Anomalie de survol planétaire
Lâanomalie de survol est une incohĂ©rence entre les modĂšles scientifiques et les augmentations rĂ©elles de vitesse (une augmentation de lâĂ©nergie cinĂ©tique, par exemple) observĂ©e au cours dâun survol planĂ©taire (le plus souvent, il s'agit de la Terre) par un vaisseau spatial. En de nombreuses occasions, on a observĂ© que des vaisseaux prenaient plus de vitesse que les scientifiques ne lâavaient prĂ©dit, et jusquâĂ ce jour, aucune explication satisfaisante nâa Ă©tĂ© trouvĂ©e. Cette anomalie a Ă©tĂ© relevĂ©e par des dĂ©calages Doppler dans la bande S et dans la bande X, ainsi que par tĂ©lĂ©mĂ©trie laser. Tout pris en compte, cela produit une augmentation de vitesse inexpliquĂ©e allant jusquâĂ 13 mm/s au cours de ces survols[1].
Observations
Les explorations du systĂšme solaire ont systĂ©matiquement recours Ă lâassistance gravitationnelle. Le succĂšs de ces manĆuvres de survol dĂ©pend des paramĂštres prĂ©cis de la trajectoire, câest pourquoi la position et la vitesse du vaisseau sont relevĂ©es en permanence pendant le survol dâune planĂšte par le Deep Space Network (DSN, rĂ©seau de communications avec l'espace lointain).
On a observĂ© une premiĂšre anomalie de survol grĂące Ă une Ă©tude attentive des donnĂ©es DSN par Doppler peu aprĂšs le survol de la Terre par la sonde Galileo le . Alors que ce qui est appelĂ©e diffĂ©rence Doppler (valeur observĂ©e moins valeur calculĂ©e par ordinateur), devait ĂȘtre nulle, lâanalyse a rĂ©vĂ©lĂ© une diffĂ©rence inattendue de 66 mHz ce qui correspond Ă une augmentation de vitesse de 3,92 mm/s au pĂ©rigĂ©e. Les recherches menĂ©es sur cette anomalie par le Jet Propulsion Laboratory (JPL), le Centre de vol spatial Goddard (GSFC) et par lâUniversitĂ© du Texas nâont encore dĂ©bouchĂ© sur aucune explication satisfaisante.
Aucune anomalie de ce type n'a Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©e aprĂšs le deuxiĂšme survol de la Terre par la sonde Galileo, en , oĂč la diminution de la vitesse mesurĂ©e correspondait Ă celle attendue du fait de la traĂźnĂ©e atmosphĂ©rique Ă la plus basse altitude de 303 km. Cependant, les estimations de traĂźnĂ©e avaient de grandes barres d'incertitude, et une accĂ©lĂ©ration anormale ne pouvait donc pas ĂȘtre exclue[2].
Le , la vitesse de la sonde spatiale NEAR (Near Earth Asteroid Rendezvous) a augmentĂ© anormalement de 13,46 mm/s aprĂšs sa rencontre avec la Terre. La sonde CassiniâHuygens a gagnĂ© environ 0,11 mm/s en et Rosetta, 1,82 mm/s aprĂšs son survol de la Terre en .
Une analyse de la sonde spatiale MESSENGER (qui Ă©tudie Mercure) n'a rĂ©vĂ©lĂ© aucune augmentation significative de la vitesse attendue. Cela peut ĂȘtre dĂ» au fait que MESSENGER sâest approchĂ© et a quittĂ© la Terre de maniĂšre symĂ©trique par rapport Ă lâĂ©quateur (voir les donnĂ©es et lâĂ©quation proposĂ©e ci-dessous). Ceci suggĂšre que l'anomalie pourrait ĂȘtre liĂ©e Ă la rotation de la Terre.
En , l'engin spatial Rosetta de l'ESA a été suivi de prÚs pendant son survol terrestre en mesurant précisément sa vitesse, ceci afin de rassembler des données supplémentaires sur l'anomalie, mais aucune anomalie significative n'a été trouvée[3] - [4].
Le survol terrestre de Juno en 2013, en chemin pour Jupiter, n'a donné aucune accélération anormale[5].
En 2018, une analyse minutieuse de la trajectoire de lâastĂ©roĂŻde interstellaire 1I/Ê»Oumuamua a rĂ©vĂ©lĂ© un lĂ©ger excĂšs de vitesse lorsquâil sâĂ©loignait du Soleil. Les spĂ©culations initiales ont suggĂ©rĂ© que l'anomalie Ă©tait due au dĂ©gazage, bien qu'aucun n'ait Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©e[6].
Un résumé pour quelques engins spatiaux ayant survolé la Terre est présenté dans le tableau ci-dessous[3] - [7].
