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Affaire des viols de Pré-Naville

L'affaire des viols de PrĂ©-Naville est une affaire judiciaire consĂ©cutive aux viols de deux jeunes femmes[1] par la bande dite des « Pharaons Â» dans le squat de PrĂ©-Naville, quartier des Eaux-Vives Ă  Genève dans la nuit du 10 au [2].

Affaire des viols de Pré-Naville
Fait reproché Viol collectif
Chefs d'accusation Agression sexuelle
Pays Drapeau de la Suisse Suisse
Ville Genève
Date
Nombre de victimes deux
Jugement
Statut Affaire jugée, quatre
inculpés sont reconnus
coupables de viols,
sept de complicité
Tribunal Cour d'assises
Date du jugement
Recours Cassation (1983)
Tribunal fédéral (1984)

Historique

Dans la nuit du 10 au onze hommes (accompagnĂ©s de trois femmes)[3] - [4] de la bande dite des « Pharaons Â»[5], pĂ©nètrent en se faisant passer pour d'autres dans un immeuble occupĂ© au 6, rue PrĂ©-Naville Ă  Genève et violent les deux jeunes femmes prĂ©sentes. Sept d'entre eux reviennent plus tard, passent par la fenĂŞtre et les violent Ă  nouveau Ă  4 reprises[6] - [7]. Ils ont cassĂ© les lampes et occultĂ© les fenĂŞtres, et brouillent les pistes en taisant leurs noms respectifs pendant l'enquĂŞte. Ces actes donnent lieu au premier procès pour viol dont les consĂ©quences politiques Ă  Genève seront importantes. Le Mouvement de libĂ©ration des femmes (MLF) genevois constitue un ComitĂ© contre le viol pour soutenir les deux femmes victimes. Dans un contexte oĂą les personnes occupant des squats se plaignent de la façon dont on les dĂ©loge et du manque de protection de la police contre les agressions subies par des bandes, aucun lien entre la bande des Pharaons et le propriĂ©taire de l'immeuble de PrĂ©-Naville ne peut ĂŞtre dĂ©montrĂ© mais l'instruction du procès traĂ®ne en longueur[8].

Deux cents personnes manifestent en pour dénoncer le manque de volonté des autorités dans la poursuite des actes de viol, ainsi que les violences touchant les squatters[9]. Les inculpés ont fait de la prison préventive, mais le dernier d'entre eux est libéré déjà le [10].

En , les deux victimes de ces viols sont les seules personnes convoquées à la suite de la découverte de graffitis sur les murs des domiciles des agresseurs[11], le comité contre le viol dénonce une stigmatisation des victimes.

Le , la Cour d’assises de Genève dĂ©clare les 11 accusĂ©s coupables, sans circonstances attĂ©nuantes, de viol, d’attentat Ă  la pudeur avec violence et de complicitĂ© de viol. Quatre membres de la bande des Pharaons sont reconnus coupables de viol. Monsieur Patrick Blaser, substitut du procureur gĂ©nĂ©ral, rĂ©clame des peines allant de 27 mois Ă  7 ans de rĂ©clusion. Les peines prononcĂ©es vont de 20 mois Ă  5 ans et demi d’emprisonnement, sans sursis[12] - [13].

Le jour du procès, entre 150 et « plusieurs centaines »[2] de personnes participent Ă  un rassemblement « contre le viol et les violences faites aux femmes » devant le Palais de justice. Cette manifestation est organisĂ©e notamment par le Dispensaire des femmes, SolidaritĂ© femmes en dĂ©tresse, le ComitĂ© contre le viol, et Radio Pleine Lune[12] - [14].

Les accusés font recours et tous sont déboutés en 1984, sauf un, pour lequel un vice de forme est reconnu[15].

Un des accusĂ©s a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  5 ans de rĂ©clusion. Ses recours en 1983 et 1984 en cassation et au Tribunal fĂ©dĂ©ral ont Ă©tĂ© rejetĂ©s. Il part Ă  l’étranger avant de subir sa peine, mais il est interpellĂ© lors d’un contrĂ´le d’identitĂ© en Suisse en 1994 et incarcĂ©rĂ©. Une demande de grâce partielle auprès du Grand Conseil (une rĂ©duction de peine de 14 mois) est refusĂ©e le , par souci d'Ă©galitĂ© de traitement avec les autres condamnĂ©s qui, Ă  ce jour, ont tous accompli leur peine (l’un d’eux s’est suicidĂ© durant sa dĂ©tention)[16].

Suites

Comité contre le viol

Le ComitĂ© contre le viol crĂ©Ă© par le Mouvement de libĂ©ration des femmes (MLF) genevois avait pour mot d’ordre : « Contre le viol toute dĂ©fense est lĂ©gitime » et pour objectif « sortir du silence » et venir en aide aux femmes violĂ©es. Des rĂ©unions ouvertes Ă  toutes les femmes ont lieu un soir par semaine au Centre femmes. Le ComitĂ© dĂ©nonce la manière dont la police et la justice ont traitĂ© l’affaire de PrĂ©-Naville ; une pĂ©tition signĂ©e par 200 femmes, une confĂ©rence de presse et un rassemblement sont organisĂ©s pour exiger le respect des victimes[4].

Ce comitĂ© devient en une association pĂ©renne dans le but d’aider les victimes de viols : Â« Viol-Secours Â»[17]. Ce collectif rĂ©pond « au vide institutionnel en matière de lutte contre le viol »[13]. L’association ouvre une permanence tĂ©lĂ©phonique et Ă©tend son domaine d'activitĂ©s. Elle existe toujours en 2018[18] - [19].

