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Ashvamedha

L'Ashvamedha (en sanskrit devanagari : à€…à€¶à„à€”à€źà„‡à€§ ; IAST : aƛvamedha), « sacrifice d'un cheval », Ă©tait l'un des quatre plus importants rituels traditionnels dans la religion vĂ©dique. Les deux sources littĂ©raires majeures en ce qui concerne ce sacrifice sont le Shatapatha Brahmana (littĂ©ralement le brahmana des cent chemins, recueil d'hymnes et de formules compilĂ© vers 900-700 ACN) ainsi que le Yajur-VĂ©da[1]. Cependant, on retrouve les premiĂšres mentions faites Ă  ce rituel dans une source sanskrite bien plus archaĂŻque, le Rig-VĂ©da (notamment dans l'hymne RV. I. 163 [2] et dans celui consacrĂ© Ă  Indra RV. VIII. 57).

Monnaie de Samudragupta, cheval de l'Ashvamedha
La reine, revers de la monnaie

Symbole de la société indienne, l'Ashvamedha est un sacrifice réservé aux rois qu'ils accomplissent pour étendre leurs possessions, pour obtenir une descendance ou pour expier une faute[3].

Étymologie du mot

Le nom ashvamedha tire son origine du mot sanskrit à€…à€¶à„à€”à€źà„‡à€§ (translittĂ©rĂ© aƛvamedha) de mĂȘme signification.

Ce mot est lui-mĂȘme composĂ© d'un premier terme ashva (en sanskrit à€…à€¶à„à€”, signifiant le cheval[4]) et d'un second terme medha (en sanskrit à€źà„‡à€§, signifiant le sacrifice sanglant, et plus exactement la victime sacrificielle[5]).

Déroulement des cérémonies

On dit de ce sacrifice qu'il devait ĂȘtre entrepris et accompli par un roi (appelĂ© Raja, à€°à€Ÿà€œà€Ÿ) dans le but d'assurer sa prospĂ©ritĂ©, la bonne fortune de ses terres ainsi que sa souverainetĂ© sur les provinces voisines[6]. Outre l'immolation mĂȘme de la bĂȘte qui Ă©tait le point culminant de l'Ashvamedha, les cĂ©rĂ©monies qui l'entouraient duraient une annĂ©e complĂšte[7].

Le cheval destinĂ© au sacrifice devait ĂȘtre un Ă©talon ĂągĂ© de plus de 24 ans (selon les sources sanskrites) et est le plus souvent reprĂ©sentĂ© dans l'art et dans l'imaginaire collectif comme Ă©tant d'une robe immaculĂ©e.

Le cheval nouvellement choisi Ă©tait d'abord arrosĂ© d'eau puis le roi sacrificateur accompagnĂ© d'un Adhvaryu (prĂȘtre officiant dans les sacrifices vĂ©diques) lui murmuraient des mantras Ă  l'oreille[8].

AprĂšs cette bĂ©nĂ©diction, le cheval Ă©tait lĂąchĂ© et laissĂ© Ă  errer oĂč il le voulait pour une pĂ©riode allant d'un an Ă  un an et demi (selon les interprĂ©tations). Il foulait librement les terres voisines et hostiles au roi sacrificateur et devait alors ĂȘtre acceptĂ©e et rĂ©vĂ©rĂ©e (ou non) par les ennemis. Si l'un des rĂąja dont les terres Ă©taient traversĂ©es par le cheval s'emparait de l'animal, c'Ă©tait le signe d'un refus de suzerainetĂ© et le dĂ©clenchement de la guerre. Dans le cas contraire, le rĂąja qui laissait traverser ses terres sans intervenir manifestait sa tacite vassalitĂ©.

Ce cheval était suivi par une centaine de jeunes hommes (fils de princes ou de hauts fonctionnaires) chargés de sa protection.

Pendant cette année d'errance, d'autres rites variés étaient accomplis dans la demeure du roi sacrificateur.

Au retour de l'Ă©talon, de nouvelles cĂ©rĂ©monies Ă©taient effectuĂ©es en prĂ©sence des vassaux et du nouveau suzerain ; le cheval Ă©tait attelĂ© Ă  un char dorĂ© avec trois autres cavales et l'on rĂ©citait un passage du Rig-VĂ©da (RV. I. VI, 1-2)[9]. Il Ă©tait alors entraĂźnĂ© dans l'eau et baignĂ© avant d'ĂȘtre oint de Ghi (beurre clarifiĂ© originaire d'Inde et utilisĂ© dans les sacrifices religieux hindous) par la reine et deux autres Ă©pouses royales. La reine oignait les avant-quarts tandis que les autres s'occupaient du canon et de la croupe. Elles paraient finalement la tĂȘte, le cou et la queue du cheval avec des bijoux et des ornements en or.

D'autres animaux lui étaient enfin liés (dont le nombre et les races diverses sont énumérées dans le Yajur-Véda, VSM. XXIV) et, aprÚs ces préparatifs, le cheval était abattu avec les trois autres membres de l'attelage (Yajur-Véda, VSM. XXIII 15).

