Althée
AlthĂ©e (en grec ancien áŒÎ»ÎžÎ±ÎŻÎ± / AlthaĂa) est un personnage de la mythologie grecque, fille de Thestios et d'EurythĂ©mis, est l'Ă©pouse d'ĆnĂ©e (roi de Calydon). Elle est la mĂšre de MĂ©lĂ©agre, TydĂ©e, MĂ©lanippe, DĂ©janire et AgĂ©las.
Ătymologie
AlthĂ©e ou Althea (en grec ancien áŒÎ»ÎžÎ±ÎŻÎ± / AlthaĂa), est un dĂ©rivĂ©e du verbe althainein qui signifie guĂ©rir, cette variante du prĂ©nom grec Althaia se traduit par « guĂ©risseuse » ou « celle qui possĂšde des pouvoirs de guĂ©rison ».
Mythe
à la naissance de Méléagre, les Moires lui prédisent qu'il mÚnerait une vie glorieuse, tant que les tisons du foyer familial ne sont pas consumés par le feu. Althée éteignit alors immédiatement la bûche et la dissimula afin de protéger la vie de son fils.
Plus tard, faisant des sacrifices pour obtenir une bonne rĂ©colte, ĆnĂ©e, oublie d'honorer les autels de la dĂ©esse ArtĂ©mis (ou Diane) ce qui provoque la colĂšre de celle-ci. IrritĂ©e, la dĂ©esse dĂ©cide d'envoyer un sanglier ravager la rĂ©gion de Calydon.
Ayant atteint l'Ăąge adulte, MĂ©lĂ©agre dĂ©cide d'organiser la chasse au sanglier et y convie de grands hĂ©ros grecs, parmi lesquels Jason, ThĂ©sĂ©e, TĂ©lamon, Nestor, Castor et Pollux, ainsi que Plexippe et ToxĂ©e, fils de Thestios et frĂšres dâAlthĂ©e. Atalante, future argonaute est prĂ©sente et MĂ©lĂ©agre en tombe amoureux. La bĂȘte est tuĂ©e : le premier coup est donnĂ© par Atalante, le coup fatal par MĂ©lĂ©agre. DĂ©sireux dâhonorer sa bien-aimĂ©e, il lui offre la tĂȘte et la peau du sanglier, ce qui suscite la jalousie de ses deux oncles, Plexippe et ToxĂ©e, qui la convoitaient Ă©galement. Au cours de leur querelle, MĂ©lĂ©agre les tue. En apprenant la mort de ses frĂšres, AlthĂ©e se dĂ©cide Ă tirer vengeance de son fils. Les sentiments de sĆur d'AlthĂ©e l'emportĂšrent sur ceux de mĂšre, et elle jeta la bĂ»che conservĂ©e depuis sa naissance au feu. Elle se consume et MĂ©lĂ©agre meurt. AccablĂ©e de remords et se souvenant de la prophĂ©tie, elle sombre dans la folie et se donna la mort.
Selon un autre mythe, Dionysos aurait demandĂ© Ă ĆnĂ©e de lui prĂȘter son Ă©pouse AlthĂ©e. En guise de rĂ©compense, ĆnĂ©e aurait reçu de ce dieu un plant de vigne, qui jusqu'alors, Ă©tait inconnu dans son royaume[1].
