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Affaire de Xanten

L'Affaire de Xanten de 1891-1892 est une accusation de crime rituel contre les Juifs qui s'est déroulée à Xanten, petite ville du royaume de Prusse (dans la province de Rhénanie), située sur le Rhin. Pour de nombreux commentateurs de l'époque, elle est connue sous le nom de "ProcÚs Buschoff" et est considérée comme l'accusation ayant eu la plus importante exploitation politique dans l'Empire allemand.

Comme pour les accusations de crime rituel de Skurz en 1884-1885 et ultĂ©rieurement de Konitz en 1900-1904, les hommes politiques antisĂ©mites se sont servis de cette accusation de meurtre pour rĂ©accrĂ©diter la lĂ©gende du meurtre rituel qui s'Ă©tait un peu estompĂ©e depuis la fin du Moyen Âge, et pour dĂ©noncer le pouvoir excessif Ă  leurs yeux des Juifs. Cette agitation et dĂ©magogie nationaliste et antisĂ©mite Ă©taient combattues par des hommes politiques libĂ©raux qui par leurs Ă©crits essayaient de dĂ©montrer que ce type d'accusation Ă©tait infondĂ© et reposait sur des superstitions tombĂ©es depuis longtemps en dĂ©suĂ©tude.

Historique

Le soir du , le cadavre de Johann Hegmann, un garçonnet de 5 ans est dĂ©couvert Ă  Xanten dans la grange du restaurateur KĂŒppers. Sa gorge a Ă©tĂ© tailladĂ©e avec un couteau.

L'autopsie du cadavre effectuĂ©e par le mĂ©decin chef administratif, le Dr. Bauer et par son adjoint, le Dr. NĂŒnnighoff, montre que trĂšs peu de sang se trouve dans les organes internes du jeune garçon. Au dĂ©but, la question de savoir si le lieu oĂč le corps a Ă©tĂ© dĂ©couvert est aussi l'endroit oĂč le meurtre s'est dĂ©roulĂ©, n'a pas pu ĂȘtre Ă©claircie. Le mĂ©decin Dr. Steiner qui avait d'abord analysĂ© le cadavre dans la grange, suppose que le garçon ne pouvait pas avoir Ă©tĂ© tuĂ© sur place. La quantitĂ© de sang qu'il avait observĂ© sur le lieu de dĂ©couverte du cadavre, ne correspond selon son opinion, qu'Ă  une hĂ©morragie post-mortem.

La majorité de la population de Xanten, ainsi que la police ont dÚs lors la certitude que le crime s'est déroulé en dehors de la grange. En outre, compte tenu de la plaie au cou, les habitants ont la conviction que seul un boucher entraßné ou un sho'het (abatteur rituel juif), pouvait avoir commis ce meurtre. Le rapport de l'autopsie mentionne en effet que l'entaille à la gorge du garçon a été faite de maniÚre professionnelle.

ImmĂ©diatement, en raison de l'endroit oĂč le cadavre a Ă©tĂ© dĂ©couvert, et de la façon dont le crime a Ă©tĂ© commis, de nombreux citoyens de Xanten pensent qu'ils ont affaire Ă  un crime rituel juif et se mettent aussitĂŽt Ă  soupçonner l'ancien sho'het de Xanten, le Juif Adolf Buschhoff. De nombreux tĂ©moins se prĂ©sentent alors spontanĂ©ment Ă  la police pour accuser sĂ©vĂšrement Buschhoff. Hermann Mölders dĂ©clare mĂȘme dans son tĂ©moignage, comment il a vu la victime ĂȘtre entraĂźnĂ©e le jour du meurtre dans la maison de Buschhoff. D'autres tĂ©moins dĂ©clarent avoir vu la femme de Buschhoff porter un gros sac dans la grange, qui devait contenir le cadavre de Johann Hegmann.

La population demande au ministĂšre public d'arrĂȘter Buschhoff. Le parquet refuse, argumentant qu'il n'existe aucun soupçon l'obligeant Ă  agir dans l'urgence. Tandis que la police poursuit son instruction, dĂ©bordĂ©e par l'accumulation des tĂ©moignages Ă  charge, des agressions sont commises Ă  Xanten contre la famille du sho'het et contre la population juive de la ville. Les troubles culminent le par le pillage et la dĂ©molition de la maison de Buschhoff. Par peur et aussi pour arrĂȘter ces excĂšs, Buschhoff demande lui-mĂȘme Ă  ĂȘtre arrĂȘtĂ©. Le parquet refuse de nouveau.

