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Anne Levinck

Anne Levinck est le pseudonyme littéraire de Suzanne Lambert, femme de lettres française, née à Lyon le [1], morte à Hussein Dey (Algérie) le [2], fille de Jean Lambert fondeur de cloches et de Marie Bottié.

Anne Levinck
Nom de naissance Suzanne Lambert
Naissance
Lyon (France)
Décès
Hussein Dey (Algérie)
Activité principale

Biographie

Elle est en partie élevée à Chazay d'Azergues par son grand-père, César Lambert, ancien grenadier de la Garde Royale d’Espagne puis Grenadier de la vieille Garde Impériale, Chevalier de la Légion d’Honneur. C’est auprès de ce grand-père qu’elle va acquérir une large culture, l’amour des langues et des voyages.

Grande voyageuse et aventurière

"Elle consacra les premières années de sa jeunesse à parcourir l'Espagne et l'Italie, dont elle étudia le langage et les mœurs...Voyageuse intrépide, elle a été la première française qui ait visité l'oasis de Figuig. Les romans de voyage qu'elle publie sur l'Algérie ont été étudiés sur les lieux même et témoignent, non seulement d'une brillante imagination, mais de l'observation géographique et historique la plus exacte"[3].

Dans Le dîner des gens de Lettres, Albert Cim nous apprend qu’« elle avait parcouru, à dos de bête ou par voie ferrée, une bonne partie de l’Afrique et les trois quarts de l’Europe ». Elle voyageait souvent sous déguisement comme en témoigne le capitaine de zouave Jules Colette, le père de la romancière, dans une de ses lettres:

« C’est bien le moins qu’un compagnon de voyage qui vous a suivi (par la seule pensée hélas !) de Méchéria (Méchria) à Figuig, qui a gravi avec vous les pentes de la Superga, (O ingrata Italia), les flancs des Abruzzes, le Grand Sasso, que vous avez guidé au Montserrat et à Cardona…Il est vrai qu’à Figuig vous étiez une « femme curieuse entre toutes », cachant le visage sous le voile blanc, tandis qu’en Espagne et en Italie vous deveniez un « jeune homme » ». (Lettre datée: St Sauveur Yonne, . document familial, copie à la société des amis de Colette)

Sous déguisement elle s’introduisit à Oujda, ville interdite, où elle séjourna six mois dans une famille complice. Elle en tira une nouvelle Zineba la divorcée.

Elle se disait mauvaise marcheuse, elle inventa le suicide de son mari, elle prétendait "connaître en entier Voltaire, Jean-Jacques Rousseau et Diderot à 13 ans..." Ces singularités et contradictions relevées par Cim entraînèrent le doute.
Gilbert Jacqueton qui fut conservateur adjoint de la Bibliothèque-musée nationale d’Alger et qui en connaissait parfaitement les ressources, ne croyait pas à la réalité de son expédition à Figuig qu’elle disait avoir faite à l’automne 82. Dans la Revue Africaine de 1893 il écrit : « Bien que l’Oasis de Figuig, par Mme Levinck ait été utilisé par Élisée Reclus (Géographie universelle, t.XI, p. 770), il n’est pas douteux que ce voyage soit pure œuvre d’imagination et que, loin de partir de Gériville, comme le disent MM.Playfair et Brown, l’auteur l’ait effectué tout entier sur les galeries de la Bibliothèque-Musée ».
La formule est brillante et fait sourire, surtout ceux qui connaissent la magnifique galerie de la bibliothèque de la Casbah, dans l’ancienne demeure des Deys d’Alger, où les chercheurs aimaient à travailler. Une sérieuse préparation à l’expédition de Figuig a certainement été faite sur les bancs de la galerie et les informations recueillies sont largement utilisées dans l’ Oasis de Figuig par A.Levinck.
Une lettre d’Adèle Souchier nous apprend qu’Anne Levinck est bien en Oranie jusqu’à la fin de l’année 1882 où elle se fait envoyer son courrier. Il n’est pas douteux pour reprendre l’expression de Jacqueton, que « l’élégante et fragile Mme Levinck ait fait le voyage de Figuig ». et il est très vraisemblable qu'elle fit effectivement l'incroyable séjour à Oujda que ses enfants eux-mêmes racontaient.

Tout-Paris, l'Annuaire de la société parisienne (1889) fait part de "son jour de réception à Paris, 60 rue Monge. Elle était « le charme et l’élégance », multipliait les maternités, habitait Alger et de plus menait des aventures à travers l’Afrique et l’Europe."

En Espagne, elle fit connaissance de nombreux écrivains espagnols comme Emilio Castellar dont elle traduisit des œuvres pour la Revue Bleue (le Tricorne). En 1888 elle emmène les lecteurs de la Revue de géographie dans l’ascension du Montserrat. En 1892, elle tient, dans la Revue Bleue, la rubrique Nouvelles de l’étranger où elle fait une belle part à la littérature hispanique. Elle fait la monographie de Agosta de Sampéré.

