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Bataille de Marjah

La bataille de Marjah est une opĂ©ration militaire, baptisĂ©e opĂ©ration Mushtarak (en dari : ensemble), qui se dĂ©roule dans la province d'Helmand lors de la guerre d'Afghanistan. Elle est menĂ©e depuis le conjointement par l'armĂ©e nationale afghane, l'armĂ©e amĂ©ricaine et les forces britanniques. Les forces françaises (plusieurs dizaines d'instructeurs) participent Ă©galement Ă  cette offensive, aux cĂ´tĂ©s des soldats britanniques et des soldats de l'armĂ©e afghane[2] - [3]. Les Canadiens, Estoniens, et Danois y participent Ă©galement. L'opĂ©ration a commencĂ© dans la nuit du 12 au , impliquant plus de 15 000 soldats[4].

Bataille de Marjah
Description de cette image, également commentée ci-après
Soldats américains du 6e régiment de Marines en patrouille à Marjah, le 22 février 2010.
Informations générales
Date 13 -
Lieu Marjah, province d'Helmand
Issue Victoire de la coalition
Commandants
Drapeau de l'Afghanistan Sher Mohammad ZazaĂŻ
Drapeau du Royaume-Uni James Cowan
Drapeau du Royaume-Uni Nick Carter
Drapeau des États-Unis Stanley McChrystal
Drapeau des États-Unis Lawrence Nicholson
Qari Fasluddin
Abdullah Nasrat
Mollah Mohammed Basir
Forces en présence
Total :
10 000 Ă  15 000 hommes

Drapeau des États-Unis 8 500 hommes

Drapeau de l'Afghanistan
2 500 Ă  4 400

Drapeau du Royaume-Uni
1 200 Ă  4 000

Drapeau de la France
70 hommes

Drapeau du Canada
61 hommes

2 000 hommes
(selon les talibans)

300 Ă  1 000 hommes
(selon les États-Unis)


~ 100 hommes
(selon les États-Unis)
Pertes
Drapeau des États-Unis
26 morts

Drapeau du Royaume-Uni
9 morts

Drapeau de l'Afghanistan
2 morts

40 Ă  120 morts
56 prisonniers
Civils :
28 morts
~ 70 blessés[1]

Guerre d'Afghanistan

CoordonnĂ©es 31° 31′ 00″ nord, 64° 07′ 00″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Afghanistan
(Voir situation sur carte : Afghanistan)
Bataille de Marjah

L'offensive est la plus grande opĂ©ration depuis que le prĂ©sident des États-Unis Barack Obama a annoncĂ© l'envoi de 30 000 soldats supplĂ©mentaires en Afghanistan en dĂ©cembre.

Contexte

Des hommes du 1er bataillon du 3e régiment des Marines le 9 février 2010 après un combat contre les Talibans près de Marjah.

L'offensive de l'opĂ©ration Moushtarak est la première offensive conduite depuis l'adoption d'une nouvelle stratĂ©gie par l'administration Obama vers la fin de l'annĂ©e 2009. Cette stratĂ©gie, dĂ©finie par le gĂ©nĂ©ral Stanley McChrystal, vise notamment Ă  reprendre le contrĂ´le des centres de population et Ă  en assurer l'occupation et le dĂ©veloppement pour priver la guĂ©rilla de ses appuis parmi la population[5]. De plus, l'ouverture de nĂ©gociations avec certaines factions du mouvement talĂŞb, annoncĂ©e Ă  la confĂ©rence de Londres ()[6], les dĂ©clarations du gĂ©nĂ©ral McChrystal annonçant une issue politique « inĂ©vitable Â» et le retrait amĂ©ricain annoncĂ© pour l'Ă©tĂ© 2011 forcent la Coalition Ă  chercher Ă  fortement affaiblir les Talibans avant l'ouverture des vrais pourparlers[7]. Le gĂ©nĂ©ral McCrystal, inquiet de la possibilitĂ© d'un retrait rapide sous l'impulsion de Barack Obama dans le courant de l'annĂ©e 2011 a aussi besoin d'un succès, militaire et politique, et d'une preuve que ce retrait peut ĂŞtre prĂ©maturĂ©[8].

