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Affaire de la Vallée Blanche

L'affaire policiĂšre dite affaire de la VallĂ©e Blanche est une enquĂȘte judiciaire non Ă©lucidĂ©e, contemporaine de l'Affaire Vincendon et Henry, au sujet de la mort dans le massif du Mont-Blanc en avril 1956, de FrĂ©dĂ©ric Ebel, trafiquant international de mĂ©taux prĂ©cieux[1], recherchĂ© par la police alors que son complice a rĂ©ussi Ă  franchir la frontiĂšre quelques jours avant[1].

Avant son départ, les gendarmes ont tenté de l'interroger[2] et il a rencontré à Chamonix Jacques Franchi, du « gang des cigarettes »[3] en pleine réorganisation des réseaux de trafic de cigarettes. Ebel est mort à 3000 mÚtres d'altitude alors qu'il tentait de se réfugier en Italie. Avec lui sont décédés le moniteur et ex-champion de ski Joachim Muckenbrunn et le plus célÚbre des guides de la vallée de Chamonix, Paul Demarchi, héros de plusieurs sauvetages et opérations spectaculaires qui lui avaient coûté en 1938 une amputation des orteils. Les trois victimes sont retrouvées sans leurs gants malgré les nuits glaciales à cette altitude[3].

L'affaire de la Vallée Blanche a inspiré un roman écrit par un ami des victimes, chez qui elles s'étaient réunies avant leur mort, qui décrit trÚs précisément les développements de l'affaire[4].

La popularitĂ© du guide dĂ©cĂ©dĂ© attire l'attention sur la faible organisation du secours en montagne en France. Huit mois plus tard au mĂȘme endroit, dix jours de calvaire Ă  4000 mĂštres de deux jeunes alpinistes, partis le gravir le mont Blanc par la Brenva, suivis Ă  la jumelle depuis la vallĂ©e[5] - [6], dĂ©chaĂźnent Ă  nouveau les passions et la compassion pour les sauveteurs[7], Paris-Match rappelant que la veuve et les orphelins de Paul Demarchi vivent dans la nĂ©cessitĂ©, ce qui va contribuer Ă  la crĂ©ation des pelotons de gendarmerie de haute montagne[8] - [9].

Selon un rĂ©capitulatif de la guide-confĂ©renciĂšre Christine Moyon-Lasserre[10], effectuĂ© Ă  partir des articles de nombreux hebdomadaires et du quotidien Le Temps de Paris qui ont couvert l'enquĂȘte, les chamoniards ont Ă©tĂ© « abasourdis »[11] par les rĂ©vĂ©lations de l'enquĂȘte sur l'affaire de la VallĂ©e Blanche, qui a mis au jour beaucoup d'Ă©nigmes dans le comportement des trois victimes [11]. Au mĂȘme moment Maurice Herzog fait discrĂštement publier une autobiographie posthume et tronquĂ©e de Louis Lachenal, dĂ©cĂ©dĂ© accidentellement fin 1955 aprĂšs seize opĂ©rations de ses pieds gelĂ©s en cinq ans[12], suscitant le malaise car le manuscrit a lui aussi Ă©tĂ© amputĂ©, d'un chapitre entier[12], alors que le «roman vĂ©cu» de leur conquĂȘte commune, "Annapurna, premier 8000" se vend Ă  15 millions d'exemplaires[12].

Contexte

L'affaire de la VallĂ©e Blanche est contemporaine de l'Affaire du double meurtre de Montfort l'Amaury, qui dĂ©bute le 31 mai 1955 dans la forĂȘt de Rambouillet et dont les ramifications s'Ă©tendent, elles aussi, jusqu'en Espagne et au Maroc. Les enquĂȘteurs retrouveront les mĂȘmes rĂ©seaux et la mĂȘme banque dans les deux affaires[1].

