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AufklÀrung

L'AufklĂ€rung [ˈaÊŠÌŻfˌklÉ›ËÊ€ÊŠĆ‹][1] est le nom donnĂ© au siĂšcle des LumiĂšres en Allemagne, qui s'Ă©tend approximativement des annĂ©es 1720 – 1730 aux annĂ©es 1775 – 1785, durant lesquelles se dĂ©veloppera le Sturm und Drang. Ce courant intellectuel est souvent identifiĂ© aux LumiĂšres. Le terme AufklĂ€rung est utilisĂ© en Allemagne Ă  partir de 1770 et recouvre des notions particuliĂšrement complexes.

Les précurseurs

Gottfried Wilhelm Leibniz (1646 – 1716), philosophe, mathĂ©maticien et scientifique, est notamment l'auteur des Essais de ThĂ©odicĂ©e (1710) et de la Monadologie (1714). Dans les Essais de ThĂ©odicĂ©e, Leibniz affirme que, de par sa perfection, Dieu n'a pu crĂ©er que « le meilleur des mondes possibles » : « Il rĂ©sulte de la perfection suprĂȘme de Dieu, qu’en produisant l’univers, il a choisi le meilleur plan possible oĂč il y ait la plus grande variĂ©tĂ© avec le plus grand ordre [
] Car tous les possibles prĂ©tendant Ă  l’existence dans l’entendement de Dieu Ă  proportion de leur perfection, le rĂ©sultat de toutes ces prĂ©tentions doit ĂȘtre le monde actuel, le plus parfait qui soit possible ». Leibniz dĂ©fend une vision optimiste de l’univers.

Les fondateurs

  • Christian Thomasius (1655 – 1728) (
)
  • Anton Wilhelm Amo (1703 – 1784) (
)
  • Christian Wolff s'inscrit dans une pensĂ©e directement issue de celle de Leibniz concernant la perfection de Dieu et l'existence du mal. Dans sa Theologia naturalis de 1736, il Ă©crit : « Le mal physique et le mal moral sont, dans cette sĂ©rie, inclus de telle sorte dans le bien que si l’on en retirait le mal on en retirerait en mĂȘme temps le bien »[2]. L'ontologie est pour lui une discipline philosophique importante en tant que science de l’ĂȘtre en gĂ©nĂ©ral. Avec Wolff sont dĂ©fendues des idĂ©es fortes de l’AufklĂ€rung et les principales thĂšses leibnizienne sur l'optimisme, la morale de la perfection, la connaissance fondĂ©e sur la pure dĂ©duction.

L’évolution de l’AufklĂ€rung

  • Moses Mendelssohn, grande figure de la Haskalah (les LumiĂšres juives) et de l'AufklĂ€rung berlinoise, est considĂ©rĂ© comme l'un des plus grands reprĂ©sentants des LumiĂšres allemandes. Dans son JĂ©rusalem ou Pouvoir religieux et judaĂŻsme (1783), il se fait le dĂ©fenseur de la tolĂ©rance dans la religion et la politique (l'État ne doit pas juger les citoyens en fonction de leurs opinions religieuses), et il affirme que les pouvoirs religieux et politique ne doivent pas se mĂȘler strictement, sinon la libertĂ© de conscience risque fortement d'ĂȘtre supprimĂ©e. Il soutient cependant que la religion peut inspirer l'action civique du membre de l'État, en vue du bien commun et de la libertĂ© juridique, politique et religieuse.
  • Gotthold Ephraim Lessing est un fervent militant pour la tolĂ©rance et les valeurs de cosmopolitisme et d'universalisme. Il est l'auteur de Nathan le Sage (1779) et de L’Éducation du genre humain (1780).Dans Nathan le Sage, il Ă©crit : « Le chrĂ©tien et le juif sont-ils chrĂ©tien et juif avant d’ĂȘtre hommes ? ». Il condamne les croisades et les guerres de religion. Dans l'Éducation du genre humain, il affirme sa confiance dans les pouvoirs de la raison et fait un parallĂšle entre la rĂ©vĂ©lation et l'Ă©ducation. « La rĂ©vĂ©lation est au genre humain ce que l’éducation est Ă  l’individu ». Pour Lessing, la rĂ©vĂ©lation est la forme d'Ă©ducation issue de Dieu adressĂ©e au genre humain.

Les ennemis des adeptes de l'AufklÀrung

  • Johann Gottfried von Herder thĂ©orise une philosophie romantique de l'histoire et s'oppose au rationalisme des LumiĂšres françaises.
  • Friedrich Heinrich Jacobi polĂ©mique contre Kant et Fichte, les accusant de spinozisme (synonyme ici d'athĂ©isme). Il dĂ©fend une position proche du fidĂ©isme.

Kant

En 1784, Emmanuel Kant Ă©crit cette phrase cĂ©lĂšbre : « L’AufklĂ€rung, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de minoritĂ© dont il est lui-mĂȘme responsable. L’état de minoritĂ© est l’incapacitĂ© de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre. On est soi-mĂȘme responsable de cet Ă©tat de minoritĂ© quand la cause tient non pas Ă  une insuffisance de l’entendement mais Ă  une insuffisance de la rĂ©solution et du courage de s’en servir sans la conduite d’un autre. Sapere aude ! [Ose savoir !] Aie le courage de te servir de ton propre entendement! VoilĂ  la devise de l’AufklĂ€rung ».