Ă€ la lumière de ces critères, le centre de Marjah se dĂ©gage comme une cible particulièrement symbolique. En effet, c'est une rĂ©gion acquise aux Talibans, situĂ©e en plein de leur bastion de la province d'Helmand et proche de Kandahar, qui est Ă©galement une place importante du trafic d'opium puisqu'elle assurerait un revenu mensuel de 200 000 dollars Ă  la guĂ©rilla[9]. Enfin, c'est une zone parcourue de nombreux canaux oĂą les Talibans ont eu le temps de dresser de vĂ©ritables dĂ©fenses[9].

L'opĂ©ration s'accompagne d'une vaste opĂ©ration de propagande menĂ©e par la Coalition. Cette opĂ©ration vise Ă  prĂ©senter Marjah comme une ville de près de 80 000 habitants (« plus grand centre urbain contrĂ´lĂ© par les Talibans Â») et un centre majeur de production d'opium. Dans les faits, il s'agit en fait d'une vaste zone (près de 200 km2) qui regroupent plusieurs petits villages de paysans afghans[10]. Le village de Marjah n'est ainsi, en tant que tel, qu'un petit centre de fermes accompagnĂ©es de quelques commerces[10]. De plus, s'il y a bien une importante production d'opium dans cette zone, elle ne contribue, Ă  raison de 200 000 $ par mois, qu'entre 2 et 3 % des revenus talibans de 2009 (estimĂ©s Ă  125 millions de dollars[11]) tirĂ©s du narco-trafic.

En revanche, la région de Marjah est bel et bien acquise aux Talibans. En effet, si les habitants ont favorablement vu leur chute en 2001, ils ont fait rapidement volte-face et ont soutenu l'insurrection après l'arrivée au pouvoir d'anciens moudjahidins nommés par Kaboul[12]. Les raisons de ce changement de camp sont principalement à placer sur le plan économique, en particulier dans la protection des cultures d'opiacées[12]. En 2006, le secteur est donc occupé par une force britannique et plusieurs officiels, dont le principal est Abdul Rahman Jan, sont démis de leurs fonctions dans une tentative d'amélioration de la situation[12]. Cependant, dès 2007, les Talibans profitent de cette situation pour remplir le vide administratif et s'emparer du village et de ses alentours[12].

Objectifs de la coalition

La stratégie américaine consiste donc à reprendre le contrôle des centres de population pour en assurer le développement et l'occupation. Le but étant à terme de priver la guérilla de ses soutiens dans la population afghane. Ainsi, les objectifs de l'offensive sur Marjah se déclinent selon ses orientations. Tout d'abord, les forces de la Coalition doivent chasser les Talibans de la zone afin d'être en mesure de reprendre le pouvoir dans la région[9]. Ensuite, ce pouvoir doit être cédé à des représentants et une administration officiels du gouvernement central[9]. Cette administration devra combler le vide laissé par les autorités talibanes et être en mesure de rester en place sur le long terme afin d'empêcher ou de limiter un retour de la guérilla[9].

Ordre de bataille

Taliban

L'effectif taliban dans la région de l'opération n'est pas connu avec précision.

L'Intelligence Community l'estime entre 400 et 1 000 dont une centaine de membres d'Al-QaĂŻda incluant des Pakistanais, des Ouzbeks et des TchĂ©tchènes.

Un porte-parole taliban dĂ©clare quant Ă  lui qu'il y a 2 000 combattants pour dĂ©fendre Babaji[13].

Coalition

La force combinĂ©e de 15 000 militaires et agents des forces de sĂ©curitĂ© inclut approximativement 5 brigades incluant 4 400 membres de l'armĂ©e nationale afghane, de la police nationale afghane, de la police des frontières et de la gendarmerie afghanes.

Le commandement régional sud de l'ISAF déploie des unités américaines, britanniques, danoises, estoniennes et canadiennes dont :

DĂ©roulement

Soldats afghans et américains de retour d'une patrouille.

Cette opĂ©ration est annoncĂ©e plusieurs semaines Ă  l'avance dans cette rĂ©gion de 80 000 habitants[16], dans le but de limiter les pertes civiles et de pousser les Talibans Ă  la retraite. L'essentiel des forces de la guĂ©rilla talĂŞb est donc supposĂ© s'ĂŞtre repliĂ© vers la frontière pakistanaise ou vers le nord de la province de Helmand, notamment autour de Sangin[17] - [8].