DĂšs le dĂ©but du travail des enquĂȘteurs, Le Monde affirme qu'ils seront « peut-ĂȘtre amenĂ©s Ă  faire un rapprochement entre cette affaire et celle de Montfort-l'Amaury »[1] et prĂ©cise qu'Ebel Ă©tait en passe de « prendre la direction et le contrĂŽle (..) en vue de nouvelles opĂ©rations frauduleuses »[1] de la banque qui avait escomptĂ© 60 millions de francs de traites de cavalerie pour Francis Bodenan dans l'affaire du double meurtre de Montfort l'Amaury[1]. Selon le mĂȘme journal, le truand Jo Attia, Ă©galement citĂ© dans cette affaire et alors toujours incarcĂ©rĂ© Ă  Tanger, « connaissait de son cĂŽtĂ© des courtiers de cet Ă©tablissement »[1].

Les circonstances

Le second tronçon français du tĂ©lĂ©phĂ©rique de l'Aiguille du Midi, inaugurĂ© neuf mois plus tĂŽt, le 24 juin 1955[13], permettant de s'Ă©lever Ă  3 778 m en quelques minutes, n'est pas ouvert au mois d'avril.

Le corps du guide est curieusement retrouvé à seulement une centaine de mÚtres de son arrivée, dans un secteur qu'il connait dans le détail, ayant gardé pendant des années le refuge le plus proche puis participé au chantier de construction du téléphérique.

Le télécabine Panoramic Mont-Blanc qui prolongera ce dernier à partir de 1957 pour traverser le glacier du Géant, depuis l'Aiguille du Midi, jusqu'à la Pointe Helbronner marquant la frontiÚre avec l'Italie, n'existe pas encore en avril 1956.

Magré le climat trÚs rigoureux d'avril à cette altitude, les victimes espéraient effectuer ce parcours à ski, en partant de Chamonix, afin que l'une d'elles, Fréderic Ebel, redescende ensuite sur l'Italie en utilisant le téléphérique italien, présent à partir de pointe Helbronner, qui avait lui été inauguré pour l'exploitation au public le 28 août 1947[14].

Depuis juin 1955, cÎté français, le nouveau téléphérique de l'Aiguille du Midi permettait la descente à ski hors piste de la Vallée Blanche , itinéraire non balisé et non surveillé, sur les glaciers du Géant, du Tacul et Mer de Glace. Le célÚbre alpiniste Louis Lachenal, revenu les pieds gelés de l'expédition qui avait vaincu en 1950 l'Annapurna, était mort en tombant dans une crevasse, aprÚs l'effondrement d'un pont de neige[15], lors d'une de ces descentes à ski de la Vallée Blanche, effectuée hors-saison, en novembre 1955, peu avant l'affaire de la Vallée Blanche.

Les victimes

Le drame cause trois victimes, Paul Demarchi, environ 43 ans, considĂ©rĂ© comme le plus cĂ©lĂšbre des guides de Chamonix Ă  l'Ă©poque[11], le moniteur et ex-champion de ski Joachim Muckenbrunn, environ 53 ans, et un de leurs clients, FrĂ©dĂ©ric Ebel, alias Perrin, environ 41 ans. Leurs corps sont retrouvĂ©s Ă  trois endroits diffĂ©rents de la Montagne. Ebel semble selon l'autopsie avoir dĂ©cĂ©dĂ© une dizaine d'heures avant les deux autres, dans la crevasse oĂč tous trois semblent s'ĂȘtre abritĂ©s d'une tempĂȘte.

Frédéric Ebel

Né en 1915 à Katowice (Pologne) puis naturalisé français, Frédéric Ebel était accusé d'avoir recouru à des licences d'importation pour un marché fictif de machines-outil[16], afin de faire tourner un trafic de devises portant sur plus d'un milliard de francs[16].

Une semaine avant lui, son homme de paille Gaston Chevey, 67 ans, a franchi la frontiÚre, à Modane le 2 avril, alors qu'il se savait recherché par les services parisiens de la police économique[1]. Il sera interpellé par Interpol une semaine aprÚs le drame dans la banlieue napolitaine, à la villa Ruggieri - dont les occupants étaient en relation avec Ebel[1]. Ce dernier, dirigeant une société de transport basée à GenÚve[17] - [18], qui lui servait de couverture, il était connu depuis la fin de la guerre pour des transactions sur d'importantes quantités de litres étrangers spoliés par les Allemands[17]. Son arrestation en 1949 par la sûreté nationale et la police de l'air[18] faisait suite à celle de Bernard Stcinworth, en possession de 25 kilos d'or[17] - [18], et aux documents saisis sur commission rogatoire à GenÚve établissant qu'en moins d'un an ils avaient introduit frauduleusement plus de deux tonnes d'or en France, grùce à une flotte de huit avions Beechecraft bimoteurs basés à l'aérodrome d'Amsterdam[17]. Il fut ensuite répertorié comme commerçant sur le boulevard Beauséjour à Paris[2].