Quantity | Galileo-I | Galileo-II | NEAR | Cassini | Rosetta-I | MESSENGER | Rosetta-II | Rosetta-III | Juno | Hayabusa 2 | OSIRIS-REx[8] |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date | 1990-12-08 | 1992-12-08 | 1998-01-23 | 1999-08-18 | 2005-03-04 | 2005-08-02 | 2007-11-13 | 2009-11-13 | 2013-10-09 | 2015-12-03 | 2017-09-22 |
Vitesse de libération, km/s | 8.949 | 8.877 | 6.851 | 16.01 | 3.863 | 4.056 | 4.7 | ||||
Vitesse au pĂ©rigĂ©e, km/s | 13.738 | â | 12.739 | 19.03 | 10.517 | 10.389 | 12.49 | 13.34 | 10.3 | 8.5 | |
ParamĂštre d'impact, km | 11261 | 12850 | 8973 | 22680.49 | 22319 | ||||||
altitude minimale, km | 956 | 303 | 532 | 1172 | 1954 | 2336 | 5322 | 2483 | 561[9] | 3090[10] | 17237 |
Masse de la sonde, kg | 2497.1 | 730.40 | 4612.1 | 2895.2 | 1085.6 | 2895 | 2895 | ~2720 | 590 | ||
Inclinaison orbitale sur l'équateur, degrés | 142.9 | 138.9 | 108.8 | 25.4 | 144.9 | 133.1 | |||||
Angle de déflection, degrés | 47.46 | 51.1 | 66.92 | 19.66 | 99.396 | 94.7 | 80 | ||||
IncrĂ©ment de vitesse de libĂ©ration, mm/s | 3.92±0.08 | â4.60±1.00 | 13.46±0.13 | â2±1 | 1.82±0.05 | 0.02±0.01 | ~0 | ~0 | 0±0.8[5] | ? | ? |
IncrĂ©ment de vitesse au pĂ©rigĂ©e, mm/s | 2.56±0.05 | 7.21±0.07 | â1.7±0.9 | 0.67±0.02 | 0.008±0.004 | ~0 | â0.004±0.044 | ? | ? | ||
Gain d'énergie, J/kg | 35.1±0.7 | 92.2±0.9 | 7.03±0.19 | ? | ? |
Recherches futures
BepiColombo et ses survols terrestres, prévus pour , font partie des missions à venir à ce sujet.
Certaines missions conçues pour Ă©tudier la gravitĂ©, telles que STEP, effectueront une mesure de la gravitĂ© extrĂȘmement prĂ©cise et pourraient Ă©claircir l'anomalie[11].
Ăquation proposĂ©e
Une équation empirique pour le changement anormal de vitesse de survol a été proposée par JD Anderson et al .:
oĂč ÏE est la frĂ©quence angulaire de la Terre, RE est le rayon de la Terre et Ïi and Ïo sont les angles Ă©quatoriaux entrant et sortant de l'engin spatial[12]. Cette formule a Ă©tĂ© dĂ©rivĂ©e plus tard par Jean Paul Mbelek de la relativitĂ© restreinte, conduisant Ă lâune des explications possibles de lâeffet[13]. Cela ne prend toutefois pas en compte les Ă©carts relevĂ©s par l'USSSN - voir "Explications possibles" ci-dessous.
Explications possibles
Un certain nombre d'explications ont été proposées concernant l'anomalie de survol, notamment :
- L'effet Doppler transversal non pris en compte - c'est-à -dire le décalage vers le rouge de la lumiÚre reçue due une vitesse radiale nulle et une vitesse tangentielle non nulle[13]. Cependant, cela ne peut pas expliquer l'anomalie dans toute la gamme des données disponibles.
- Un halo de matiĂšre noire autour de la Terre[14].
- Une modification de l'inertie résultant d'un effet Casimir, liée à l'effet Unruh et à la Quantized inertia[15].
- L'impact de la relativité générale, sous sa forme linéarisée et à champ faible, produisant des phénomÚnes gravitoélectriques et gravitomagnétiques dus à l'Effet Lense-Thirring, a également été étudié[16] : cela n'a pas expliqué les anomalies de survol.
- L'explication classique de la gravité retardée proposée par Joseph C. Hafele[17].