L'opération débute à 4 heures du matin le 13 février par des assauts respectivement américain et britannique, avec participation à chaque fois de quelques troupes afghanes, sur les villes de Marjah et de Nar Ali. La résistance est légère. En effet, les Talibans, inférieurs en nombre et en armement, préfèrent éviter un combat frontal et utilisent principalement des engins explosifs improvisés pour leur défense[18].

Le lendemain, 14 février, les objectifs initiaux, à savoir l'occupation de Marjah, de l'opération étaient achevés selon l'OTAN[19]. Cependant, sur le terrain, les forces de la Coalition rapportent qu'elles rencontrent une résistance croissante et qu'elles sont ralenties par les mines placées par les Talibans[18]. Cette situation se poursuit dans les environs de Marjah les 16 et 17 février[18]. Le 17, les Américains sont même contraints d'appeler un soutien aérien pour poursuivre leur avancée[18]. Le 18 février, les Américains doivent reconnaître que les Talibans résistent fermement dans certains secteurs de Marjah en s'appuyant sur diverses positions fortifiées[20].

Plus au nord, les Britanniques avancent vers Nar Ali où les combats tendent à se calmer du 15 au 17 février bien que les Coalisés soient là aussi fortement gênés par les bombes disposées le long des axes de communication par la guérilla[18]. Le 18 février, les Britanniques se heurtent à leur tour à une forte résistance qui leur cause quelques pertes[21]. Des combats légers se poursuivent et les Britanniques ne sont pas à l'abri de pertes. Une patrouille est ainsi victime d'une explosion le 26 février[22].

Soldats américains du 6e régiment de Marines à Marjah, le 22 février 2010.

Ă€ partir du 19 fĂ©vrier, 600 policiers afghans sont envoyĂ©s pour tenir les zones occupĂ©es les jours prĂ©cĂ©dents[23]. Ces policiers appartiennent Ă  une nouvelle unitĂ©, nommĂ©e « Gendarmerie Â», qui a Ă©tĂ© spĂ©cialement entraĂ®nĂ©e pour sĂ©curiser les zones conquises[24]. Leur première tâche est d'assurer la fouille de leurs zones Ă  la recherche de combattants talibans. Le mĂŞme jour, les troupes de la Coalition se heurtent Ă  une rĂ©sistance gĂ©nĂ©ralisĂ©e des Talibans qui ralentit considĂ©rablement les avancĂ©es des CoalisĂ©s[23]. Cette rĂ©sistance faiblit dès le lendemain autour de Nar Ali mais elle perdure dans le secteur de Marjah jusqu'au 24 fĂ©vrier[25]. NĂ©anmoins, les AmĂ©ricains peuvent poursuivre leur progrès vers le centre-ville dont ils finissent par s'emparer après avoir dĂ©clarĂ© contrĂ´ler les principales routes d'accès au sud le 23[26]. Le 24 fĂ©vrier, la Coalition organise des visites du centre-ville et une levĂ©e symbolique de drapeau[27]. Seuls les quartiers ouest de la ville sont toujours aux mains de la guĂ©rilla[27]. Ses unitĂ©s semblent s'ĂŞtre fondue dans la population les jours suivants puisque le 25 fĂ©vrier, le gouvernement afghan prend le contrĂ´le officiel de la ville[28]. Au 27 fĂ©vrier, Marjah est considĂ©rĂ© comme nettoyĂ© et les militaires s'attendent encore Ă  des attaques sporadiques pendant quelques semaines[29].

Pendant ce temps, la colère de la population qui est en partie obligĂ© de fuir la ville monte contre la Coalition[30]. De plus, il apparaĂ®t que certaines unitĂ©s du gouvernement central afghan, notamment celle de police, ne sont pas capables de communiquer dans la mĂŞme langue que les habitants de Marjah[27]. DĂ©but mars, il reste encore plus d'un millier de familles Ă  Laskar Gah sur les 4 000 qui ont Ă©tĂ© estimĂ©es dĂ©placĂ©es par l'offensive[31]. De plus, la zone est encore infestĂ©e de mines. Une garnison de 3 000 hommes (2 000 AmĂ©ricains et 1 000 Afghans) est prĂ©vu pour rester dans la ville[32].

Bilan

Civils afghans au cours de l'opération.

