AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Bostock v. Clayton County, Georgia

L'arrĂȘt Bostock v. Clayton County, Georgia, 590 U.S. ___ (2020), est un arrĂȘt de la Cour suprĂȘme des États-Unis rendu le , concernant les discriminations Ă  l'Ă©gard des personnes homosexuelles et trans. Dans sa dĂ©cision, la Cour suprĂȘme estime qu'un employeur qui licencie une personne pour le seul motif d'ĂȘtre homosexuelle ou transgenre viole le titre VII du Civil Rights Act de 1964, qui interdit notamment les discriminations fondĂ©es sur le « sexe Â» dans le monde du travail.

Bostock v. Clayton County (Georgia)
Sceau de la Cour suprĂȘme des États-Unis
Cour suprĂȘme des États-Unis
Informations générales
Nom complet Gerald Lynn Bostock v. Clayton County, Georgia
Composition de la cour Sous la présidence de John Roberts, assisté de Clarence Thomas, Ruth Bader Ginsburg, Stephen Breyer, Samuel Alito, Sonia Sotomayor, Elena Kagan, Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh
Question posĂ©e Est-ce que le titre VII du Civil Rights Act de 1964, qui interdit la discrimination dans l'emploi « en raison de [
] le sexe Â» englobe la discrimination fondĂ©e sur l’orientation sexuelle ou l’identitĂ© de genre d’une personne ?
Soumis
Plaidé le
Décidé
RĂ©ponse donnĂ©e Un employeur qui licencie une personne pour le seul motif d'ĂȘtre homosexuelle ou transgenre viole le titre VII du Civil Rights Act de 1964.
No de l'affaire 590 U.S. (2020)
Branche de droit Discrimination, droits LGBT
Lien cas https://www.oyez.org/cases/2019/17-1618
Lien débats https://supreme.justia.com/cases/federal/us/590/17-1618/
Opinion majoritaire
Juge Neil Gorsuch rejoint par John Roberts, Ruth Bader Ginsburg, Stephen Breyer, Sonia Sotomayor, Elena Kagan
Opinion(s) dissidente(s)
Juge(s) Clarence Thomas, Samuel Alito, Brett Kavanaugh

Faits et procédure

Photographie de la Cour suprĂȘme des États-Unis, bĂątiment nĂ©oclassique.
Les auditions devant la Cour suprĂȘme se dĂ©roulent le .

En 2013, Gerald Bostock est renvoyé de son poste de coordinateur de services sociaux pour l'enfance du comté de Clayton en Géorgie pour mauvais usage des fonds qui lui étaient confiés[1]. Le comté lui reproche plus de 12 000 dollars de dépenses injustifiées, soit la quasi-totalité de son budget.

Gerald Bostock porte plainte pour discrimination, affirmant que la vraie raison de son licenciement est la découverte de son orientation sexuelle (il venait de rejoindre une équipe gay de softball[2]).

Son licenciement est confirmé par la Cour d'appel du 11e circuit, qui estime que la loi américaine n'interdit pas les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle[3].

Les auditions devant la Cour suprĂȘme se dĂ©roulent le [4]. Deux autres affaires sont traitĂ©es en mĂȘme temps que Bostock v. Clayton County, Georgia. L'arrĂȘt Altitude Express Inc. v. Zarda concerne Donald Zarda, un moniteur de parachutisme renvoyĂ© peu aprĂšs avoir rĂ©vĂ©lĂ© son homosexualitĂ© Ă  des clients ; aprĂšs son dĂ©cĂšs dans un accident de parachute, ses hĂ©ritiers poursuivent la procĂ©dure devant la justice[5]. R.G. & G.R. Harris Funeral Homes v. EEOC concerne le licenciement d'Aimee Stephens, qui venait d'informer son employeur de sa transidentitĂ© et de son souhait d'utiliser son nouveau nom et porter des vĂȘtements correspondant Ă  son genre[5]. Le dirigeant de la maison funĂ©raire qui l'emploie affirme alors qu'il « violerait les ordres de Dieu [s'il autorisait Stephens] Ă  nier son sexe tout en reprĂ©sentant son entreprise »[6]. Stephens dĂ©cĂšde Ă©galement en cours de procĂ©dure[5]. Contrairement Ă  l'affaire Bostock, ces deux dĂ©cisions tranchent en faveur des personnes LGBT[3].