Soucieux de se réfugier en Italie, il avait dans un premier temps demandé à plusieurs reprises, dÚs la fin mars, l'autorisation d'emprunter le téléphérique de l'Aiguille du Midi, inauguré depuis seulement quelques mois mais normalement fermé à cette époque. La direction refuse de le rouvrir pour lui et il décida, pour aller en Italie, de gagner le col du Géant, en remontant la Mer de Glace et la Vallée Blanche en ski de montagne[16].

Trois semaines aprĂšs la mort de FrĂ©dĂ©ric Ebel, un de ses partenaires en affaires, le Turc Nessim LĂ©vi est condamnĂ© par la Justice Ă  payer Ă  300 000 francs d'amende, pour avoir rapatriĂ© clandestinement, par la Turquie, des montants provenant d'un marchĂ© d'exportation aux États-Unis[19].

Paul DĂ©marchi

La plus emblĂ©matique des trois victimes est le guide, Paul Demarchi, 43 ans[2], qui laisse une veuve et trois enfants[2]. Il ignorait tout des motivations et projets de son client car il avait Ă©tĂ© recrutĂ© indirectement par un intermĂ©diaire, son ami le moniteur de ski Joachim Muckenbrunn[2], une autre cĂ©lĂ©britĂ© de la vallĂ©e de Chamonix. Leur client commun, prĂ©textant un rendez-vous d'affaires urgent Ă  Courmayeur, sur le versant italien du Mont-Blanc leur avait demandĂ© de les emmener jusqu'au col du GĂ©ant, Ă  la frontiĂšre, oĂč le tĂ©lĂ©phĂ©rique l'aurait ensuite redescendu cĂŽtĂ© italien [2].

« Fils, petit-fils et arriÚre-petit-fils de guides, surnommé "le Butsch" ( "le Colosse" en patois chamoniard) »[20], son « aspect physique évoquait la figure de l'acteur allemand Gustav Diessl, héros du fameux film de l'allemande Leni Riefenstahl »[20] SOS Eisberg, racontant en 1933 une expédition partie à la recherche d'un groupe de scientifiques égarés un an auparavant.

Paul Démarchi avait été surnommé « le Saint-Bernard des Neiges » et « le guide aux quarante sauvetages »[11], effectués entre 1930 et 1955, parmi lesquels celui de 1951[21], à la recherche des corps des victimes du crash sur le sommet du Mont-Blanc de l'avion indien Malabar Princess, à 4 700 mÚtres d'altitude, qui a inspiré La Neige en deuil, roman de l'écrivain français Henri Troyat paru en 1952, puis le le film éponyme de 2004.

Paul DĂ©marchi avait dĂšs 1938, Ă  l'Ăąge de seulement 25 ans, perdu plusieurs orteils[22], enlevĂ©s par des engelures Ă  4000 mĂštres d'altitude lorsqu'il avait pris la tĂȘte de la caravane de secours du sauvetage spectaculaire de fĂ©vrier 1938[23], organisĂ© pour les trois alpinistes qui venaient de rĂ©ussir la premiĂšre traversĂ©e hivernale des Aiguilles du Diable, au Mont-Blanc du Tacul, exploit qui a inspirĂ© quatre ans aprĂšs À l'assaut des aiguilles du Diable, grand classique et grand rĂ©ussite commerciale du cinĂ©ma de montagne, tournĂ© en 1942 par le rĂ©alisateur de cinĂ©ma de montagne Marcel Ichac (1906-1994), avec l'alpiniste Armand Charlet dans son propre rĂŽle.