- L'excĂšs de retard proportionnel Ă la portĂ©e du signal de tĂ©lĂ©mesure rĂ©vĂ©lĂ© par les donnĂ©es de distance du rĂ©seau de surveillance spatiale des Ătats-Unis lors du survol de NEAR[18]. Ce retard, qui tient compte de l'anomalie dans les donnĂ©es Doppler et de distance, ainsi que des oscillations Doppler restantes, Ă 10-20% prĂšs, indique des modes de modulation de frĂ©quence en rĂ©ception dus au taux Doppler, prĂ©disant une anomalie positive uniquement lorsque le suivi par DSN est interrompu autour du pĂ©rigĂ©e, et une anomalie nulle ou nĂ©gative si le suivi est effectuĂ© en continu. Aucune anomalie ne devrait survenir en Doppler suivi par des stations non DSN[19].
- L'action d'un courant de torsion topologique prédisant des anomalies de survol dans la direction rétrograde, mais avec effet nul lorsque des engins spatiaux s'approchent de la planÚte dans une direction posigrade par rapport au sens de rotation de la planÚte[20].
- L'Ă©tude du survol de Juno a permis d'examiner les erreurs d'analyse qui pourraient potentiellement ressembler Ă une anomalie du survol. Ils ont constatĂ© qu'un champ de gravitĂ© de haute prĂ©cision (au moins 50Ă50 degrĂ©s/ordre [ prĂ©ciser ]) Ă©tait nĂ©cessaire pour des prĂ©visions de survol prĂ©cises. L'utilisation d'un champ de gravitĂ© de moindre prĂ©cision gĂ©nĂ©rerait une erreur de vitesse de 4,5 mm/s[5].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Flyby anomaly » (voir la liste des auteurs).
- « ESA's Rosetta spacecraft may help unravel cosmic mystery », European Space Agency, (consulté le )
- C, Edwards, J. Anderson, P, Beyer, S. Bhaskaran, J. Borders, S. DiNardo, W. Folkner, R. Haw, S. Nandi, F. Nicholson, C. 0ttenhoff, S. Stephens, « TRACKING GALILEO AT EARTH-2 PERIGEE USING THE TRACKING AND DATA RELAY SATELLITE SYSTEM », . Les deux mĂ©thodes de mesure ont donnĂ© des ajustements similaires aux donnĂ©es. Avec une incertitude de huit pour cent, les deux mĂ©thodes ont entraĂźnĂ© une diminution de la vitesse sur la trajectoire de â5,9 ± 0,2 mm / s. Les prĂ©visions Ă priori pour le changement de vitesse induit par la traĂźnĂ©e, basĂ©es sur le modĂšle de Jacchia-Roberts, Ă©taient de â6,2 ± 4O mm / s [5], ce qui concorde clairement avec le changement de vitesse observĂ©. En revanche, les donnĂ©es DSN du survol de la Terre de dĂ©cembre 1990, Ă 956 km d'altitude, indiquaient une augmentation inexpliquĂ©e de la vitesse sur la trajectoire de 4 mm / s, aprĂšs prise en compte des effets de traĂźnĂ©e beaucoup moins importants. Compte tenu de l'incertitude des modĂšles de traĂźnĂ©e, nous ne pouvons pas exclure de maniĂšre concluante la possibilitĂ© qu'une augmentation similaire se produise Ă la Terre 2. Par exemple, une augmentation non modĂ©lisĂ©e de 4 mm / s et une diminution de la traĂźnĂ©e de -10 mm / s seraient compatibles avec nos rĂ©sultats. et notre modĂšle atmosphĂ©rique a priori.
- « Mystery remains: Rosetta fails to observe swingby anomaly » [archive du ], ESA
- (en) J. Biele, « Navigation of the interplanetary Rosetta and Philae spacecraft and the determination of the gravitational field of comets and asteroids », (consulté le )
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- NASAâS JUNO SPACECRAFT RETURNS 1ST FLYBY IMAGES OF EARTH WHILE SAILING ON TO JUPITER
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- (en) Mario J. Pinheiro, « Some effects of topological torsion currents on spacecraft dynamics and the flyby anomaly », MNRAS,â (lire en ligne)
Voir aussi
Articles connexes
- Liste de problÚmes non résolus de la physique
- Théorie MOND (théorie de la dynamique newtonienne modifiée)
- Anomalie Pioneer
- Effet Unruh
- Survol
Bibliographie
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- K. Svozil, « Microphysical analogues of flyby anomalies », New Astronomy, vol. 12, no 5,â , p. 383â397 (DOI 10.1016/j.newast.2006.11.004, Bibcode 2007NewA...12..383A, arXiv 0804.2198)
Liens externes
- Claus LÀmmerzahl, « The Pioneer Anomaly or Do We Really Understand the Physics With the Solar System? » [pdf; 6.25 MB, talk/slides], sur Center for Applied Space Technology and Microgravity, University of Bremen, , p. 123
- Andreas Aste, « Spacecraft Anomalies: An Update » [pdf; 9.8 MB, talk/slides], sur Department of Physics, University of Basel, , p. 29