Bataille du château d'Itter
La bataille du château d'Itter a opposé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, d'un côté, des troupes américaines aidées par des soldats de la Wehrmacht et par des personnalités politiques françaises détenues dans cette forteresse autrichienne et qui venaient d'être libérées, et de l'autre, des éléments de la Waffen-SS[1]. En raison principalement de l'alliance improbable à laquelle elle a donné lieu, la bataille est dite « la plus étrange » de la Seconde Guerre mondiale[2].
Date | |
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Lieu | Château d'Itter, Autriche |
Issue | Victoire alliée |
États-Unis Anciens prisonniers français Wehrmacht Résistance autrichienne | Waffen-SS |
John Lee Harry Basse Josef Gangl †Kurt Schrader | Georg Bochmann |
36 combattants 4 chars | 150–200 combattants 3 canons de 88 mm |
1 tué, 4 blessés 1 char détruit | pertes et blessés inconnus, 100 prisonniers |
Coordonnées | 47° 28′ 14″ nord, 12° 08′ 22″ est |
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Contexte
À la fin de 1940, le château d'Itter a été officiellement loué par le gouvernement allemand auprès du propriétaire Franz Grüner puis réquisitionné à partir du 7 février 1943 par le lieutenant général SS Oswald Pohl sur ordre d'Heinrich Himmler. Le 25 avril 1943, le château est inauguré en tant que camp annexe du Camp de concentration de Dachau pour y loger des prisonniers de guerre importants pour le Reich, principalement français. Parmi les prisonniers, il y avait le joueur de tennis Jean Borotra, les anciens présidents du conseil Édouard Daladier et Paul Reynaud (à la suite du procès de Riom), les anciens officiers généraux Maurice Gamelin (également à la suite du procès de Riom) et Maxime Weygand, la résistante Marie-Agnès Cailliau, sœur aînée de Charles de Gaulle, le résistant François de La Rocque ainsi que le syndicaliste Léon Jouhaux.
Bataille
Le 3 mai 1945, Zvonimir Čučković, un membre de la résistance communiste yougoslave qui travaillait à l'entretien de la prison, quitte le château sous prétexte de faire une course pour le commandant de la prison, Sebastian Wimmer. Čučković portait avec lui une lettre en anglais demandant l'aide des Alliés qu'il devait donner au premier Américain qu'il rencontrerait.
La ville de Wörgl située à 8 kilomètres dans les montagnes étant toujours occupée par les troupes allemandes, Čučković suit la vallée de la rivière Inn en direction d'Innsbruck, distante de 64 km. Tard dans la soirée, il atteint la périphérie de la ville et rencontre un groupe d'avant-garde du 409th Infantry Regiment de la 103rd Infantry Division américaine du US VI Corps et leur transmet le message des prisonniers du château. Cette avant-garde est incapable d'opérer un sauvetage mais promet à Čučković une réponse de leur quartier général au matin du 4 mai.
À l'aube, un blindé est dépêché vers le château mais est arrêté par des bombardements juste après Jenbach, à mi-chemin d'Itter, puis rappelé par des supérieurs pour suivre la 36e division américaine à l'est. Seules deux jeeps de personnel auxiliaire continuent leur route pour rejoindre le château.
Après le non-retour de Čučković et la mort dans la prison de l'ancien commandant de Dachau Eduard Weiter dans des circonstances suspectes le 2 mai, Wimmer craint pour sa propre vie et abandonne son poste. Les gardes SS-Totenkopfverbände quittent le château peu de temps après, les prisonniers prenant le contrôle du château et s'équipant avec les armes abandonnées.
N'ayant pas appris le résultat de la mission de Čučković, les responsables de la prison acceptent l'offre d'un cuisinier tchèque, Andreas Krobot, de se rendre à Wörgl le 4 mai à la mi-journée, dans l'espoir d'obtenir de l'aide. Écrivant une note similaire à celle de Čučković, ils réussissent à contacter la résistance autrichienne dans cette ville, qui a été récemment abandonnée par les forces de la Wehrmacht mais réoccupée par des troupes de la Waffen-SS. Ils sont emmenés au commandant Josef Gangl, commandant des restes d'une unité de soldats de la Wehrmacht qui a eu pour ordre de battre en retraite mais qui, au contraire, s'est mise à la tête de la résistance locale.