Le 10 fĂ©vrier 1938, pris dans une tempĂȘte de neige, le guide suisse Raymond Lambert et ses deux clients genevois, Erica Stagni et Marcel Gallay, s'Ă©taient rĂ©fugiĂ©s dans une crevasse au col Maudit, un lieu proche de celui des trois dĂ©cĂšs de l'affaire de la VallĂ©e Blanche. Raymond Lambert, quasiment mourant, avait trouvĂ© la force d'en ressortir trois jours aprĂšs pour chercher secours et croiser par chance la colonne de secours. Deux des trois rescapĂ©s avaient ensuite obtenu des succĂšs de librairie en revenant sur le drame par la plume, en 1940[24], 1946[25] et 1952[26], l'Ă©dition française du premier des deux livres de Marcel Gallay Ă©tant sous-titrĂ©e "Étude mĂ©dicale sur les congĂ©lations"[27] - [28] . Raymond Lambert, amputĂ© de plusieurs orteils lui aussi, avait mĂȘme accĂ©dĂ© Ă  la notoriĂ©tĂ© mondiale lors de l'expĂ©dition suisse Ă  l'Everest de 1952, capitalisant sur l'expĂ©dition de reconnaissance britannique de 1951 et dernier jalon avant la cĂ©lĂšbre expĂ©dition victorieuse britannique de 1953.

De son cĂŽtĂ©, Paul DĂ©marchi, handicapĂ© et « empĂȘchĂ© d’exercer »[29] par l'amputation de plusieurs orteils subie en 1938, Ă©tait devenu en 1939 le gardien du nouveau refuge du Plan de l'Aiguille, oĂč il porte secours au jeune Louis Lachenal, qui vient d'effectuer Ă  18 ans, avec Louis Faramaz sa premiĂšre grande course Ă  l'Aiguille du GrĂ©pon[30]. Le refuge sera plus tard gardĂ© par Jean Schuler et Rionda (1948), puis Lucien Thivierge et AndrĂ© Zizi, avant d'ĂȘtre rĂ©quisitionnĂ©, de 1950 Ă  1954, pour construire et accueillir les bennes du premier tronçon français du tĂ©lĂ©phĂ©rique de l'Aiguille du Midi [31] et lors de la construction du second tronçon du tĂ©lĂ©phĂ©rique de l'Aiguille du Midi[32], malgrĂ© son handicap, avec ses deux frĂšres GĂ©rard et Roger[11], eux aussi guides de Chamonix, et trois guides italiens[11], Paul DĂ©marchi « rĂ©ussit l'exploit » de descendre la face Nord de l'Aiguille du Midi en tirant dans son sillage un cĂąble de 1850 mĂštres de long, pesant prĂšs d'une tonne[32], sur lequel va reposer la totalitĂ© du second pendant sept dĂ©cennies. Il avait aussi, dĂšs les annĂ©es 1930, hissĂ© seul cuisiniĂšre de fonte de plus d'un quintal[33], de la gare d'altitude du Montenvers au chantier de construction du refuge du Couvercle[11].

Joachim Muckenbrunn

Le moniteur de ski, Joachim Muckenbrunn, dit "Henri", 53 ans et d'origine polonaise, naturalisĂ© Français depuis deux dĂ©cennies[2] est aussi appelĂ© "le beau Muck" dans la vallĂ©e de Chamonix[34]. Sept fois champion de ski dans sa jeunesse et deux fois champion de saut Ă  ski[34], il Ă©tait l'idole locale de la Montagne des Tatras, dans le massif des Tatras[34], Ă  la frontiĂšre de la Slovaquie et de la Pologne avant de s'installer Ă  Chamonix aprĂšs y avoir participĂ© aux Jeux olympiques d'hiver de 1924[34], leur premiĂšre Ă©dition de l'Histoire. À la fois romantique et sĂ©ducteur[34], bon danseur et moniteur de ski des personnalitĂ©s[34], puis architecte-dĂ©corateur[34], il tient un nĂ©goce de matĂ©riel de ski avant la Seconde Guerre mondiale[34], au cours de laquelle ses affaires sont emportĂ©es par une dĂ©nonciation Ă  la Milice qui l'oblige Ă  partir se cacher Ă  Annecy puis Ă  vendre son chalet aprĂšs-guerre[34].