Lors des auditions d', seuls 22 Ă‰tats amĂ©ricains (sur 50) interdisent les discriminations dans l'emploi basĂ©es sur l'orientation sexuelle et 21 celles basĂ©es sur l'identitĂ© de genre[6]. Selon un rapport de Movement Advancement Project en partenariat avec le National LGBTQ Workers Center de 2018, une personne LGBT sur huit et plus du quart des travailleurs transgenres estiment avoir subi des discriminations au travail en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identitĂ© de genre[7]. La presse note Ă©galement que les auditions interviennent aprĂšs le dĂ©part Ă  la retraite d'Anthony Kennedy, auteur de toutes les grandes dĂ©cisions sur les droits LGBT (de Lawrence v. Texas Ă  Obergefell v. Hodges), et son remplacement par un juge plus conservateur, inquiĂ©tant les associations LGBT[8] - [9].

DĂ©bat juridique

L'arrĂȘt de la Cour suprĂȘme doit dĂ©terminer si le titre VII du Civil Rights Act de 1964, qui interdit aux employeurs de « refuser de recruter ou licencier une personne [
] Ă  cause de la race, la couleur, le religion, le sexe ou l'origine nationale de cette personne », s'Ă©tend Ă  l'orientation sexuelle ou l'identitĂ© sexuelle d'une personne[6]. Les opposants comme les dĂ©fenseurs de cette application extensive s'accordent Ă  dire que cette protection de l'orientation sexuelle et de l'identitĂ© de genre n'Ă©tait pas l'intention du lĂ©gislateur des annĂ©es 1960[6].

Les partisans de cette extension estiment toutefois que licencier un homme qui est attirĂ© par les hommes et non une femme attirĂ©e par les hommes constitue une discrimination fondĂ©e sur le sexe de la personne renvoyĂ©e. Au contraire, les opposants Ă  cette interprĂ©tation considĂšrent qu'il n'y a pas de discrimination si toutes les personnes homosexuelles — hommes comme femmes — sont renvoyĂ©es en raison de leur orientation sexuelle. Dans l'Altitude Express Inc. v. Zarda, la justice rĂ©fute ce dernier argument estimant, par analogie, que « renvoyer un homme qui aime les romans d'amour, mais pas une femme qui aime les mĂȘmes livres » est une discrimination Ă©videmment fondĂ©e sur le sexe de la personne[6].

Concernant l'identitĂ© sexuelle, l'arrĂȘt R.G. & G.R. Harris Funeral Homes v. EEOC juge que forcer une femme transgenre Ă  se vĂȘtir et agir comme un homme et ne pas imposer les mĂȘmes obligations aux autres femmes est une discrimination fondĂ©e sur le sexe de la personne, puisqu'il s'agit pour l'employeur de forcer les hommes Ă  se vĂȘtir et agir d'une certaine maniĂšre, diffĂ©rente des femmes. La Cour d'appel rajoute qu'il est impossible de renvoyer une personne transgenre, pour cette raison, sans se fonder au moins en partie sur son sexe[6].

L'administration Trump, par le biais de son avocat général Noel Francisco, défend l'application stricte de la loi. Elle soutient que la notion de sexe ne recouvre pas celles d'orientation sexuelle et d'identité sexuelle, ajoutant que « le traitement défavorable d'un employé gay ou d'une employée lesbienne en tant que tel n'est pas la conséquence du sexe de cette personne »[4] - [10]. Pour appuyer son argumentaire, le département de la Justice rappelle que depuis l'adoption de la loi en 1964 le CongrÚs a rejeté à plusieurs reprises des amendements visant à étendre le titre VII à l'orientation sexuelle, prouvant ainsi qu'elle n'était pas protégée par le texte original[4].

Deux prĂ©cĂ©dents arrĂȘts de la Cour suprĂȘme ont cependant dĂ©jĂ  Ă©largi la notion de « sexe Â». Dans l'arrĂȘt Price Waterhouse v. Hopkins de 1989, la Cour reconnaĂźt qu'une femme qui n'a pas reçu de promotion car elle n'Ă©tait pas assez fĂ©minine avait fait l'objet d'une discrimination illĂ©gale, considĂ©rant que discriminer une personne pour ne pas se conformer aux attentes liĂ©es Ă  son genre constitue une discrimination basĂ©e sur le sexe de cette personne. Dans l'arrĂȘt Oncale v. Sundowner Offshore Services, Inc. de 1998, la plus haute juridiction amĂ©ricaine estime que le harcĂšlement sexuel entre personnes de mĂȘme sexe constitue Ă©galement une discrimination basĂ©e sur le sexe[11].

DĂ©cision de la Cour suprĂȘme

Portrait de Neil Gorsuch dans sa robe de juge devant une bibliothÚque et le drapeau américain.
Le juge conservateur Neil Gorsuch est l'auteur de l'arrĂȘt Bostock v. Clayton County, Georgia.