Présence dans la culture littéraire
à travers le mythe de Méléagre dans l'Iliade d'HomÚre
Lâhistoire de MĂ©lĂ©agre est racontĂ©e par HomĂšre et par les mythographes. Dans sa version, AlthĂ©e est tiraillĂ©e entre sa colĂšre de sĆur qui vient de perdre ses frĂšres, tuĂ©s de la main de son fils, et ses sentiments de mĂšre, fiĂšre de la victoire de ce dernier. Elle ne peut se rĂ©soudre Ă tuer son fils de ses propres mains, alors elle ne cesse de supplier les dieux - ce qui ne manque pas d'irriter son fils qui, de son cĂŽtĂ©, savoure sa victoire dans les bras d'Atalante - afin qu'ils accomplissent sa tĂąche dĂ©chirante Ă sa place :
« Méléagre oubliait la gloire dans les bras de cette épouse, nourrissant le chagrin qui le consumait, courroucé des imprécations que sa mÚre Althée ne cessait d'adresser aux dieux, dans le désespoir qu'elle ressentait de la mort de son frÚre, qu'il avait tué dans un combat. Elle tombait à genoux, frappait de ses mains à coups redoublés la terre nourrice des hommes, appelait le cruel Pluton et l'horrible Proserpine, et les conjurait, en arrosant son sein d'un torrent de larmes, de donner la mort à son fils. »
Dans les MĂ©tamorphoses d'Ovide
AlthĂ©e, qui fĂȘtait l'exploit de son fils MĂ©lĂ©agre, ne songe plus qu'Ă le punir quand elle apprend le meurtre de ses propres frĂšres. Elle se souvint alors de la souche de bois, qu'elle avait sauvegardĂ©e et dont dĂ©pendait la vie de son fils. Les Parques en effet avaient annoncĂ©, lors de sa naissance, qu'elles accordaient Ă l'enfant la mĂȘme durĂ©e de vie qu'Ă ce morceau de bois. Se sentant tenue de venger ce meurtre et partagĂ©e entre son amour pour ses frĂšres et son amour maternel, elle fait prĂ©parer un feu, dans lequel elle hĂ©site longtemps Ă faire disparaĂźtre la souche fatidique. Finalement, la sĆur en elle l'emporte : bien consciente de commettre une abomination, elle dĂ©cide non sans dĂ©chirement de sacrifier la vie de son fils en invoquant les dĂ©esses de la vengeance, sĂ»re ainsi d'accomplir un devoir sacrĂ© Ă l'Ă©gard de ceux de son sang. DĂ©sespĂ©rĂ©e, elle jette le tison dans le feu, maudissant sa famille et dĂ©sirant rejoindre ses frĂšres dans la mort [2]:
« Althée apporte cette souche, fait entasser des bûches de pin
et des débris de bois, puis elle y boute un feu ravageur.
Alors, quatre fois, elle tenta de poser la souche sur les flammes,
quatre fois, elle se retint ; la mĂšre et la sĆur en elle sont en lutte. »
Le matricide dans la littérature des Temps Modernes
Plusieurs rĂ©Ă©critures de lâhistoire de MĂ©lĂ©agre sont rĂ©alisĂ©es en France entre 1580 et 1650, cet infanticide, rappelant celui perpĂ©trĂ© par MĂ©dĂ©e et mĂȘlant les sentiments dâune mĂšre et lâexpression des devoirs dâune sĆur qui doit sauver l'honneur de ses frĂšres, peut ĂȘtre commis de maniĂšres bien diffĂ©rentes selon les dramaturges. Les trois rĂ©Ă©critures suivantes proposent de grandes variations en ce qui concerne l'Ă©laboration de l'infanticide :
Pierre de Bousy, Méléagre :
Bousy Ă©voque dans les sonnets du paratexte « lâhorreur » et « le sanglant Eschafaut ». En jouant sur le motif amoureux et la dĂ©ploration dâAlthĂ©e sur les corps de ses frĂšres, Boissin cherche le pathĂ©tique.