Les énigmes non élucidées

Selon l'enquĂȘte de la guide-confĂ©renciĂšre Christine Moyon-Lasserre[10] Ă  partir de compilations et recoupements de presse, sur une affaire qui fait la "Une" de l'hebdomadaire DĂ©tective[35], mais aussi du quotidien L'Aurore, les trois victimes ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es habillĂ©es de vĂȘtements lĂ©gers, leurs vĂȘtements chauds Ă©tant restĂ©s dans leurs sacs, de mĂȘme que les gants du guide Paul Demarchi[11]. De plus, le corps de ce dernier n'a Ă©tĂ© retrouvĂ© qu'Ă  une centaine de mĂštres du tunnel de l'Aiguille du Midi[11], proche d'un lieu oĂč il aurait pu se rĂ©fugier et alerter les secours par la radio, et « trĂšs loin de la crevasse » oĂč sera retrouvĂ© le lendemain FrĂ©deric Ebel.

Les trois victimes ont tout d'abord passĂ© une premiĂšre nuit au petit "refuge-buvette du chapeau"[11], Ă  l'altitude de 1576 mĂštres, oĂč le gardien Luc Couttet a prĂȘtĂ© une paire de gants au guide[11]. Ils en partent le 5 avril Ă  7 heures du matin[35], et ils sont aperçus entre 14 heures 30 et 15 heures, au-dessus des sĂ©racs du glacier du GĂ©ant par un groupe qui redescend en raison des risques de tempĂȘte [3]. Ils n'ont donnĂ© plus aucune nouvelle 55 heures aprĂšs leur dĂ©part, ce qui dĂ©cide Camille Tournier, guide-chef Ă  lancer une caravane de trois secouristes comprenant GĂ©rard Demarchi, frĂšre de Paul, et Alfred Ravanel, avec l'autorisation de rouvrir exceptionnellement le tĂ©lĂ©phĂ©rique[11], qui part Ă  15 heures le samedi 8 avril[2], en vue de redescendre par le col du Midi.

Le corps du guide est rapidement retrouvé, entre l'aiguille du Midi et le Gros Rognon[11], à au moins 5 kilomÚtres de l'objectif des victimes, le col du Géant. Il n'est qu'à cent mÚtres du tunnel de l'aiguille du Midi, à cÎté de sa paire de skis plantée en croix[11], face contre la neige, avec des restes de biscuits vitaminés à son cÎté[2].

Beaucoup plus loin, mais encore proche de l'aiguille du Midi, au-delĂ  de la BĂ©diĂšre, cours d'eau supra-glaciaire issu de la fonte, au niveau du « Passage de la Vierge »[2], la seconde caravane de 14 secouristes partie le lendemain[2] retrouve les corps des deux autres victimes[11], distincts de seulement 25 mĂštres l'un de l'autre[2]. L'une des deux, FrĂ©dĂ©ric Ebel, est mort dans la crevasse oĂč ils s'abritaient, alors que Paul Demarchi, lui, fut retrouvĂ© « trĂšs loin de la crevasse ». Les trois victimes semblent ainsi ne pas avoir beaucoup progressĂ© depuis le lieu oĂč elles avaient Ă©tĂ© aperçues, et d'oĂč elles auraient pu aller s'abriter au refuge du Requin, Ă  moins qu'elles n'aient fait demi tour.

« C'est la premiĂšre fois qu'une information (judiciaire) est ouverte sur un drame de la montagne »[36], dĂ©clare le commissaire divisionnaire Guillaume, entourĂ© du commissaire principal Dubos, du commissaire Chacornac, du docteur Bouvet, mĂ©decin lĂ©giste de la Haute-Savoie et des inspecteurs Fresneau, Perraud et Piquepaille, de la police judiciaire de Lyon[36]. Mais les rĂ©sultats de l'autopsie, communiquĂ©s 9 jours aprĂšs le dĂ©part des trois hommes, Ă©voque les causes « normales, d'un accident de montagne »[36]. L'enquĂȘte se poursuit cependant, avec des auditions Ă  l'hĂŽtel Beaulieu, oĂč Demarchi, Ebel et Munckenbrunn s'Ă©taient donnĂ© rendez-vous. Les policiers interrogent Mme Canela, locataire du chalet de Munckenbrunn et enquĂȘtent sur les liens avec l'affaire de la camionnette Swissair, volĂ©e en fĂ©vrier Ă  l'aĂ©roport de GenĂšve-Cointrin avec 40 millions de francs d'or[37] quelques semaines aprĂšs un deuxiĂšme autre vol d'or important sur les mĂȘmes lieux, faisant suite Ă  un premier le 31 mai 1955 dans un train[38].