Gangl cherche à maintenir la position de son unité dans la ville pour protéger les résidents locaux contre les représailles des SS. Les loyalistes nazis tirent sur n'importe quelle fenêtre affichant un drapeau blanc ou autrichien, et exécutent sommairement des hommes considérés comme possibles déserteurs.
À peu près au même moment, une unité de reconnaissance de quatre chars Sherman du 23e bataillon de chars, de la 12e division blindée du XXIe corps américain, sous le commandement du capitaine John C."Jack" Lee, atteint Kufstein, en Autriche, à 13 km au nord. Là , sur la place de la ville, le bataillon de Lee ralentit en attendant que la 12th soit relevée par la 36th Infantry Division. Gangl demande à Lee de les aider et n'hésite pas à se porter volontaire pour mener la mission de sauvetage. Le capitaine Lee obtient immédiatement la permission de son QG.
Après une reconnaissance personnelle du château avec Gangl dans le Kübelwagen du major, Lee quitte deux de ses chars mais en réquisitionne cinq de plus et a le soutien du 142e Régiment d'Infanterie ainsi que du 36e. En route, Lee est contraint de renvoyer les renforts quand un pont s'avère trop étroit. Laissant derrière lui un de ses chars pour garder le pont, il continue accompagné seulement de 14 soldats américains, de Gangl, et d'un chauffeur, ainsi que d'un camion transportant dix anciens artilleurs allemands. À 6 km du château, ils défont un groupe de soldats SS qui tentent d'établir un barrage routier.
Pendant ce temps, les prisonniers français ont demandé à un officier SS, Kurt-Siegfried Schrader, avec lequel ils se sont liés d'amitié à Itter pendant sa convalescence de blessures, de prendre en charge leur défense. Lors de l'arrivée de Lee au château, les prisonniers accueillent chaleureusement la force de sauvetage, mais sont déçus de sa petite taille. Lee place les hommes sous ses ordres dans des positions défensives autour du château et positionne son tank, "Besotten Jenny", à l'entrée principale.
Lee ordonne aux prisonniers français de se cacher, mais ils restent dehors et se battent aux côtés des soldats américains et de ceux de la Wehrmacht. Tout au long de la nuit, les défenseurs sont harcelés par une force de reconnaissance envoyée pour évaluer leur force et sonder la forteresse à la recherche de faiblesses. Dans la matinée du 5 mai, une force de 100-150 Waffen-SS de la 17e division SS Götz von Berlichingen lance une attaque. Avant le début de l'assaut principal, Gangl a pu téléphoner à Alois Mayr, le chef de la résistance autrichienne à Wörgl, et demander des renforts. Seuls deux autres soldats allemands sous son commandement et un jeune membre de la résistance autrichienne, Hans Waltl, peuvent être récupérés pour les aider, ce maigre renfort se rend rapidement au château. Le char Sherman fournit un appui-feu de mitrailleuse jusqu'à ce qu'il soit détruit par un tir allemand d'un canon de 88 mm ; il était occupé à ce moment-là uniquement par un ingénieur cherchant à réparer la radio défectueuse du char, ce dernier a réussi a quitter le char sans blessure.
Pendant ce temps, au début de l'après-midi, la demande de renfort a finalement atteint le 142e régiment d'infanterie de la 36e division d'infanterie du 21e corps de la 7e armée, qui arrive en renfort sur les lieux. Celle-ci arrive vers 15h00 et les SS sont rapidement vaincus. Une centaine de prisonniers SS sont alors capturés. Le major Josef Gangl est la seule victime du côté des défenseurs. Les prisonniers français sont évacués vers la France le soir-même et atteignent Paris le 10 mai.
Dans la culture
Le groupe de heavy metal Sabaton raconte cette bataille dans la chanson The Last Battle sur leur album The Last Stand, consacré à différentes batailles "de la dernière chance".
Notes et références
- Jean-Marie Pottier, « Le jour le plus dingue : comment des GIs se sont alliés à des soldats de la Wehrmacht pour libérer des Français en mai 1945 », sur Slate.fr, (consulté le ).
- Harding 2014, p. 7.
Bibliographie
- Stephen Harding (trad. Danielle Lafarge), La Dernière Bataille : quand GI's et soldats de la Wehrmacht s'allient pour libérer des personnalités françaises, Ixelles Éditions, , 384 p. (ISBN 978-2-87515-488-0, présentation en ligne)
- Benoît Luc, Otages d'Hitler, Paris, Éditions Vendémiaire, (1re éd. 2011), 250 p. (ISBN 978-2-36358-109-9, présentation en ligne)