AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Alvéole d'abeille

Les alvĂ©oles (ou cellules), construites Ă  90 % en cire et Ă  10 % en pollen et propolis[1] par les abeilles ouvriĂšres afin de stocker dans leur ruche le miel, le pollen ou le couvain (les Ɠufs et les larves), sont des prismes juxtaposĂ©s d’axes horizontaux qui constituent le gĂąteau de cire. Ce gĂąteau de cire ou rayon est ainsi formĂ© de deux sĂ©ries d’alvĂ©oles hexagonales se rejoignant en leur base qui est composĂ©e de trois faces en biseau.

Ensemble d’alvĂ©oles d’abeilles construites sur un treillis.
Pavage hexagonal en forme d'alvéoles d'abeille.
Alvéole à fond rhombique (GeoGebra)

Mais ce qui est vraiment surprenant, c’est la forme plus que singuliĂšre de ces alvĂ©oles. L’autre extrĂ©mitĂ© de ces cellules n’est pas un hexagone rĂ©gulier, mais un emboĂźtement de trois losanges identiques, appelĂ©s rhombes. Les prismes ne se raccordent donc pas par leur surface hexagonale, mais justement par ces losanges, chaque cellule Ă©tant adossĂ©e, dĂ©calĂ©e, Ă  trois autres au moyen de ces surfaces.

Les alvĂ©oles sont construites de mi-mars Ă  mi-juillet (dans l'hĂ©misphĂšre Nord) par les abeilles ciriĂšres. La construction de l’alvĂ©ole commence par le fond. L’épaisseur des parois est infime (moins de 300 micromĂštres, c’est diaphane-translucide), seul le bord supĂ©rieur est plus Ă©pais, pour Ă©viter l’effritement.

Dimensions

La partie visible de chacune des alvĂ©oles est un hexagone rĂ©gulier dont le cĂŽtĂ© mesure environ mm. La profondeur d‘une alvĂ©ole est de 11,5 mm. L'Ă©paisseur de ses parois est d'environ un vingtiĂšme de millimĂštre. Chaque cellule est adossĂ©e Ă  trois autres cellules au moyen d'une surface formĂ©e de trois losanges (rhombes).

Les alvéoles ne sont pas placées parfaitement à l'horizontale. Elles font un angle de 7 à 8 degrés vers le haut, pour éviter que le miel s'écoule hors des cellules (capillarité).

Les abeilles construisent spontanĂ©ment des alvĂ©oles d'environ mm de diamĂštre (dimensions variables selon les variĂ©tĂ©s d'abeilles et la destination des alvĂ©oles soit 4,8 mm pour les alvĂ©oles de couvain et 5,3 mm pour les alvĂ©oles de miel) mais celles des cires gaufrĂ©es disponibles dans le commerce mesurent de 5,4 Ă  5,7 mm[2].

Chaque cadre de corps de ruche Dadant a des dimensions intĂ©rieures de 41 Ă— 26,5 cm. Il a donc une contenance thĂ©orique maximale de 82 Ă— 53 = 4 346 alvĂ©oles de mm de largeur par face soit 8 692 par cadre mais les cadres Ă©tant rarement entiĂšrement et parfaitement bĂątis, on compte en moyenne 3 500 alvĂ©oles par cĂŽtĂ© et donc 7 000 par cadres (et moitiĂ© moins pour un cadre de hausse).

Le volume intérieur des alvéoles se réduit au fur et à mesure que des naissances s'y produisent. Pour cette raison et pour des questions sanitaires, il convient de ne pas conserver plus de cinq ans un cadre bùti (avec le temps, il noircit, signe qu'il faut le remplacer).