Alexandre Hardy, Méléagre :
Le MĂ©lĂ©agre dâAlexandre Hardy est dâune violence extrĂȘme et programme une lecture politique. De mĂȘme, Alexandre Hardy a retirĂ© tout sentiment maternel Ă AlthĂ©e, et nâa rien gardĂ© ni de la douleur, ni de la lutte de sentiments quâOvide lui avait attribuĂ© dans ses MĂ©tamorphoses. Pour se rendre compte de la diffĂ©rence qui existe entre les sentiments de ces deux femmes comparons leurs discours : Quatre fois elle fait un effort pour poser le tison sur le feu, quatre fois elle sâarrĂȘte indĂ©cise ; en elle la mĂšre et la sĆur se combattent et ces deux noms tirent un seul et mĂȘme cĆur en sens contraires. TantĂŽt lâhorreur du crime quâelle va commettre fait pĂąlir son visage ; tantĂŽt les feux de la colĂšre font monter Ă ses yeux leurs rouges lueurs ; parfois il semble que ses traits menaçants annoncent je ne sais quelle action cruelle, parfois ils offrent lâexpression de la pitiĂ© ; Ă peine lâardeur sauvage de son courroux a-t-elle sĂ©chĂ© ses larmes quâelle trouve encore des larmes. Comme un vaisseau, entraĂźnĂ© dâun cĂŽtĂ© par le vent, de lâautre par le flot, subit ces deux forces contraires et leur obĂ©it dans sa course incertaine ; ainsi la fille de Thestius flotte irrĂ©solue entre des sentiments divers ; tour Ă tour sa colĂšre se calme et aussitĂŽt aprĂšs se rĂ©veille.La MesnardiĂšre imagine Ă partir de cette histoire une fable morale et juste pour un spectacle qui refuse lâhorreur et utilise le sang avec parcimonie. BensĂ©rade, qui lâa probablement lu, semble suivre les leçons du thĂ©oricien mais sa mise en Ćuvre de lâinfanticide nâest pas sans cruautĂ© â le jeune homme meurt en se consumant durant tout le dernier acte[3].
Isaac de Bensérade, Méléagre :
Contrairement Ă La MesnardiĂšre qui imagine Ă partir de ce mythe une fable morale et juste pour un spectacle qui rejette lâhorreur et agence des scĂšnes violentes avec modĂ©ration, BensĂ©rade, lui, semble suivre les leçons du thĂ©oricien mais sa reprĂ©sentation du meurtre d'AlthĂ©e nâest pas sans cruautĂ© : en effet, le personnage de MĂ©lĂ©agre est soumis Ă un sort en apparences beaucoup plus atroce que dans les autres rĂ©Ă©critures puisqu'il meurt en se consumant durant tout le dernier acte dans d'horribles souffrances.
Interprétations modernes
Puissante et conséquente, elle est un symbole du matriarcat, et un exemple tragique d'infanticide[4] - [5] - [6]
Sources
- Apollodore, BibliothÚque [détail des éditions] [lire en ligne], I, 8, 2.
- Diodore de Sicile, BibliothÚque historique [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 34.
- HomÚre, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne], IX, 529.
- Ovide, Métamorphoses [détail des éditions] [lire en ligne], VIII, 270 et 455.
- Pausanias, Description de la GrÚce [détail des éditions] [lire en ligne], X, 31, 4.
- SénÚque, Médée, III, 3.
Notes et références
- Joël Schmidt, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, Larousse, , 366 p. (ISBN 9-782035-936318), p. 28
- « Ovide, Métamorphoses, 8, 260-546 », sur bcs.fltr.ucl.ac.be (consulté le )
- « MĂ©lĂ©agre. TragĂ©die â BibliothĂšque dramatique, CELLF », sur bibdramatique.huma-num.fr (consultĂ© le )
- Clotilde Thouret, « La merveilleuse irrésolution d'Althée sur la mort de Méléagre », Littératures classiques no 67, 2008/3, p. 59-70 [lire en ligne].
- SénÚque l'évoque dans Médée, III, 3: "tes mains impies, Î Méléagre, ont détruit les frÚres de ta mÚre qui a vengé leur mort par la tienne."
- Allah-Shokr ASSADOLLAHI, Mahdi AFKHAMINIA, Mehrnoosh KEYFAROKHI, « Etude psychanalytique de l'infanticide dans l'univers des mythes », Ătudes de Langue et LittĂ©rature Françaises,â , p. 10 (lire en ligne)