Bataille de Naungyo
La bataille de Naungyo (birman : áá±áŹááșáááŻážáááŻááșááœáČ, nĂ uÉŽjĂł taiÊpwÉÌ ; ou Naungyoe) mit aux prises en novembre/dĂ©cembre 1538 les armĂ©es du Royaume de TaungĂ» et du Royaume d'Hanthawaddy dans le delta de l'Irrawaddy, en Basse-Birmanie. Elle fut la plus importante de la guerre entre les deux Ă©tats (1534â1541). L'armĂ©e de TaungĂ», menĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Kyawhtin Nawrahta (futur roi Bayinnaung) remporta une victoire dĂ©cisive sur les forces supĂ©rieures en nombre et mieux Ă©quipĂ©es d'Hanthawaddy, menĂ©es par les gĂ©nĂ©raux Binnya Dala et Minye Aung Naing. Seule une petite portion de ces forces rĂ©ussirent Ă atteindre leur destination, la citĂ© fortifiĂ©e de Prome (Pyay). DĂ©cimĂ©es, elles ne furent plus en mesure de reprendre les territoires dont s'Ă©tait emparĂ© TaungĂ».
Date | novembre/decembre 1538 |
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Lieu | Naungyo, dans le delta de l'Irrawaddy[1] |
Issue | victoire de TaungĂ» |
Armée birmane | Armée mÎne |
Bayinnaung[2] Taw Maing Ye Bayathingyan | Binnya Dala[2] Minye Aung Naing â |
1000[3] 500 cavaliers 50 éléphants | 8000 800 cavaliers 200 éléphants |
Guerre entre TaungĂ» et Hanthawaddy
Cette bataille est la plus célÚbre de l'histoire de la Birmanie. C'est à sa suite que Kyawhtin Nawrahta reçut de son beau-frÚre le roi Tabinshwehti le titre de « Bayinnaung » (lit. FrÚre aßné du roi). Cette bataille est considérée comme « la premiÚre touche caractéristique du grand Bayinnaung »[4], fondateur du plus grand empire de l'histoire de l'Asie du Sud-Est.
Le terme « Naungyo » est entrĂ© dans le lexique birman. On dit habituellement « áá±áŹááșáááŻáž á áááșááŹááșááŸáá᫠» (lit. Aie l'esprit de Naungyo) ou « ááŻááá·áșáá±áŹááș áá±áŹááșáá»ááșááááŻááŻááș » (lit. DĂ©truis tes radeaux comme Bayinnaung) pour encourager quelqu'un à « se jeter Ă l'eau »[1].
Origines
Dans les annĂ©es 1530, le royaume mĂŽn d'Hanthawaddy (qui s'Ă©tendait sur l'actuelle Basse-Birmanie) Ă©tait le plus prospĂšre des Ă©tats apparus aprĂšs l'effondrement du Royaume de Pagan en 1287. Le Royaume de TaungĂ», un ancien vassal du royaume birman d'Ava, n'avait Ă©tĂ© fondĂ© qu'en 1510. Lorsqu'Ava fut dĂ©truit par une confĂ©dĂ©ration d'Ătats Shans en 1527, TaungĂ» se retrouva entourĂ© de royaumes plus grands de tous les cĂŽtĂ©s : au nord, la confĂ©dĂ©ration, Ă l'ouest sa vassale Prome et au sud Hanthawaddy. La situation reculĂ©e de TaungĂ», dans la vallĂ©e de la Sittang Ă l'est de la chaĂźne des Bago Yoma, loin de l'Irrawaddy, attira de nombreux rĂ©fugiĂ©s birmans Ă©chappĂ©s d'Ava.
Guerre entre TaungĂ» et Hanthawaddy
Bien que les royaumes environnants ne lui fussent pas nécessairement hostiles, le roi Tabinshwehti décida de prendre l'initiative. Il choisit d'attaquer Hanthawaddy, car son jeune roi Takayutpi avait une réputation d'incompétence et n'était pas respecté par des propres gouverneurs. à partir de 1534, Taungû lança des raids contre Hanthawaddy à chaque saison sÚche. Trois années de suite, ces raids échouÚrent devant les fortifications de la capitale Pégou, défendue par deux ministres expérimentés et des mercenaires étrangers disposant d'armes à feu. Incapable de vaincre par la force, Taungû utilisa un stratagÚme pour diviser les forces d'Hanthawaddy : il fit douter Takayutpi de la loyauté de ses ministres, qui avaient été ses tuteurs depuis son enfance et lui étaient absolument dévoués. Takayutpi eut la sottise de les faire exécuter[5].