La communautĂ© juive en appelle Ă  l'État prussien afin qu'il envoie un commissaire expĂ©rimentĂ© pour Ă©claircir l'affaire. Le commissaire aux affaires criminelles Wolff est alors envoyĂ© de Berlin, mais la communautĂ© juive est obligĂ©e de prendre tous ses frais Ă  sa charge. Ses investigations le conduisent Ă  arrĂȘter Adolf Buschhoff en raison de tous les tĂ©moignages. Ainsi ce dernier est arrĂȘtĂ© le .

Deux mois plus tard, le juge d'instruction Brixius du tribunal de grande instance, libĂšre Adolf Buschhoff, le pour manque de preuves. AprĂšs examen de tous les tĂ©moignages, il en est venu Ă  la conclusion qu'une accusation ne peut pas ĂȘtre retenue. Afin d'Ă©viter de nouveaux troubles, Buschhoff dĂ©cide, aprĂšs sa libĂ©ration de ne pas rentrer Ă  Xanten, mais de rester chez des parents Ă  Cologne.

Au début de l'année suivante, le médecin chef, le Dr. Bauer effectue une nouvelle expertise et certifie qu'un des couteaux saisis chez Adolf Buschhoff est bien l'arme du crime. En plus, quand début février 1892, la nouvelle se propage que le défenseur de Buschhoff est aussi le gendre du juge Brixius, qui a remis Buschhoff en liberté, la question se repose de nouveau de savoir si Adolf Buschhoff est coupable. Le conseil du tribunal de grande instance décide alors de remplacer Brixius par son adjoint Birk qui ordonne de procéder à une nouvelle arrestation de la famille Buschhoff.

Du 4 juillet au , le tribunal de grande instance de ClÚves débat de l'accusation de meurtre. Puis est discutée la question particuliÚre du meurtre rituel. Plus de 160 témoins sont entendus. Le procÚs se termine par l'acquittement d'Adolf Buschhoff, celui-ci ayant pu prouver un alibi solide pour le jour de meurtre. Le premier procureur s'exprima ainsi:

« Jamais, il ne m'est arrivĂ©, tout au long de ma carriĂšre de plusieurs annĂ©es de juriste, un cas oĂč les preuves montrant que l'accusĂ© ne pouvait pas avoir commis le crime Ă©taient si claires et si cohĂ©rentes. »

Pourtant, l'existence d'Adolf Buschoff Ă  Xanten Ă©tait devenue insoutenable. Il dĂ©mĂ©nage avec sa famille prĂšs de Neuss, oĂč il meurt en 1912.

Débats à la chambre des députés prussienne

Quand Ă  la suite de nombreuses pressions politiques et des articles virulents de la presse de droite, le ministre de la justice prussien Hermann von Schelling demande le 8 fĂ©vrier 1892 que Buschhoff soit de nouveau arrĂȘtĂ©, bien qu'aucun soupçon sĂ©rieux ne pĂšse sur lui, il pense surtout Ă  dĂ©samorcer les attaques d'avoir favorisĂ© le suspect et qui ne manqueront pas de se produire lors des dĂ©bats du lendemain.

Du au la chambre des députés prussienne discute, de façon contradictoire, de l'accusation de meurtre rituel de Xanten.

Dans un climat "surchauffé", les antisémites utilisent le débat sur le budget judiciaire et sur l'ouverture de la carriÚre judiciaire aux Juifs pour évoquer le cas du meurtre de Xanten. Lors des débats, deux camps s'affrontent : d'une part les libéraux de gauche d'Heinrich Rickert, ainsi que le gouvernement, représenté par le ministre de la justice Hermann von Schelling, et les nationaux-libéraux avec leur porte-parole Paul von Krauset. De l'autre, principalement les partis conservateurs groupés autour d'Adolf Stoecker et du baron von Wackerbarth, ainsi que certains députés du parti du centre.

Seule une petite fraction des libéraux de gauche condamne énergiquement la propagande de meurtre rituel des antisémites et renvoie ces accusations à la folie de la superstition. Les nationaux-libéraux et le gouvernement ne font que souligner le travail correct et efficace des services publics et des autorités judiciaires prussiennes dans la recherche de la vérité.

