« Le lendemain du départ de Frotté, du Boisguy ayant réuni ses colonnes du Centre et Normande, fit appeler le grenadier qui s’était rendu à lui et le présenta à ses officiers en leur disant : « Messieurs, je dois la vie à ce brave homme ; Louvières, je vous le recommande, placez-le dans vos grenadiers et ayez soin qu’il soit bien traité. » Louvières l’incorpora aussitôt dans les grenadiers de sa colonne, où il fut reçu aux cris de « Vive le Roi ! »
Pontbriand, qui avait suivi Frotté et du Boisguy jusqu’à Poillé, les quitta dans ce lieu pour retourner à Vitré. La Tuolais, qui avait la fièvre, et l’abbé Frétigny devaient l’accompagner jusqu’à Landéan. Ils n’avaient pas encore fait une lieue, quand ils entendirent une terrible fusillade, qui dura une heure et demie. Comme le feu semblait se rapprocher d’eux, ils marchaient avec précaution, lorsqu’ils aperçurent un groupe de cavaliers qui venaient au galop dans un chemin creux, sur la paroisse de Parigné, et bientôt, ils reconnurent du Boisguy, qui leur dit en arrivant à eux : « Messieurs, la danse est pour aujourd’hui ; à peine veniez-vous de nous quitter, qu’on vint me prévenir que l’adjudant-général Bernard venait d’arriver à Montours et marchait sur Le Ferré ; j’ai cru qu’il n’avait que les troupes que quatre de nos compagnies ont combattu hier, et j’ai marché contre lui ; ils étaient auprès du village de Valennes quand je les ai rencontrés ; j’ai chargé Dauguet, avec ses Normands, de défendre la chaussée de l’étang, et j’ai attaqué de l’autre côté ; déjà , j’avais poussé assez loin ce qui était devant moi, quoique les ennemis me parussent plus nombreux que je ne le croyais, lorsqu’on vint me dire que mes Normands étaient en déroute et que j’avais affaire à plus de trois mille hommes, ce qui me fut confirmé par deux prisonniers. J’ai commandé la retraite et indiqué Parigné pour point de ralliement ; j’y vais ; dans deux heures j’aurai tout mon monde, et j’espère avoir bientôt ma revanche. Adieu. »
Le général Bernard s’était rendu, la veille, à Saint-James, au-devant d’un corps de huit cents hommes qui venaient de Pontorson ; une autre troupe, forte de deux mille hommes, arrivait d’Avranches, et ce fut cette dernière qui rompit les Normands et décida la déroute.
Du Boisguy eut quatorze hommes tués et trente blessés, parmi lesquels les lieutenants Michel Desrues, de Louvigné-du-Désert ; Armand Bigot, de Bazouges, et Charles Fontaine, de Vessay ; Jean Lagogué, de Fougères, Julien Hellier, du Ferré ; François Auguet, de Huisnes, et Jean Forget, de Vessay, soldats, qui le furent grièvement.
Le grenadier qui s’était rendu la veille à du Boisguy fut tué dès le commencement de l’action. Du Boisguy lui donna des regrets ; dix-huit heures auparavant, il tenait sa vie entre ses mains, et, au lieu de le tuer, il lui sacrifia la sienne et périt en combattant pour lui. Quelle étrange destinée, et combien les desseins de Dieu sont incompréhensibles. »