Lorsque les armĂ©es de TaungĂ» attaquĂšrent Ă nouveau Ă la fin de 1538, Takayutpi, maintenant privĂ© de ses meilleurs gĂ©nĂ©raux, perdit courage et quitta sa capitale pour Prome, oĂč rĂ©gnait son beau-frĂšre Narapati (en), vassal des Shans. Il ne s'enfuit pas vers Martaban, qui faisait partie de son royaume, car il n'avait pas confiance dans son gouverneur Saw Binnya (un autre de ses beaux-frĂšres). TaungĂ» prit PĂ©gou sans coup fĂ©rir au tout dĂ©but de 1539.
Fuite vers Prome
La voie la plus directe pour se rendre à Prome depuis Pégou traverse les collines de Bago Yoma, ce qui n'est pas possible pour des armées importantes. Takayutpi choisit de passer par le delta de l'Irrawaddy en divisant ses forces : cinq divisions voyagÚrent par voie de terre, tandis que Takayutpi et le reste de ses troupes naviguaient sur 700 embarcations[2].
Ă PĂ©gou, Tabinshwehti et son gĂ©nĂ©ral en chef Bayinnaung Ă©taient bien conscients de n'avoir pris la ville que par ruse et que la puissance militaire d'Hanthawaddy Ă©tait encore intacte. Tirant les leçons de leurs siĂšges infructueux de 1534-1537, ils avaient pour prioritĂ© d'attaquer l'armĂ©e en retraite avant qu'elle ait pu se rĂ©fugier derriĂšre les murailles de Prome. Sous un meilleur leadership, ces troupes, nombreuses et appuyĂ©es sur une ville fortifiĂ©e, auraient reprĂ©sentĂ© une menace constante pour leur domination encore incertaine sur la Basse-Birmanie. Tabinshwehti envoya Bayinnaung avec une petite armĂ©e Ă la poursuite de celle d'Hanthawaddy, tandis qu'il poursuivait lui-mĂȘme la flottille de Takayutpi[5].
Les troupes légÚres de Bayinnaung rattrapÚrent l'armée d'Hanthawaddy à Naungyo, de l'autre cÎté d'une riviÚre. (Malgré sa célébrité, l'emplacement exact de Naungyo est inconnu. Les chroniques parlent simplement d'une ville du delta sur la route de Prome. Un groupe d'historiens birmans menés par Than Tun a suivi cette route en 1982 et conclu que Naungyo pourrait se trouver quelque part prÚs de la Panmawaddy, dans la municipalité d'Einme (Région d'Ayeyarwady.)[1]
En dépit des protestations de ses officiers, Bayinnaung décida d'attaquer immédiatement l'armée ennemie, plus grande et mieux équipée.
La bataille
Forces en présence
L'armĂ©e d'Hanthawaddy en retraite Ă©tait commandĂ©e par les gĂ©nĂ©raux Binnya Dala (áááŹážáá), Minye Aung Naing (áááșážááČáĄá±áŹááșáááŻááș), Epyathi (áĄáČááŒááź), Ye Thin Yan (ááČáááșáááș) et Paikkamyin (áááŻááșáááŒááș). Selon les chroniques birmanes, elle comptait 80 000 hommes, 800 cavaliers et 200 Ă©lĂ©phants. L'armĂ©e de TaungĂ» Ă©tait commandĂ©e par Bayinnaung, avec ses seconds Taw Maing Ye (áá±áŹáșáááŻááșážááČ) et Bayathingyan (áááááșáčááŒááș). Leurs forces totales auraient Ă©tĂ© de 10 000 hommes, 500 cavaliers et 50 Ă©lĂ©phants[2].
Les chiffres rĂ©els sont cependant probablement moindre d'un ordre de grandeur. (Les chroniques birmanes surestiment ordinairement les chiffres d'au moins autant. Les historiens occidentaux estiment que mĂȘme la dynastie Konbaung, qui avait un territoire bien plus grand qu'Hanthawaddy ou la minuscule TaungĂ» de 1539, ne pouvait pas avoir plus de 60 000 hommes. Ă titre d'exemple, au plus fort de la mobilisation, le gĂ©nĂ©ral Konbaung Maha Bandula en alignait 30 000 avant la bataille de Rangoon en 1824. Selon l'historien GE Harvey, qui a recoupĂ© les chiffres des chroniques avec les estimations britanniques et chinoises d'Ă©poques plus tardives, les chroniques surestiment habituellement les chiffres d'un ordre de grandeur[6].)