Dans une dĂ©cision rĂ©digĂ©e par Neil Gorsuch, la Cour suprĂȘme estime qu'« un employeur qui licencie une personne pour le seul motif d'ĂȘtre homosexuelle ou transgenre viole la loi » (« An employer who fires an individual merely for being gay or transgender defies the law »). Elle ajoute qu'« un employeur qui licencie une personne pour ĂȘtre homosexuelle ou transgenre licencie une personne pour des traits ou des actions qu'il n'aurait pas questionnĂ©s chez les personnes d'un autre sexe » (« An employer who fires an individual for being homosexual or transgender fires that person for traits or actions it would not have questioned in members of a different sex ») et qu'« il est impossible de discriminer une personne pour ĂȘtre homosexuelle ou transgenre sans discriminer cette personne sur la base de son sexe » (« It is impossible to discriminate against a person for being homosexual or transgender without discriminating against that individual based on sex »)[8].

Gorsuch rappelle cependant que la décision ne s'applique qu'au domaine de l'emploi et que le Civil Rights Act de 1964 prévoit des exceptions pour les employeurs étant des organisations religieuses[8].

Gorsuch est rejoint par les quatre juges libéraux de la Cour (Ruth Bader Ginsburg, Stephen Breyer, Sonia Sotomayor et Elena Kagan), ainsi que son président John G. Roberts Jr.[12]. Le fait que Gorsuch, juge conservateur, rédige la décision est parfois considéré comme une surprise par la presse[8]. D'autres estiment cependant qu'il s'agit d'une décision logique pour un juge textualiste comme Gorsuch, qui privilégie le texte à l'intention de l'auteur[5].

RĂ©actions

Dans une opinion divergente, le juge conservateur Samuel Alito critique la majoritĂ©, estimant qu'elle prend le rĂŽle du lĂ©gislateur et abuse de son autoritĂ©. Il rappelle que, lors de son adoption, le Civil Rights Act de 1964 ne visait pas Ă  protĂ©ger les discriminations basĂ©es sur l'orientation sexuelle ou l'identitĂ© de genre et que le CongrĂšs n'a pas adoptĂ© de loi en ce sens[8]. Alito est rejoint dans son opinion par Clarence Thomas[12]. Dans une opinion divergente sĂ©parĂ©e, Brett Kavanaugh souligne l'importance de l'arrĂȘt de la Cour mais estime Ă©galement que le rĂŽle de la Cour suprĂȘme n'est pas de modifier la loi[12].

L'arrĂȘt constitue la premiĂšre dĂ©cision de la Cour suprĂȘme des États-Unis apportant une protection juridique en faveur des personnes transgenres[9].

Bostock v. Clayton County, Georgia est considĂ©rĂ© comme un revers pour les chrĂ©tiens conservateurs et l'administration Trump, qui avaient fait de la nomination de juges conservateurs — Ă  l'image de Neil Gorsuch — une prioritĂ©[5].

Notes et références

  1. (en-US) Richard Belcher, « Clayton court official under investigation over misused money », sur WSBTV (consulté le )
  2. (en) Tim Fitzsimons, « Central figures in Supreme Court LGBTQ discrimination cases speak out », sur nbcnews.com, NBC News, (consulté le ).
  3. Charlotte Plantive, « Les droits des employĂ©s LGBT semblent diviser la Cour suprĂȘme », sur lapresse.ca, La Presse, (consultĂ© le ).
  4. (en) Alejandro De La Garza, « Trump Administration Asks Supreme Court to Legalize Workplace Discrimination Against Gay Employees », sur time.com, Time, (consulté le ).
  5. (en) Matt Ford, « Neil Gorsuch Just Upended the Conservative Legal Project », sur newrepublic.com, The New Republic, (consulté le ).
  6. (en) Ian Millhiser, « The Supreme Court showdown over LGBTQ discrimination, explained », sur vox.com, Vox, (consulté le ).
  7. (en) Susan Miller, « 'Shocking' numbers: Half of LGBTQ adults live in states where no laws ban job discrimination », sur usatoday.com, USA Today, (consulté le ).
  8. (en) Adam Liptak, « Civil Rights Law Protects Gay and Transgender Workers, Supreme Court Rules », sur nytimes.com, The New York Times, (consulté le ).
  9. (en) Anthony Zurcher, « Supreme Court LGBT ruling: Why it is such a big deal », sur bbc.com, BBC News, (consulté le ).
  10. Robin Lemoine, « L'équipe de Trump veut légaliser la discrimination anti-gays au travail », sur slate.fr, Slate, (consulté le ).
  11. (en) Selena Simmons-Duffin, « 'Whiplash' Of LGBTQ Protections And Rights, From Obama To Trump », sur npr.org, National Public Radio, (consulté le ).
  12. (en) Marcia Coyle, « 'No Contest': Gorsuch Leads SCOTUS Ruling That Protects LGBT Employees Against Firing », sur law.com, The National Law Journal, (consulté le ).
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.