Aline Le Berre voit dans ces lignes un glissement du théocentrisme vers l'anthropocentrisme :

« Elles revalorisent l’homme, le rendent conscient de ses potentialitĂ©s et constituent un appel Ă  l’émancipation. L’homme doit se libĂ©rer de toute tutelle, notamment celle des autres hommes, surtout celle d’un guide spirituel, ou d’un directeur de conscience comme c’était la mode Ă  l’époque. Il ne doit pas compter sur un Dieu intervenant dans les actions humaines et auquel il faut s’en remettre pour toute dĂ©cision. »

— Aline Le Berre, AufklĂ€rung (DITL sous la responsabilitĂ© de Jean-Marie Grassin)

Elle voit aussi apparaßtre chez Kant les premiers signes de l'abandon des principes optimistes de l'AufklÀrung. Pour lui, l'homme est prisonnier de sa subjectivité et ne peut donc atteindre à la vérité. En cela il se démarque de l'optimisme leibnizien sur l'acquisition de la connaissance[2].

Johann Gottlieb Fichte, disciple puis critique de Kant, sera le dernier représentant de l'AufklÀrung. Son discours sur la Revendication de la liberté de penser est écrit dans l'esprit des LumiÚres et en admiration de la Révolution française.

L'analyse d'Hannah Arendt de l'AufklÀrung

Hannah Arendt, dans son article « L'AuklarĂŒng et la question juive » (1932) interroge les liens entre le dĂ©veloppement de l'idĂ©e d'assimilation juive et la nouvelle conception de la vĂ©ritĂ© qui prĂ©vaut dans le mouvement de l'AufklĂ€rung. Elle montre ainsi comment avec Lessing s'opĂšre une distinction capitale entre vĂ©ritĂ©s historiques et vĂ©ritĂ©s de la raison, les premiĂšres Ă©tant contingentes, les secondes nĂ©cessaires. Comme l'explique Arendt, « Cette sĂ©paration est Ă©minemment dĂ©cisive parce qu'elle est en mesure de lĂ©gitimer l'assimilation au-delĂ  de ses aspects historiquement contingents »[3].

La fin des LumiĂšres allemandes

Le mouvement Sturm und Drang, initiĂ© par Goethe et son Werther, mettra fin Ă  la pĂ©riode des LumiĂšres en proclamant la supĂ©rioritĂ© des passions sur la raison. Le Faust de Goethe se conçoit aussi comme une critique radicale des LumiĂšres. Cette Ɠuvre dĂ©nonce le rationalisme abstrait et l'accumulation inutile du savoir (voir notamment le dĂ©but, avant le pacte entre Faust et MĂ©phistophĂ©lĂšs). Le romantisme allemand initie ainsi une sorte de retour au Moyen Âge et Ă  la magie, Ă  l'encontre des dĂ©rives positivistes et athĂ©es des LumiĂšres. Jean-Jacques Rousseau reste trĂšs apprĂ©ciĂ© des Romantiques (par exemple Friedrich von Schiller), notamment parce qu'il n'appartient pas strictement au mouvement des LumiĂšres, ayant dĂ©veloppĂ© une pensĂ©e originale et Ă  contre-courant, valorisant le sentiment intĂ©rieur (la voix de la conscience, cf. la Profession de foi du vicaire savoyard dans Émile, ou De l'Ă©ducation) et la bontĂ© naturelle. La pensĂ©e de Moses Mendelssohn et d'Emmanuel Kant reste empreinte de rousseauisme ; ainsi la rupture avec les LumiĂšres se fait davantage avec les LumiĂšres françaises antireligieuses qu'avec l'AufklĂ€rung allemande qui prĂ©servait l'intĂ©rioritĂ© et le transcendant.

De mĂȘme Hegel, admiratif des LumiĂšres et de la RĂ©volution dans sa jeunesse, dira plus tard (dans la PhĂ©nomĂ©nologie de l'esprit) que la RĂ©volution et le rationalisme abstrait ont conduit Ă  la Terreur. Il ne revalorise pas pour autant le sentiment contre la raison dĂ©chue, mais cherche Ă  Ă©laborer une rationalitĂ© qui s'accorde avec le rĂ©el.

Karl Marx et Friedrich Nietzsche, chacun de leur cÎté, enterreront les LumiÚres aprÚs avoir été influencés par elles.

[Interprétation personnelle ?]

Notes et références

  1. Prononciation en allemand standard retranscrite selon la norme API.
  2. Aline Le Berre, « AufklÀrung », sur ditl.info (consulté le )
  3. Hannah Arendt (trad. de l'anglais), Écrits juifs. Article "L'AufklĂ€rung et la question juive", Paris, Ouvertures Fayard, 752 p. (ISBN 978-2-213-64258-1), p. 117

Voir aussi

Bibliographie

  • Bernard Bourgeois, La philosophie allemande classique, Paris, P.U.F, 1995.
  • Emil Ermatingen, Emil, Deutsche Kultur im Zeitalter des AufklĂ€rung, Aufgabe. Frankfurt a/M. (Handbuch der Kulturgeschichte I, 7), 1969.
  • Pierre Grappin, L’Allemagne des LumiĂšres, Paris, Didier Erudition, 1982.
  • Olivier Juilliard, article AufklĂ€rung, Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007
  • Roland Krebs, Nouvelles recherches sur l’AufklĂ€rung, Reims, Presses Universitaires, 1987.
  • Aline Le Berre, PrĂ©mices et avĂšnement du thĂ©Ăątre classique en Allemagne 1750-1805. Influence et Ă©volution de Lessing, Goethe, Schiller, Avignon, Arias, 1996.
  • GĂ©rard Raulet, AufklĂ€rung. Les LumiĂšres allemandes. Textes et commentaires, Paris, G-F Flammarion, 1995.
  • Riccarda Suitner, The Dialogues of the Dead of the Early German Enlightenment, Leiden-Boston, Brill, 2022

Articles connexes

Liens externes

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