Droit pénal et justice

Déjà en 1983, la conseillère nationale genevoise socialiste Amélia Christinat dépose une motion « invitant le Conseil fédéral à envisager une modification du Code pénal afin d’introduire la notion de circonstances aggravantes pour les viols commis par les individus agissant en bande ». Les condamnations prononcées dans l’affaire de Pré-Naville ont visé des auteurs individuels, sans que le tribunal ne puisse retenir la circonstance aggravante d’avoir agi en groupe[20].

Le entre en vigueur une révision du Code pénal en ce qui concerne les infractions contre l'intégrité sexuelle. Un des points concerne l’introduction d'une circonstance aggravante permettant de punir plus sévèrement les auteurs d'un viol commis en commun par plusieurs personnes.

Dans leur travail sur les réponses données aux violences faites aux femmes dans le canton de Genève, Marta Roca I Escoda et Marylene Lieber affirment en 2015 que ce procès a été « le premier procès politique en matière de viol soutenu par un comité, largement suivi par le public et amplement couvert par la presse », et que les condamnations ont été « d’une rare sévérité à Genève en matière de viol à l’époque ». L’un des buts de Viol-Secours a été de « faire reconnaître le viol en bande comme une circonstance aggravante »[13]. En droit français, le viol commis par plusieurs personnes, ou « viol en réunion » est puni plus sévèrement[21].

Ă€ Genève, le procès de PrĂ©-Naville marque un tournant dans le traitement des affaires de viol. Lorella Bertani, juge supplĂ©ante auprès du tribunal de Genève, Ă©crit en 2018 dans un article intitulĂ© « Code lourd et drague pĂ©nale Â» que : « pour la première fois on entendait vraiment les victimes et on condamnait les auteurs »[22].

Bibliographie

  • Marta Roca I Escoda et Marylene Lieber, « La mise en Ĺ“uvre et les mutations d'un problème public : les violences faites aux femmes dans le Canton de Genève », Onati Socio-legal Series, vol. 5, no 2,‎ , p. 11-12 (lire en ligne, consultĂ© le )

Notes et références

  1. Michel Schweri, « Les violences sexuelles contre les femmes restent vivaces », Le Courrier,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. « Viols de Pré-Naville », rts.ch,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. « Pré-Naville trois viols seulement », Journal de Genève,‎ , p. 12 (lire en ligne, consulté le ).
  4. Maryelle Budry (éd.) et Edmée Ollagnier (éd.), Mais qu’est-ce qu’elles voulaient ? : Histoire de vie du MLF à Genève, Lausanne, Éditions d'en bas, , 241 p. (ISBN 2-8290-0242-3, lire en ligne), p. 219-222.
  5. « Viol, ne politisons pas l'affaire », Journal de Genève,‎ , p. 21 (lire en ligne, consulté le ).
  6. Pauline Delage, « Les « femmes battues » ensevelies au fil des ans », sur www.reiso.org, Revue Reiso (consulté le ).
  7. « Viol de pré-Naville, les accusés iront aux assises », Journal de Genève,‎ , p. 13 (lire en ligne, consulté le ).
  8. « Les squatters « Tout le monde contre nous Â» », Journal de Genève,‎ , p. 12 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  9. « Manifestation contre les viols dans les immeubles occupés », Gazette de Lausanne,‎ , p. 5 (lire en ligne, consulté le ).
  10. « Viols à Pré-Naville : tous libres », Journal de Genève,‎ , p. 12 (lire en ligne, consulté le ).
  11. « Les femmes violĂ©es seraient « mises au banc des accusĂ©s Â» », Journal de Genève,‎ , p. 14 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  12. « Viols de Pré-Naville : le verdict », Journal de Genève,‎ , p. 12 (lire en ligne, consulté le ).
  13. I Escoda et Lieber 2015, p. 11-12.
  14. « « Tous les jours ras le viol Â» » (8.3.1983) [affiche (noir sur papier vert) 29,3 x 42 cm]. Fonds : Mouvement de LibĂ©ration des Femmes (MLF) de Genève; Dossier : Affiches du MLF-Genève; Cote : N036. Genève : Espace Femmes International (prĂ©sentation en ligne).
  15. « Viols de Pré-Naville, un procès à refaire », Journal de Genève,‎ , p. 19 (lire en ligne, consulté le ).
  16. « Séance du jeudi 27 juin 1996 », Grand Conseil, sur ge.ch, (consulté le ).
  17. Christiane Pasteur, « Viol-Secours, trente ans entre militantisme et professionnalisme », Le Courrier,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. Site de Viol-Secours.
  19. Rossela Bottari, « Viol-Secours : 20 ans de lutte », L'Émilie,‎ 2005/2006, p. 21 (lire en ligne, consulté le ).
  20. Amélia Christinat, « Motion contre le viol en bande », Femmes suisses et le Mouvement féministe : organe officiel des informations de l'Alliance de Sociétés Féminines Suisses, vol. 71, no 5,‎ , p. 7 (lire en ligne, consulté le ).
  21. Code pénal, L2.2.2.3.1 - Du viol sur Légifrance.
  22. Lorella Bertani, « Code lourd et drague pénale », La Lettre du Conseil, no 65,‎ , p. 70-75 (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

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