La féministe

Son féminisme engagé occupe ses écrits. Adèle Souchier approuve cet engagement. Elle répond à Anne Levinck qui lui a envoyé son livre les femmes qui ne tuent ni ne votent :
« Vous me demandez si je ferais un aimable accueil à votre livre. Sans doute, je suis curieuse de voir comment vous vengez les femmes, nos sœurs. « io le vengo » ».
Et après avoir lu le livre elle lui écrit
: « vous vengez bien les femmes... vous avez de l’âme, de l’élan, de la noblesse, et beaucoup de talent et du meilleur ».
Ce livre eut un grand succès et donna lieu à plusieurs tirages.

Elle s’en prend aux écrivains « décadents » qui maltraitent les femmes. Dans la revue le Tintamarre, T…. publie une riposte d’Anne Levinck à Louis Villatte, au sujet de sa pièce en un acte, A la Chaudière, imitée de Macbeth.
En introduction il Ă©crit :
« les décadents se sont attaqués aux femmes, ils devaient « étrenner » comme on dit à l’Élysée Montmartre… Notre décadent confrère (mâle) Louis Villatte s’est mis dans un mauvais cas, tant pis pour lui… ».
La riposte d’Anne Levinck est cinglante, moqueuse, d’un humour impitoyable.

De même les répliques d’Anne Levinck aux romans de Bonnetain font mouche.
« Mes félicitations, madame, lui écrit E.Mary-Lafon, pour la distinction, la grâce et l’esprit de vos félicitations à monsieur Bonnetain. Cette scène m’a ravie; la mesure et le ton y étaient observés avec un goût parfait. Quelle leçon pour tous ces hommes qui, avec juste raison, ont relevé l’injure faite aux vieillards, et dont aucun n’ont relevé l’injure faite aux femmes. Vous vous en êtes chargée et vous avez mieux fait qu’ils n’auraient pu le faire, vous dont la jeunesse, l’élégance et la distinction sont déjà une protestation vivante contre leurs stupides et injustes railleries ». (E. Mary.Lafon).

À la fois forte et sensible Anne Levinck est une féministe originale, elle s'oppose à une intelligentsia féministe progressiste, surtout anglaise et américaine, et garde une position conservatrice typiquement française. Il n'est pas aisé de comprendre, par exemple, malgré son argumentation idéaliste, pourquoi elle refuse la participation électorale aux femmes, elle qui les rend responsables de tous leurs gestes, elle qui ne veut pas d'une femme-objet.

La Société des gens de lettres

Anne Levinck était entrée à la Société des gens de lettres en 1884 sur la présentation de MM. Eugène d’Auriac et Charles Diguet.
« femme d’un esprit très distingué, laborieuse et érudite, elle versait dans notre catalogue, lors de son admission, un certain nombre d’œuvres qui furent maintes fois reproduites, après avoir obtenu à leur apparition, soit en librairie, soit dans différents journaux de Paris, un très estimable succès ».

« Eva, Les Femmes qui ne tuent ni ne votent, Après la ruine, Un mariage en voyage, sont des romans où notre confrère a su allier d’une façon fort attachante l’esprit le plus fin et la plus intense émotion. Elle donna libre cours à toute sa fantaisie dans un grand nombre de nouvelles, telles que Daniella, La Vertu de Vertu, La Vierge d’Evora, Zinéba la Divorcée, et se montra dans différents récits de voyages amie de l’étude et de la sévère observation ». On lui doit également un certain nombre de traductions dont Le Tricorne de Pedro Antonio de Alarcon paru dans le Temps en .

« Elle aussi, écrit Cim, quand du moins elle se trouvait à Paris, venait régulièrement à nos dîners mensuels». Atteinte de phtisie, elle décède à Alger, où elle était installée depuis de nombreuses années, le .

Hispanophone et hispanophile

C’est vraisemblablement à son grand-père, César Lambert, chez qui elle passa à Chazay d’Azergues une partie de son enfance, qu’elle doit cette attirance pour l’Espagne. César, géant de plus de deux mètres, était entré dans la garde royale d’Espagne en 1808 et fit toutes les campagnes d’Espagne jusqu’en 1813. Peut être aussi fut-elle influencée par l’histoire de Chazay d’Azergues et de sa voisine Morancé dont les noms rappellent que les Maures occupèrent un temps la région. Anne Levinck écrit à Marcelino Menéndez Pelayo, érudit espagnol, à qui elle propose de faire connaître ses œuvres en France dans la revue de géographie où elle a déjà publié Emillio Castelar et Alarcon, qu’elle croit que « c’est le meilleur moyen d’unir les peuples latins qui sont frères ».

Elle essaya donc de faire connaître les auteurs hispaniques y compris ceux du continent américain comme le Colombien José Rivas Groot.
En 1892, elle tient, dans la Revue Bleue, la rubrique Nouvelles de l’étranger où elle fait une belle part à la littérature hispanique. Elle écrivit la monographie de Agosta de Sampéré.