Aperçu historique

La forme hexagonale des alvĂ©oles fut repĂ©rĂ©e par Aristote dĂšs le IVe siĂšcle av. J.-C.[3] - [4] (Histoire des animaux) puis traitĂ©e gĂ©omĂ©triquement huit siĂšcles plus tard par Pappus, mathĂ©maticien grec[3] ; mais ce n’est qu’au XVIIIe siĂšcle que cette forme rhomboĂŻdale fut remarquĂ©e. Ainsi, Maraldi, astronome Ă  l’Observatoire de Paris, dĂ©termina expĂ©rimentalement en 1712 la valeur des angles de ces rhombes, Ă©gale Ă  109° 28â€Č et 70° 32â€Č[3] - [5].

IntriguĂ© par la complexitĂ© de ces formes, l'astronome Johannes Kepler (faisant l'analogie entre la rĂ©gularitĂ© de la disposition des alvĂ©oles et celle des cristaux, il Ă©met l'hypothĂšse que les abeilles ont un esprit mathĂ©matique dans sa conjecture Ă©noncĂ©e en 1611[6]) et le physicien RĂ©aumur[7], dans ses MĂ©moires pour servir Ă  l'histoire des insectes, soupçonnent les abeilles de construire leur gĂąteau de cire dans un souci d’économie[8]. Afin de vĂ©rifier son hypothĂšse, il demanda au gĂ©omĂštre allemand König de dĂ©terminer quelle Ă©tait la cellule hexagonale Ă  fond composĂ© de trois rhombes Ă©gaux qui pouvait ĂȘtre construite avec le moins de matiĂšre possible. Par calcul diffĂ©rentiel, König trouva en 1739 que les angles de ces losanges devaient ĂȘtre Ă©gaux Ă  109°26â€Č et 70°34â€Č[8] - [3]. La correspondance de ce rĂ©sultat avec celui de Maraldi est dĂ©jĂ  Ă©tonnante, mais elle fut amĂ©liorĂ©e en 1743 par le mathĂ©maticien Ă©cossais Maclaurin[9] qui dĂ©montra que König avait commis une erreur dans ses calculs[3], et que les angles des losanges correspondant Ă  l’utilisation d’un minimum de matiĂšre Ă©taient justement ceux indiquĂ©s par Maraldi : 109° 28â€Č et 70° 32â€Č[10] [les valeurs mathĂ©matiques optimales sont Ă©gales respectivement Ă  Arc cos (-1/3) et Arc cos (1/3)]. c’est bien l’angle des faces de contact de 4 bulles de savon qui se rencontrent en un point. Les bulles de savon rĂ©alisent toujours, Ă  cause de leur tension superficielle, la surface minimale Ă  contrainte de contour donnĂ©.

C’est RĂ©aumur qui propose l’idĂ©e originale et avant-gardiste de prendre comme unitĂ© de mesure le cĂŽtĂ© du pavage hexagonal et regrette beaucoup qu’il n’en fĂ»t pas fait de mesure dans les civilisations anciennes, car cela aurait donnĂ© une traçabilitĂ© des unitĂ©s de mesure[11].

On retrouve sur ce problĂšme : Lhuillier (Berlin, 1781)[12], Lalanne (Ann.sc.nat. 1840), Brougham (CRAS, 1858) et Hennessy (proc. roy. soc. London, 1886), avec Ă©videmment Buffon et Guillaume-L. Formanoir de Palteau. Buffon Ă©met une idĂ©e, souvent reprise hĂ©las : qu’on comprime simultanĂ©ment deux ensembles de cylindres de cire allongĂ©s ; ils prendront cette forme hexagonale[13]. C’est possible, mais les abeilles ne procĂšdent pas de cette maniĂšre[14] : elles commencent par construire le fond, puis les faces des cylindres hexagonaux. Elles ont donc en elles une adaptation Ă  la construction d’un tel gaufrage du fond. Cela procĂšde certes du tassement simultanĂ© en recto-verso de la cire, et l’explication de Buffon n’est donc pas Ă  nĂ©gliger, mais cela ne correspond pas Ă  une situation de toutes les alvĂ©oles, ensemble, comme on le voit Ă©crit parfois.

Pourquoi un hexagone ?

