Anna Tsing
Anna Lowenhaupt Tsing, née le , est une professeure américaine d'anthropologie. Elle travaille à l'université de Californie à Santa Cruz dans la division des humanités, le département des études féministes et dans le département des études environnementales[1].
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Anna Tsing reçoit sa licence (Bachelor of Arts) à l'université Yale et complète sa maîtrise et son doctorat à l'université Stanford. Elle écrit plusieurs articles et livres portant sur un large éventail de questions anthropologiques. En 2010, elle reçoit une bourse Guggenheim. En 2013, Tsing est nommée professeure Niels Bohr à l'université d'Aarhus au Danemark, pour sa contribution à un travail interdisciplinaire dans les domaines des sciences humaines, en sciences naturelles, en sciences sociales et en arts[2]. Elle travaille actuellement à l'élaboration d'un programme transdisciplinaire pour l'exploration de l'anthropocène en étant directrice de l'AURA (Recherche de l'université d'Aarhus sur l'anthropocène)[3].
Travaux notables
In the Realm of the Diamond Queen: Marginality in an Out-of-the-way Place (1993)
Le premier livre d'Anna Tsing se concentre sur les individus de la tribu Meratus Dayak (en), du Sud de Kalimantan, en Indonésie. L'informateur clef de Tsing est Uma Adang, chaman, qui lui donne un aperçu du chamanisme, de la politique et de la mythologie dans le rapport à l'identité ethnique. Le livre se concentre sur le thème de la marginalité au sein d'un état et le contexte de la communauté à l'intérieur d'un cadre genré.
Friction : délires et faux-semblants de la globalité (2004, 2020 pour la version française)
Tsing construit son travail ethnographique à partir des luttes dans les forêts des Montagnes du Meratus au Sud du Kalimantan, une province de l'Indonésie[4]. Le terme de friction est décrit comme « la maladresse, les inégalités, l'instabilité et les qualités créatives naissant de l'interconnexion à travers la différence. » Cette ethnographie est basée sur un travail de terrain à court terme plutôt qu'à long terme; le récit est basé sur des « fragments ethnographiques ». Le livre est une étude sur les paysages dominés par l'homme, les thèmes principaux sont les sociétés d'exploitation, la mondialisation, la défense de l'environnement et la dégradation de l'environnement[5].
Publié en 2005 aux États-Unis, le livre est traduit en français en 2020, précédé d'une préface de Nastassja Martin.
Le champignon de la fin du monde : sur les possibilités de vie dans les ruines du capitalisme (2015, 2017 pour la version française)
L'ethnographie de Tsing prenant en compte le champignon Matsutake donne aux lecteurs un regard sur ce rare, précieux et coûteux champignon[6] - [7].
Originaires du Japon, ces champignons apparaissent dans les paysages « ruinés » par l'activité humaine, comme les forêts surexploitées, les sols privés de leur terre arable ; par exemple, ils ont été parmi les premiers organismes à germer dans les paysages désolés d'après l'explosion de la bombe atomique à Hiroshima[8]. L'apport de Tsing dans le domaine de l'anthropologie tient à sa capacité d'étude des multiples et complexes interactions entre les espèces. En mettant en évidence les connexions entre les agents humains et non-humains, elle amène à apprendre davantage sur l'évolution des sociétés[9].
Tsing suit les champignons Matsutake dans un voyage international afin de donner au lecteur un aperçu du champignon dans la filière de transformation alimentaire pour l'amener vers des méditations sur le capitalisme. Elle utilise le Matsutake pour faire la lumière sur le thème plus large de la façon dont l'écologie est modifiée par l'interférence humaine : scalabilité, traduction, sylviculture, satoyama (en), mycélium, shiro, mycorhize, koula, sérendipité, symbiose.
Ce livre a été cependant critiqué en particulier en France pour son caractère "optimiste" et pour ne pas porter une critique plus acerbe du capitalisme et de ses effets destructeurs des environnements[10] - [11].
Le travail d'Anna Tsing, portant sur les pratiques scientifiques, s'inscrit dans les sciences studies[12]. Il relève aussi de l'anthropologie féministe[13], dans la mesure où il prend appui notamment sur la théorie féministe du point de vue, ou épistémologie du savoir situé, qui justifie une science engagée, dont les résultats vont plus dans le sens de l'objectivité que la science qui se veut impartiale et «sans perspective»[12].