La reine imitait ensuite l'acte de copulation avec le corps du cheval mort (dans un but symbolique d'assurer la fécondité de cette derniÚre) tandis que les autres épouses du roi récitaient des formules rituelles[10].

Les trois reines, avec une centaine d'aiguilles d'or, d'argent et de cuivre indiquaient, tout le long du corps du cheval les lignes qui seraient suivies pour la dissection du cadavre. L'étalon était alors dépecé et ses chairs rÎties. Diverses piÚces de viandes étaient offertes à une foule de divinités et d'éléments personnifiés (Rig-Véda. I. 162, Yajur-Véda XXIV, 24-44).

Les prĂȘtres officiant Ă  l'Ashvamedha Ă©taient rĂ©compensĂ©s par une partie du butin amassĂ© lors de la cavale du cheval en terres ennemies.

Une pratique historique

Monnaie d'or commémorant l'ashvamedha de Kumùragupta Ier.

Le rite est décrit dans les textes anciens, comme le Mahābhārata et le Ramayana par exemple. Le premier souverain historique ayant pratiqué l'ashvamedha et dont on garde le souvenir est Pushyamitra Shunga, l'assassin de Brihadratha, le dernier Maurya et le fondateur de la dynastie des Shunga, qui célébra de cette maniÚre sa victoire sur les satrapes grecs.

Plus tard, le souverain Samudragupta (330-380) de la dynastie Gupta rĂ©alise ce mĂȘme rituel, et le fait savoir en frappant des monnaies commĂ©morant cet Ă©vĂ©nement sur l'avers. Un type de piĂšces d'or de ces rois de l'empire Gupta (Samudragupta et KumĂąragupta Ier) commĂ©more leurs sacrifices Ă  Ashvamedha. L'avers montre le cheval oint et dĂ©corĂ© pour le sacrifice, debout devant un poteau sacrificiel YĆ«pa. Il est inscrit « Le roi des rois qui a accompli le sacrifice Vajimedha gagne le ciel aprĂšs avoir protĂ©gĂ© la terre ». Le revers montre une figure debout de la reine, tenant un Ă©ventail et une serviette. Il y est inscrit « Assez puissant pour accomplir le sacrifice d'Ashvamedha »

Les grands souverains Chola du XIe siĂšcle l'ont peut-ĂȘtre aussi pratiquĂ©.

Symbolique du rituel

Illustration du Ramayana: Rāma, utilisant des arcs et des flÚches, se bat avec ses fils jumeaux (non reconnus) Kusha et Lava pour la possession du cheval de l'Ashvamedha. Le singe dieu Hanuman, représenté avec une fourrure bleue, est vu en vol tenant un arbre qu'il utilise comme arme

Le voyage du cheval Ă©tait censĂ© symboliser le voyage du Soleil dans le ciel. Partant de lĂ , le roi qui sacrifiait ce cheval passait pour ĂȘtre le seul maĂźtre de la Terre, comme le Soleil dominait le Ciel.

Le rùja ayant pratiqué le sacrifice du cheval recevait le titre de chakravartin.

Bien que le sacrifice revĂȘte une dimension indĂ©niablement religieuse, il est quasi certain qu'il Ă©tait entrepris de prime abord dans un but d'accroissement de la puissance politique des rois[11].

Dans le Shatapatha Brahmana, on insiste beaucoup sur le caractĂšre royal du sacrifice. Il est d'ailleurs dit (SB, XIII, IV, 1) : « L'Ashvamedha est le sacrifice des kshatriyas [du sanskrit à€•à„à€·à€€à„à€°à€żà€Ż, « qui a le pouvoir temporel »]. »

Sa face intemporelle et Ă©ternelle est aussi Ă©voquĂ©e dans les mĂȘmes sources qui disent que le seigneur de la crĂ©ation (le Prajapati) a affectĂ© les sacrifices aux divinitĂ©s, mais qu’en revanche il a conservĂ© l’Ashvamedha pour lui-mĂȘme (SB, XIII.2.1). Dans un autre passage, il est mĂȘme dit : « L’Ashvamedha est le Prajapati. »

 Finalement, sa dimension universelle est exprimĂ©e plus tard par la phrase : Â« L'Ashvamedha est tout. »

Interprétations

Mythologie comparée

Dans une Ă©tude cĂ©lĂšbre, le comparatiste Georges DumĂ©zil compara l'Ashvamedha avec l'October equus, « cheval d'octobre », nom d'une fĂȘte religieuse cĂ©lĂ©brĂ©e en l'honneur de Mars dans la Rome antique dont l'aspect principal Ă©tait le sacrifice du cheval[12] - [13]. Dans le monde celtique, il existe aussi un sacrifice du cheval liĂ© Ă  l'intronisation du roi[14] - [15].

Interprétation de l'Arya Samaj

Selon l'Arya Samaj, fondé par Dayananda Saraswatit, l'Ashvamedha est considéré comme une allégorie ou un rituel pour s'unir au « Soleil intérieur » (le Prana).