Selon son analyse, les forces devaient ĂȘtre de 8000 hommes pour Hanthawaddy et 1000 pour TaungĂ». Plus encore, les forces d'Hanthawaddy n'Ă©taient probablement pas huit fois supĂ©rieures Ă celles de TaungĂ», en dĂ©pit des chroniques. Il s'agit probablement lĂ encore d'une exagĂ©ration. Tous les historiens s'accordent cependant pour admettre qu'Hanthawaddy avait des forces beaucoup plus importantes et un meilleur armement. Ses troupes comprenaient des mercenaires portugais et indiens Ă©quipĂ©s d'armes Ă feu[4] - [5]. En 1539, TaungĂ» n'avait pas encore d'accĂšs Ă la mer et ne pouvait pas recruter de mercenaires Ă©trangers.
DĂ©truire les radeaux
Quand les éclaireurs de Taungû signalÚrent une force ennemie trÚs supérieure sur l'autre rive de la riviÚre, les officiers de Bayinnaung lui conseillÚrent de ne pas l'attaquer. Mais Bayinnaung savait que ces troupes étaient démoralisées et les siennes étaient mieux disciplinées (et mieux commandées). Il décida d'aller de l'avant. Les forces d'Hanthawaddy ayant réquisitionné toutes les embarcations, il fit fabriquer des radeaux pour traverser la riviÚre.
Juste avant l'attaque, un messager de Tabinshwehti arriva, porteur d'un message lui ordonnant « s'il découvrait l'ennemi, de ne pas l'attaquer mais d'attendre le gros de l'armée ».
- Bayinnaung répondit : Dites à Sa Majesté que nous n'avons pas seulement atteint l'ennemi, mais que nous l'avons aussi vaincu.
- Taw Maing Ye, un de ses officiers, dit : Vous avez fait annoncer une victoire avant mĂȘme que nous ayons combattu, et les apparences sont contre nous. Nous pourrions mĂȘme perdre la bataille. Pensez comment le roi nous punira alors !
- Bayinnaung lui répondit : Si nous perdons ? Alors nous mourrons ici, et qui peut punir des morts ?[4] - [5]
AprÚs que tous ses hommes eurent traversé la riviÚre, il ordonna de détruire tous les radeaux. Ses officiers s'insurgÚrent encore en disant :
- Les ennemis sont à dix contre un et nous ne nous en tirerons pas vivants si vous détruisez les radeaux.
- Justement, dit Bayinnaung, nous sommes obligés de vaincre maintenant, camarades.[4]
L'engagement
Les généraux d'Hanthawaddy Binnya Dala et Min Ye Aung Naing, peu impressionnés par la petite armée qui s'avançait se préparÚrent à l'affronter. Bayinnaung ordonna d'attaquer en trois colonnes :
- à l'aile gauche, 300 fantassins, 200 cavaliers et 15 éléphants commandés par Bayathingyan
- à l'aile droite, 300 fantassins, 200 cavaliers et 15 éléphants commandés par Taw Maing Ye
- au centre, 400 fantassins, 100 cavaliers et 20 Ă©lĂ©phants commandĂ©s par Bayinnaung lui-mĂȘme.
Bayinnaung, montĂ© sur son Ă©lĂ©phant de guerre Swe La Man (á áœááșááááș) attaqua le gĂ©nĂ©ral Binnya Dala, lui aussi montĂ© sur un Ă©lĂ©phant. Binnya Dala prit peur, sauta sur un cheval et s'enfuit. Minye Aung Naing fut ensuite tuĂ© sur son Ă©lĂ©phant. PrivĂ© de leurs deux commandants en chef, les troupes d'Hanthawaddy perdirent courage et se dĂ©sorganisĂšrent. Les colonnes de TaungĂ» les divisĂšrent en quatre groupes, tous en dĂ©sordre. BientĂŽt leur rĂ©sistance s'effondra complĂštement. Les troupes s'enfuirent ou se rendirent en masse[2]. Seule une petite partie rĂ©ussit Ă atteindre Prome.