Publié en 2015 aux États-Unis (Princeton University Presse), le livre est traduit et édité en français en 2017 (La découverte), précédé d'une préface de Isabelle Stengers.
Proliférations (2022)
Dans cette anthologie inédite de trois articles parue en février 2022[14], Anna Tsing propose de penser la prolifération comme étant la condition écologique et anthropologique propre à notre temps.
En racontant comment certains types de lianes prolifèrent en Indonésie à la suite de la déforestation ("De nouveaux mondes sauvages"), l'anthropologue américaine distingue l'Holocène, ère des refuges, de l'Anthropocène, ère des proliférations ("Résurgences et proliférations"). Cela l'amène ensuite à entremêler des histoires de champignons à une archéologie de l’État, le tout dans une perspective à la fois féministe et anticoloniale ("Marges indociles : les champignons comme espèces compagnes").
Ă€ ce titre, les trois textes de cette anthologie peuvent ĂŞtre vus comme un prolongement direct du Champignon de la fin du monde[15].
Dans la préface qu'elle a rédigée pour l'occasion, Isabelle Stengers écrit : "Anna Tsing nous interdit le désespoir car elle rend présents les mondes multiples et enchevêtrés que – avec ou sans nous – les vivants continuent de fabriquer les uns avec les autres[16]".
Notes et références
- (en) « Anna L Tsing », sur Site de l'Université de Californie, Santa Cruz, (consulté le ).
- (en) « Anthropology professor Anna Tsing wins $5 million Danish research award », (consulté le ).
- (en) « Aarhus University Research on the Anthropocene », sur anthropocene.au.dk (consulté le ).
- (en) « Princeton University Press ».
- Don McKenzie, « Connectivity and scale in cultural landscapes: A.L. Tsing, Friction: an Ethnography of Global Connection », Landscape Ecology, vol. 22, no 1,‎ , p. 157–158 (ISSN 0921-2973, DOI 10.1007/s10980-006-9000-7, lire en ligne).
- (en) « Tsing, A.L.: The Mushroom at the End of the World: On the Possibility of Life in Capitalist Ruins. (eBook and Hardcover) », sur press.princeton.edu (consulté le ).
- Tsing, Anna Lowenhaupt (1952-....). et Stengers, Isabelle (1949-....). (trad. de l'anglais), Le champignon de la fin du monde : sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme, Paris/17-La Rochelle, les Empêcheurs de penser en rond-la Découverte / Impr. DV Arts graphiques, 415 p. (ISBN 978-2-35925-136-4 et 2359251368, OCLC 1005352509, lire en ligne)
- (en-US) « Blasted Landscapes (And the Gentle Art of Mushroom Picking) », sur The Multispecies Salon (consulté le ).
- Anna Tsing, « Arts of Inclusion, or How to Love a Mushroom », Manoa, vol. 22, no 2,‎ , p. 191–203 (lire en ligne).
- Jade Lindgaard, « Comment agir devant l’effondrement du monde », sur Mediapart (consulté le )
- Anne Dujin, « Anna Tsing, anthropologue des liens », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Vassor Mathilde, Verquere Laura, « Anna Lowenhaupt Tsing, Le Champignon de la fin du monde : sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme, Paris, La Découverte, 2017, 415 p. », Communication & langages, 2020/3 (N° 205), p. 171-173, lire en ligne
- «Anna Tsing est une anthropologue féministe américaine», (en) Antoine Le Fevre, « Promenade avec Anna Tsing et son livre : Le Champignon de la Fin du Monde », sur Medium, (consulté le )
- Tsing, Anna Lowenhaupt (1952-...), Proliférations, Marseille, Wildproject, , 128 p. (ISBN 978-2-381140-308, présentation en ligne)
- « "Proliférations - Très bien" », sur Telerama (consulté le )
- « Proliférations », sur Editions Wildproject (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
- Liste d'anthropologues
- Liste d'ethnologues
- Mélanésie
- Le champignon de la fin du monde (en), Ă©ditions La DĂ©couverte, Paris, 2017, 416 pages (ISBN 978-2-3592-5136-4)