À l'opposĂ©, les conservateurs non seulement propagent la lĂ©gende du meurtre rituel, mais utilisent le dĂ©bat pour discrĂ©diter la justice prussienne. Dans leurs discours, ils reprochent aux services publics d'ĂȘtre influencĂ©s par les intĂ©rĂȘts juifs.

Au cours de l'enquĂȘte sur le "meurtre Hegmann", nom sous lequel se dĂ©roule l'enquĂȘte, le principe central du droit de l'Ă©poque, que l'accusĂ© ne peut ĂȘtre envoyĂ© devant la cour qu'en cas de preuves suffisantes, est bafouĂ© par le ministĂšre de la justice sous la pression des Ă©vĂ©nements. L'action des partis "antisĂ©mites", relayĂ©e par la presse Ă  gros tirages, a contribuĂ© de façon dĂ©cisive Ă  cet abus de droit.

Le traitement par la presse et les médias de l'accusation de meurtre rituel de Xanten

L'accusation de "meurtre rituel" de Xanten, est l'un des principaux sujets de conversation dans l'empire allemand au cours des annĂ©es 1891/92. Le journal du parti conservateur "Das Volk" dont l'Ă©diteur est Adolf Stoecker, informe en dĂ©tail du dĂ©veloppement de l'affaire. Avec le journal chrĂ©tien-conservateur "Kreuzzeitung", le journal antisĂ©mite "Neue Deutsche Zeitung" et le journal chrĂ©tien-centriste "Germania", ils accusent Adolph Buschhoff de crime rituel, et dĂ©noncent la nĂ©gligence Ă  leurs yeux des autoritĂ©s judiciaires et la puissance des Juifs. À la diffĂ©rence des journaux libĂ©raux ou socialistes qui informent avec rĂ©serve, ces journaux antisĂ©mites attisent parmi une large couche de la population, la peur de la puissance excessive des Juifs.

L'agitation antisĂ©mite ne se limite pas seulement aux reportages dĂ©magogiques dans les journaux. En plus, apparaissent des libelles en gros caractĂšres rĂ©pandant la propagande de la droite. L'un des pamphlets les plus virulents est celui publiĂ© par Theodor Oberwinter "les enquĂȘtes sur le meurtre du garçon de Xanten, par un spĂ©cialiste". Ce document apparaĂźt en , alors que se dĂ©roule l'enquĂȘte normale sur le meurtre. Il accuse le suspect Adolph Buschhoff du meurtre rituel de Johann Hegman. Devant l'inefficacitĂ© des enquĂȘteurs, il demande que Buschhoff soit livrĂ© dĂšs maintenant Ă  une "justice de peuple", donc Ă  une cour d'assises. Le procureur Baumgard et le juge d'instruction Brixius portent plainte pour calomnie contre l'Ă©diteur Theodor Oberwinter, mais devront rembourser celui-ci quand Buschhoff sera renvoyĂ© devant la cour d'assises en . Cette dĂ©cision de renvoi est ce qu'attendait la presse antisĂ©mite, et prouve que l'accusation de "meurtre rituel" est aussi utilisĂ©e dans un but d'agitation politique.

Comparativement, les rĂ©futations et les Ă©claircissements prĂ©sentĂ©s par les journaux de gauche n'atteignent qu'une faible audience publique. La propagande antisĂ©mite est Ă  l'opposĂ© relayĂ©e par une presse Ă  grand tirage et impose la "lĂ©gende du meurtre rituel", en se basant mĂȘme sur des Ă©lĂ©ments contraires Ă  la rĂ©alitĂ© et sur des arguments pseudo-scientifiques.

Voir aussi

Sources et littérature

  • (de): Sur Wikisource-de: Paul Nathan: Xanten-Cleve. Betrachtungen zum Prozeß Buschhof. Berlin 1892 Compte-rendu du procĂšs Buschhof.
  • (de): Johannes T. Groß: Ritualmordbeschuldigungen gegen Juden im Deutschen Kaiserreich (1871–1914). Metropol, Berlin 2002. (ISBN 978-3-932482-84-7)
  • (de): Julius H. Schoeps: Ritualmordbeschuldigung und Blutaberglaube. Die AffĂ€re Buschoff im niederrheinischen Xanten. Erschienen in: Jutta Bohnke-Kollwitz (Hrsg.): Köln und das rheinische Judentum. Festschrift Germania Judaica 1959–1984, S. 286-299. Bachem, Köln 1984. (ISBN 978-3-7616-0719-0)
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