La vie de famille

Femme « libérée », elle mena une vie qui ne lui laissa que peu de temps pour les siens.

D’une première union avec Jacques Necker, soyeux lyonnais, sans mariage, naquirent sept enfants dont
Henry (1869-1926), Charles (1871-1942) qui fut RĂ©sident Principal au Cambodge et Albert.
Elle publia alors sous le nom de Suzanne Hecker
Après le décès de Jacques Necker, elle se lia, encore sans se marier, à Paul Levenq qu’elle présentait comme son mari et prit alors le pseudonyme littéraire d’Anne Levinck.
Berthe et Paul Jean Cassien Lambert (1883-1965) naîtront de cette union.
Ils n’habitaient pas ensemble. Anne habitait Alger, faisait de longs séjours à Paris et de longs voyages en Afrique ou en Europe.
En 1890 et 1891 Anne parcourut l’Italie et l’Espagne. Le ménage se sépara. Elle inventa le suicide de Paul Levenq pour les milieux littéraires qu’elle fréquentait à Paris où la vérité fut vite connue.

Amis et correspondants

La correspondance privée d’Anne Levinck a disparu à l’exception de brefs échanges épistolaires avec Leconte de Lisle, Charlotte Bollé-Jacques, Adèle Souchier, Mac Carthy, E. Mary-Lafon, Agar Maryse, Jules Colette, Draperon, Lord Dufferin and Ava, Henri de Bornier, Emilio Castelar, Ferdinand Brunetière, Louis de Laroque, Charles Chincholle, Baron de Ruble, Mary Letizia Wyse y Bonaparte (Marie-Lætitia Bonaparte-Wyse), Émile Zola, François Coppée, Gyp, Le Myre de Vilers, Le Général Jean-Baptiste-Marie Campenon, Raoul de Saint-Arroman, Jules Lemaître, Camille Rambaud, Alfred Rambaud, Paul Bernard, Charles Leroy, Fernand-Lafargue, Albert Cim, José Rivas Groot, Romain-Rolland mère...

Parmi ces célébrités, Mac Carthy, écrivain, Directeur de la bibliothèque Nationale d’Alger, Maryse Agar de la Comédie Française, petite fille de Corneille, qui rejoignit son amie Anne Levinck à Alger où elle mourut, Le Myre de Vilers Préfet d’Alger, Secrétaire Général du Gouvernement, Gouverneur de l’Indochine…, Dufferin et Ava Gouverneur du Canada, Vice Roi des Indes, Ambassadeur d’Angleterre à Rome, le Général Campenon Ministre de la Guerre qui s’était illustré en Algérie, Alfred Rambeau historien, Ministre de l’Instruction Publique qui comme Anne était russophone disait-on dans sa famille et portait intérêt aux colonies africaines. Il fut directeur de la Revue Bleue à laquelle Anne contribua. Il devint le tuteur de son fils Cassien (Paul Lambert) quand la maladie terrassa Anne et le fit entrer, à 14 ans et demi, à l’École Normale de Bouzareah. C’est Paul Bernard, jeune Directeur de l’École Normale qui déclara le décès d’Anne Levinck à la mairie d’Hussein Dey comme ami de la défunte.

Ĺ’uvres

Romans

  • Eve Wol.1880.in-18. sous le pseudonyme de Suzanne Hecker
  • Eva
  • Les femmes qui ne tuent ni qui ne votent. 1 vol. in-12. Marpon et Flammarion, 1882.
  • Après la ruine(Reliure inconnue - 1884). Ed. E. Dentu, 1884.
  • Un mariage en voyage

Nouvelles

Liste non exhaustive
  • Daniella, nouvelle dramatique Ă©crite en italien (1884)
  • La Vertu de Vertue
  • La Vierge d’Evora
  • Zineba la divorcĂ©e
  • CĂ©sar
  • Mademoiselle les Bas-Bleu

Articles

Plusieurs articles de journaux, comptes-rendus de voyage, études ethnographiques, rubriques littéraires et traductions pour La Revue des Deux Mondes, la Revue de Géographie, La Revue Bleue, Le Temps, Le Figaro, Le Bon Journal… dont :
  • Le Grand Sasso d'Italia
  • Turc au dix-septième siècle, Sultan Jahja
  • Lord Dufferin, explorateur
  • «Tripatouillages » d'antan : les originaux de Fagan
  • La Maison de Savoie
  • Voyage anonyme et inĂ©dit d'un JansĂ©niste...
  • En Calabre
  • La Comtesse Micaela
  • Le Montserrat
  • La Superga
  • L'Oasis de Figuig
  • La Señora Acosta de Samper

Traductions

Elle a traduit de l’espagnol pour la Revue Bleue et la Revue de Géographie plusieurs textes, dont :
  • Emilio Castelar (Le Discours de l'AcadĂ©mie, Le Soupir du Maure...)
  • AlarcĂłn (Le Tricorne – Sombrero de tres pices… )
  • Marcelino MenĂ©ndez y Pelayo

Références

Liens externes

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