Tabinshwehti arriva sur place le lendemain. Il fut si heureux de la victoire qu'il donna Ă Bayinnaung (jusqu'alors appelĂ© Kyawhtin Nawrahta) le titre de Bayinnaung (ááŻááá·áșáá±áŹááș, ou FrĂšre aĂźnĂ© du roi), ainsi que Hlaing (en) (aujourd'hui un quartier de Rangoon) en apanage[2].
Conséquences
La bataille s'avéra le moment-clé de la guerre entre Taungû et Hanthawaddy. Malgré ses raids annuels, c'était la premiÚre fois que Taungû gagnait une bataille rangée contre une armée d'Hanthawaddy de taille significative. Jusqu'alors, seule l'incompétence de Takayutpi avait permis à un petit état comme Taungû d'en razzier un aussi grand qu'Hanthawaddy.
La stratĂ©gie de Bayinnaung d'attaquer l'ennemi en terrain dĂ©couvert Ă©tait correcte. Lorsque les forces de TaungĂ» attaquĂšrent Prome quelques semaines plus tard, elles ne purent venir Ă bout de ses dĂ©fenses et durent battre en retraite. Takayutpi demanda Ă ses alliĂ©s de la confĂ©dĂ©ration des Ă©tats shan et de Prome de passer Ă l'attaque pour le remettre sur le trĂŽne. Ils refusĂšrent, ce qu'ils n'auraient peut-ĂȘtre pas osĂ© si Takayutpi avait encore eu une armĂ©e puissante, capable de remettre en question le contrĂŽle de TaungĂ» sur ses anciens Ă©tats. DĂ©sespĂ©rĂ©, Takayutpi essaya de recruter lui-mĂȘme une nouvelle armĂ©e. Il mourut de maladie quelques mois plus tard, alors qu'il cherchait Ă capturer des Ă©lĂ©phants de guerre.
AprĂšs la mort de Takayutpi, de nombreux seigneurs mĂŽns jurĂšrent allĂ©geance Ă la dynastie TaungĂ». Disposant de forces plus nombreuses, celle-ci put prendre Martaban en 1541 et Prome elle-mĂȘme en 1542[4], commençant Ă rĂ©unifier les anciens territoires du Royaume de Pagan, et au-delĂ . Ă plus d'un titre, le « premier empire de TaungĂ» » tire son origine de cette victoire improbable.
Souvenir
La victoire fut attribué à la bravoure et à la détermination de Bayinaung dans des circonstances contraires et le nom de Naungyo, avec celui de Bayinaung, entra dans la légende[1]. L'historien GE Harvey l'appelle « la premiÚre touche caractéristique du grand Bayinnaung ; c'est comme une bouffée d'air pur aprÚs trois siÚcles de nains » (depuis la chute de Pagan)[4]. Bayinnaung allait conquérir la moitié de la péninsule indochinoise, fondant le plus vaste empire de l'histoire de cette région.
Cette bataille, la plus cĂ©lĂšbre de l'histoire militaire birmane, est enseignĂ©e dans les Ă©coles. Le mot Naungyo fait partie du lexique birman. On dit souvent « áá±áŹááșáááŻáž á áááșááŹááșááŸáá᫠» (lit. Aie l'esprit de Naungyo) ou « ááŻááá·áșáá±áŹááș áá±áŹááșáá»ááșááááŻááŻááș » (lit. DĂ©truis tes radeaux comme Bayinnaung) pour encourager quelqu'un à « se jeter Ă l'eau »[1].
Notes et références
- (en) Kyaw Kyaw Tun, « The hunt for the ancient battle ground of Naungyo », The Myanmar Times,â (lire en ligne)
- Hmannan Yazawin, vol. 2, Yangon, Ministry of Information, Myanmar, (1re Ă©d. 1829), « Toungoo Kings », p. 188â192
- Hmannan Yazawin, vol. 2, Yangon, Ministry of Information, Myanmar, (1re Ă©d. 1829), « Toungoo Kings », p. 188â192 â Les chroniques birmanes donnent un chiffre trĂšs exagĂ©rĂ©, de mĂȘme probablement que pour les forces mĂŽnes.
- (en) GE Harvey, History of Burma, Londres, Frank Cass & Co. Ltd., , « Toungoo Dynasty », p. 154â155
- (en) Maung Htin Aung, A History of Burma, New York and London, Cambridge University Press, , p. 106â109
- Harvey, p. 333â335, Numerical Note
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Battle of Naungyo » (voir la liste des auteurs).