Philip Ball rappelle qu'en 1660 le mathématicien danois Rasmus Bartholin avait suggéré que la forme hexagonale des alvéoles se formerait spontanément par la pression exercée par chaque abeille sur les parois (les abeilles ne faisaient donc pas preuve de talents de géomÚtre) alors que Charles Darwin avait proposé en 1859 que les abeilles construisaient initialement une alvéole circulaire qui devenait ensuite hexagonale[15].

Le premier souci des abeilles est de paver le plan pour pouvoir ensuite paver l’espace. On connaĂźt trois polygones rĂ©guliers permettant de paver le plan : le triangle Ă©quilatĂ©ral, le carrĂ© et l’hexagone. Or, on peut dĂ©montrer que, parmi ces trois polygones rĂ©guliers, pour une mĂȘme surface, l’hexagone est le polygone rĂ©gulier offrant le plus petit pĂ©rimĂštre.

Cependant, on pourrait se demander si l’hexagone est bien le pavage du plan le plus Ă©conomique. En effet, on pourrait envisager de combiner des polygones de toutes sortes, qui ne sont pas forcĂ©ment rĂ©guliers ni mĂȘme dont les cĂŽtĂ©s forment une ligne droite. On ne savait pas grand-chose sur ce sujet jusqu’en 1943, date Ă  laquelle le mathĂ©maticien hongrois LĂĄszlĂł Fejes TĂłth dĂ©montra que la structure hexagonale rĂ©guliĂšre restait le polygone le plus Ă©conomique pour paver le plan parmi tous les polygones Ă  cĂŽtĂ©s droits. Mais que se passe-t-il lorsque les cĂŽtĂ©s sont courbes ? Fejes TĂłth pensait que la structure hexagonale rĂ©guliĂšre resterait pratiquement la plus efficace, mais montra qu'il existait une autre forme permettant une occupation encore plus optimale de l'espace et Ă©conomisant aux abeilles 0,35 % de cire[16].

Ce n’est qu’en 1999 que Thomas Hales prĂ©sente sa preuve en 19 pages (ThĂ©orĂšme du nid d'abeille).

En 2013, le professeur Bhushan Lal Karihaloo (en) confirme la proposition de Darwin. Il montre que le travail incessant des ouvriÚres chauffe les gùteaux de cire alvéolaires circulaires à une température de 45 °C, la viscoélasticité permettant ainsi, par simple compression des alvéoles entre elles, de passer d'une forme circulaire à une forme hexagonale[17].

Pourquoi des rhombes ?

Le fond formĂ© de trois losanges permet un adossement simple des alvĂ©oles. Il est mĂȘme facile de prouver qu’il est plus Ă©conomique qu’un fond plat hexagonal mais reste-t-il le moyen le plus Ă©conomique ?

En 1964, Fejes Toth a dĂ©montrĂ© que si le fond Ă©tait formĂ© de deux petits hexagones ainsi que de deux losanges, Ă  la place de trois rhombes, la quantitĂ© de cire serait, pour un mĂȘme volume, infĂ©rieure de 0,35 % Ă  ce qu’elle est avec les losanges.

Calcul des angles

Pour dĂ©terminer les angles des rhombes minimisant la surface, on peut dĂ©jĂ  remarquer que le remplacement d’un fond hexagonal ABâ€ČCDâ€ČEFâ€Č par un fond formĂ© de 3 rhombes de diagonales AC, CE, EF, ne modifie pas le volume de l’alvĂ©ole. En effet, le volume ĂŽtĂ© est exactement Ă©gal au volume ajoutĂ©.

Il s’agit maintenant de comparer les surfaces.

losange Dans un fond rhomboĂŻdal, la surface est celle de trois losanges SABC, SCDE, SEFA

Cette surface remplace exactement la surface du fond hexagonal ABâ€ČCDâ€ČEFâ€Č et de 6 triangles Ă©gaux au triangle ABâ€ČB.

La position de B est optimale quand aire(SABC) - 2 × aire (ABâ€ČB) est minimale.

