoie.

La bulle d'or est une pratique qui a pour origine l'empire byzantin, mais qui a été utilisée par les empereurs du Saint-Empire romain germanique à plusieurs reprises au cours fin du Moyen Âge.

Contexte

Le contrĂ´le de la vallĂ©e de la Tarentaise, oĂą coule l'Isère, et de ses populations relève de plusieurs puissances, locales et rĂ©gionales. D'une part, une partie de la vallĂ©e relève du pouvoir temporel des archevĂŞques de Tarentaise qui ont reçu le comitatus, en 996, Ă  travers une charte du roi Rodolphe III de Bourgogne, dite « charte de Rodolphe III Â»[1] - [2]. Sans ĂŞtre associĂ© aux comtes carolingiens, les archevĂŞques reçoivent « la cession de droits rĂ©els : non seulement des domaines, des redevances, des droits de pĂ©age et justice, mais encore un droit supĂ©rieur sur le fiscus royal. »[3]. Toutefois l'acte ne prĂ©cisait pas la nature de ce territoire, si le pouvoir spirituel du diocèse de Tarentaise s'Ă©tend sur l'ensemble de la vallĂ©e et des vallĂ©es adjacentes, le pouvoir temporel des Ă©vĂŞques semble limitĂ© Ă  la citĂ© de Darantasia (MoĂ»tiers) et la partie basse de la vallĂ©e, c'est-Ă -dire entre Conflans et l'Ă©troit du Siaix ou « Pas du Siaix Â»[3]. Leur main mise sur la Haute-Tarentaise n'a du durer qu'un temps, puisqu'Ă  partir du XIe siècle[3], ce sont les vicomtes de Tarentaise, les seigneurs de Briançon, qui en sont maĂ®tres[4].

Par ailleurs, dans la vallée voisine de Maurienne, une dynastie s'affirme, depuis le début du XIe siècle, les Humbertiens, qui donnera naissance à la maison de Savoie. Ces princes étendent leur pouvoir sur les environs et tentent d'avoir le contrôle sur les diocèses environnants. Selon la tradition, le comte Humbert II serait intervenu, à la demande de l'archevêque l'archevêque Héraclius, en 1082 pour le soutenir contre les seigneurs de Briançon[5]. Les Savoie se seraient ainsi dans la vallée en ayant comme tête de pont le château de Salins, aux portes de Moûtiers[6]. Toutefois, cette version est contestée par l'archiviste paléographe Jacqueline Roubert[7]

Vers 1175, un nouvel archevĂŞque est Ă©lu, Aymon II, un chartreux[8], frère du seigneur Aymeric ou Emeric de Briançon[9] - [10]. Tranchant avec son prĂ©dĂ©cesseur, le nouvel archevĂŞque tente de rĂ©affirmer le pouvoir de l'Église de Tarentaise, en obtenant la confirmation des droits et possessions de celle-ci[8], et pour se faire « [louvoie] entre le pape dont il dĂ©pendait au spirituel, et l'empereur dont il Ă©tait le vassal en tant que comte »[11]. Il obtient une confirmation de ses droits et possessions d'Alexandre III en 1176, puis une bulle de protection en 1184 de la part de Lucius III[8] - [10] - [12]. Cette pĂ©riode est d'ailleurs marquĂ©e par un conflit entre le pape et l'empereur[12]. L'archevĂŞque se tourne, en 1186, avec les mĂŞmes attentes vers l'empereur du Saint-Empire, qui est « trop heureux de lui abandonner Â»[8] - [12]. Joseph Garin, chanoine honoraire de Tarentaise et historien, s'interroge sur cette nouvelle demande « avait-elle pour but de corriger les bulles pontificales de 1172 et 1176, en les complĂ©tant ; ou bien voulait-il seulement se procurer une garantie supplĂ©mentaire, celle de l'empereur s'ajoutant Ă  celle du pape ? Ces deux raisons sont Ă©galement plausibles. »[10]

Teneur de la Bulle d'or

La bulle impériale est délivrée par l'empereur Frédéric Barberousse, le 6 des ides de mai 1186[9], soit le [11] - [13] - [Note 1], à Pavie[9] - [13], à l'archevêque de Tarentaise, Aymon II[11]. Le document est une grande feuille de parchemin[13]. L'archiviste-médiéviste Jean-Yves Mariotte en donne une description précise lors d'une Rencontres du Centre Européen d’Études Bourguignonnes en 1966[13].

Jean-Yves Mariotte observe que « certaines formules sont identiques dans les deux actes », la Bulle et la Charte de 996[13]. Le médiéviste en déduit que le rédacteur de l'acte de 1186 devait avoir sous les yeux le diplôme de 996[13]. Dans le texte, les regalia (droits de justice, perception des péages, monnayage) remplacent le comitatus mentionné dans la charte rodolphienne.

Le document liste ainsi l'ensemble des possessions sur lesquels s'étend directement le pouvoir de l'archevêque : la cité de Moutiers (Musterio) ; les châteaux de Saint-Jacques (Castrum S. Jacobi), de Briançon (Castrum de Briançone) — alors absent dans les confirmations de 1172 et 1176 — et une partie de celui de Conflans (partem quam habet in castro de Conflens) ; Villette ; les vallées de Bozel, des Allues, de Saint-Jean-de-Belleville (Vallée des Belleville), avec les villages de la Flachère et de la Combe (dans la vallée des Belleville), les vallées de Saint-Didier (La Bâthie), de Luce (Beaufort et le Beaufortain), avec toutes leurs dépendances[10] - [11].