Concernant le rituel Ashvamedha (« offrande du cheval »), Swami Satya Prakash Sarasvatß écrit :

« Dans les termes d'analogie cosmique, ashva est le soleil. (...) Il est identique Ă  Varuna, le SuprĂȘme. Le terme Medha est synonyme d'hommage. Il est devenu plus tard synonyme d'oblations, dans la langage du rituel[16]. »

De nos jours

Il y a encore des Ashvamedha pratiquĂ©s en Inde, sans sang versĂ©, mais avec l'effigie d'un cheval adorĂ© : ces interprĂ©tations modernes sont sattviques, oĂč les Yajnas sont purs (respectueux de l'AhimsĂą), l'animal Ă©tant adorĂ© sans ĂȘtre tuĂ© [17], ce qui concorde avec le vĂ©gĂ©tarisme gĂ©nĂ©ralement pratiquĂ© par les Hindous.

Références

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Ashvameda » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) Ralph Thomas Hotchkin Griffith, The texts of the white Yajurveda, translated with a popular commentary, New Delhi, Munshiram Manoharlal, 1899, réimpression en 1987 (ISBN 978-81-215-0047-0)
  2. Louis Renou (commentaire et traduction) (trad. du sanskrit), Hymnes spéculatifs du Véda, Paris, Gallimard / UNESCO, , 274 p. (ISBN 978-2-07-070553-5, BNF 34868111), p. 17-19
  3. Jacques Dupuis, Histoire de l'Inde, 2e Ă©d., Éditions Kailash, 2005, p.102
  4. Gérard Huet, Dictionnaire Sanskrit-Français, version du 28 février 2015 (lire en ligne), p. 80
  5. Gérard Huet, Dictionnaire Sanskrit-Français, version du 28 février 2015 (lire en ligne), p. 521
  6. (en) Madan Gopal, India through the ages, MinistĂšre de l'Information et de la Radiodiffusion, gouvernement de l'Inde., , p. 72
  7. (en) Roman Zaroff, « Aƛvamedha - A Vedic horse sacrifice », Studia Mythologica Slavicia, no VIII,‎
  8. (en) Julius Eggeling (traduction), Satapatha Brahmana According to the Text of the Madhyandina School (Sacred Books of the East), F. Max-Muller, (ISBN 978-81-208-0113-4, lire en ligne), Pour les préparatifs de l'Ashvamedha voire SB. XIII
  9. Alexandre Langlois, Rig VĂ©da ou Livre des hymnes, BibliothĂšque Nationale Universelle, (lire en ligne)
  10. (en) Arthur Berridale Keith, The Veda of the Black Yajus School Entitled Taittiriya Sanhita, Oxford, , p. 615-616
  11. Michel Angot, L'Inde Classique, Paris, Les Belles Lettres, , 297 p. (ISBN 978-2-251-41015-9), p. 126
  12. (en) Rick F. Talbott, Sacred Sacrifice: Ritual Paradigms in Vedic Religion and Early Christianity, Wipf & Stock Pub, 2005)
  13. Marco V. García Quintela, « Le dernier roi d'AthÚnes, entre le mythe et le rite », Kernos, 10, 1997, , 135-151
  14. (en) ]. PUHVEL, « Vedic ashvamedha- and Gaulish IIPOMffDVOS », in Language, 31 (1955), p. 353-354
  15. Dominique Hollard, Lugus et le cheval, Dialogues D'histoire Ancienne, 28-2, 2002, p. 121-166
  16. The Critical and Cultural Study of the Shatapatha Brahmana by Swami Satya Prakash Saraswati, p. 415; 476 : the word in the sense of the Horse Sacrifice does not occur in the Samhitas [...] In the terms of cosmic analogy, ashva is the Sun. In respect to the adhyatma paksha, the Prajapati-Agni, or the Purusha, the Creator, is the Ashva; He is the same as the Varuna, the Most Supreme. The word medha stands for homage; it later on became synonymous with oblations in rituology, since oblations are offered, dedicated to the one whom we pay homage. The word deteriorated further when it came to mean 'slaughter' or 'sacrifice'
  17. http://www.thehindu.com/2005/10/13/stories/2005101316990400.htm Hyderabad, Andhra Pradesh. The Hindu. Oct 13, 2005. Retrieved 30 September 2014.

Bibliographie

  • P.E. Dumont, L'Ashvamedha. Description du sacrifice solennel du cheval dans le culte vĂ©dique d'aprĂšs les textes du Yajurveda blanc, Louvain, 1927.
  • Dogra, « Horse in ancient India », Journal of the oriental institute, vol. 23, nos 1-2,‎ , p. 54-58 (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Georges DumĂ©zil, FĂȘtes romaines d’étĂ© et d’automne, suivi de Dix Questions romaines , Gallimard, 1975. En particulier, le chapitre « Rituels royaux de l'Inde vĂ©dique », pp. 112-138.
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