Les suspects

FrĂ©dĂ©ric Ebel avait passĂ© plusieurs jours Ă  Chamonix avant sa mort et rencontrĂ© un des personnages centraux de l'affaire, Jacques Franchi, « trafiquant notoire de cigarettes, dĂ©jĂ  impliquĂ© dans l'Affaire du Combinatie »[36] - [3], prĂ©sent selon l'enquĂȘte de police Ă  Chamonix du 4 au 9 avril 1956[36]. Par deux fois, il dissimule son identitĂ© pour se faire passer pour quelqu'un d'autre. Il se fait passer pour un journaliste parlementaire et passe des appels compromettants[3]. Mais il se prĂ©sente aussi au chef de centre de la fameuse Ă©cole-des guides de Chamonix[36], comme le sous-directeur de l'Olympia de Paris venus Ă  la Montagne pour des opĂ©rations de publicitĂ© commerciale, afin de se procurer des affiches touristiques pour installer dans le hall de l'Olympia[36], ce qui lui aurait permis de faire passer aux victimes une paquet de biscuits vitaminĂ©s que les enquĂȘteurs soupçonnent d'avoir Ă©tĂ© empoisonnĂ©[36].

La police, menĂ©e par le commissaire Peyre, s'intĂ©resse aussi Ă  deux autres suspects, Letel et Grundelberg, qui ont sĂ©journĂ© Ă  Chamonix en mĂȘme temps que Franchi[36]. Jacques Franchi a de son cĂŽtĂ© affirmĂ© tout ignorer des biscuits vitaminĂ©s Ă  l'origine de "la thĂšse de l'empoisonnement", infirmĂ©e finalement par l'autoposie[39] mais reconnu avoir Ă©tĂ© un ami de FrĂ©dĂ©ric Ebel[3]. La police a aussi interrogĂ© un ami de FrĂ©dĂ©ric Ebel, Jean-RenĂ© Canela, qui Ă©tait Ă  Chamonix au mĂȘme moment[36].

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Christine Boymond Lassere, « La terrible affaire de la vallĂ©e blanche » sur Histoire et patrimoine de la vallĂ©e de ChamonixLasserre[11].
  • « L'enquĂȘte sur l'affaire de la vallĂ©e blanche continue » dans Le Monde du 17 avril 1956[37].
  • Jean-RenĂ© Canela, Le rendez-vous de la VallĂ©e Blanche, Nouvelles Éditions latines, 1958 [4].