L'archevêque est, par ailleurs, autorisé à revendiquer l'ensemble des biens qui auraient été soustraits à l'Église de Tarentaise[12], mais aussi de reconstruire les châteaux détruits ou d'en faire édifier de nouveaux[11]. Enfin, la bulle précise que cette autorité archiépiscopale ne pourra être remise en cause, avec l'« exclusion formelle de tout duc, marquis, comte et vicomte qui pourraient y prétendre »[11].

Conséquences

Après avoir obtenu d'Alexandre III « par la crosse et l'anneau Â» l'investiture de ses biens, Aymon II reçoit celui « par le sceptre Â» de l'empereur FrĂ©dĂ©ric[10] - [11]. De fait, l'acte place l'archevĂŞque directement comme vassal de l'Empire, empĂŞchant ainsi l'extension de l'influence des Humbertiens sur la vallĂ©e et limitant leur pouvoir grandissant sur les diocèses voisins[11] - [12]. Le comte ayant soutenu le pape Alexandre III contre l'empereur, l'historien Bruno Galland considère que la prĂ©cision finale de l'acte est « très clairement rĂ©digĂ©e contre le comte de Savoie »[12].

Il faudra attendre l'année 1189 pour que la paix s'installe entre l'Empereur et le comte de Savoie[11].

Voir aussi

Bibliographie

  • Gallia Christiana, XII, Instrum., 387
  • Jean-Yves Mariotte, « La Bulle d'or de FrĂ©dĂ©ric Barberousse pour l'archevĂŞque de Tarentaise », Publications du Centre EuropĂ©en d’Études Bourguignonnes, ChambĂ©ry, no 9,‎ , p. 93–97
  • Jacqueline Roubert, « La seigneurie des ArchevĂŞques Comtes de Tarentaise du Xe au XVIe siècle », MĂ©moires de l'AcadĂ©mie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, impr. Chatelain (ChambĂ©ry), t. 5, no 6,‎ , p. 235 (lire en ligne).

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Certains auteurs ont pu traduire le « 6 des ides de mai Â» par la date du «  Â».

Références

  1. Réjane Brondy, Bernard Demotz et Jean-Pierre Leguay, La Savoie de l’an mil à la Réforme, XIe siècle-début XVIe siècle, Rennes, Ouest-France, , 455 p. (ISBN 2-85882-536-X), p. 21.
  2. J. Luquet, E. Vasseur, « La charte de Rodolphe : le plus ancien document des archives de la Savoie, « Précepte de Rodolphe III, roi de Bourgogne, accordant le pouvoir comtal à l'archevêque de Tarentaise Amizon » », Conseil général de la Savoie - Archives départementales, (consulté le ).
  3. Roubert, 1961, p. 61-63 (lire en ligne).
  4. Roubert, 1961, p. 64-66 (lire en ligne).
  5. Claude Genoux, Histoire de Savoie depuis la domination romaine jusqu'Ă  nos jours, F. Saillet, , 482 p. (lire en ligne), p. 86-88.
  6. Étienne-Louis Borrel, Les monuments anciens de la Tarentaise (Savoie), Paris, Ducher, , 334 p. (lire en ligne), p. 150-153
    Étienne-Louis Borrel (1822-1906), architecte et historien de la Savoie, vice-président de l'Académie de la Val d'Isère.
  7. Roubert, 1961, p. 67-69 (lire en ligne).
  8. Jacques Lovie, Histoire des diocèses de France : Chambéry, Tarentaise, Maurienne, vol. 11, Paris, Éditions Beauchesne, , 299 p. (ISSN 0336-0539), p. 43.
  9. Étienne-Louis Borrel, Les monuments anciens de la Tarentaise (Savoie), Paris, Ducher, , 334 p. (lire en ligne), p. 142.
  10. Joseph Garin, Histoire féodale des seigneurs de Briançon, Savoie (996-1530), t. XII, Besançon, Imprimerie de l'Est, coll. « Recueil des mémoires et documents de l'Académie de la Val d'Isère », (lire en ligne), p. 72-78, « L'archevêque Aymon et les derniers Briançon »
  11. Roubert, 1961, p. 79-81 (lire en ligne).
  12. Bruno Galland, « Les papes d’Avignon et la Maison de Savoie (1309-1409) », Publications de l'École française de Rome, vol. 247,‎ , p. 25-26, 29-30 (lire en ligne).
  13. Mariotte, 1966, p. 93.
  14. Joseph-Antoine Besson, Mémoires pour l'histoire ecclésiastique des diocèses de Genève, Tarentaise, Aoste et Maurienne et du décanat de Savoye, S. Hénault, 1759 (copie de l'exemplaire bibliothèque cantonale et universitaire de lausanne), 506 p. (lire en ligne), p. 370-371, preuve n°38 « Investiture donnée par l'Empereur Frederic à Aymon Archevêque de Tarentaise du temporel de son Eglise ».
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