Or la diagonale du losange se calcule aisĂ©ment . Si on appelle P le centre du losange, l’aire de SABC est alors .

Quant au triangle ABâ€ČB, rectangle en Bâ€Č, son aire vaut

La quantitĂ© aire(SABC) - 2 × aire (ABâ€ČB) sera donc minimale si le chemin est minimal

Deux mĂ©thodes sont alors possibles. L’une est accessible au niveau lycĂ©e, l’autre utilise le principe de Fermat.

Niveau lycĂ©e : on appelle x la longueur BBâ€Č, il s’agit alors de rendre minimale la quantitĂ©

Le calcul de la dérivée mÚne à
C’est une fonction croissante sur (car est croissante) qui s’annule pour , c’est-à-dire lorsque .
C’est donc pour ce rapport que la fonction atteint son minimum.

Principe de Fermat : il précise que le chemin est minimal lorsque est orthogonal à soit lorsque .


Il ne reste plus qu’à trouver les angles du losange. On appelle et

  • Dans le triangle PBâ€ČB, on a
ce qui donne
  • Dans le triangle APBâ€Č
  • Donc, dans le losange SABC, on a
    • , ce qui donne
    • , ce qui donne

soit des angles de 109°28â€Č et de 70°32â€Č, comme l’a trouvĂ© Mac Laurin.


DĂ©veloppement d’une alvĂ©ole d’abeille

Notes et références

  1. Cire et rayons.
  2. Mode ou nécessité ? Le retour vers la cellule à taille "naturelle" (2003) par Raymond Zimmer
  3. Ginette Mison, René Gauthier, Les abeilles, le problÚme des alvéoles, Bulletin de L'APMEP no 428, p. 403-408, Lire en ligne
  4. Aristote, Histoire des animaux, livre V, Lire en ligne, p. 303
  5. Maraldi, Observations sur les abeilles, Mémoire de l'académie des Sciences, 1712, Lire en ligne, p. 309
  6. (en) André Authier, Early Days of X-ray Crystallography, Oxford University Press, (lire en ligne), p. 290
  7. René Antoine de Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, Volume 5 , 1740, Lire en ligne
  8. Jacques Radouan, Auguste Radouan, François Malepeyre, Nouveau manuel complet pour gouverner les abeilles et en retirer grant profit, Volume 1, Roret, 1860, p. 78
  9. Mac Laurin, Sur les bases des cellules oĂč les abeilles dĂ©posent leur miel, Transactions philosophique de la sociĂ©tĂ© royale de Londres, 11 juillet 1743, Lire en ligne
  10. Mac Laurin, Sur les bases des cellules oĂč les abeilles dĂ©posent leur miel, Transactions philosophique de la sociĂ©tĂ© royale de Londres, 11 juillet 1743, p. 281
  11. René Antoine de Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, Volume 5 , 1740, p. 398
  12. Lhuillier, Mémoire sur le minimum de cire des alvéoles des Abeilles et en particulier sur un minimum minimorum relatif à cette matiÚre, Nouveaux Mémoires de l'Académie Royale de Berlin, 1781, Lire en ligne
  13. Leclerc, Comte de Buffon, Histoire naturelle, générale et particuliÚre, avec la description du cabinet du Roy, Tome QuatriÚme, p. 99-100
  14. François Huber, Nouvelles observations sur les abeilles, GenÚve, 1814, p. 146
  15. (en) Philip Ball, « How honeycombs can build themselves. Physical forces rather than bees’ ingenuity might create the hexagonal cells », Nature,‎ (DOI 10.1038/nature.2013.13398)
  16. (en) Johannes Kepler, The Six-Cornered Snowflake, Paul Dry Books, (lire en ligne), p. 144
  17. (en) Karihaloo BL, Zhang K, Wang J, « Honeybee combs : how the circular cells transform into rounded hexagons », Journal of the Royal Society. Interface, vol. 10, no 86,‎ (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.