Les pertes des deux camps sont relativement équilibrées. Les Américains et leurs alliés ont réussi à occuper la région de Marjah et à installer une garnison. Cependant, les autres objectifs sont loin d'être atteints voire ont échoué. En effet, les pertes civiles importantes ont suscité une profonde colère parmi la population[33]. Le chef d'état-major interarmées britannique Jock Stirrup parlait ainsi de « revers très grave » pour l'OTAN après la mort d'une douzaine de civils tués par roquette lancée par l'ISAF[34]. De plus, les populations locales sont inquiètes de la volonté affichée par les autorités de lutter contre les cultures opiacées dans le sud du pays[33]. Cela a pour l'heure renforcé le soutien et la popularité des Talibans dans la région[33].

Références

  1. Human rights commission in Afghanistan reports 28 civilians killed in Marjah offensive, Associated Press, 24 février 2010,
  2. Plusieurs dizaines de soldats français participent à l'opération Mushtarak. Le Point, 13 février 2010.
  3. (fr) L'OMLT du 21e RIMa engagée dans Moshtarak, Blogspot.com. Consulté le 13 février 2010
  4. (fr) Début de l'offensive contre les Talibans en Afghanistan, Le Matin.ch. Consulté le 14 février 2010
  5. Rapport du général Mc Chrystal,
  6. Appui conditionnel Ă  Kaboul, Radio Canada, 28 janvier 2010,
  7. L'heure est à la négociation avec les Talibans, Courrier International,
  8. Gareth Porter, Marjah push aimed to shape US opinion, Asia Times online, 25 février 2010,
  9. The meaning of Marjah, Asia Time online, 18 février 2010,
  10. Gareth Porter, Marjah, the city that never was, Asia Times online, 10 mars 2010,
  11. Julien Mercille, Trail of Afghanistan's drug money exposed, Asia Times online, 16 décembre 2009,
  12. Mohammad Elyas Daee et Abubakar Siddique, Marjah fears return of warlords, Asia Times online, 11 mars 2010,
  13. (en) Assault on Taliban stronghold of Marja begins, The Long War Journal, 13 février 2010
  14. (fr) Afghanistan : découvertes de caches d'armes et d'IED, février 2010
  15. (en) Operation Moshtarak, ISAF Joint Command, 12 février 2010
  16. (fr) Les troupes américaines préparent une offensive majeure contre un bastion taliban, Libération 10 février 2010
  17. Troops tighten grip on Taliban stronghold, BBC News, 15 février 2010,
  18. Operation Moshtarak day-by-day, BBC News, 18 février 2010,
  19. (en) Initial Key Objectives of Operation Moshtarak Achieved , 14 février 2010, ISAF
  20. L'insurrection talibane résiste à Marjah, The Canadian Press, 18 février 2010,
  21. Six Nato troops die in Afghan fighting, BBC News, 19 février 2010,
  22. UK soldier killed in Afghanistan, BBC News, 26 février 2010,
  23. Afghan police deployed in Helmand warzone, BBC News, 19 février 2010,
  24. Afghanistan: 600 policiers déployés dans le centre de Marjah, L'indépendant, 20 février 2010,
  25. Afghanistan: résistance talibane en chute libre à Marjah selon les Marines, L'indépendant.com, 24 février 2010,
  26. NATO holds key Marjah roads, but hard battle ahead, Associated Press, 23 février 2010,
  27. Q&A: Afghan journalist in Helmand, BBC News, 25 février 2010,
  28. (fr) Le gouvernement afghan prend le contrôle officiel de Marjah, Le Nouvel Observateur, 25 février 2010
  29. (fr) L'ancien bastion taliban de Marjah est "nettoyé", selon l'armée américaine, Le Nouvel Observateur, 27 février 2010
  30. Anger spreads on Marjah's front line, Asia Times online, 23 février 2010,
  31. AFGHANISTAN: Help promised for returning Marjah IDPs, Reuters, 2 mars 2010.
  32. Marines, Afghan troops to stay months in Marjah, Associated Press, 2 mars 2010.
  33. Julien Mercille, Losing Afghan hearts and minds, Asia times online, 7 mai 2010,
  34. Afghanistan: la mort de 12 civils dans l'offensive de l'Otan est un «revers très grave», Libération (avec AFP), 15 février 2010

Voir aussi

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