Notes et références

  1. Article le 24 avril 1956 dans Le Monde
  2. "Le guide Demarchi et le moniteur Muckenbrunn meurent de froid avec leur client - un escroc -qui voulait passer clandestinement en Italie", le 10 avril 1956 dans Le Monde
  3. "La SĂ»retĂ© nationale enquĂȘte sur la mort du trafiquant Ebel et de ses deux guides", dans Le Monde du 13 avril 1956
  4. "Le rendez-vous de la Vallée Blanche" par Jean-René Canela, en 1958 aux Nouvelles Editions latines
  5. Aymeric Guittet, « Il y a 61 ans, l'Affaire Vincendon - Henry », Montagnes Magazine,‎ (lire en ligne)
  6. Rosalie Lucas, « Alpinisme : en 1956, Vincendon et Henry n'ont pas eu la chance d'Elisabeth Revol », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  7. "Six janvier 1956 – Vincendon et Henry - le journal L'HumanitĂ© fustige l'inconscience des deux jeunes gens", synthĂšse et Ă©clairages par l'association Ă  but non lucratif "Pilote de montagne"
  8. « Le piÚge blanc », sur association hélicoptÚres air (consulté le )
  9. Nicole Triouleyre, « Secours en montagne : les hĂ©ros de la neige », Le Figaro Magazine,‎ , p. 30 (lire en ligne).
  10. Histoire et patrimoine de la vallée de Chamonix présentation de Christine Boymond Lasserre guide conférenciÚre à Chamonix
  11. "Avril 1956, la terrible affaire de la vallée blanche" sur Histoire et patrimoine de la vallée de Chamonix par Christine Boymond Lasserre guide conférenciÚre à Chamonix
  12. "Annapurna a «fait» Maurice Herzog et oublié Louis Lachenal", par Charlie Buffet, dans Libération le 24 mai 2000
  13. "Aiguille du Midi, voyage au-dessus des neiges Ă©ternelles"
  14. "TPH V Monte Bianco 2 (Pavillon du Mont-Fréty - Col du Géant)", sur Remontees-mecaniques.net média internet francophone abordant la thématique des technologies du transport par cùble, administré par Rodo Af.
  15. Selon Philippe Gaussot, cofondateur et journaliste photographe au Dauphiné libéré, dont il a dirigé l'agence locale de Chamonix
  16. "Frédéric Ebel était recherché depuis le 27 mars pour trafic de devises", le 11 avril 1956 dans Le Monde
  17. "Des trafiquants internationaux ont en moins d'un an introduit deux tonnes d'or en France", dans Le Monde du 5 novembre 1949
  18. "Deux des chefs d'une bande internationale de trafiquants d'or sont arrĂȘtĂ©s Ă  Paris", article dans Le Monde du 27 octobre 1949
  19. "Le turc Nessim Lévy condamné à payer A 300 000 francs d'amende pour une fraude sur les changes" dans Le Monde 25 avril 1956
  20. "Prisonniers de la Montagne", par Olivier Merlin le 18 avril 1956 dans Le Monde
  21. "Refuge du Plan de l’Aiguille, lieu privilĂ©giĂ© loin du bruit, si prĂšs de Chamonix"
  22. "Tant de vies en jeu pour deux imprudents ?" par Floréal Dablanc, correspondant particulier de L'Humanité à Chamonix, le dimanche 6 janvier 1957, cité par l'Association des pilotes de Montagne
  23. Le récit de la traversée des aiguilles du Diable de 1938, synthÚse des deux livres, par l'un des auteurs'
  24. "Une tragique aventure au Mont-Blanc", par Marcel Gallay, Edition Coopérative d'imprimerie, 1940
  25. "À l'assaut des 4000", par Raymond Lambert aux Editions de la frĂ©gate, 1946
  26. "La tragédie des aiguilles du diable Auteur", par Marcel Gallay, en 1952 aux Editions Franck Luthi
  27. "Une tragique aventure au Mont-Blanc", sous-titré "Etude médicale sur les congélations", par Marcel Gallay aux Editions Eigenverlag 1940
  28. "L’enfer aux aiguilles du diable. ArrĂȘt sur histoire" par le Club alpin suisse
  29. Livret souvenir du refuge du Plan de l'Aiguille
  30. Louis Lachenal, Carnets du vertige (notes mises en forme par GĂ©rard Herzog), Éditions GuĂ©rin, (1re Ă©d. 1956)
  31. "Les 150 ans du refuge du Plan de l'Aiguille", sur Histoire et patrimoine de la vallée de Chamonix par Christine Boymond Lasserre guide conférenciÚre à Chamonix
  32. "C'était il y a 60 ans en Haute-Savoie" par Yves Barde le 29 juillet 2010 dans le Dauphiné Libéré
  33. "L'Aiguille du Midi et l'invention du téléphérique", par Pierre-Louis Roy, aux Editions Glénat en 2004
  34. "Le beau Muck", sur Histoire et patrimoine de la vallée de Chamonix par Christine Boymond Lasserre guide conférenciÚre à Chamonix
  35. "La cabane du chapeau: la mer de Glace, versant soleil" par Joëlle Dartiguepeyrou, en 2007
  36. "L'autopsie des trois victimes de la Vallée-Blanche aura lieu samedi" le 14 avril 1956 dans Le Monde
  37. "L'enquĂȘte sur l'affaire de la vallĂ©e blanche continue" dans Le Monde du 17 avril 1956
  38. 250 KILOS D'OR DISPARAISSENT A GENÈVE Le Monde du 21 janvier 1956
  39. "Une premiĂšre autopsie des trois victimes Ă©carte la thĂšse de l'empoisonnement" dans Le Monde le 16 avril 1956


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